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Africa Review of Books

Le Maghr

Le Maghr

Le Maghr

Le Maghr

Le Maghreb, le Sahar

eb, le Sahar

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Afrique et la langue

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bĂšreeeee

Hassan Remaoun

Le Tassili des Ajjer, aux sources de
l’Afrique, 

Méditerranée, 1998, 50.31

euros, ISBN 2-84272-052-0

Les Premiers BerbĂšres,

 Edisud,

2000, 56.83 euros, ISBN 2-7449-
0227-6

par Malika Hachid

D

eux ouvrages publiés ces

derniÚres années par Malika

Hachid nous replongent dans le Sahara
central Ă  l’époque du NĂ©olithique et de
la Protohistoire dont les poteries
fresques, gravures rupestres et
sĂ©pultures datant de l’époque, celles du
Tassili des Ajjer notamment,
témoigneraient de ce qui fut une zone
de rencontre de populations diverses
caractérisant la fin de la préhistoire et
l’un des principaux foyers de produc-
tion et de diffusion culturelle en Afrique
durant une dizaine de milliers d’annĂ©es
(à partir de l’achùvement de l’Aride de
la fin du PléistocÚne et le retour des
pluies, vers 13000-12000 B.P dĂ»
notamment Ă  la fin de la glaciation du
wĂŒrms au Nord du globe terrestre et
jusqu’à la phase de rĂ©chauffement et
de désertification dont les effets
semblent irrémédiables à partir de
6000-5000 B.P).

À travers ces deux ouvrages Malika

Hachid nous communique le résultat
d’une carriĂšre consacrĂ©e Ă  la
prĂ©histoire et Ă  l’histoire du Sahara et
de la civilisation berbĂšre, ceci en tant
qu’universitaire, chercheur et directrice
du Parc national archéologique du
Tassili (en AlgĂ©rie).

Sa connaissance  du Sahara qu’elle

a parcouru et au sein duquel elle a
longtemps vécu comme archéologue,
et la maĂźtrise des productions
scientifiques concernant la région lui
permettent Ă  travers une approche
interdisciplinaire de nous présenter une
somme encyclopédique concernant le
Maghreb et le Sahara central de
l’ÉpipalĂ©olithique (fin du
PalĂ©olithique)ÂČ et du NĂ©olithique Ă  nos
jours.

Elle fait bien entendu appel Ă 

l’archĂ©ologie et Ă  la palĂ©ontologie,
mais aussi à la géologie et à la
climatologie, Ă  la zoologie et Ă  la
botanique ainsi qu’aux travaux
d’anthropologie et d’ethnographie, de
linguistique et d’histoire, le tout
agrémenté par une iconographie
particuliĂšrement riche (des centaines de
photos en couleurs, schémas, cartes).

Un peu dans la lignée de travaux

qu’elle avait menĂ©s plus tĂŽt M. Hachid
défend des thÚses hardies et,elle
l’admet, pouvant parfois prĂȘter Ă  dis-
cussion, mais ses conceptions
d’ensemble sont novatrices, et
argumentées, malmenant pas mal

d’idĂ©es reçues.

Dans 

Le Tassili des Ajjer

 son pre-

mier ouvrage, l’auteur fait bien entendu
le point quant au patrimoine
archéologique de la région, les
fameuses gravures rupestres
notamment, mais en tentant de les
resituer dans le contexte Ă©cologique et
humain au sein duquel elles ont vu le
jour.

L’idĂ©e qui est dĂ©veloppĂ©e est que,

loin de constituer une simple curiosité
touristique due au hasard de
transhumances de populations
marginalisĂ©es, les fresques du Tassili
sont au centre d’un important carrefour
de cultures fondateur d’une civilisation
originale, indépendante et parfois plus
ancienne que celles qui depuis
l’avĂšnement du nĂ©olithique ont vu le
jour au Moyen-Orient, en Égypte ou
en MĂ©diterranĂ©e, les influençant mĂȘme
plutĂŽt que le contraire. Le pastoralisme,
la poterie et l’art rupestre seraient ainsi
des indicateurs aussi fiables, parce
qu’adaptĂ©s Ă©cologiquement, que
l’agriculture, l’architecture ou
l’écriture telles qu’apparues ailleurs.

