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Les
séismes dIzmit (Magnitude 7,4), le 17 août 1999 et
de Düzce (M 7,2) le 12 novembre suivant, ont coûté la
vie à plus de 30 000 personnes. Le fonctionnement de la faille
nord-anatolienne est responsable de ces ruptures. Il sagit d'un
des décrochements les plus sismiques au monde, comparable à
la célèbre faille de San Andreas. Lactivité
sismique historique donne à craindre un séisme majeur de
magnitude supérieure à 7 dans les décennies à
venir dans la région dIstanbul. Afin dévaluer
plus précisément ces risques et les scenarii possibles,
un programme(1) détude
en mer de Marmara a été lancé dès lété
1999 par la France et la Turquie. Plusieurs campagnes se sont déroulées
de 2000 à 2002. La prochaine campagne MARMARASCARPS en mer de Marmara
est prévue pour septembre 2002.
Les deux tremblements de terre meurtriers qui ont frappé la Turquie
en 1999 ont suscité l'intérêt de la communauté
scientifique. La probabilité d'occurrence d'un séisme destructeur
au voisinage immédiat de la mégalopole d'Istanbul semble
désormais plus forte qu'auparavant. Peu d'endroits au monde apparaissent
aujourd'hui menacés par un risque sismique aussi fort et de façon
aussi claire.
La faille nord-anatolienne, longue de plus de 1 000 km, correspond au
glissement, lun contre lautre, de deux blocs continentaux,
qui se traduit par lexpulsion, à raison dune vingtaine
de millimètres par an, de lAnatolie vers le sud-ouest sous
leffet de la progression de la plaque arabique vers le nord, la
plaque eurasiatique restant stable. à la différence du fonctionnement
de la faille de San Andreas, dont la distribution spatiale des ruptures
au cours du temps est assez aléatoire, la faille nord-anatolienne
est caractérisée par détonnantes séquences
de ruptures.
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Profil
sismique.
© Données préliminaires IPEV fournies par B.
Mercier de Lépinay (Géosciences Azur, Nice) et interprétées
à lIPG de Paris. |
La sismicité
enregistrée depuis le début du vingtième siècle
indique que la faille a commencé à rompre dans son enracinement
au Caucase, puis les ruptures se sont déplacées progressivement
vers louest pour atteindre son prolongement occidental dans la mer
égée. Quatre grands séismes connus au XVIIIe siècle
(1719, 1754, mai 1766, août 1766), donnent à penser que ce
processus de propagation de la rupture dest en ouest est peut-être
répétitif. On estime donc hautement probable que labsence
de séisme connu (lacune sismique) entre celui de Ganos (M 7,4,
1912) et celui dIzmit (1999) soit annonciatrice, dans les prochaines
décennies, dun ou plusieurs séismes en mer de Marmara,
à proximité immédiate dIstanbul. Ce risque
est pris très au sérieux par les autorités turques,
dautant plus que la région dIstanbul concentre le tiers
de la population et lessentiel de lactivité économique
du pays.
La population stambouliote se sent dautant plus concernée
que, bien que lépicentre du séisme dIzmit ait
été localisé à une centaine de kilomètres
à lest dIstanbul, les victimes stambouliotes y ont
été nombreuses en raison deffets de site (liés
aux conditions locales du sol qui peuvent amplifier leffet destructeur
des ondes sismiques).
Le programme franco-turc
Lapproche intègre les aspects terrestre et marin, et rassemble
des sismologues, des sismotectoniciens, des géodésiens ainsi
que des sédimentologues et des paléoclimatologues. Le problème
majeur à résoudre pour estimer plus précisément
les risques est celui du tracé de la faille nord-anatolienne en
mer de Marmara. Selon que la faille est parfaitement linéaire avec
un mouvement coulissant purement horizontal, ou quau contraire,
elle se décompose en plusieurs segments formant des coudes et combinant
des mouvements coulissants et des mouvements verticaux, typiques des bassins
en extension, sa rupture pourrait revêtir des modalités sensiblement
différentes. Le programme franco-turc a pour objectif de déterminer
avec précision la structure du soubassement de la mer de Marmara
et ses prolongement à terre. Seule la cartographie précise
du réseau de failles peut permettre détablir des scenarii
plausibles. Cela implique une connaissance fine de la bathymétrie
de la mer de Marmara, ainsi quune imagerie précise de la
lithosphère à terre et en mer. La croûte sous la mer
de Marmara étant amincie, son comportement mécanique pourrait
en effet y être différent de celui de son équivalent
latéral à terre. Bien que les études à terre
se poursuivent (sismologie, géodésie, effets de site, paléosismologie),
laccent est donc porté sur les études en mer de Marmara.
