Les Vies de Boris Souvarine PDF Imprimer Envoyer
Critique Sociale
Écrit par critiquesociale   
Mercredi, 15 Octobre 2008 00:30

L’existence de Boris Souvarine est constituée à la fois de fidélité à ses principes, et de ruptures le plus souvent provoquées par des tragédies de l’histoire (notamment la guerre de 14-18, puis l’émergence du stalinisme). Principal fondateur du Parti Communiste en 1920, devenu ennemi acharné de Staline et de l’URSS de par la défense des mêmes convictions, le parcours et les analyses de l’autodidacte Boris Souvarine sont riches d’enseignements.
 

Vers le socialisme et le pacifisme

Boris Lifschitz naît le 5 novembre 1895 en Russie tsariste, à Kiev. En 1897 son père, ouvrier, décide d’émigrer avec sa famille vers Paris. La famille Lifschitz acquiert la nationalité française en 1906.

Le jeune Boris commence à travailler comme apprenti à l’age de 14 ans. Il y partage la condition des travailleurs, et se trouve en phase avec les luttes ouvrières et le mouvement socialiste. A cette époque, il assiste à des meetings de Jean Jaurès.

 

La première guerre mondiale constitue la première rupture pour Souvarine. Mobilisé, il découvre les horreurs de la guerre. Evénement décisif dans son ralliement au pacifisme, son frère aîné meurt au front en mars 1915.

Ce traumatisme contribue à son engagement politique intense, au sein de l’aile gauche du mouvement ouvrier, comme militant de la minorité restée pacifiste et internationaliste. Il adhère au Parti socialiste (SFIO) en 1916, et commence à écrire dans le journal des socialistes minoritaires : Le Populaire. Il y signe du pseudonyme qu’il gardera toute sa vie : Souvarine, patronyme emprunté à un personnage du roman Germinal d’Emile Zola.

Libéré de ses obligations militaires, Boris Souvarine devient journaliste pour plusieurs titres de la presse de gauche et d’extrême-gauche. Il y développe rapidement un talent d’écriture évident, aussi doué comme polémiste que comme subtil observateur des évènements[1].

 

En 1917, comme l’ensemble des socialistes, il accueille avec ferveur la révolution de février en Russie, qui renverse le tsarisme. Russophone, il suit avec attention l’évolution du mouvement révolutionnaire, et soutient les mots d’ordre de pouvoir aux soviets et de paix immédiate. Il devient correspondant pour la Novaïa Jizn (Vie Nouvelle), le journal de Maxime Gorki publié à Pétrograd.

En novembre 1917, suite à la prise du pouvoir par les bolcheviks et aux premières mesures du nouveau régime, Souvarine a cette analyse : « Il est à craindre que, pour Lénine et ses amis, la "dictature du prolétariat" doive être la dictature des bolcheviki et de leur chef. Ce pourrait devenir un malheur pour la classe ouvrière russe et, par la suite, pour le prolétariat mondial. […] Ce que nous voulons souhaiter, c'est l'entente entre socialistes pour l'organisation d'un pouvoir stable, qui soit vraiment le pouvoir du peuple et non celui d'un homme »[2].

 

Malgré cette critique initiale particulièrement lucide, Souvarine va évoluer. Les bolcheviks sont auréolés du mérite d’avoir signé la paix. Or dans le reste de l’Europe la guerre se poursuit, avec ses milliers de morts chaque semaine. Souvarine, comme d’autres, voit son jugement s’infléchir en faveur des nouveaux dirigeants de la Russie. Il faut dire qu’à cette date il n’a pas encore eu le temps d’étudier en profondeur le marxisme, et les multiples reniements des bolcheviks ne lui apparaissent pas encore comme tels ; il parlera avec le recul de cette « orientation que nous prenions (à tort, d’ailleurs) pour du marxisme, sous l’influence d’une révolution grandiose, apparemment victorieuse, et prétendument socialiste. »[3] 

 

La création de la SFIC

En 1919, Souvarine adhère au Comité de la Troisième Internationale, issu de la transformation en mai 1919 du Comité pour la Reprise des Relations Internationales (petite structure d’extrême-gauche, opposée à la guerre). Ce Comité était favorable à la Troisième Internationale, ou Internationale Communiste, qui venait d’être créée à Moscou.

 


 

Boris Souvarine devient un des militants les plus actifs du Comité, et publie plusieurs brochures qui sont largement diffusées. Il y écrit par exemple que « les partis socialistes-communistes doivent tendre à créer la démocratie prolétarienne qui supprimera les classes en abolissant les privilèges économiques, et dont les organes sont les soviets, c’est-à-dire les conseils ouvriers et paysans, nouveau type d’organisation du prolétariat se gouvernant lui-même. »[4]

 

En février 1920 il est élu délégué au congrès de la SFIO, où il est de ceux qui défendent l’adhésion du parti à l’Internationale Communiste. En mars 1920 il crée le bimensuel du Comité de la Troisième Internationale : le Bulletin communiste.

Il est arrêté le 17 mai 1920 dans le cadre d’une opération étatique visant à accuser les leaders révolutionnaires de « complot » et de « menées anarchistes ». Cette manœuvre ne reposant sur rien, lui et ses co-accusés (dont les deux autres dirigeants du Comité, Fernand Loriot et Pierre Monatte) seront acquittés en mars 1921.

Emprisonné, il écrit sans relâche, pour le Bulletin communiste, L’Humanité, La Vague, La Vie ouvrière... C’est également dans sa cellule qu’il rédige, avec quelques autres, la « motion Souvarine »[5] pour le congrès de Tours de la SFIO, motion qui allait être majoritaire.

 

En décembre 1920, Loriot et Souvarine sont désignés comme « présidents d’honneur » du congrès de Tours. Les trois quarts des congressistes adoptent la motion de Souvarine, et créent la SFIC : Section Française de l’Internationale Communiste (« SFIC - Parti socialiste » jusqu’en mai 1921, « SFIC - Parti communiste » ensuite ; le nom « Parti communiste français » ne sera adopté que bien plus tard, une fois le parti intégralement stalinisé).

 

Souvarine arrive en Russie en juin 1921, comme délégué au 3e congrès de l’Internationale Communiste (IC). Il se fait remarquer par son anti-conformisme, visitant des anarchistes en prison, ou encore se procurant les thèses de l’Opposition Ouvrière[6] - thèses dont la diffusion était interdite.

Le communiste Marcel Body le rencontre en Russie : « Victor Serge et moi avions été frappés par sa maturité d’esprit et par l’ascendant qu’il exerçait sur la délégation française. […] Ce qui nous frappait tout particulièrement, c’était la clarté de ses exposés, repris en séance plénière, non par lui-même, car Boris Souvarine, écrivain remarquable, n’était pas un orateur, mais par Fernand Loriot, à l’époque dans la cinquantaine »[7].