Apparaissant d’abord à la fin du

PléistocÚne des groupes humains
qualifiĂ©s par l’auteur
d’ÉpipalĂ©olithiques ou PrĂ©nĂ©olithiques
qui occupent la Tadrart Acacus et le
Tassili. 

« Ce sont eux qui peignaient

les TĂȘtes Rondes et qui annoncent la
négritude africaine. Voilà des résultats
qui auraient fait plaisir Ă  feu Cheikh
Anta Diop, quoiqu’ils se situent en
dehors de la sphĂšre de la grande
Egypte, bien avant les premiers
Egyptiens et les premiĂšres momies. En
plus d’une riche et originale sensibilitĂ©
esthétique, ces Noirs manifestent un
profond sens religieux. Chasseurs ils
s’essayent à l’apprivoisement du
mouflon, leur gibier préféré, premiers
pas vers la domestication animale.
Enfin, il sont «en voie de
développement économique» dirions-
nous aujourd’hui, puisqu’ils
fabriquent de la poterie Â»

 (Hachid,

1998: 298).

À partir de 8000-7000 B.P, com-

mence à se mettre en place la période
bovidienne (ou bubaline) portée par des
populations mélanodermes qui élÚvent
des bovins représentés dans leurs
Ɠuvres artistiques, et avec lesquels on
retrouvera Ă  partir des VIe et Ve
millénaires (B.P) des éleveurs qui
semblent ĂȘtre des Blancs et parmi
lesquels émergeraient déjà ce que M.
Hachid appelle « les ProtoberbĂšres Â»,
et finiront par devenir les plus
nombreux. Par oĂč sont arrivĂ©s ces
derniers ?

«Probablement de la façade

méditerranéenne, mais non pas de sa
région maghrébine, plutÎt de sa partie
orientale vers la cyrénaïque et la
tripolitaine. Ces populations peuvent
aussi s’ĂȘtre Ă©branlĂ©es de l’Est, mais
cette fois de l’intĂ©rieur des terres, de
cette vaste zone appelée Désert
occidental qui s’étend jusqu’au Nil Â»

(M. Hachid, 1998, p. 300).

Elle conclut par ailleurs sur l’unitĂ©

civilisationnelle du Sahara : 

« On peut

donc voir dans la civilisation
bovidienne saharienne datant de 8000
à 7000 ans, l’origine de l’Afrique
actuelle de la complexitĂ© et de l’unitĂ©
de son peuplement leucoderme et
mĂ©lanoderme oĂč Touareg, Bambara,
SarakollĂšs, Peul, Dorzon, Ethiopiens
et autres, pour ĂȘtre diffĂ©rents n’en sont
pas moins tous africains, nés de la
mĂȘme matrice prĂ©historique »

.

Dans 

Les Premiers BerbĂšres

, son

second ouvrage,  il sera toujours ques-
tion du Tassili mais plus sous l’angle
de ses relations avec l’Afrique du Nord
dans son ensemble puisqu’elle y traite
de l’apparition des Berbùres et de
l’extension de leur langue et de leur
culture entre la Méditerranée et le
Sahara central. L’auteur va tenter de
confronter les résultats de la
paléontologie et de la linguistique
historique et glottochronologie avec sa
discipline de base, l’archĂ©ologie prĂ© et
protohistorique, pour Ă©tayer sa thĂšse
sur l’origine des Berbùres (un peu ce
qu’un autre archĂ©ologue Colins Ren-
frew avait essayé de faire à propos de
l’émergence des langues indo-
européennes).

En linguistique historique M.

Hachid s’appuiera notamment sur les
travaux de Christopher Ehret et de
Salem Chaker pour avancer que le
berbĂšre serait le rĂ©sultat de l’évolution
d’une langue mùre, l’afro-asien ou
afrasien utilisé 17000 à 15000 ans B.P
entre le nord du Soudan et les hauts
plateaux de l’Éthiopie (et non au
Moyen-Orient). L’une des branches de
l’afrasien aurait connu diffĂ©rentes
évolutions par différenciations de
populations pour déboucher plus
particuliĂšrement au 11e ou 10e
millénaire B.P (soit à peu prÚs le 9e ou
8e millĂ©naire B.C) sur l’apparition des
sous-groupes que constituent
l’égyptien, le berbĂšre et le proto sĂ©mite
(ancĂȘtre de l’akkadien, du phĂ©nicien de
l’hĂ©breu, de l’arabe
).

