Malgré les travaux de Ducos Du Hauron qui avait démontré la possibilité d’avoir des photographies en couleur par trichromie, les premières tentatives pour donner des couleurs aux films se firent par coloriage.

En 1897, Georges Méliès fit colorier à la main les images de son film de 60 mètres : « La manoir du diable ».

Dès 1906, Charles Pathé possédait un atelier de coloriage occupant 200 ouvrières. Le coloriage s’y faisait entièrement à la main à l’aide de pochoirs découpés dans des positifs.

Il y avait un pochoir par couleur, ce qui permettait d’appliquer les différents colorants au pinceau. On imagine la minutie dont devaient faire preuve ces « coloristes » pour faire coïncider exactement les différents pochoirs avec les images du film en cours de coloriage.

Usine Pathé (atelier de coloriage des films) Photo Collection Pathé

Très rapidement, Henri Fourel, responsable du service coloriage de Pathé, décidait de mécaniser le procédé et un brevet fut déposé le 22 octobre 1906 pour un prototype de machine à colorier construite par le mécanicien Florimond.

Cette machine reproduisait à l’aide de cames tous les mouvements que faisaient les ouvrières coloristes.
Un nouveau brevet fut déposé le 14 janvier 1907 pour un modèle plus évolué.
Après plusieurs perfectionnement successifs, la machine à colorier définitive fut brevetée le 19 août 1908. Elle fut mise au point par Méry, avec les conseils d’Henry Fourel, des ingénieurs A et M. Julien et du mécanicien Goujon.
Cette nouvelle machine se caractérisait par :
1° L’entraînement continu du pochoir et de la copie à colorier.
2° Le coloriage de la copie par l’intermédiaire d’une bande sans fin en velours rasé.

Par la suite, et pour des raisons économiques, on s’est souvent contenté de teinter les films en les passant dans des bains colorants. On choisissait la couleur en fonction de l’ambiance : vert pour les paysages, bleu pour la nuit, rouge pour le feu, jaune pour les scènes d’intérieur, etc…
Une autre technique a aussi été utilisée : le virage chimique qui permettait de ne colorer que les parties sombres, le reste ne prenant pas la couleur. On a même parfois combiné le virage et la teinture.

Le KINEMACOLOR


Un procédé nouveau fut breveté en 1906, mais commercialisé seulement en 1911 : le KINEMACOLOR, mis au point en Grande Bretagne par Serge Albert Smith et Charles Urban.
Le principe consistait à utiliser une caméra dont l’obturateur avait été évidé pour contenir un filtre rouge-orangé et un filtre bleu-vert, de façon à impressionner une image sur deux dans ces deux couleurs. Le projecteur étant muni du même type d’obturateur, la lumière traversait ces filtres colorés avant d’atteindre l’écran, ce qui permettait de reconstituer assez grossièrement les couleurs.

En réalité le film est en Noir et Blanc et les couleurs rajoutées par les filtres de l'obturateur.

 

Le CHRONOCHROME


Dès 1913, Léon Gaumont a mis au point une caméra bichrome comportant deux objectifs respectivement munis d’un filtre bleu-vert et d’un filtre rouge. En 1919, elle fut perfectionnée par ajout d’un troisième objectif. Grâce à ses trois filtres rouge, bleu et vert, cette nouvelle caméra permettait d’obtenir des couleurs beaucoup plus fidèles.
Pour que ce procédé, appelé CHRONOCHROME, puisse fonctionner, il était bien entendu indispensable de disposer de projecteurs munis des mêmes filtres colorés.

Un autre inventeur, Hérault, imagina à la même époque un appareil semblable, mais muni d’un seul objectif. C’était un disque rotatif synchrone qui présentait successivement les trois filtres colorés devant chacune des images.

