Oser l'école d'ingénieurs
Une flambée dont il faut profiter
Magazine Challenges | 14.06.2007 | Réagir à cet article

Ingénieur ? Un métier en or massif, et pour longtemps. Mais d'un établissement à l'autre, carrières et possibilités d'accès ne sont pas les mêmes.

Ce sont deux courbes qui donnent des sueurs froides aux DRH et aux chefs d'entreprise. L'une est en depuis plus 'une cennie : celle du nombre d'étudiants en sciences, l'autre s'envole vers des sommets vertigineux, c'est celle des recrutements d'ingénieurs et de scientifi ques. Résultat, une pénurie sans précédent de débutants, et un marché de l'emploi qui, lui, n'en fi nit pas de se tendre. Voilà de quoi réjouir celles et ceux qui s'apprêtent à entamer des études d'ingénieurs. D'autant que, une bonne nouvelle ne venant jamais seule, cette pénurie de matheux se manifeste également à l'entrée des écoles. Et pour y parer, celles-ci ouvrent grandes leurs portes aux profils les plus variés. Témoin, le parcours d'Alexandre Druet, promo 2006 de l'ENST Bretagne avec... un bac littéraire ! Après s'être faufilé en DUT, Alexandre a gagné sa place dans la filière en apprentissage de l'établissement. Un parcours certes exceptionnel, mais dans l'air du temps. Jamais le métier n'a été aussi accessible.


Une hiérarchie préservée
Néanmoins, ce tableau rose mérite quelques nuances. Tout le monde n'en profite pas avec la même intensité : aux diplômés des Top-10 la crème des carrières internationales ; aux autres des missions plus modestes et des recruteurs plus regardants. Si la carrière d'ingénieur vaut plus que jamais de l'or, la hiérarchie entre les écoles demeure très forte, avec des écarts de salaires allant parfois du simple au double.
Les DRH des grands groupes le savent bien, qui consacrent les plus grands soins à établir leurs propres classements. Des rankings confidentiels qui font loi au moment d'établir un profil de poste et une proposition de salaire, mais qui ne quittent jamais leurs tiroirs. Au grand dam des étudiants et des directeurs d'école. « Offi ciellement, ces grilles n'existent pas, explique Jean-Jacques Maillard, directeur général de Supméca. Quand vous interrogez un DRH, il vous répond que c'est un fantasme. Elles sont quasiment impossibles à obtenir. S'il m'est arrivé d'en voir, je n'ai jamais pu faire de photocopie ! »

Des recruteurs à l'affût
Notre palmarès, dont voici la seconde édition, se veut au plus près de ce verdict du marché. Pour l'établir, nous avons étalonné les écoles sur des critères tangibles : salaire de sortie, rapidité de placement, liens avec les entreprises, mais aussi proportion des élèves issus de prépas. Particulièrement courtisés, leurs arbitrages représentent un bon indicateur de la cote des écoles. Prestige, dynamisme, efficacité du réseau, les plus futés des taupins ( étudiants en prépas scientifiques ) mènent une enquête sans pitié. Ainsi, Gilles Wallet, reçu aux Mines et à Centrale, a opté pour cette dernière. « Parce que son réseau d'anciens est plus puissant. Le réseau fonctionne comme une espèce d'assurance le jour où l'on veut changer de travail, de secteur. C'est rassurant. »
Quoi qu'il en soit, la totalité des 30 000 jeunes diplômés chaque année s'évapore en un clin d'oeil sur un marché où les salaires n'en fi nissent pas de flamber. Ainsi, Polytechnique, une nouvelle fois lauréate de notre classement, affi che un salaire moyen de sortie de 40 300 euros annuels ( hors primes ), soit 1 300 euros de mieux que l'an passé. Quant à l'Esme-Sudria, en tête des écoles post-bac, elle affiche une progression annuelle d'un peu plus de 2 000 euros. Isabelle Koehl, responsable des relations avec les entreprises à l'Esme-Sudria, dispose d'un bon thermomètre : « J'ai voulu organiser une opération de recrutement fin septembre, mais j'ai dû y renoncer, car je n'avais plus un seul élève ! »
La chasse aux candidats prend parfois des allures de harcèlement, comme le raconte Laurent-Philippe Gros, sorti de l'Efrei en 2006 :
« Après avoir mis mon CV en ligne, j'ai reçu des appels toutes les cinq minutes. Et ce n'est pas une image ! En deux semaines, j'ai enchaîné une vingtaine d'entretiens . Cela m'a permis de bien négocier mon salaire. » Et de dicter sa loi : « Je posais un ultimatum : si le DRH ne m'avait pas dit oui quelques jours après notre rencontre, je partais voir ailleurs. »
Cette embellie profite à tous, puisque même les lanternes rouges de l'insertion voient leurs salaires sensiblement tirés vers le haut. Quant à ceux qui sortent des meilleurs établissements, « le délai d'insertion est un temps de réflexion , et non pas un temps de recherche, assure Pascal Brouaye, directeur de l'ECE.
Ils ont tous des dizaines d'offres avant d'être diplômés . »

