I La nouvelle vague

La formule Nouvelle Vague est de Françoise Giroud, mais elle lui sert dans l'Express du 3 octobre 1957 à qualifier les jeunes en général. Rien ne s'annonce d'ailleurs encore au cinéma et ce n'est qu'en 1959 que Pierre Billard reprend avec d'autres chroniqueurs la formule pour désigner les cinéastes issus des Cahiers du Cinéma réalisant alors leurs premiers longs métrages.

Ils remarquent la création d'oeuvres fortes prenant le contre-pied des habitudes garantes d'un succès respectueux des traditions. Certes en 1947 Jean-Pierre Melville avec Le silence de la mer, et en 1956 Agnès Varda avec La pointe courte, avaient auparavant tourné de manière artisanale ignorant superbement les règles du Centre National de la Cinématographie (autorisation de tournage, cartes professionnelles...) mais seuls quatre autres cinéastes pouvaient aussi être estampillés cinéma d'auteur : Roger Leenhardt : Les dernières vacances, 1947, Alexandre Astruc Les mauvaises rencontres, 1955, Roger Vadim Et Dieu créa la femme, 1957 et Louis Malle Ascenseur pour l'échafaud, 1957. Il n' y avait pas là de quoi faire mouvement comme pouvait le faire La nouvelle vague anglaise.

En 1959, la nouvelle vague se distingue donc d'abord par une vitalité qui semble pouvoir complétement renouveller le cinéma français et ce d'autant plus que la cinéphilie a constitué la base de son apprentissage. Historiquement, elle regroupe tous les jeunes cinéastes qui font leur premier long métrage en 1958-1960.

Chabrol tourne en dehors de toute réglementation en décembre 1957-janvier 1958 Le beau Serge grâce à un héritage de son épouse et il obtient une prime à la qualité du CNC de 25 millions de francs qui rembourse quasiment le film avant sa distribution commerciale ! Il recommence aussitôt avec Les cousins et aide même Eric Rohmer et Jacques Rivette à entreprendre Le signe du Lion et Paris nous appartient. C'est alors que les producteurs alléchés par l'arithmétique simpliste de budgets très faibles (quarante à cinquante millions de francs) assortis de promesses de doubles bénéfices (dans les salles ou par la prime à la qualité) se lancent au secours de la victoire en fournissant à des jeunes les moyens limités nécessaires à tourner leur premier film, soit qu'ils aient derrière eux une sécurisante carrière de court-métragistes (Franju, Resnais, Demy, Varda, Rouch), soit qu'ils présentent le même profil que Chabrol et Truffaut (Les jeunes Turcs des Cahiers, : Godard, Rohmer, Rivette) qui viennent de réussir.

On a voulu, à l'époque, distinguer deux tendances : l'une venant de la critique et l'autre du court métrage, c'est à dire l'une de la théorie et l'autre de la pratique. Aussi l'œuvre de Resnais (court métragiste comme Demy et Varda ou Franju) est-elle beaucoup plus formaliste que celle d'un Truffaut. On a voulu aussi opposer les "jeunes turcs" des Cahiers du cinéma au groupe "Rive gauche" pour accuser des clivages politiques, mais les distinctions ne tiennent pas quand on les considère avec le recul du temps: Godard était le plus iconoclaste et actuellement le plus formaliste ; Agnès Varda n'est pas plus engagée que Eric Rohmer et Jean-Luc Godard est aussi contestataire qu'Alain Resnais. Tous les cinéastes de la nouvelle vague vont tourner dans la rue comme Rossellini en pensant à Hitchcock et à Hawks : les références sont du côté Hollywoodien, mais la manière est néoréaliste... à moins que l'on évoque inversement le savoir-faire américain et la morale rossellinienne, tellement ce double parrainage est magistralement transcendé, l'ouverture réaliste au monde étant aussi un humanisme.