Le berbĂšre Ă©mergerait en Afrique

du Nord avec les Proto méditerranéens
Capsiens dont les traces remonteraient
Ă  environ 10 000 ans B.P, et qui
assimileront des populations plus
anciennes, les MechtoĂŻdes dont la cul-
ture ibéromaurussienne remonterait à
22 000 ans B.P. Le processus
d’assimilation pourrait d’ailleurs selon
l’auteur ĂȘtre rapprochĂ© de celui dĂ» Ă  la
vague d’islamisation-arabisation qui
commence au VIIe, VIIIe siĂšcle A.C.
Le berbĂšre gagnera de mĂȘme le Sud
atteignant le Sahara central vers 5000
B.P (thÚse partagée aussi par
l’anthropologue Slimane Hachi) et il y
cĂŽtoiera deux ethnies noires : les de-
scendants des fameuses TĂȘtes rondes
représentées dans les fresques du
Tassili et qui par leur genre de vie se
rapprocheraient des MechtoĂŻdes du
Maghreb, ainsi que ceux
mélanodermes représentés avec les
bovidĂ©s et qui pourraient ĂȘtre les
ancĂȘtres des Peuls.

Toujours Ă  propos de la diffusion

du berbùre l’auteur tient cependant à
prĂ©ciser : « les anthropologues sont
unanimes Ă  reconnaĂźtre que les
populations berbùres actuelles n’offrent
pas une spécificité physique pouvant
renvoyer Ă  un type anthropologique
berbÚre unique, le stéréotype racial doit
ĂȘtre Ă©cartĂ© mĂȘme si en Afrique du Nord
l’entitĂ© civilisationnelle berbĂšre est une
réalité évidente dont les racines
s’ancrent dans la prĂ©histoire Â». M.
Hachid indique de mĂȘme ses diver-
gences avec d’un cĂŽtĂ© le linguiste
Christopher Ehret et de l’autre
l’anthropologue Jean Loïc Le Quellec.

Ehret considĂšre en effet que le

protoberbĂšre n’aurait gagnĂ© le
Maghreb que vers 3000 B.C, ceci Ă  la
suite d’une nouvelle migration
afrasienne causée par des changements
climatiques. Plus restrictif encore, Le
Quellec pense que le protoberbĂšre
n’émergera pas au Maghreb oriental
avant 2500 B.C, pour ne gagner le
Sahara qu’avec l’introduction du
dromadaire (peut ĂȘtre au 1

er

 siĂšcle

A.C.). Avec ces questions et quelques
autres c’est donc un important dĂ©bat
qui est relancĂ© et qui reflĂšte l’avancĂ©e
réelle de la recherche concernant la
préhistoire et la protohistoire de
l’Afrique du Nord et du Sahara. Nous
assistons assurément à un véritable
processus de mise Ă  jour sinon de
renouvellement des synthĂšses
élaborées par des précurseurs tels
Lionel Balout, Gabriel Camps et Henri
Lhote.

Ces deux ouvrages de M. Hachid

se rejoignent et se complĂštent en fait Ă 
plus d’un titre, ne serait-ce que parce
qu’ils traitent de l’africanitĂ© revisitĂ©e
Ă  partir du Sahara durant
l’EpipalĂ©othique et le NĂ©olithique, et
du fait berbĂšre qui Ă©merge pour l’es-
sentiel durant le NĂ©olithique et la Pro-
tohistoire (c’est-à-dire durant la phase
qui dĂ©bouche directement sur l’Anti-
quité).

La problĂ©matique de l’auteur trĂšs

argumentée sur le plan scientifique
(mĂȘme si des Ă©lĂ©ments de son approche
méritent discussion comme elle le
reconnaĂźt avec modestie), et son travail
trÚs fouillé rejoignent cependant les
interrogations et débats qui depuis
quelques décennies travaillent la
société algérienne en particulier et de
façon plus globale le Maghreb, et ces
questionnements relĂšvent en partie au
moins de l’identitaire. On sait que
l’identitĂ© nationale en AlgĂ©rie a Ă©tĂ©
longtemps appréhendée par les factions
dominantes du Mouvement national
(depuis les années 1930 notamment),
puis par l’État national issu de
l’indĂ©pendance (en juillet 1962) Ă 
travers le prisme paradigmatique de
l’arabo-islamisme.

