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CRR-Centre d’information gĂ©opolitique 

13/07/2005 

 
 

La situation des homosexuels en Turquie 

 

 
Depuis les annĂ©es 1980, la dĂ©finition identitaire de l’homosexualitĂ© a nettement Ă©voluĂ© en 
Turquie. Cette Ă©volution fait Ă©galement partie d’un courant gĂ©nĂ©ral d’occidentalisation depuis 
le milieu des années 1980 (

Courier-Journal

, 27 juin 1996 ; 

Gay Identities, communities & 

Places in the 1990s in Istanbul

The British Council

, 1997) Ă  l’origine d’une nouvelle identitĂ© 

gay, dĂ©passant la distinction entre l’homosexuel actif (

kulanpara

) et le passif (

ibne

), 

gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme une femme et cible des actes de discrimination. Cette 
nouvelle identitĂ© gay a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©e par les Ă©crits de Murathan Mungan ou portĂ©e par le 
Parti  Radical DĂ©mocratique Vert  non officiel, puis dans les revendications du  Parti de la  
LibertĂ© et de la SolidaritĂ© OzgĂŒrlĂŒk ve Dayanisma Partisi (ODP). Mais, s’ils ont contribuĂ© Ă  
une nouvelle dĂ©finition de l’identitĂ© gay, ces mouvements n’ont pas eu la mĂȘme dimension 
que des mouvements similaires occidentaux. L’identification des homosexue ls Ă  une 
communautĂ© gay de style occidental s’est peu Ă  peu faite dans les annĂ©es 1990 avec le 
dĂ©veloppement progressif d’une sous-culture concentrĂ©e dans le quartier Cihangie du district 
de Beyoglu (Pera) d’Istanbul.  
 
 

I - Contexte lĂ©gal  

 
 
Il n’existe pas d’articles de loi contre l’homosexualitĂ©.  La dĂ©finition des  droits sur l’égalitĂ© 
des individus  inscrits dans l’article  10A et des droits au respect de la vie privĂ©e fixĂ©s par 
l’article  20A de la constitution

1

  accordant des droits similaires  Ă  tous les individus, les 

homosexuels bĂ©nĂ©ficient des mĂȘmes droits que tout autre individu. A partir de cette base 
lĂ©gale, les relations homosexuelles, tout comme les relations hĂ©tĂ©rosexuelles, sont admises Ă  
partir de 18 ans en ce qui concerne les relations vaginales et anales, 16 ans pour les autres 
formes de sexualitĂ©, conformĂ©ment Ă  la majoritĂ© lĂ©gale fixĂ©e par le code pĂ©nal. Des rĂ©fĂ©rences 
Ă  l’ordre et la morale publique (notamment les articles 227 sur l’exhibitionnisme et 228 sur 
l’obscĂ©nitĂ©) sont le plus souvent utilisĂ©es contre les membres de la communautĂ© 

                                                 

1

 

[Article 10 A]  All individuals are equal without any discrimination before the law, irrespective of language, 

race, colour, sex, political opinion, philosophical belief, religion and sect, or any such considerations. No 
privilege shall be granted to any individual, family, group or class. State organs and administrative authorities 
shall act in compliance with the principle of equality before the law in all their proceedings.

 

 
[Article 20 A]  Everyone has the right to demand respect for his/her private and family life. Privacy of individual 
and family life cannot be violated. Exceptions necessitated by judiciary investigation and prosecution are 
reserved. Unless there exists a decision duly passed by a judge in cases explicitly defined by law, and unless 
there exists an order of an agency authorized by law in cases where delay is deemed prejudicial, neither the 
person nor the private papers, nor belongings of an individual shall be searched nor shall they be seized.

  

 

 

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homosexuelle. L’apprĂ©ciation de la notion d’outrage Ă©tant laissĂ©e Ă  la discrĂ©tion des juges 
(articles 430 et 431 du code pĂ©nal), la police a le droit de conduire dans un commissariat de 
police toute personne suspecte pour un interrogatoire. Ainsi, en 1995 et 1996, des rĂ©unions et 
des manifestations organisĂ©es par l’association Lambda ont Ă©tĂ© interdites par la police sur 
ordre du gouverneur d’Istanbul sous prĂ©texte d’atteinte Ă  la morale publique (4 novembre 
1998) alors que « la sociĂ©tĂ© turque n’aurait pas Ă©tĂ© prĂȘte Ă  une telle visibilitĂ© Â».  
 
Une commission parlementaire a votĂ© le 29 janvier 2004 une clause sur l’intĂ©gration de la 
notion de « discrimination fondĂ©e sur l’orientation sexuelle Â» Ă  la dĂ©finition de  la clause de 
discrimination, prĂ©voyant une peine de 6 mois Ă  un an de prison tout contrevenant.  Le 6 
juillet 2004, la mĂȘme commission remplaçait cette clause de discrimination par la notion de 
discrimination inscrite dans l’article 10 de la constitution,  i.e., une discrimination fondĂ©e sur 
la langue, la race, la couleur, le genre, l’opinion politique, la religion, la dĂ©nomination
 en 
enlevant toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’orientation sexuelle. La rĂ©fĂ©rence Ă  l’orientation sexuelle incluse 
dans la notion de discrimination de la constitution constitue un des combats des associations 
militantes, Lambda ou Kaos GL.  
 
Les homosexuels sont bannis du service militaire. Tout officier ou tout conscrit homosexuel 
encourre des sanctions d’emprisonnement de 3 Ă  6 mois et sont renvoyĂ©s aprĂšs leur peine.  
 