Une frénésie planétaire
Cette pénurie de scientifi ques fait rage sur toute la planète. Ainsi, les grands patrons britanniques ont tiré la sonnette d'alarme : « Si le système éducatif britannique ne parvient pas à doubler en cinq
ans le nombre de ses diplômés en sciences, nos entreprises seront contraintes de délocaliser »,
s'inquiétait, il y a peu, John Cridland, directeur général de la Confédération britannique des industries. De son côté, la Fédération allemande de la construction mécanique chiffre déjà à plusieurs milliards d'euros chaque année le coût de cette pénurie. Du coup, l'industrie automobile germanique vient piocher directement à la sortie des écoles françaises, flambée salariale à la clé : « Ils n'hésitent pas à proposer à nos diplômés des rémunérations supérieures de 30 % à celles du marché français », assure Jean-Jacques Maillard, directeur général de Supméca.
A l'heure où la compétition mondiale s'aiguise, et se joue à coups d'innovations technologiques, notre titre d'ingénieur vaut plus que jamais de l'or. Son sérieux fait d'ailleurs des émules à travers le monde. Ainsi, après les Ecoles polytechniques de Zurich et de Lausanne, des écoles bulgares et vietnamiennes ont demandé et reçu l'imprimatur de la Commission du titre d'ingénieur ; la Chine souhaite les imiter.

Une expatriation primordiale
Les chances de mener une carrière à l'international varient beaucoup d'une école à l'autre. Un point à étudier de très près, car l'expatriation se révèle de plus en plus comme un accélérateur de carrière et de rémunération. Le bonus pour les diplômés débutant à l'étranger est en effet substantiel : presque 20 000 euros annuels à l'Ecole des mines, et presque autant à Supaéro ou à Supélec. Et, côté carrière, « c'est un critère important , assure Markus Pfl anz, directeur du recrutement Europe du Sud chez Hewlett-Packard . Un débutant qui s'est expatrié a manifesté autonomie et prise de risque, ce qui le distingue d'une personne de même niveau ». Certaines destinations font aujourd'hui fi gure de véritables eldorados. « Sur des places bancaires comme New York, Londres et Tokyo, les salaires moyens se situent aux alentours de 75 000 euros », constate Philippe Alquier, directeur de cabinet à Polytechnique, qui place près du quart de ses promotions à l'étranger.
Mais attention, le secteur joue autant que la destination. « Dans la fi - nance, les salaires varient autour de 52 000 euros brut annuels, contre 39 000 euros en moyenne, explique Olivier Friedel, directeur des études de Supélec. Dans le trading, certains approchent les 150 000 euros annuels. » Et pour booster ses recrutements dans les services fi nanciers, la banque et l'assurance, cette école a mis en place des partenariats intéressants : master assurance et gestion des risques avec Dauphine, double diplôme avec l'ESCP-EAP, prestigieuse école de commerce.