Caméra Chronochrome Gaumont

 

Toujours à la même période, la société Gaumont avait aussi pratiqué des essais en quadrichromie (probablement par ajout d’un filtre jaune).
Rapidement abandonnée, cette tentative de quadrichromie fut curieusement reprise par les frères Roux en 1930.
Le procédé ROUXCOLOR fut utilisé par Marcel Pagnol pour le tournage de La belle meunière.
Les difficultés de projection, exigeant des salles spécialement équipées, écourtèrent la carrière de ce film expérimental.


Le procédé KELLER-DORIAN BERTHON


Ce procédé consistait à imbriquer trois images dans le cadre de l’image cinématographique normale en transformant en réseau semi-cylindrique la face dorsale d’un film noir et blanc. Pour cela, Rodolphe Berthon avait du s’associer avec Keller-Dorian, spécialiste de la gravure. Ce dernier réalisa l’outillage nécessaire pour laminer le film entre deux cylindres en acier, l’un gravé en creux de cannelures cylindriques, l’autre lisse.
Le film ainsi matricé et ligné dans le sens horizontal défilait dans la caméra, le côté cannelé vers l’objectif afin que les rayons lumineux traversent ces dioptres semi-cylindriques.
L’objectif était divisé en trois parties munies de filtres rouge, vert et bleu, dans le sens horizontal.
Pour reconstituer les couleurs à la projection, il fallait évidemment que l’objectif du projecteur soit muni des mêmes filtres.
Le brevet concernant ce procédé fut déposé en 1914, mais c’est seulement le 27 décembre 1923 que furent présentées à Paris les premiers essais.
Hélas, des problèmes de luminosité apparurent et l’utilisation fut abandonnée en 35 mm, mais poursuivie un certain temps en 16 mm.

C’est le procédé Keller-Dorian Berthon (repris par Thomsoncolor) qu’avait choisi Jacques Tati, en 1947, pour tourner « Jour de fête », mais comme il n’était pas certain des résultats, il avait doublé toutes les prises de vues en noir et blanc. Heureusement, car la projection en couleur s’avéra impossible.
Comme il tenait absolument aux couleurs, Jacques Tati a fait colorer une partie de son film au pochoir en 1960.
Il a fallu attendre 1987 et la rencontre entre Sophie Tatischeff, fille de Jacques et le cinéaste François Ede, pour que l’on tente de retrouver les couleurs d’origine à partir de la pellicule gaufrée et des filtres.

version 1960 colorée au pochoir
Couleurs par le procécé Keller-Dorian Berthon

 

Le procédé DUGROMACOLOR

Mis au point par Dumas, Grosset et Marx en 1913, ce procédé est inspiré des applications pratiques de la trichromie photographique par Ducos de Hauron.
Ce procédé consistait à diviser l’image primaire par des prismes à surface réfléchissante qui donnaient naissance à trois images filtrées en rouge, vert et bleu sur trois films en noir et blanc. On peut remarque l’analogie avec les premiers essais Technicolor de 1915.
Le Dugromacolor utilisait en projection un assemblage d’objectifs qui superposait les trois sélections trichromes.


Le procédé DUFAYCOLOR


Dans ce procédé, ce n’est plus par superposition, mais par juxtaposition que se manifeste la loi des trois couleurs. C’est donc par un mélange optique que nos yeux voient la couleur finale.
Le Dufaycolor était un procédé à réseaux. Deux machines spéciales imprimaient sur un support en acétate de cellulose 20 lignes par millimètre. Après trois passages, deux pour imprimer les couleurs bleues et vertes disposées à 23° par rapport au bord du film et un passage pour la couleur rouge disposée à 90° par rapport aux deux autres lignages, on obtenait un damier que l’on recouvrait d’un vernis imperméable et sur lequel il ne restait plus qu’à couler une émulsion noir et blanc. Les copies positives étaient obtenues par inversion pendant le développement.
Plus tard, il a existé du Dufaycolor négatif pour en faciliter l’utilisation.


Le procédé MONDIACOLOR


Variante du précédent, cet autre procédé a bénéficié d’un perfectionnement dans la fabrication du support gaufré imaginé par M. Chevalier, qui utilisa deux très fines trames de photogravure.


