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Peinture et Cinéma Expressionniste

 


Comment s'est opérée la filiation entre la peinture et le cinéma expressionniste ?


Laurent Mannoni et Marianne de Fleury : L'expressionnisme, dont on peut dater l'apparition de 1905 (avec la création à Dresde du groupe Die Brücke, réunissant de jeunes artistes – Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff, Emil Nolde, Max Pechstein, etc.), s'est propagé rapidement à tous les arts : peinture, gravure, théâtre, roman, poésie, architecture, musique... En 1910, la revue allemande Der Sturm se fait le porte-parole du nouveau mouvement qui se veut anti-naturaliste et opposé à l'impressionnisme. Son directeur, Herwald Walden, définit ainsi l'expressionnisme : un art qui donne forme à une expérience vécue au plus profond de soi-même. « L'imitation ne peut jamais être de l'art. Ce que peint le peintre, c'est ce qu'il regarde en ses sens les plus intimes, l'expression de son être ; ce que l'extérieur imprime en lui, il l'exprime de l'intérieur. Il porte ses visions, ses vues intérieures, et il est porté par elles. » Walden ajoute : « L'expressionnisme n'est pas un style ou un mouvement, c'est une Weltanschauung [perception du monde] ». D'autres définitions ont été apportées : « L'expressionnisme n'est pas un genre artistique mais l'expression d'une crise mondiale » (Rudolf Kurtz) ; un « cri de révolte » (Jean-Michel Palmier)...



Raskolnikow, de R. Wiene


L'art expressionniste trouve son public après la Grande Guerre et gagne le cinéma en 1919, avec le célèbre Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene. Le scénario, violemment politique (dénonciation de l'omnipotence du pouvoir d'Etat), est signé par Carl Mayer et Hans Janowitz. Les décors distordus, déformés, sont l'oeuvre de trois peintres de studios très influencés par le nouveau courant : Walter Reimann, Walter Röhrig et Hermann Warm. Les deux principaux acteurs, Conrad Veidt et Werner Krauss, incarnent toute l'intense expressivité et l'exaltation du théâtre d'avant-garde. Il y a aussi un jeu déroutant avec la lumière et les ombres, fausses ou vraies ; toutes les règles de la perspective y sont abolies. Pour Béla Balazs, Caligari est « l'expressionnisme achevé, à l'état pur ». Ce film mythique, très remarqué à sa sortie – notamment en France –, va engendrer à sa suite quelques films proprement « caligaristes », pas toujours très intéressants. L'important se situe ailleurs. L'industrie allemande a pris conscience de l'importance du décor et des « Filmarchitekte », une profession qui apparaît alors. Outre Röhrig, Reimann et Warm, une pléiade de dessinateurs et décorateurs géniaux – Andrei Andrejew, Otto Erdmann, Emil Hasler, Otto Hunte, Erich Kettelhut, Hans Poelzig, Walter Röhrig, Walter Schulze-Mittendorff, Ernst Stern, etc. – travaillent désormais étroitement avec les grands cinéastes allemands – Lang, Murnau, Pabst, Leni, etc. – et imposent à travers le monde un style résolument original. L'art muet allemand, un mélange unique d'expressionnisme, de romantisme noir, de clair-obscur à la Max Reinhardt, de métaphysique, est peut-être au point de vue esthétique le cinéma le plus abouti des années 1920, parce que les décorateurs et les réalisateurs d'alors, intimement unis dans un même processus de création, ont compris que « les films doivent être des dessins doués de vie » (Hermann Warm).


La Rue sans joie, de G. W. Pabst


C'est à travers les dessins et les décors des « Filmarchitekte » que l'art expressionniste se prolonge dans le cinéma allemand, plus finement et plus discrètement que le caligarisme, jusqu'au début des années 1930. Le nazisme – que les films allemands avaient pressenti dès Caligari, selon Siegfried Kracauer – mettra fin à la révolte expressionniste. Celle-ci trouvera cependant de nouvelles formes en Europe et aux Etats-Unis, où de nombreux cinéastes, décorateurs et opérateurs ont émigré.


 

 

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Jeudi 30 Novembre

19h00
SALLE GEORGES FRANJU
LES PASSEURS : CINEASTES EN EXIL
COLLEGE D'HISTOIRE DE L'ART CINEMATOGRAPHIQUE : EXPRESSIONNISME
Conférence de Bernard Eisenschitz
20h30
SALLE HENRI LANGLOIS
LE MONTREUR D'OMBRES - ARTHUR ROBISON
CINE-CONCERT : LE CINEMA EXPRESSIONNISTE
CINÉ-CONCERT par PIERRE-MICHEL SIVADIER
12h30
SALLE GEORGES FRANJU
ALIEN, LE HUITIEME PASSAGER - RIDLEY SCOTT
LES MIDIS DE LA CINEMATHEQUE : LE SPACE OPERA
14h30
SALLE HENRI LANGLOIS
L'EPINE ET LA ROSE - PAUL LENI
CYCLE : LE CINEMA EXPRESSIONNISTE
15h00
SALLE GEORGES FRANJU
CHARTRES / L'AMOUR D'UNE FEMME - JEAN GREMILLON
LES AMIS DE LA CINEMATHEQUE : HOMMAGE AUX FONDATEURS ET PRESIDENTS DE LA CF
20h45
SALLE JEAN EPSTEIN
LA TERRE QUI MEURT/ MARTINI SEC
SEANCES SPECIALES : UNE HISTOIRE INATTENDUE DU CINEMA FRANCAIS
21h30
SALLE GEORGES FRANJU
LA PROVINCE DE YANG SAN - KIM KI-YOUNG
CYCLE : RETROSPECTIVE KIM KI-YOUNG