Depuis le Printemps berbĂšre qui a

notamment secoué la Kabylie (en
1980), est désormais abordée avec
force la place que doit occuper la
composante berbĂšre (ou amazighe) au
sein de l’identitĂ© nationale. Par ailleurs

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     October 2004

24

Notes

1

 B.P se lit Before Present (avant le prĂ©sent que par

convention on date Ă  l’annĂ©e 1950).
   B.C se lit Before Christ (avant J.C) et A.C after
Christ (aprĂšs J.C).

2

 cf. notamment de Malika Hachid : 

El-Hadjra el-

mektouba. Les pierres Ă©crites de l’Atlas saharien,

1 volume de textes, 176 p. 1 volume d’images, 385
photos couleurs. Éditions ENAG, Alger 1992.

3

 Cf. de C. Renfrew, 

L’énigme indo-europĂ©enne.

Archéologie et langage

 (Édition française,

Flammarion Paris 1990 et 1994).

4

 On pourra se rĂ©fĂ©rer Ă  ce propos Ă  :

   L. Balout :

-

PrĂ©histoire et l’Afrique du Nord. Essais

de chronologie

 (Arts et MĂ©tiers Graphiques,

Paris 1955).
-

AlgĂ©rie  PrĂ©historique 

(Arts et MĂ©tiers

Graphiques, Paris, 1958).

   G. Gamps :

-

Aux origines de la Berbérie. Massinissa

ou les dĂ©buts de l’histoire in Libyca 

(tome

VIII, 1

er

 semestre 1961, Alger).

la crise sociopolitique caractérisée
depuis la montée dans le pays à partir
de la fin des années 1980 du
fondamentalisme islamique et de son
avatar terroriste, a mis en avant la
nécessité au sein de fractions de la
société civile et politique de réajuster
la dĂ©finition de la « personnalitĂ© Â»
algérienne, censée avoir jusque-là été
trop ancrée sur des constituants
idĂ©ologiques liĂ©s Ă  l’histoire du
Moyen-Orient contemporain
(panarabisme et islamisme
notamment).

Le recours Ă  l’antĂ©rioritĂ© berbĂšre

et à la dimension méditerranéennes de
larges pans de l’histoire algĂ©rienne est
censé constituer aux yeux de
nombreuses catĂ©gories de l’élite
intellectuelle et de la société globale
le contre poids Ă  l’excĂšs « d’arabo-
islamisme Â» prĂ©gnant jusqu’à ces
derniÚres années.

Nonobstant le fait que les

idéologies panarabistes et islamistes
sont des phénomÚnes essentiellement
contemporains et qui n’épuisent donc
pas la dette identitaire de l’AlgĂ©rie et
du Maghreb vis-à-vis de l’histoire et
de la civilisation arabo-islamique, il
restait Ă  situer la dimension africaine
des sociétés nord-africaines et de
l’AlgĂ©rie en particulier, et de ce point
de vue, l’approche qui prend pour
relais le Sahara demeure
incontournable. L’originalitĂ© de la
synthÚse trÚs fouillée proposée par
Malika Hachid est d’avoir largement
nuancé la dimension méditerranéenne
trÚs au goût de la vogue actuelle de
globalisation-mondialisation tournée

vers le Nord, en rappelant dans ses
travaux l’impact africain auquel elle
relie l’ancestralitĂ© berbĂšre.