Anciens critiques : Claude Chabrol (Les cousins, 1959), François Truffaut (Les quatre cents coups, 1959), Jean-Luc Godard (Le mépris, 1963), Jacques Rivette (L'amour fou 1967), Eric Rohmer (La collectionneuse 1967).

Courts- métragistes : Alain Resnais (L'année dernière à Marienbad, 1961), Jacques Demy (Lola, 1960), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7, 1961), Georges Franju (Les yeux sans visage), Jean Rouch (Moi, un noir, 1957)

Les producteurs sont d'abord payés de leur audace : Les quatre cents coups font 450 000 entrés, Les cousins 416 000 et A bout de souffle 380 000. Beaucoup d'autres, entre 200 000 et 300 000 entrés, se révèlent aussi de bonnes affaires. La réussite commerciale dure trois ans et se double d'un beau succès critique.

Pourtant, d'entrée, certains échecs sont notables (Le bel âge de Pierre Kast et La pyramide humaine de Jean Rouch en 1959 ; Lola de Jacques Demy en 1960), et dès que la courbe des entrées cesse de monter, la rumeur commence à rappeler les fameux films réputés insortables (La ligne de mire de Pollet). La morosité des producteurs se change bientôt en panique quand les champions du box-office nouvelle vague connaissent à leur tour des insuccès cuisants en abordant des sujets graves fort éloignés de l'image pimpante jeune et sexy avec laquelle les publicitaires avaient vendu leurs premiers films. La peau douce de Truffaut,"Les godelureaux" de Chabrol, Les carabiniers de Godard et Muriel de Resnais réalisent des contre-performances alarmantes. En 1964-1965 la profession déchaînée par leur triomphe va pouvoir tuer le mouvement. Rivette et Rohmer ne peuvent se produire de longtemps, Chabrol accepte les pires compromissions commerciales, Godard et Truffaut ont des budgets de plus en plus serrés. Les anciens ne reviennent pourtant pas au premier plan alors que René Clément n'avait que 45 ans l'année des Quatre cent coups. Coincé entre le milantantisme et la pronographie des années 70, l'académisme renaitra dans les années 80 sous la forme moderne du grand sujet pour classes moyennes.

L'aventure économique de la Nouvelle Vague a duré six ans. L'héritage technique : caméra légère et recours à des pellicules plus sensibles permettant de tourner dans la rue sans l'éclairage des studios, durera plus longtemps, s'éttendra aux pays de l'Est, au Brésil, au Canada, en Allemagne, au Japon, au Brésil. Esthétiquement, la Nouvelle Vague se perpétue jusqu'à nos jours par la poursuite de la carrière de ses principales personnalités et de nouvelles (Desplechin, Bonitzer, Asayas, Honoré).

 

II En dehors de la Nouvelle Vague

La noirceur de Pialat, le naturalisme de Brisseau, Rozier, Eustache, Garrel. Ils réifient l'acteur, le corps et Ingmar Bergman semblent être leur père spirituel.

Bibliographie :

Principaux films français de 1959 à 1968 :
       
Baisers volés François Truffaut France 1968
L'amour fou Jacques Rivette France 1968
La voie lactée Luis Bunuel France 1968
Playtime Jacques Tati France 1967
Les demoiselles de Rochefort Jacques Demy France 1967
Belle de jour Luis Bunuel France 1966
Pierrot le fou Jean-Luc Godard France 1965
Les parapluies de Cherbourg Jacques Demy France 1964
Le mépris Jean-Luc Godard France 1963
La jetée Chris Marker France 1963
Muriel Alain Resnais France 1963
Adieu Philipinne Jacques Rozier France 1962
Vivre sa vie Jean-Luc Godard France 1962
L'année dernière à Marienbad Alain Resnais France 1961
Lola Jacques Demy France 1961
Le petit soldat Jean-Luc Godard France 1960
Tirez sur le pianiste François Truffaut France 1960
A bout de souffle Jean-Luc Godard France 1959
Les 400 coups François Truffaut France 1959
Hiroshima mon amour Alain Resnais France 1959