La prime à l'innovation
Les recruteurs sont plus que jamais à l'affût des évolutions : « Les classements sont un outil de veille, ils nous permettent de repérer des établissements dynamiques », note Pascal Brier, directeur général adjoint d'Altran, qui recherche plusieurs milliers d'ingénieurs débutants chaque année. Des politiques de stages agressives ou des mariages intelligents permettent de creuser l'écart. Ainsi, outsider inattendu, l'Eisti de Cergy se hisse au seizième rang de notre classement grâce à sa stratégie accrocheuse. Ses élèves peuvent préparer le prisé master d'actuariat de Dauphine, qui forme des spécialistes chassés à prix d'or par les compagnies d'assurances. Autre atout, l'implication de personnalités au sein de son conseil d'administration, où siègent le président de Microsoft France ou l'ex-président de Nec Europe. « Ils nous ouvrent leur réseau , explique Nesim Fintz, directeur général de l'Eisti. Pour se distinguer, il faut être bien plus dynamique que les autres. »
Quelques écoles bien inspirées, comme l'ESPCI qui compte 50 % de docteurs ès sciences parmi ses diplômés, sont en train de prendre une longueur d'avance en misant sur le filon de demain : une formation à la recherche. En effet, le doctorat, encore peu prisé par les entreprises françaises, est the diplôme de référence dans le monde anglosaxon. Et, mondialisation oblige, il peut permettre aujourd'hui de faire la différence : « A nos yeux, la thèse constitue une vraie valeur ajoutée , car les sujets deviennent de plus en plus techniques, et l'innovation est primordiale », souligne Didier Roux, directeur de la R & D à Saint-Gobain. Dans certaines entreprises, c'est même une plus-value directement monnayable : « Selon l'école d'appartenance , le gain de salaire peut être de 7 à 15 %. Et la détention d'un doctorat favorise l'évolution de la carrière . A travers la thèse , mener un projet de coopération laboratoire-industrie constitue, audelà de l'expertise technique, une belle expérience de management »,
précise Laurence Nirma, aux ressources humaines de STMicroelectronics.

Meilleure école après prépa : Polytechnique
Séverine Payot, diplômée en 2005, responsable procédé d'une usine à Lafarge

Pourquoi avoir choisi Polytechnique ? La réponse fuse : « Parce que c'est un très grand honneur ! » Un honneur que Séverine Payot avoue cependant avoir gagné au prix d'une préparation intensive : « En classe prépa, je travaillais beaucoup, je m'étais préparée psychologiquement et physiquement pour ça. »
Ce qui ne l'a pas empêchée de s'y reprendre à deux fois : « J'ai fait trois années de classes préparatoires, autrement dit j'ai redoublé pour obtenir une école de haut niveau. »
Mission accomplie donc. Et résultat au-delà de ses espérances. « Lorsque j'y suis arrivée, le cursus venait d'être réformé, notamment pour une plus grande professionnalisation des études, avec beaucoup de stages, y compris dans des fonctions non scientifiques, au minimum un chaque année. » Elle a ainsi consacré l'essentiel de sa première année à faire du soutien scolaire dans une Zep. « J'ai également beaucoup participé à notre bureau des élèves, notamment dans l'aspect relation avec les entreprises. C'est ce qui m'a décidée à opter pour les Mines en école d'application : je voulais aller vers du concret. »
Soucieuse de se frotter très vite au terrain, et ne voulant surtout pas rester enfermée dans un bureau, Séverine a postulé dans la production, engagée comme ingénieur procédé par Lafarge : « Et cela me passionne. J'ai rapidement évolué vers le poste de responsable procédé. Cela m'amène à rencontrer toutes les équipes, à innover pour trouver des moyens d'améliorer la production. Il faut savoir écouter et faire preuve d'imagination, parler avec tout le monde, instaurer une relation de confiance, c'est à la fois très technique et très riche sur le plan humain. "


Meilleure école post-bac : Esme-Sudria
Ahmed Hashem, diplômé en 2006, ingénieur technico-commercial à Converteam.

"Une école qui a cent ans d'ancienneté, j'ai trouvé cela rassurant, explique Ahmed Hashem, jeune diplômé de l'Esme-Sudria.
Les relations avec l'industrie et le réseau des anciens ont été déterminants dans mon choix. » Pour peaufiner son profil, Ahmed a misé sur une double spécialisation en génie électrique et en responsable d'affaires : « En étant ingénieur commercial, j'espère progresser plus rapidement. »
Une stratégie payante : deux mois avant la fin de ses études, il a été embauché comme ingénieur technicocommercial à Converteam. Et plusieurs entreprises étaient sur les rangs : « Un point fort dans la négociation salariale. J'ai ainsi pu imposer mon chiffre. » Verdict : 38 000 euros brut annuels, et un job à faire saliver de nombreux globe-trotteurs :
« Je développe les marchés de notre filiale en Asie du Sud-Est. Je suis déjà parti en Chine, et les perspectives de voyages dans la région et en Europe sont nombreuses ! "

par Véronique Radier  &  Fanny Weiersmüller



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