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lle avait un nom, elle sâest fait un
prénom. En retournant aux
sources en quelque sorte puisque
sa mĂšre, journaliste avant dâĂȘtre
ministre de la communication dans le
gouvernement dâHenri Konan BĂ©diĂ©,
lâemmenait sur les plateaux de tĂ©lĂ©vision
Ă cet Ăąge tendre oĂč les petites filles
jouent plutÎt à la poupée. Mais, quand a
germĂ© dans son esprit lâidĂ©e de porter Ă
lâĂ©cran un roman quâelle avait Ă©crit Ă dix-
sept ans, âLa grande dĂ©voreuse", Isabelle
Boni-Claverie a choisi de sâorienter vers le
septiĂšme art. Alors, aprĂšs quatre ans Ă la
FEMIS
(1)
, elle sâest lancĂ©e : documentaires,
spots publicitaires, fictions, scénarios
pour dâautres rĂ©alisateurs... Une produc-
tion importante et, déjà , récompensée
par un joli palmarĂšs, la Bourse Beau-
marchais entre autres. Avant de partir au
19
e
FESPACO (26 fĂ©vrier/5 mars) oĂč son
court-mĂ©trage âPour la Nuitâ Ă©tait en
compétition pour la sélection officielle, la
jeune cinéaste franco-ivoirienne nous a
parlĂ© de ses dĂ©buts dans lâart âpĂ©rilleuxâ
du cinéma.
Que représente pour vous le FESPACO ?
Comme pour tous les cinéastes africains, un
symbole. Une place forte pour un cinéma mal
en point. Une sorte de grand-messe oĂč lâon a
chaque fois plaisir Ă se retrouver mĂȘme si lâon
aimerait quâelle produise plus dâeffets.
Le FESPACO nâest-il pas quand mĂȘme une for-
midable tribune permettant de rencontrer des
gens quâil serait autrement difficile de rencon-
trer avant des années ? Sans oublier que le
thĂšme de lâĂ©dition 2005 â âFormation et enjeux
de la professionnalisationâ â laisse augurer de
nouvelles orientations.
Pas vraiment. Le milieu du cinĂ©ma africain nâest
pas si vaste. Donc tout le monde connaĂźt vite
tout le monde. Ce qui me plaĂźt, câest dâaller Ă la
rencontre du public burkinabé et africain, de
dĂ©couvrir des films que je nâai pas encore vus et
puis, oui, bien sĂ»r, de participer aux âpalabresâ
sur les enjeux du mĂ©tier. Dâautant que, cette
année, le festival commémore les cinquante
ans du cinĂ©ma africain et que jâai contribuĂ© au
livre publié à cette occasion.
Comment y avez-vous contribué ?
Clément Tapsoba, qui est le coordinateur de cet
ouvrage et lâun de nos meilleurs critiques de
cinĂ©ma, mâa demandĂ© dâĂ©crire trĂšs librement un
texte de conclusion. Il voulait que le livre se ter-
mine sur les points de vue de jeunes réalisa-
teurs qui expriment leur vision de lâavenir.
Le numĂ©rique semble sâimposer comme une
solution dâavenir. Le prix âRFI CinĂ©ma du
Publicâ remis durant le festival par RFI en asso-
ciation avec le MinistÚre français des Affaires
Ă©trangĂšres a dâailleurs pour but dâencourager
son utilisation et de contribuer ainsi Ă une
meilleure visibilité du cinéma africain. Utilisez-
vous ce support ?
Jâai tournĂ© des documentaires courts en vidĂ©o
numĂ©rique. Je nâai pas de projet en numĂ©rique
pour le moment mais ce nâest pas un support
que jâexclue.
Je pense quâon ne tourne pas la mĂȘme chose
de la mĂȘme façon selon que lâon utilise la pelli-
cule argentique ou le support numérique.
AprĂšs, câest une question de choix Ă©conomi-
ques et esthétiques pour trouver la forme la
mieux adaptĂ©e Ă ce que lâon souhaite exprimer.
Quâavez-vous souhaitĂ© exprimer avec âPour la
Nuitâ ?
Je voulais parler du deuil, dire que surmonter la
disparition dâun ĂȘtre proche, ce nâest pas forcĂ©-
ment répéter des rituels socialement admis.
Ăa peut passer par des voies plus personnelles,
plus intimes. Dans mon film, je raconte lâhistoire
dâune jeune femme qui sâenfuit de lâenterre-
ment de sa mĂšre. Elle se met Ă errer au hasard,
dans la ville, et elle rencontre un jeune type qui,
lui, enterre sa vie de garçon parce quâil se marie
le lendemain. Jâai Ă©tĂ© trĂšs touchĂ©e que plusieurs
personnes me disent que câĂ©tait un trĂšs beau
film sur la vie.