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Carte du
mouvement des plaques.
© Figure réalisée au CNRS-IPG Paris, Laboratoire
de tectonique-UMR 7578. |
Les
études en mer de Marmara
Plusieurs campagnes se sont déroulées de 2000 à 2002
:
MARMARA, réalisée en 2000 sur le Suroît
(Ifremer) a permis de cartographier précisément lexpression
superficielle du système de failles sur le plancher marin. Les
segments principaux les plus dangereux sont maintenant bien identifiés.
L'extrême précision de cette imagerie a permis d'identifier
des ruptures sismiques fraîches (signature morphologique du dernier
tremblement de terre produit par une faille), parfaitement conservées,
qui se sont probablement produites pendant des tremblements de terre historiques.
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Carte bathymétrique
et structurale.
© Données IFREMER. Figure réalisée
au CNRS-IPG Paris, Laboratoire de tectonique-UMR 7578. |
SEISMARMARA, (2001) sur le Nadir (Ifremer), devrait apporter, grâce
à lacquisition de 4 000 kilomètres de profils sismiques,
les données indispensables pour déterminer la structure
profonde (10 km et plus) du système de failles sous-marin car lorigine
des grands séismes se situe à ces profondeurs.
Dans le même temps se déroulait la campagne MARMACORE,
sur le Marion-Dufresne (IPEV). Dix carottes, totalisant 230 mètres
de sédiments, ont été prélevées à
l'aide du carottier géant Calypso afin d'étudier
la paléosismicité ainsi que la paléoclimatologie
pendant tout lHolocène (période tempérée
allant du 9e millénaire à nos jours). Ces premières
campagnes donnent de la mer de Marmara limage dun bassin en
extension avec une forte sédimentation active.
L'objectif de la prochaine campagne MARMARASCARPS, prévue pour
septembre 2002, est de caractériser finement la morphologie et
la géologie des escarpements sismiques sous-marins imagés
lors de la campagne Marmara du Suroît. Ces escarpements portent
des traces exceptionnellement bien préservées de ruptures
produites lors des séismes passés. La caractérisation
de ces ruptures sismiques se fera à l'aide du Remote Operated
Vehicle (ROV, submersible téléguidé) Victor
6000 (Ifremer). Les instrumentations de pointe embarquée sur
le Victor 6000 permettront dacquérir une imagerie
proche très précise, une microbathymétrie haute résolution
et de prélever des carottes de sédiments directement sur
la zone de failles.
L'ensemble de ces travaux devrait permettre de cartographier, mesurer
et dater ces ruptures sismiques et d'entamer la reconstitution de l'histoire
paléosismologique des différents segments sous-marins. Il
est crucial de pouvoir déterminer si la célèbre séquence
de grands tremblements de terre du XVIIIe siècle s'est
produite par un enchaînement de ruptures sur la branche nord de
la faille nord anatolienne, traversant entièrement la mer de Marmara.
De telles informations serviront à tester les scenarii de rupture
des séismes attendus. Enfin, un projet de campagne MARNAUT pour
2003, mettant en uvre le Nautile, vient dêtre
déposé.
Références :
R. Armijo, B. Meyer, S. Navarro, G. King and A. Barka. Asymmetric
slip partitioning in the Sea of Marmara pull-apart: A clue to propagation
processes of the North Anatolian Fault ? Terra Nova. 14, 80-86,
2002.
Le Pichon X., Sengor A. M. C., Demirbag E., Rangin C., Imren C.,
Armijo R., Görür N., Cagatay, Mercier de Lépinay B.,
Meyer B., Saatçilar and Tok B. 2001. The active main Marmara fault.
Earth Planet. Sci. Lett. 192, pp. 595-616.
Marine Atlas of the Sea of Marmara (Turkey). 2001, IFREMER/GENAVIR.
1
Ce programme, piloté par lInstitut national des sciences
de lUnivers du CNRS (INSU), et dans lequel interviennent également
les ministères de la Recherche et des Affaires étrangères,
lIfremer, lInstitut Paul-émile Victor (IPEV) (anciennement
IFRTP) et lInstitut de recherche pour le développement (IRD),
a été placé sous la direction de Rolando Armijo du
Laboratoire de tectonique et mécanique de la lithosphère
(CNRS-IPG Paris-Université Paris 7). Il réunit des équipes
relevant principalement de lInstitut de physique du globe de Paris
de lENS-Ulm, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement
(LSCE, CNRS-CEA), des observatoires des sciences de lUnivers de
Bordeaux, Grenoble, Strasbourg, Villefranche-sur-Mer (laboratoires associés
au CNRS).
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