 

A l’issue du congrès, Souvarine est élu parmi les principaux dirigeants de l’IC. Bien que faisant également partie de la direction de la SFIC, il est le plus souvent à Moscou pour participer aux travaux de la direction de l’Internationale.

En 1921 le Comité de la Troisième Internationale se dissout, ses militants formant l’aile gauche du nouveau parti. Le Bulletin communiste, toujours dirigé par Souvarine, devient l’hebdomadaire de la SFIC.

Pendant ces années, il milite à plein temps pour l’Internationale et pour sa section française, et participe en particulier aux luttes de tendance contre les courants de la droite du parti. Il est régulièrement réélu au sein des plus hautes instances de l’Internationale.

 

Fin 1923 et début 1924, devant les manœuvres de la direction du parti russe - le début de ce qui allait devenir le stalinisme - Boris Souvarine refuse de rester dans la ligne, et affirme une liberté d’esprit et d’expression élémentaire pour un marxiste, mais qui apparaît comme plus que suspecte pour les nouveaux dirigeants de l’Etat russe. Cet esprit critique, et le fait qu’il refuse de se cantonner à quelques déclarations feutrées ne sortant pas des milieux dirigeants, le classent rapidement comme dissident - conséquence de la vision toute militaire de la politique selon la bureaucratie russe.

Même si sa remise en cause du régime est très progressive, le 6 février 1924 Souvarine écrit à Zinoviev : « Il y a bien des faits que j’estime inadmissibles et dans le Parti russe et dans la vie soviétique en général. » Le 4 avril dans une réunion de la fédération de la Seine du PC-SFIC, il livre franchement son analyse : « Il y a quelque chose de pourri dans le Parti et l’Internationale ! »[8].

Dans les semaines qui suivent la mort de Lénine, Souvarine s’oppose ainsi à l’unanimisme obligatoire qui consiste à soutenir la direction (Staline-Zinoviev) contre Trotsky, et il publie en avril 1924 une traduction en français de la brochure Cours nouveau de Trotsky.

 

Présent en URSS pour le congrès de l’Internationale, il prend la parole le 28 mai 1924 devant le congrès du parti russe, le PCUS. Souvarine y dénonce sous les huées « une telle quantité de mensonges et de calomnies » qui se sont accumulées « contre l’opposition du Parti russe, et surtout contre Trotsky »[9]. Dénoncer pour ce qu’elle est l’opération politicienne menée contre Trotsky et les autres oppositionnels, à Moscou et à la tribune du congrès du parti unique, c’en est trop : le sort de Souvarine est désormais scellé.

 

Mais Souvarine est un des dirigeants du Komintern, un pilier du Parti français, et il est connu et apprécié de nombreux militants de différents pays. Le 5e congrès du Komintern, ouvert en juin 1924, renvoie la « question Souvarine » à une commission spéciale. C’est finalement l’exécutif du Komintern qui tranche en juillet 1924 : c’est l’exclusion, assortie de la possibilité purement formelle de demander plus tard sa re-adhésion - c’est d’ailleurs ce que fera Souvarine, mais n’ayant pas abdiqué son esprit critique, il ne sera évidemment pas réintégré.

Cette exclusion de l’Internationale entraînant aussi son exclusion de la section française, le PC a ainsi perdu son principal fondateur. Après celle de Souvarine, d’autres exclusions et démissions priveront rapidement le PC du reste de son aile gauche.

 

Souvarine, communiste anti-stalinien

Présent en Russie au moment de son exclusion (qu’il apprend en lisant la Pravda du 13 juillet), Souvarine y reste quelques mois, avant de quitter définitivement le pays en janvier 1925, suite aux menaces qui pèsent sur sa liberté.

 

Dans les années suivantes, Souvarine est employé par David Riazanov comme correspondant en France de l’Institut Marx-Engels[10]. Son rôle est en particulier l’achat de livres rares et d’archives des divers mouvements socialistes et communistes. Souvarine permet par exemple l’acquisition des manuscrits de Gracchus Babeuf. Cet attachement à la conservation des archives du mouvement ouvrier est une constante dans la vie de Souvarine.

 

Revenu en France, il tente d’organiser et de rassembler les communistes oppositionnels : il est un des premiers anti-staliniens, et il le restera jusqu’à sa mort. A partir de 1925 il refait paraître le Bulletin communiste, comme organe révolutionnaire indépendant et clairement oppositionnel : « Où sont la pensée originale, l’esprit critique, le travail spirituel du communisme ? Pas dans les organes officiels des partis. On ne les trouve plus que dans de petits groupes d'opposition qui gardent intactes leurs convictions révolutionnaires »[11].

 

En 1926, il obtient une copie du « Testament » de Lénine (texte gardé secret par le pouvoir russe), et en organise la première publication avec Max Eastman et Alfred Rosmer.

La même année, il regroupe divers communistes exclus, démissionnaires ou oppositionnels, au sein du Cercle Communiste Marx et Lénine.

 

Il entretient des liens avec de nombreux anti-staliniens en URSS, dénonce « l’atmosphère de pogrome créée par la presse des staliniens »[12], sans jamais abdiquer son esprit critique. Il observe ainsi que « les opposants ne sont pas libres de s’exprimer, ils tiennent compte des moyens de pression et de répression de l’adversaire, des risques à courir… Comme les dirigeants d’ailleurs, ils ne disent pas toujours ce qu’ils pensent, ils ne pensent pas toujours ce qu’ils disent. Tout est empoisonné de tactique. »[13] Il regrette que l’opposition russe « n’a pas su se faire l’interprète des aspirations démocratiques du prolétariat », et il rappelle « notre rôle principal de champions de la démocratie authentique, celle que les socialistes et les communistes de toujours appelaient démocratie sociale. » [14]

Il observe que « dans le complexus du léninisme, il est un poison tout particulier : l’immoralisme, que les adeptes prennent pour le fin du fin de l’habileté politique. » Face à l’immoralisme, Souvarine oppose « l’éthique révolutionnaire »[15].

 

Sur le plan international, Souvarine dénonce la politique de l’Exécutif du Komintern : « Le sabotage du mouvement communiste allemand est l’œuvre de l’Exécutif lui-même. C’est l’Exécutif qui a discrédité les militants spartakistes ; […] qui a entrepris le dénigrement rétrospectif de Rosa Luxembourg »[16]. « La politique stalinienne » consiste notamment à « épurer les partis communistes de tout élément communiste pour en faire des appendices d'un Etat russe de moins en moins prolétarien, de plus en plus bureaucratique »[17].

 

Il lit la presse russe, se tient particulièrement au fait des analyses et des activités des différentes oppositions (la plupart sont déjà en exil). Il cherche à saisir la réalité vécue par les prolétaires russes, au-delà de l’écran de fumée de la propagande stalinienne : il s’agit pour lui de comprendre et de faire connaître « la condition réelle des travailleurs sous la prétendue dictature du prolétariat »[18].

En 1927, l’économie russe est selon Souvarine caractérisée par des « rapports de classe, déterminés par le régime économique, [qui] correspondent de toute évidence à un stade de développement capitaliste de la Russie. » Il ajoute que « l’exploitation de l’homme par l’homme se développe »[19].

 

En 1929, il débat par lettres avec Trotsky, qui vient d’être expulsé d’URSS par le pouvoir stalinien. Même si Souvarine n’a jamais vraiment été « trotskyste », il l’a soutenu contre Staline, dès 1923-1924. La volonté de Souvarine est de chercher à comprendre les racines du stalinisme, et de trouver les moyens d’empêcher ce phénomène et ses prémices de se reproduire. Trotsky, à l’inverse, souhaite essentiellement revenir au bolchévisme d’avant la domination de Staline.

La lettre que Souvarine écrit à Trotsky en juin 1929 est une longue critique, franche et argumentée, des positions léninistes, donc notamment de Trotsky. Souvarine y analyse l’économie russe comme « un capitalisme d’Etat où une catégorie sociale nouvelle s’approprie et consomme une grande part de la plus-value produite par les salariés »[20]. Il écrit que « le bolchevisme était une simplification du marxisme », et que « le bolchevisme post-révolutionnaire aurait eu besoin d’un retour à Marx. Il s’est au contraire éloigné de plus en plus du marxisme. Son schématisme simplificateur a poussé la parodie de la doctrine initiale jusqu’à la caricature ». Souvarine dénonce « un pays où un seul parti a le monopole de la vie politique, ce que nul programme communiste n’a jamais prescrit »[21].

Ses critiques sont évidemment infiniment plus sévères concernant les staliniens : il considère ainsi que « les sections actuelles de l’Internationale […] ne servent qu’à discréditer le communisme »[22].

Par sa « réponse » (une courte missive de mépris, qui ne répond à aucun des nombreux arguments de Souvarine), Trotsky rompt avec Souvarine, qui a le tort de refuser d’être un disciple, un petit soldat du trotskysme, et fait preuve de trop d’esprit critique. Cette rupture entraîne une petite scission dans l’opposition communiste en France. Se ranger sous la bannière de Trotsky devenant pour ce dernier la base politique sine qua non, c’est forcément un facteur de division et d’appauvrissement politique. C’est une déception pour Souvarine, tant concernant Trotsky que les quelques militants du Cercle qui passent alors au trotskysme naissant (parmi lesquels Pierre Naville et Gérard Rosenthal).

Trotsky parlera par la suite d’un « souvarinisme », qui désignerait le « courant politique » initié par Souvarine. Trotsky ira jusqu'à identifier ce « souvarinisme » en décembre 1939 chez les militants oppositionnels du Socialist Workers Party (SWP) états-unien : c'est-à-dire les militants de ce parti trotskyste qui étaient en désaccord avec lui[23].

 

Grâce aux informations qui circulent plus ou moins clandestinement, et à la lecture de nombreux textes disponibles uniquement en russe, Boris Souvarine est parmi les premiers à comprendre ce qui se passe réellement en URSS. Il ne ménage pas ses efforts pour faire connaître et dénoncer les crimes staliniens, pour tenter de sauver les dissidents réprimés, pour faire apparaître la vérité derrière les mensonges de la propagande.

Dénoncer l’exploitation subie par les travailleurs en URSS, la dictature de Staline, les déportations, l’arbitraire, l’absence de tout élément de socialisme en URSS, tout cela découle naturellement pour Souvarine d’une conception authentique du militantisme révolutionnaire, tant il est vrai que « le marxisme exige de regarder la réalité en face, fût-elle amère, et non de se bercer de pieuses illusions. »[24] Or en URSS le système du salariat est omniprésent, et la liberté de la presse absente : c’est-à-dire l’exact inverse de ce que souhaitait Marx. Ainsi, avec le Cercle et dans le Bulletin communiste, Souvarine est à cette époque un des initiateurs d’une critique sans concession du stalinisme, critique qui est faite du point de vue du marxisme. Souvarine a ainsi su comprendre dès les années 1920 ce qu’était le stalinisme, et il l’a donc combattu pour ce qu’il était : un « pseudo-communisme » (formule répétée dans d’innombrables textes et articles). Certains, des décennies plus tard et alors que les informations étaient beaucoup plus accessibles, ont fait profession dans le stalinisme, puis quelques années après la mort de Staline, voire plus tard, ont refusé d’admettre toutes les implications de leur fourvoiement, et ont fait ouvertement profession dans l’anti-communisme, conservant les méthodes anti-communistes apprises dans leur formation stalinienne ainsi que les formulations mensongères du stalinisme, méritant ainsi le qualificatif d’ex-staliniens « moralement incurables », pour reprendre les mots de Souvarine[25].

 

En 1929, l’écrivain Panaït Istrati – un « communiste sincère et libéré d’illusions »[26] – propose à Souvarine d’écrire un des tomes de Vers l’autre flamme, ouvrage en trois parties publié sous le nom d’Istrati, qui critique l’évolution de l’URSS. Souvarine accepte : « j’étais chômeur et fauché, voici un job temporaire inattendu. »[27]

Dans ce texte, La Russie nue, Souvarine s’attache à décrire concrètement « les phénomènes généraux intéressant la vie des classes laborieuses »[28], autrement dit « la vie tragique des travailleurs » (c’est le titre des chapitres II, III et IV), et ce à partir de sources incontestables qu’il traduit du russe. Il prouve chiffres et documents à l’appui l’étendue du chômage, du travail des enfants, et de « l’inégalité croissante »[29] en URSS. Souvarine poursuit en constatant que le parti unique stalinien est une « institution bureaucratique » qui n’a plus « rien de communiste ». Il observe donc : « nous connaissons maintenant un Parti communiste sans communistes »[30]. Il ajoute enfin que « contre les classes laborieuses, on ne peut accomplir qu’une révolution bourgeoise. »[31]

 A partir de 1930 débute la période la plus fructueuse de Souvarine : de 1930 à 1934, c’est l’époque du Cercle Communiste Démocratique, de la revue La Critique Sociale, et de l’écriture de son livre-somme sur Staline et le bolchévisme.

En février 1930, il écrit que « Le communisme renaîtra mais dans une nouvelle phase de l'histoire contemporaine, avec une nouvelle génération et contre les influences corruptrices diverses du bolchévisme. »[32]

La même année, le Cercle Communiste Marx et Lénine se transforme en Cercle Communiste Démocratique. Le Cercle redéfini a pour but de « maintenir, prolonger et vivifier la tradition démocratique et révolutionnaire du marxisme »[33] et de « rechercher activement les germes de renouvellement de la pensée et de l’action révolutionnaires. »[34]

 

Le Cercle « rassemble des travailleurs résolus à fortifier leur culture et leur préparation révolutionnaires dans l’esprit du marxisme, tout en saisissant chaque occasion d’agir en soutien de tout mouvement orienté dans le sens du progrès historique. […] Le Cercle s’efforcera de contribuer à préparer le terrain sur lequel le parti prolétarien de demain pourra se former ; il perdra sa raison d’être le jour où il existerait, en France, un parti qui, affranchi de toute domination ou dépendance d’Etat, interprétera selon les principes de la démocratie communiste les intérêts fondamentaux et historiques du prolétariat et du socialisme international. »[35]

Parmi ses fondements théoriques, le Cercle défend en particulier une conception exigeante de la démocratie : « Avec Marx et Engels aussi, le Cercle s’affirme démocratique, entendant par là particulièrement restaurer contre les faux communistes qui la nient et les faux socialistes qui la dégradent une notion inséparable de l’idée révolutionnaire. Les communistes et les socialistes de l’école marxiste ont longtemps porté, en politique, le simple nom de "démocrates" avant d’appeler leur parti "social-démocratie". La critique marxiste de la réalisation du principe démocratique en régime capitaliste vise les contradictions de la pratique, non le principe même, et démontre l’impossibilité d’acquérir une vraie démocratie politique sans la baser sur l’égalité économique. »[36]

L’esprit critique face à l’URSS est affirmé par le Cercle comme une nécessité révolutionnaire : « Toute idéalisation systématique du régime soviétique, pour ne pas parler de l’apologie intéressée, est objectivement contre-révolutionnaire. »[37] Dans un texte de mars 1931, « le Cercle constate qu’il n’y a pas de soviets dans la République des Soviets, que la dictature du secrétariat y sévit contre toutes les classes laborieuses, particulièrement contre les prolétaires et leurs représentants politiques ou intellectuels, enfin que la lutte au nom de la démocratie communiste contre l’usurpation bureaucratico-policière est à l’ordre du jour en permanence. »[38]

 

Souvarine défend à cette époque l’opportunité d’un nouveau parti, face à un PC détruit de l’intérieur par la  stalinisation : « nous dénions à ce parti tout caractère communiste et révolutionnaire ». L’objectif du Cercle Communiste Démocratique est pour lui de « militer pour le communisme authentique, non seulement contre toutes les forces politiques bourgeoises ou socialistes, mais contre un parti qui usurpe la qualité de communiste »[39].

 

En mars 1931 il crée le bimestriel La Critique Sociale, « revue des idées et des livres ». Ceux qui écrivent dans la revue sont presque tous du Cercle Communiste Démocratique, ou en sont sympathisants. Parmi les collaborateurs de la revue on trouve ainsi Boris Souvarine, Pierre Kaan, Simone Weil, Colette Peignot, Raymond Queneau, Georges Bataille, Karl Korsch…

Dans ses articles, Souvarine note « l’incompatibilité absolue entre le bolchévisme post-léninien et le marxisme. »[40] Il regrette que ce soit « le socialisme qui manque le plus parmi les éléments en jeu, le socialisme véritable, conscient, entreprenant et agissant, militant et combattant, c’est-à-dire le communisme démocratique de Marx et Engels. »[41] Il qualifie l’URSS de « régime anti-communiste »[42], et dénonce « l’expression politique d’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, composée d’autant de mensonges que de mots »[43]. Il rappelle que « les marxistes n’ont pas droit de cité en Russie soviétique, sauf comme emprisonnés, déportés ou comme citoyens passifs. »[44]

Il constate que « la civilisation bourgeoise […] tend à durer exclusivement pour l’exploitation et par l’oppression, au prix d’indicibles souffrances humaines et aux dépens d’une masse innombrable de victimes. »[45]

A l’occasion des 50 ans de la mort de Marx, Souvarine regrette que « il ne se passe guère de jour où quelque pontife de la culture bourgeoise n’inscrive au passif d’un marxisme imaginaire les idées les plus contraires, les faits les plus étrangers au marxisme réel. » De même, l’idéologie officielle en Russie est une « antinomie achevée du marxisme authentique. » En conséquence, « il s’agit, dans les années terribles que traverse le monde, de maintenir vivant l’esprit critique et constructif du marxisme pour l’opposer aux dogmes immobiles, même à terminologie socialiste ou communiste, figés dans leur stérilité définitive. »[46]

 

Pour des raisons financières, La Critique Sociale doit s’arrêter en mars 1934. En 1983, la réédition complète de ses 11 numéros confirmera, grâce au recul du temps, l’exceptionnelle qualité de la revue et la grande lucidité que l’on y trouve.

 

Boris Souvarine initie ou participe à des campagnes pour la libération d’opposants emprisonnés en URSS, par exemple pour David Riazanov et Victor Serge. A ce sujet, il indique la logique de sa démarche : « Nous devons nous exprimer comme nous l’entendons, et en communistes, et compter sur la contagion de l’exemple. Si nous n’aboutissons pas, nous aurons tout de même fait notre devoir. »[47] Pour Souvarine il importe évidemment de faire libérer les révolutionnaires persécutés, mais sa lutte est aussi bien plus large : « en protestant pour Victor Serge et sa famille injustement maltraités, nous avons voulu défendre non seulement nos camarades, nos amis, mais tout le peuple russe opprimé, la révolution bafouée. Des milliers de travailleurs de Russie, ni plus ni moins coupables que Victor Serge, sont exilés ou déportés dans l’extrême-nord, condamnés aux travaux forcés sous un climat meurtrier. Parmi eux, combien d’innocents ont péri, combien d’enfants ont été exterminés ? »[48]

 

S’agissant de l'industrialisation en URSS, Souvarine relève non seulement les faux chiffres donnés par la propagande, mais aussi son coût humain, estimant que les vrais communistes doivent se préoccuper avant tout de la situation des travailleurs : « ce qui nous intéresse, communistes que nous sommes, ce n’est pas tant le charbon que le mineur. Si le prix de revient est le critère principal dans l’ordre économique, le standard de vie et le degré de liberté sont nos pierres de touche sur le plan social. »[49]

 

Début 1933 le Cercle Communiste Démocratique publie, avec une fédération de communistes exclus du PC, une brochure intitulée « Pour le communisme rénové », dont les idées et le style portent nettement la marque de Souvarine. On peut notamment y lire les extraits suivants : « La bolchévisation, synthèse de la théorie et de la pratique dites léninistes par opposition au marxisme, caricature internationale du bolchévisme d’Etat déjà décadent, imposée par les héritiers illégitimes de Lénine grâce au prestige immense de la révolution d’Octobre et aux moyens matériels à leur disposition, a brisé et stérilisé le mouvement communiste contemporain. Opération contre-révolutionnaire par excellence, car elle donne le pas aux intérêts particuliers de la camarilla bureaucratique au pouvoir à Moscou sur les intérêts généraux du prolétariat et de la révolution, la bolchévisation a transposé sur le plan international des phénomènes propres à l’Etat soviétique dégénéré, à un régime qui ne tolère aucune institution de la classe ouvrière, ni partis, ni syndicats, ni bourses du travail, ni conseils d’entreprises, ni coopératives, ni soviets et leur substitue une hiérarchie « d’appareils » soumis à une oligarchie recrutée par cooptation. […] Une disproportion excessive sous tous les rapports entre la section russe et les autres sections de l’I.C., ajoutée aux traditions du bolchévisme consolidées et hypertrophiées après Octobre, a pesé sur le développement normal du communisme en Europe et en Amérique au point de l’étouffer dès que le personnel dictatorial de l’Union soviétique s’est mis, après la mort de Lénine, à traiter le mouvement communiste à l’extérieur comme il avait traité le parti privilégié à l’intérieur. La résurrection du communisme international d’inspiration marxiste ne sera possible qu’envers et contre le bolchévisme abâtardi, en opposition au léninisme et à la bolchévisation. […] Nous dénonçons la dictature bureaucratique sur le prolétariat dans la République des Soviets sans république ni soviets »[50]

 

Dans un article de mai 1933, Souvarine argumente en faveur d’un boycott économique de l’Allemagne nazie[51]. Quelques années auparavant, il avait « été un des premiers en France, avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, à dénoncer le danger nazi »[52].

Après les émeutes du 6 février 1934, le Cercle Communiste Démocratique participe activement à la mobilisation de la gauche et de tout le mouvement ouvrier contre la tentative de coup de force de l’extrême-droite. Le Cercle édite massivement un tract intitulé « Peuple travailleur, alerte ! », qui appelle au « Front unique de toutes les organisations ouvrières » et à la grève générale. Le Cercle appelle également par affiches à la manifestation du 12 février ; deux des colleurs d’affiches sont arrêtés le 11, restent détenus 24 heures, et ne sont libérés qu’après que Souvarine ait fait intervenir l’entourage de Léon Blum[53].

 

Sous le nom de Fédération Communiste Démocratique, le Cercle participe au « Front commun pour la défense des libertés publiques » créé à l’initiative de Marceau Pivert, dirigeant de l’aile gauche de la SFIO. Ce « Centre de liaison antifasciste », à la différence du « Front populaire » qui sera formé plus tard, ne comporte ni le PC ni le Parti radical, mais unit la SFIO, les groupes d’extrême-gauche, et diverses autres organisations de gauche. Mais en mars 1934 la pression du PC met fin à ce rassemblement, et le Cercle est de nouveau isolé.

De plus, face à l’urgence de la situation, beaucoup au Cercle considèrent qu’il n’y a plus de temps pour construire un nouveau parti, un parti communiste démocratique. De nombreux militants du Cercle Communiste Démocratique rejoignent alors l’aile révolutionnaire de la SFIO ou des Jeunesses Socialistes[54]. Souvarine ne fait pas partie du nombre, et le Cercle se délite, jusqu’à disparaître à la fin de l’année 1934.

 

Boris Souvarine est souvent principalement connu pour son livre Staline, Aperçu historique du bolchévisme, écrit à partir de 1930, et publié en juin 1935. Ce livre extrêmement bien documenté est non seulement un portrait sans concession de Staline, mais aussi une histoire de la révolution russe. L’ouvrage contient une critique du stalinisme et une démystification de Staline qui paraît évidente aujourd’hui, mais qui ne l’était malheureusement pas à l’époque.

Ainsi, selon Souvarine le régime de Lénine n’était déjà absolument pas le socialisme ou le communisme, mais avec Staline « le souvenir même du programme socialiste ou communiste a disparu ».[55] Il souligne qu’en 1929 déjà il n’y avait en Russie « de socialisme, point de trace, ni dans les faits, ni dans les tendances »[56]. Souvarine multiplie les observations des très nombreuses similitudes entre le régime tsariste et l’URSS, considérant que « l’histoire de la Russie éclaire mieux le régime soviétique exempt de soviets que les références arbitraires au marxisme dont Staline représente l’antithèse. »[57] A partir de sa connaissance des réalités russes, Souvarine analyse l’économie russe comme étant « un capitalisme d’Etat de nouvelle espèce »[58].

Il est révélateur que le Staline de Souvarine soit à l’origine surtout apprécié et recommandé par la gauche socialiste et l’extrême-gauche. Dans les tendances de la gauche de la SFIO, les anciens du Cercle Communiste Démocratique en font la promotion ; parmi eux, René Lefeuvre le diffuse au sein de la « Bibliothèque de Masses », puis au sein du PSOP (fondé en 1938). En 1948, l’ouvrage est une des bases de l’article de Claude Lefort sur les contradictions de Trotsky[59] - au moment où il participe à la création de Socialisme ou Barbarie comme organisation politique autonome, et « le livre de Souvarine reviendra également sous la plume de Cornelius Castoriadis dans plusieurs articles de Socialisme ou Barbarie consacrés à l’URSS et au stalinisme. »[60]

Plus tard, en 1977, c’est par l’extrême-gauche que l’ouvrage est réédité, en l’occurrence par Champ Libre dont le « directeur littéraire » officieux était le situationniste Guy Debord. Ce livre a ainsi été salué et soutenu, depuis sa publication, par les différents courants de l’extrême-gauche non-léniniste, ainsi que par certains socialistes et syndicalistes. Il faut dire que selon Souvarine lui-même, son livre contient « une réprobation sans réserve du bolchévisme du point de vue même du communisme ou du socialisme »[61].

L’ouvrage a été traduit en plusieurs langues et a, depuis cette réédition, également été reconnu beaucoup plus largement comme l’œuvre lucide d’un historien rigoureux – ce qu’était effectivement Souvarine.

 

« je suis peut-être perdu moi-même »[62]

S’ajoutant aux tragiques évènements de l’époque, la rupture avec sa compagne Colette Peignot, qui se déroule de l’été 1934 jusqu’à septembre 1936, va briser moralement Souvarine. Les lettres de 1934 relatives à cette rupture ont été récemment publiées : celles de Souvarine sont marquées d’un désespoir profond : « Je vis un indicible cauchemar », « Je suis brisé », « Je ne vois plus de perspective de salut ni pour elle, ni pour moi ; nous sommes condamnés à traîner chacun à sa façon, une existence qui n’est ni la vie ni la mort », « Je ne suis plus qu’un demi-cadavre »[63], « Quand à moi, quoi qu’il advienne, je n’en guérirai pas »[64]. Cet épisode personnel a une influence importante sur la vie publique de Souvarine, d’autant plus que les divers protagonistes sont tous membres du Cercle. Cette rupture contribue ainsi à faire de ces années 1934-1936 une nouvelle charnière dans l’existence de Boris Souvarine.

 

Après la dissolution de fait du Cercle à la fin de l’année 1934, Souvarine ne sera plus jamais membre d’une organisation politique. Son relatif isolement se double de la disparition de ses revues, le Bulletin communiste ayant été contraint de cesser sa parution en 1933, et La Critique Sociale en 1934. Au printemps 1935, sa tentative de faire reparaître cette dernière échoue.

 

Souvarine participe après 1933 au sauvetage des archives marxistes allemandes, contenant les manuscrits de Marx. Il crée en 1935 l’Institut d’Histoire Sociale à Paris, comme antenne de l’IIHS d’Amsterdam, avec les marxistes anti-staliniens Boris Nicolaïevski et Bracke-Desrousseaux, ainsi que l’historien socialiste Georges Bourgin (cet Institut sera démantelé par les nazis après l’invasion de 1940 ; Souvarine le recréera cependant après-guerre[65]).

 

Avec d’autres anciens du Cercle, il crée en 1936 l’association des Amis de la vérité sur l’URSS. Le but est de publier des brochures comportant des faits précis, pour diffuser « une information exacte et valable sur les réalités "soviétiques" ». Souvarine écrit deux brochures, qui paraissent sans nom d’auteur (Souvarine pratiquait régulièrement la publication sous anonymat).

Dans La Peine de mort en URSS, il écrit que « n’importe qui en URSS peut subir la peine de mort pour n’importe quoi, dans l’impossibilité totale de se disculper, de se défendre ou de se justifier »[66], et il traduit un décret étendant l’application de la peine de mort aux enfants à partir de… 12 ans.

Dans Bilan de la terreur en URSS, il cite un texte qu’il avait écrit en 1934 :  « Il y a en URSS plusieurs millions de déportés ou de bannis de toutes catégories et des centaines de milliers de détenus politiques dans les prisons, les isolateurs et les camps de concentration. Ce sont la plupart d’obscurs travailleurs, ouvriers ou paysans, sans notoriété ni soutien. […] Parmi les victimes de cet arbitraire illimité figurent aussi des représentants de toutes les nuances de l’opinion révolutionnaire non conformiste »[67]. Il ajoute que « les déportés succombent nombreux, en Sibérie et ailleurs. »[68]

Cinq autres brochures sont publiées par l’association en 1936 et 1937.

 

Au cours de cette période, Boris Souvarine devient fondamentalement pessimiste. Force est de reconnaître, outre sa situation personnelle, que la période historique avait de quoi inciter au pessimisme. Ainsi, en 1939 Léon Blum lui propose de tenir une chronique sur la situation militaire dans Le Populaire, proposition qui n’aboutit pas car Souvarine pense que la France va perdre la guerre, pronostic qui sidère Blum. Le pessimisme, en cette période, était donc souvent confirmé par les faits : il était « minuit dans le siècle », comme l’écrivit Victor Serge. Mais, plus encore, c’est un véritable désespoir qui atteint Souvarine à partir de cette période.

 

L’observateur des deux mondes

Souvarine poursuit malgré tout son étude de la situation réelle en URSS, qui contredit sur tous les points ce que le régime stalinien dit de lui-même. Ainsi, « loin d’aller s’atténuant, l’inégalité s’aggrave, - et s’accuse la différenciation sociale. »[69]. En mai 1939, il prévoit dans un article le pacte germano-soviétique (lequel ne sera signé que le 23 août). Il n’est en fait ni le seul ni le premier à avoir annoncé l’alliance Staline-Hitler : dès le 21 avril 1939, le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (PSOP) arrivait aux mêmes conclusions dans son journal Juin 36[70].

Evidemment, cette alliance surprend ceux qui croient contre l’évidence que Staline aurait été « communiste ». Mais, déjà à l’époque des faits, pour ceux qui connaissent la réalité politique du stalinisme - Souvarine et le PSOP entre autres - l’autoritarisme, le chauvinisme, le mensonge, la répression sauvage, rapprochent les deux dictatures. Ce n’est évidemment pas un hasard si ceux qui ont annoncé le pacte stalino-nazi sont ceux qui avaient compris que Staline n’avait rien de communiste.

 

L’invasion nazie oblige Souvarine à fuir Paris en juin 1940, puis la zone dite libre en août 1941, cette fois pour s’exiler aux Etats-Unis, initialement pour rejoindre la New School for Social Research. Il participe par la suite à un service de la France Libre, tout en étant très méfiant vis-à-vis du général de Gaulle.

Il publie quelques articles, par exemple dans Politics, Partisan Review et The New Leader, journaux de la gauche anti-stalinienne (où George Orwell écrira également). Déçu par les Etats-Unis, il parvient à rentrer en France en 1947.

 

Dans la logique de la lutte contre Staline, il participe en 1947 à une nouvelle édition du « Testament de Lénine ». Dans sa préface - non signée - il n’épargne pas Lénine, parlant de « la Commune de Cronstadt » comme étant le « dernier sursaut des soviets contre la dictature de l’appareil bolchevik ». La suite de sa préface est en fait un long extrait du chapitre 7 de Staline, Aperçu historique du bolchévisme [71].

 

Il publie en 1948 une feuille d’information, L’Observateur des deux mondes - titre qui montre bien la situation de Souvarine, qui est passé de militant à observateur. Il en est le seul rédacteur. Il continue inlassablement de dénoncer le « régime pseudo-communiste » qu’est « l’Etat stalinien »[72], et n’épargne pas non plus les Etats-Unis où « les électeurs se trouvent privés de leur droit au profit des deux partis, le vote n’est qu’un simulacre »[73]. Le ton est acerbe, traduisant un dégoût certain devant l’état du monde. Au fond, Souvarine n’espère plus rien. La publication, commencée en juin 1948, doit s’interrompre dès le mois d’octobre, au bout de 7 numéros.

 

Observateur désespéré, isolé et par conséquent choisissant parfois moins bien ses fréquentations, Souvarine cède alors à une logique de « guerre froide ». C’est la raison pour laquelle Maximilien Rubel lui écrit en 1957 à propos de l’expression « monde libre » - Rubel reprochant à Souvarine d’employer sans recul critique cette expression abusive, qui était utilisée par le bloc de l’Ouest pour s’auto-désigner durant la guerre froide. Dans sa réponse, Souvarine « [allègue] l’impossibilité pour un homme seul de "résister indéfiniment à la pression d’un usage devenu universel, si déplorable soit-il". »[74] C’est reconnaître une concession, étonnante de sa part, au « mensonge qui passe », renoncement bien peu conforme en tout cas à la rigueur souvarinienne des années de La Critique sociale.

 

Il conserve malgré tout une rare érudition, et souvent sa rigueur d’analyse et sa lucidité. Il écrit en 1971 que « Mao est un nationaliste de la plus vulgaire espèce chauvine, étranger au marxisme »[75]. Observant la Chine, l’URSS et ses vassaux, Souvarine en conclue que « Staline est mort, mais le stalinisme continue sous des formes arrondies, moins sanguinaires »[76]. L’historien rigoureux ne doit pas se laisser abuser par « les emprunts formels de Staline à des concepts antérieurs qu’il a vidés de leur contenu initial. »[77]

Il s’en prend également à « la presse dite "bourgeoise" » qui « adopte sans le moindre esprit critique toutes les fictions trompeuses de la propagande et de l’intoxication machinées à Moscou. »[78] Son activité se centre essentiellement sur la dénonciation des dictateurs de l’URSS, cette « oligarchie que les imbéciles du monde entier dénomment "marxiste", tellement le vrai sens des mots peut se perdre. »[79]

 

Souvarine crée en 1957 une nouvelle revue : Le Contrat social, « revue historique et critique des faits et des idées », à parution bimestrielle.

Dans ses articles, il continue à dénoncer « l’exploitation accrue de l’homme par l’homme sous le capitalisme soviétique »[80]. Il s’étonne de la persistance des mythes concernant l’URSS : « Ainsi des intellectuels occidentaux ignoraient, beaucoup ignorent encore, que le communisme n’existe absolument pas dans l’Union soviétique, qu’une nouvelle classe privilégiée domine et exploite la population laborieuse, que le parti prétendu communiste s’arroge le monopole du pouvoir politique et partage les profits matériels, la plus-value, avec les élites de toutes sortes. »[81]

Il qualifie le PCF de « soi-disant parti soi-disant communiste »[82], et écrit que « ce parti est dangereux non parce que communiste, mais parce qu’il ne l’est pas. »[83].

Le stalinisme ment sur tout, en particulier « en proclamant la réalisation du socialisme là où se consolident un capitalisme d’Etat et la pire exploitation de l’homme par l’homme. […] Ainsi Khrouchtchev, tout comme Staline, trompe-t-il son monde en assimilant le socialisme à son régime d’inégalité extrême »[84]. Prétendre que l’URSS est socialiste constitue « le mensonge suprême », et « de ce mensonge principal découlent tous les mensonges subordonnés qui infestent la vie soviétique et qui infectent les rapports de l’Etat soviétique avec le monde extérieur. »[85] Au contraire, il constate que « l’Etat soviétique [est] possédé par le Parti unique en propriété privée »[86], et que ce parti ainsi que le parti unique chinois « n’ont rien de commun avec le communisme »[87].

Il n’accepte pas « le terme très impropre d’anticommunisme », et ajoute que « Si une seule publication au monde a souligné constamment des incompatibilités essentielles entre marxisme et léninisme, entre léninisme et stalinisme, c’est bien la nôtre, donc tout le contraire de l’anticommunisme. » Il s’agit pour lui de dénoncer « la plus hideuse caricature du communisme »[88]. Il réaffirme régulièrement que « les pseudo-communistes s’avèrent manifestement étrangers au marxisme, au socialisme, au communisme. »[89]

La revue doit cesser sa parution en 1968, à nouveau en raison de problèmes financiers. L’isolement de Souvarine fait qu’il peut alors écrire : « je n'appartiens pas au monde actuel »[90].

 

En 1977, il écrit un « arrière-propos » pour la réédition de son Staline, Aperçu historique du bolchévisme, où il écrit que « le stalinisme survit à Staline, mais un stalinisme sans la démence de son créateur », ajoutant qu’il « s’agit effectivement de banditisme politique, et non pas, comme le croit une multitude d’ignorants et de philistins à travers le monde, de "marxisme". »[91] Il critique de façon plus générale « la version desséchée du "marxisme russe" où Marx n’est plus reconnaissable »[92].

 

Dans Staline : pourquoi et comment, Boris Souvarine décrit la manière dont Staline, dirigeant « de l’Etat prétendu soviétique », s’est constitué une « oligarchie staliniste, composée de parvenus redevables personnellement à Staline de leur avancement dans l’appareil, de leurs chances d’accéder aux plus hauts étages de la hiérarchie dans la nouvelle élite sociale, la nouvelle classe des exploiteurs, des privilégiés, des profiteurs. » Au delà, Souvarine dénonce « un pseudo-marxisme verbal, simpliste et caricatural, dont Lénine fut […] le créateur théorique et pratique », que « Staline n’a fait qu’avilir à l’extrême »[93].

 

En 1981 il continue de dénoncer « les héritiers et disciples de Staline, continuateurs de sa politique impérialiste, étrangère et contraire à la théorie communiste dont elle ose se réclamer, au mépris de l’évidence. »[94] Son analyse maintes fois répétée est que la Russie, jusqu’aux années 1980, reste fondamentalement sous la domination du stalinisme.

 

Boris Souvarine contre le XXe siècle

Par delà les ruptures, la plupart dues à la pression des événements dramatiques du XXe siècle, Souvarine a maintenu, contre les courants dominants de cette époque qu’il n’aimait pas, son attachement à l’exactitude des faits, et à la critique des régimes dictatoriaux et de leurs multiples mensonges. A ce titre, sa mise au jour des mystifications du stalinisme mériterait d’être étudiée de plus près : au delà de la précoce dénonciation des crimes staliniens, dont la réalité est désormais universellement reconnue, Souvarine a également su déconstruire les mythes créés par ce régime, et a ainsi établi dès l’époque des faits que « la tradition authentique du socialisme ou du communisme qui remonte à Marx et à la Ire Internationale […] est donc bafouée cyniquement de nos jours par le pseudo-communisme stalinien »[95].

 

Boris Souvarine meurt le 1er novembre 1984. A l’heure du bilan, il peut être considéré à juste titre comme « l’antistalinien le plus conséquent du XXe siècle »[96], qui après avoir été « un des plus intelligents marxistes, à la vue large et antidogmatique »[97], est resté un historien de premier plan, « un des meilleurs connaisseurs de l’histoire soviétique »[98].

 

Fidèle à une certaine idée du socialisme, même s’il avait perdu espoir de le voir advenir de son vivant, resté « solidaire des exploités et des opprimés de toutes sortes »[99], il s’efforça de suivre le précepte de Jean Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »[100]

 

Bibliographie

Il n’existe pas pour le moment de biographie « définitive » de Souvarine. On trouvera des éléments principalement dans certains textes de Souvarine lui-même[101], et dans les ouvrages suivants :

* Charles Jacquier : « Boris Souvarine, un intellectuel antistalinien de l'entre-deux-guerres : 1924-1940 », Université Paris X, 1993-1994. Cette thèse de doctorat est le meilleur texte sur Souvarine pour le moment, bien que malheureusement limité à un seule période (la plus importante cependant).

* Jean-Louis Panné : « Boris Souvarine », Laffont, 1993. C’est le seul ouvrage pour le moment qui retrace toute la vie de Souvarine. Mais le livre comporte quelques imprécisions, et des lacunes. Il vaut surtout pour les extraits de documents rares voire introuvables, en particulier des correspondances inédites.

* Philippe Robrieux : « Histoire intérieure du Parti communiste », Fayard, 1980-1984. Dans le tome 4, la notice sur Souvarine (pp. 505-512) comporte quelques imprécisions, mais s’achève par une description personnelle très vivante.



[1] Signalons que Souvarine écrit dans Le Populaire de novembre 1916 un article intitulé « A nos amis qui sont en Suisse », auquel Lénine répond par une « Lettre ouverte à Boris Souvarine ». Les deux textes sont réunis dans : Lénine, Lettre ouverte à Boris Souvarine, Spartacus, 1970.

[2] Boris Souvarine, « La Commune maximaliste », Ce qu’il faut dire n° 78, 17 novembre 1917.

[3] Boris Souvarine, Autour du congrès de Tours, Champ Libre, 1981, p. 60.

[4] Boris Souvarine, La Troisième Internationale, Editions Clarté, 1919, pp. 29-30.

[5] L’expression est de Philippe Robrieux, dans Histoire intérieure du Parti communiste, tome 1, Fayard, 1980, p. 17. La motion avait pour premiers signataires Loriot et Souvarine, suivis de dizaines d’autres noms, mais la rédaction était principalement de Souvarine.

[6] Courant bolchevik minoritaire, dissout quelques semaines plus tôt par décision de la direction léniniste.

[7] Marcel Body, Un Ouvrier limousin au cœur de la révolution russe, Spartacus, 1986, pp. 213-214.

[8] Cité par Jean-Louis Panné, Boris Souvarine, Laffont, 1993, pp. 137 et 142.

[9] Cité par Jean-Louis Panné, Boris Souvarine, op. cit., p. 145.

[10] Cette liberté de Riazanov (le principal connaisseur de Marx en Russie), y compris dans le choix de ses correspondants à l’étranger, lui vaudra de la part du pouvoir stalinien l’arrestation, puis la mort.

[11] Boris Souvarine, « La crise du communisme », Bulletin communiste n° 2 [nouvelle série : « Organe du communisme international »], 30 octobre 1925. 

[12] Boris Souvarine, « La "défaite" de l’opposition », La Révolution prolétarienne n° 23, novembre 1926.

[13] Boris Souvarine, Lettre à La Révolution prolétarienne, 5 février 1927 ; publiée dans Agone n° 22, 1999, p. 211.

[14] Boris Souvarine, « Octobre noir », Bulletin communiste n° 22-23, octobre 1927. 

[15] Boris Souvarine, « Octobre noir », art. cit.

[16] « Allemagne. La crise du parti », Bulletin communiste n° 4, 13 novembre 1925.

[17] Boris Souvarine, « Guerre et paix », Bulletin communiste n° 18-19, avril 1927.

[18] Boris Souvarine, Souvenirs sur Panaït Istrati, Isaac Babel, Pierre Pascal, Gérard Lebovici, 1985, p. 75.

[19] Boris Souvarine, « Octobre noir », art. cit.

[20] Lettre de Boris Souvarine du 8 juin 1929, dans Boris Souvarine, A contre-courant, Denoël, 1985, pp. 213-214.

[21] Lettre de Boris Souvarine du 8 juin 1929, op. cit., p. 263.

[22] Lettre de Boris Souvarine du 8 juin 1929, op. cit., p. 272.

[23] Trotsky écrit dans un article du 15 décembre 1939 : « Unfortunately a current of Souvarinism exists in the present opposition of the SWP. And here it is necessary to warn young comrades: Beware of this malignant infection! »

[24] La Critique Sociale n° 8, avril 1933, p. 97.

[25] Boris Souvarine, Autour du congrès de Tours, op. cit., p. 56. On trouve parmi ceux-là les Annie Kriegel, Stéphane Courtois, etc…

[26] Boris Souvarine, Souvenirs sur Panaït Istrati, Isaac Babel, Pierre Pascal, op. cit., p. 78.

[27] Boris Souvarine, Souvenirs sur Panaït Istrati, Isaac Babel, Pierre Pascal, op. cit., p. 79.

[28] Panaït Istrati, Vers l’autre flamme, tome 3 : La Russie nue, Rieder, décembre 1929. Réédition : Boris Souvarine, L’URSS en 1930, Ivrea, 1997, p. 50. Le deuxième tome de cette trilogie était rédigé par Victor Serge.

[29] Boris Souvarine, L’URSS en 1930, op. cit., p. 101.

[30] Boris Souvarine, L’URSS en 1930, op. cit., p. 222.

[31] Boris Souvarine, L’URSS en 1930, op. cit., p. 268.

[32] Bulletin communiste n° 31, février 1930, p. 522 (souligné dans l’original).

[33] J. Senestre, La Critique Sociale n° 6, septembre 1932, p. 258.

[34] Cercle Communiste Démocratique, Déclaration et statuts, Librairie du Travail, 1931, p. 14.

[35] Cercle Communiste Démocratique, Déclaration et statuts, op. cit., pp. 15-16.

[36] Cercle Communiste Démocratique, Déclaration et statuts, op. cit., p. 6.

[37] Cercle Communiste Démocratique, Déclaration et statuts, op. cit., p. 11.

[38] Cercle Communiste Démocratique, « L’Affaire Riazanov », 3 mars 1931. Reproduit dans Bulletin communiste n° 33, juillet 1933.

[39] Boris Souvarine, « Un nouveau parti », Bulletin communiste n° 33, juillet 1933.

[40] Boris Souvarine, « D. B. Riazanov », La Critique Sociale n° 2, juillet 1931.

[41] Boris Souvarine, « Chaos mondial », La Critique Sociale n° 4, décembre 1931.

[42] La Critique Sociale n° 4, décembre 1931, p. 186.

[43] Boris Souvarine, « Anniversaire et actualité », La Critique Sociale n° 8, avril 1933. Souvarine confirmera plusieurs fois cette constatation : « L’URSS n’est que mensonge, de la base au faîte. Dans les quatre mots que représentent ces quatre initiales, il n’y a pas moins de quatre mensonges. » (article du 10 avril 1938, dans A contre-courant, op. cit., p. 339).

[44] La Critique Sociale n° 5, mars 1932, p. 234.

[45] Boris Souvarine, « Sombres jours », La Critique Sociale n° 6, septembre 1932.

[46] Boris Souvarine, « Anniversaire et actualité », La Critique Sociale n° 8, avril 1933.

[47] Lettre de Boris Souvarine à Pierre Kaan, 6 mai 1933, citée dans Jean-Louis Panné, « L’affaire Victor Serge et la gauche française », Communisme n° 5, 1984.

[48] Boris Souvarine, « Victor Serge condamné », Le Travailleur n° 57, 17 juin 1933.

[49] Boris Souvarine, « Chronique de l’URSS : points sur les "i" », Le Travailleur n° 88, 30 décembre 1933.

[50] Cercle Communiste Démocratique et Fédération Communiste Indépendante de l’Est, Pour le communisme rénové !, 1933, pp. 5-7.

[51] Le Travailleur n° 54, 27 mai 1933.

[52] Charles Jacquier, Boris Souvarine, un intellectuel antistalinien de l'entre-deux-guerres, 1994, p. 389.

[53] Charles Ronsac, Trois noms pour une vie, