|
accueil >>
actualités : europe >> 28 déc. 2007
|
|
GIBRALTAR •
Trop étroit détroit
|
|
Plus de 100 000 navires passent par Gibraltar chaque année. Un chiffre énorme qui fait de ce goulet d'étranglement la seconde voie maritime la plus fréquentée au monde. Or les accidents se sont multipliés ces derniers mois, ce qui risque de fragiliser un écosystème exceptionnel. |
|
Au milieu de la baie d'Algésiras, dans le détroit de Gibraltar, le New Flame, un cargo rempli de ferraille, est aujourd'hui relié au câble d'un remorqueur qui le maintient à flot, tandis que sa poupe repose sur un récif. Pendant ce temps, le fuel de ses réservoirs et l'huile de ses moteurs se déverse dans la mer. La tempête charrie la pollution sur les plages et, bientôt, c'est une question de jours ou d'heures, le cargo coulera. Le plus choquant, c'est que, depuis le 12 août, date à laquelle le bateau est entré en collision avec un pétrolier, personne n'a rien fait pour éviter cette pollution annoncée.
Le cargo contient 42 000 tonnes de ferraille. Depuis le mois d'août, rien a été fait pour désamorcer la bombe à retardement du New Flame, coincé dans les eaux "territoriales" du Rocher [Gibraltar est une colonie britannique et échappe donc à l'autorité de Madrid]. L'Espagne, probablement afin de ne pas provoquer une nouvelle crise diplomatique avec Gibraltar maintenant que leurs relations sont apaisées, a laissé faire le gouvernement local. Ou plutôt elle l'a laissé ne rien faire. Quatre mois ont passé et le navire est toujours échoué au large des côtes andalouses.
Cette année, le New Flame est le troisième bateau responsable d'un accident ayant entraîné de graves dommages écologiques. En janvier, le Sierra Nava s'est échoué avec à son bord 700 tonnes de fuel et en mars le Samothrakis, avec 40 000 tonnes de fuel, est entré en collision avec un cargo. Cent soixante-dix tonnes de carburant se sont alors déversées dans la mer et ont gravement pollué la plage de Chinarral (près d'Algésiras). Tous ces incidents sont dus à la négligence des capitaines et, à deux reprises, la réaction des autorités a été insuffisante pour éviter les dommages écologiques. Ces événements nous rappellent que le détroit de Gibraltar vit sur un volcan en activité.
En plus de l'imprudence des capitaines (le responsable du New Flame était sorti du port de Gibraltar sans permission), c'est l'intensité même du trafic maritime qui est en cause. Après la Manche, le détroit de Gibraltar est la voie de circulation maritime la plus fréquentée au monde. Quelque 100 000 bateaux y circulent chaque année. Or la Manche est un corridor de 30 kilomètres de large alors que Gibraltar en fait à peine 14.
Personne ne sera étonné d'apprendre qu'il s'agit d'une des zones maritimes les plus polluées au monde. Dégazages sauvages, fuites de pétrole lors des manœuvres des "pompes à essence flottantes" gibraltariennes et rejets des déchets dans la mer sont le lot quotidien du détroit. Et la plaine de Gibraltar comporte l'un des plus grands complexes chimiques et industriels d'Andalousie, avec une raffinerie et une aciérie.
Mais, le plus surprenant, c'est que le détroit de Gibraltar demeure un sanctuaire écologique de grande valeur, avec notamment la présence d'une importante population de cétacés et le passage de millions d'oiseaux migrateurs dans la zone. On compte sept espèces de cétacés qui vivent de manière permanente ou semi-permanente dans le détroit : trois espèces de dauphins (le dauphin commun, le dauphin bleu et blanc et le grand dauphin), la baleine pilote, le cachalot, l'orque et le rorqual.
Comment expliquer la présence d'autant de mammifères marins dans un espace aussi réduit, aussi pollué et aussi fréquenté ? Le détroit de Gibraltar regorge de mets de choix pour les cétacés, qui profitent du passage d'autres espèces qui migrent entre la Méditerranée et l'Atlantique. Une richesse naturelle qu'une catastrophe écologique de grande ampleur pourrait faire disparaître. Et la somme de ces petites pollutions et la gêne occasionnée par l'intensité de la circulation maritime pourraient finir par rendre la vie impossible à cette faune exceptionnelle.
|
|
José Bejarano La Vanguardia |
|
|
|
|
|
|
|