Tous ces procédés ont disparu à l’arrivée des films couleur monopack comme l’AGFACOLOR mis au point en Allemagne entre 1936 et 1939.

 

Le procédé TECHNICOLOR 1915


La première caméra technicolor utilisait un prisme pour diviser la lumière en deux rayons filtrés différemment, impressionnant chacun une image sur un négatif noir et blanc.
Un des rayons passe au travers d’un filtre rouge et impressionne les composantes bleues et vertes de l’image.
Le deuxième rayon passe au travers d’un filtre bleu et impressionne les composantes rouges de l’image.
Les deux images sont disposées l’une au dessus de l’autre sur un film 35 mm qui défile à deux fois la vitesse normale. Une des images est inversée par rapport à l’autre du fait de l’utilisation d’un prisme.

Ce qui se passe à la prise de vue

Pour la projection, le positif était tiré en noir et blanc et chaque image projetée au travers de son filtre correspondant. (synthèse additive des couleurs)

Ce qui se passe à la projection

 

Le procédé TECHNICOLOR 1932


Le nouveau procédé utilisait trois films négatifs noir et blanc défilant dans une caméra spéciale ; les rayons provenant de l’objectif traversaient un prisme et étaient en partie déviés. Ceux qui n’étaient pas déviés par le prisme atteignaient un autre film après avoir traversé un filtre bleu. Le support de ce film teinté en rouge jouait le rôle de filtre pour une image enregistrée sur un troisième film appliqué au deuxième.

Le tirage comportait deux phases principales :

- Obtention de positifs noirs et blancs d’après les trois négatifs.

- Copie en couleurs obtenue avec trois passages sur trois matrices hydrotérapées, donc en relief et encrées successivement avec les trois couleurs fondamentales.
Cela fonctionnait, en fait, comme en imprimerie.

Le principe du procédé 1932

 

Les trois négatifs obtenus

 

Après encrage afin d'imprimer le positif

voir : Péché mortel (1945)

Le procédé KODACHROME

Cette pellicule a commencé à être vulgarisée vers 1935, mais seulement pour le 16 mm et les formats d’amateur, car étant inversible elle ne convenait pas pour le 35 mm.
Elle a été mise au point par Mannes et Godowsky d’après les travaux de Homolka (1907) et Fisher (1912). Son grand avantage provient du fait que les couleurs ne se dénaturent pas.
En 2005, on peut encore utiliser cette magnifique pellicule, mais pas pour bien longtemps car Kodak envisage d’en abandonner le fabrication.


Le procédé AGFACOLOR

La société AGFA, après avoir fabriqué une pellicule couleur inversible en 1936, mit au point le système négatif-positif en 1939, permettant ainsi le tirage en série.
Sur le même principe que l’Agfacolor , on vit apparaître en 1948 le Gévacolor (Belgique) et le Sovcolor (Union Soviétique), ainsi que le Fujicolor (Japon). C’est un peu plus tard, en 1952 que l’Italie proposa le Ferraniacolor.

Le KODACOLOR

Dès 1942, les Etats-Unis répliquent à l’Agfacolor par la mise au point du Kodacolor.
Les méthodes inversibles et négatives-positives vont continuer à cohabiter avec les sorties de l’Ektachrome en 1945, du Telcolor et de l’Anscochrome et d’une nouvelle génération de Kodacolor en 1949, puis également une nouvelle génération de Gévacolor en 1953.


L'EASTMANCOLOR

Il est également basé sur le principe négatif-positif, mais cette pellicule présente une innovation importante par rapport aux procédés Agfacolor et Gévacolor, l’adjonction d’un masque orangé dans l’émulsion négative (en fait un jaune et un magenta) qui améliore la pureté des couleurs et permet de changer la disposition des couches dans le positif en plaçant en surface la couche magenta qui donne la couleur verte, essentielle à la définition des images.

Négatif Eastmancolor

 

Source : www.cameravideo.net

Histoire de la couleur au cinéma