Un film récompensé par plusieurs prix, au
Festival dâAmiens notamment. QuâespĂ©rez-
vous au FESPACO ?
Ce film, qui est en rĂ©alitĂ© un âmoyen mĂ©trageâ
de 27 minutes, marche bien en effet. Il est diffu-
sé dans plusieurs festivals : Aix-en-Provence,
Carthage..., est en tournée dans une douzaine
de villes américaines et il est prévu le 18 mars
au musée Dapper dans le cadre du ciné-club
Afrique. Au FESPACO, il est dans la compétition
âcourt-mĂ©trageâ.
Dans ces colonnes il y a trois ans, vous disiez
avoir commencé à écrire avant de vous lancer
Isabelle Boni-Claverie, metteur en scĂšne
âLe cinĂ©ma est un art trĂšs complet bien que complexeâ
dans le cinĂ©ma. Comment la transition sâest-
elle effectuée ?
Les Nouvelles Editions ivoiriennes ont publié
âLa Grande DĂ©voreuseâ
alors quâAbidjan Ă©tait
en plein coup dâEtat. Ce roman aurait pu avoir
du succĂšs si les lecteurs nâavaient pas eu
dâautres prĂ©occupations que de courir les librai-
ries. Quand la premiÚre édition du livre a reçu le
deuxiĂšme prix du jeune Ă©crivain francophone
aux Ă©ditions le Monde-La DĂ©couverte, jâai pensĂ©
que lâhistoire pouvait faire un sujet de film. Je
me suis intéressée au scénario. Je vivais à Paris,
la ville oĂč lâon peut voir le plus de films au mon-
de. Jâai commencĂ© Ă aller dans les salles de
cinéma par plaisir, par curiosité et je me suis
laissée prendre au jeu. Je suis entrée à la
FEMIS, lâune des deux Ă©coles dâEtat cinĂ©mato-
graphiques en France, oĂč jâai passĂ© quatre
années passionnantes.
Je reviendrai sans doute Ă lâĂ©criture littĂ©raire.
Jâaime raconter des histoires. Le moyen avec
lequel on raconte peut Ă©voluer au fil des ans.
Mais le cinĂ©ma me plaĂźt car il relĂšve de lâassem-
blage de nombreuses disciplines : le scénario, le
son, lâimage, le jeu des acteurs, la musique, les
dĂ©cors, le montage... Câest un art trĂšs complet
bien que complexe, pĂ©rilleux mĂȘme. On ne sort
jamais complÚtement satisfait de la réalisation
dâun film. Pouvoir se dire quâon a exprimĂ© ce
quâon voulait exprimer sans se trahir en sĂ©dui-
sant le plus large public est une alchimie rare.
Faute de quoi on aboutit Ă lâĂ©chec ?
Jâai la chance de nâavoir pas encore connu
dâĂ©chec.
Et dâĂȘtre engagĂ©e dans une carriĂšre promet-
teuse...
Je ne me considĂšre pas engagĂ©e dans une âcar-
riĂšreâ. Je pose des jalons. Beaucoup dâartistes
ont du talent. A long terme, câest le travail qui
fait la différence. Et la ténacité.
Je voudrais ajouter que faire du cinĂ©ma nâa rien
dâun rĂȘve de ârichesâ. Il existe de bonnes Ă©coles
publiques pour apprendre le mĂ©tier et ce nâest
pas plus dur pour une femme. Au contraire !
Les femmes cinéastes attirent le regard en
Afrique. Jâai tournĂ© une fois en CĂŽte dâIvoire
avec une Ă©quipe ivoirienne. Il sâagissait dâun
spot publicitaire pour ORANGE. LâĂ©quipe Ă©tait
trÚs contente de travailler avec une réalisatrice
africaine. Ils ont juste trouvé que je ne leur
âcriais pas assez dessus !...â
Avez-vous réalisé des longs métrages ?
Jâai Ă©crit plusieurs scĂ©narios de longs mĂ©trages
pour des réalisateurs africains ou français, qui
sont finis ou en cours de production. Aujour-
dâhui, je suis en train dâĂ©crire un long mĂ©trage
pour moi. JâespĂšre pouvoir le rĂ©aliser bientĂŽt.
Peut-on en savoir plus ?
Câest prĂ©maturĂ©. Il est en cours de dĂ©veloppe-
ment et rien nâest jamais assurĂ©.
â
Interview réalisée par Marie Lesure
(1) Aujourdâhui lâInstitut national supĂ©rieur des MĂ©tiers
de lâImage et du Son
C
ulture
@Pascal Sacleux
N°420 AMINA 2005
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