Deux séries de thÚses avaient jadis

Ă©tĂ© mises en vogue quant Ă  l’origine des
Berbùres. L’une d’elle s’appuyant sur
des fondements prétendument raciaux,
avait mis en exergue une origine
mĂ©diterranĂ©enne ou mĂȘme europĂ©enne
et ne saurait en fait ĂȘtre dĂ©tachĂ©e du
contexte de lĂ©gitimation de l’ordre co-
lonial, duquel elle Ă©tait contemporaine.
La faiblesse méthodologique de
l’approche en a ruinĂ© toute validitĂ© sur
le plan scientifique et nous ne nous y
attarderons pas. La seconde quoique
marquée par le mythe biblique de Noé
et ses descendants a eu quelque bonheur
parce qu’elle s’appuyait sur la proximitĂ©
du mode de vie nomade des anciens
BerbĂšre et Arabes, et une certaine
comparaison entre parlers berbĂšres et
parlers sémitiques, ceux notamment
arabes. La langue berbĂšre Ă©tait ainsi
catégorisée comme faisant partie de la
famille chamito-sémitique (ou hamito-
sĂ©mitique), qu’on a qualifiĂ©e plus tard
de proto-sĂ©mitique, c’est-Ă -dire d’un
rameau de langues qui se serait
particularisé assez tÎt par rapport aux
autres langues sémitiques.

On sait que l’origine de ces langues

était située quelque part entre la Syrie
et la MĂ©sopotamie, ou mĂȘme dans la
péninsule arabique, selon notamment la
thĂšse dĂ©fendue par H.A Winckler et L.
Caetani qui considéraient que la
séparation et la diversification étaient
causĂ©es par des vagues d’émigration
successives dues Ă  l’avancĂ©e de la
désertification. La thÚse plus récente à

laquelle se rallie Malika Hachid et qui
s’appuie sur des travaux tels ceux
menés en linguistique historique par
Ch. Ehret et S. Chaker, situe donc le
foyer originel en Afrique orientale
quelque part entre le Soudan et
l’Éthiopie.

MĂȘme si dans cette rĂ©gion nous

sommes géographiquement à proximité
de la pĂ©ninsule arabique, qu’il suffit
pour atteindre de traverser la Mer rouge
ou le Golfe d’Aden, et si le paramùtre
des vagues d’émigration dues Ă  la
désertification continue à jouer, il y a
assurément un nouveau paradigme qui
entre en ligne de compte. Il n’est plus
question de référence biblique (à Cham
ou Ham), mais de référence
géographique, et linguistique puisque
la langue mùre serait l’afro-asien ou
afrasien et qui par différenciations
successives en quittant le berceau
originel aurait donnĂ© ce qu’on appelait
jusqu’à rĂ©cemment les langues
chamito-sĂ©mitiques, c’est-Ă -dire le
berbĂšre, l’égyptien ancien (le copte),
le couchitique avec une variante
tchadienne, et mĂȘme le sĂ©mitique (qui
paradoxalement garde une appellation
biblique). Ce dernier, porté par une
population ayant émigré au Moyen-
Orient, donnera naissance notamment
Ă  l’akkadien, au phĂ©nicien, Ă  l’hĂ©breu,
Ă  l’aramĂ©en, et Ă  l’arabe. De ce point
de vue il y a aussi une double
symbolique : d’abord le berbĂšre
apparaßt comme nettement antérieur
aux langues issues du sémitique (ou
proto-sémitique) et particuliÚrement au
phĂ©nico-punique et Ă  l’arabe, langues
avec lesquelles il eut d’importantes

interférences civilisationnelles et
historiques ; ensuite le foyer originel
est en Afrique et non au Moyen-Ori-
ent. Ce dernier constat permettrait aussi
de mieux comprendre la relation de
l’afro-asien, non seulement aux langues
auxquelles il a directement donné
naissance, mais son interaction via des
mouvements de population avec
d’autres langues africaines parlĂ©es au
Sud et à l’Ouest du continent, et vue
sous cet angle, au gré des mouvements
sociaux et climatiques et des différentes
vagues d’émigration, la position du
Sahara en gĂ©nĂ©ral et du Tassili en
particulier, s’avĂšre stratĂ©gique pour la
compréhension de nombreux proces-
sus historiques.

En fait, la problématique traitée par

M. Hachid rejoint, sans les recouvrir,
les hypothÚses et travaux menés par
d’autres historiens du continent qui ont
eu Ă  traiter non seulement des relations
entre Afrique du Nord et Afrique noire,
mais aussi des rapports ayant pu exister
entre Afrique orientale et nilotique, et
Afrique occidentale, les zones
sahélienne et saharienne apparaissant
dans tous les cas comme des passages
obligés et donc riches en histoire.

Au-delĂ  de toute approche qui pour

certains tendrait Ă  renvoyer Ă  la
polĂ©mique basĂ©e sur l’idĂ©ologie stĂ©rile
de la recherche 

des origines

, somme

toute, trop restrictive pour recouvrir la
complexité du monde contemporain, la
piste empruntée dans leurs travaux par
Malika Hachid et d’autres, mobilise
donc déjà un certain nombre de
spĂ©cialistes et mĂ©rite tout l’intĂ©rĂȘt des
chercheurs.

                          ◊

-

Les Civilisations préhistoriques de

l’Afrique du Nord et du Sahara 

(Ed. Doin,

Paris, 1974).

   H. Lhote :

-

À la dĂ©couverte des fresques du Tassili

(Arthaud, Paris, 1973).
-

Vers d’autres Tassili 

(Arthaud, Paris, 1976).

-

Les chars rupestres du Sahara. Des syrtes

au Niger par le pays des Garamantes et des
Atlantes 

(Ed. des HespĂ©ride, Toulouse, 1982).

5

 De nombreuses publications ont ces derniĂšres annĂ©es

portĂ© sur la question et j’ai moi-mĂȘme eu l’occasion de
l’aborder dans quelques Ă©crits cf. notamment Remaoun
Hassan.

- Â«Legs de l’histoire et idĂ©ologies
identitaires Â» in Gilles Manceron (sous la dir.
de), 

Algérie, comprendre la crise,

 Ed.

Complexe, Bruxelles 1996.
- Â« Ă‰cole, histoire et enjeux institutionnels Â»
in Omar Lardjane, Mustapha Haddab et autres,

RĂ©flexions. Élites et questions identitaires

,

Casbah, Éditions, Alger 1997.

6

 On pourra Ă  ce propos se rĂ©fĂ©rer Ă  la contribution de

J.N. Ferrie et G. Boetsch, « Du BerbĂšre aux yeux clairs
Ă  la race eurafricaine : la MĂ©diterranĂ©e des
anthropologues physiques», in Kacem Basfao et Jean-
Robert Henry (Sous la dir. de), 

Le Maghreb, l’Europe

et la France

. Ă‰ditions du CNRS, Paris, 1992.

7

 L’historiographie arabe traditionnelle a notamment

contribuĂ© Ă  rĂ©pandre cette thĂšse. On sait qu’Ibn
Khaldoun considérait que les BerbÚres étaient
originaires du Yemen.

8

 Pour un rĂ©sumĂ© en langue française de cette thĂšse on

pourra se rĂ©fĂ©rer Ă  Bernard Lewis, 

Les Arabes dans

l’histoire

, Ă‰ditions de la BaconniĂšre, NeuchĂątel

(Suisse), 1958.
Des indications bibliographiques concernant les
Ɠuvres de Winckler (en allemand) et de Caetani (en
italien) sont disponibles dans : J. Sauvaget,

Introduction à l’histoire de l’Orient musulman.
ÉlĂ©ments de bibliographie

 (Édition refondue et

complĂ©tĂ©e par Cl. Cahen) Librairie d’AmĂ©rique et
d’Orient, Adrien, Maisonneuve, Paris, 1961.

9

 Selon DAVIDSON qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’ouvrage de

J.J. GREENBERG,  

Studies in african linguistic

classification

, (New Haven, 1955), c’est ce dernier

auteur qui avait proposĂ© « d’abandonner
complĂštement le terme hamite Â».
cf. Basil DAVIDSON,

 L’Afrique ancienne,

 Ed.

Maspéro, Paris, 1973 (2 volumes).

10

 On pourra signaler Ă  ce propos :

- Basil Davidson op.cit. (voir Supra, note

9)

- Jean-Suret Canale, 

Afrique noire.

GĂ©ographie, civilisations, Histoire 

3e

Ă©dition, Ed. Sociales, Paris (cet ouvrage
constitue le tome 1 d’une sĂ©rie en 3
volumes).

- Joseph Ki-Zerbo (Sous la dir. de), 

Histoire

gĂ©nĂ©rale de l’Afrique

 (Vol. I), Ă©ditĂ© par la

Commission scientifique pour l’Écriture de
l’Histoire de l’Afrique – UNESCO, Paris,
1983 (pour la version en langue arabe).

- On ne manquera pas de signaler aussi

l’approche de Cheikh Anta Diop.