 

II â€“ ReprĂ©sentation associative et permanence du clivage urbain/rural 

 
 
Il existe des associations de dĂ©fense des homosexuels, ‘Lambda, (anciennement Gokkusagi ou 
Rainbow) crĂ©Ă©e en juillet 1993 suite Ă  l’interdiction du Christopher Street Day Sexual 
Liberation Activities Ă  Istanbul, compte aujourd’hui environ 250 membres et reprĂ©sente 
l’antenne locale des ONG de lutte et de prĂ©vention du sida avec le soutien des Nations Unies 
(Ă  noter que cette association ne dispose ni de fichier ni de carte de membre ; qu’il s’agit 
d’une adhĂ©sion de principe) ; Kaos GL Ă  Ankara, Sappho pour les lesbiennes ou  encore The 
Sisters of Venus). Lambda publie le magazine Cins (genre) et diffuse une Ă©mission de radio 
sur Açik Radyo (radio ouverte), seule Ă©mission gay du pays ; Kaos GL publie un magazine 
bimensuel. NĂ©anmoins, l’article 10 de la loi sur les associations peut ĂȘtre utilisĂ© pour interdire 
les associations gays. Un site internet propose un guide gay dĂ©crivant les organisations et 
associations existantes par ville, les bars, clubs, bains, sex shops, services de santĂ©, etc., 
disponibles Ă  Istanbul, Ankara, Kas (Antalya), Eskisehir. Notons que les membres de ces 
associations militantes appartiennent Ă  une classe citadine relativement aisĂ©e.  Â« Istanbul, bien 
plus que n’importe quelle autre ville turque, se prĂ©sente comme la mĂ©ga lopole culturelle de la 
Turquie et reste la vitrine occidentale du pays, creusant chaque jour le fossĂ© entre son 
cosmopolisme et les autres rĂ©gions du pays, figĂ©es dans des valeurs ancestrales, dont 
l’honneur et le souci du jugement de l’autre n’ont pas diminuĂ©. Pour de nombreux 
homosexuels turcs, Istanbul reste la seule porte de sortie pour Ă©chapper Ă  l’isolation et Ă  la 
sĂ©grĂ©gation dont ils sont l’objet dans leurs rĂ©gions natales. Â» (Philippe-Schmerka Blasher, 

HomosexualitĂ© en Turquie : de l’hĂ©ritage musulman au mouvement associatif

, 1999) 

 
Des problĂšmes de discrimination existent dans les rĂ©gions plus rurales. A Adana, au sud, les 
baisers publics entre hommes sont interdits. Les baisers publics entre femmes ou entre homme 
et femme sont admis. Cette diffĂ©rence entre villes et campagnes fait que nombres 
d’homosexuels quittent leurs campagnes pour les grandes villes oĂč la visibilitĂ© est moindre et 
les communautĂ©s plus organisĂ©es (

The Philadelphia Inquirer

, 18 dĂ©cembre 2000). Des actes 

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isolĂ©s sont nĂ©anmoins rapportĂ©s, par exemple, l’interdiction de touristes homosexuels de 
visiter le site d’Aegan (Associated Press, 7 septembre 2000).  
 
 

III â€“ Situation des travestis et des transsexuels  

 

1 -  Les travestis 

 
Il n’existe pas de loi contre les travestis. Certains travestis connus appartenant au milieu du 
show buisines sont  des vedettes, le chanteur Zeki MĂŒren dĂ©cĂ©dĂ© en 1996 par exemple. Ils 
connaissent nĂ©anmoins des difficultĂ©s liĂ©es Ă  l’emploi et sont souvent rĂ©duits Ă  la prostitution.  
 

2 - Les transsexuels 

 
Selon la loi, les opĂ©rations transsexuelles sont lĂ©galement permises et peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es 
en Turquie. Le code civil entré en vigueur le 1

er

 janvier 2002 impose des restrictions et 

obligations liĂ©es Ă  ces opĂ©rations, notamment un certificat mĂ©dical. L’enregistrement civil du 
changement de genre est admis et sont autorisĂ©s Ă  se marier. NĂ©anmoins, les transsexuels 
souffrent d’actes de discrimination plus frĂ©quents que la communautĂ© gay, mĂȘme Ă  Istanbul 
oĂč cette communautĂ©, regroupĂ©e Ă  Ulker Street a Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e par les forces de police en 
1995 malgrĂ© un mouvement de rĂ©sistance menĂ©e par Demet Demir.   

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Bibliographie 

 
Philippe-Schmerka Blacher : 

HomosexualitĂ© en Turquie : de l’hĂ©ritage musulman au 

mouvement associatif

, 1999. 

Philippe-Schmerka Blacher : « Les homosexuels : les nouveaux jeunes Turcs Â», 

Aktuel

, 1999. 

Gay Identities, Communities and Places in the 1990s in Istanbul, The british Council, 1997. 
H. Tapinc : 

Masculinity, Feminity, And Turkish Male Homosexuality

in

 Plummer : 

Modern 

Homosexualities Fragments of Lesbian and Gay Experience

, Routledge, 1992.  

 
 
Rapport du Home Office, 2004. 
 

Filmographie 

 

Donersen, islik çal

 (si tu reviens, siffle !), Oguz Orhan, 1993. 

Hamam

, rĂ©alisĂ© par F. Ozpetek, 1997. 

TroisiĂšme sexe Ă  Istanbul

, Brigitte Delpech, 1994. 

 

Sites internet 
 

www.istanbulgay.com

 

www.turkeygayguide.com

 

semgai.free.fr 

www.iglhrc.org

 

www.qrd.org

 

www.lambdaistanbul.org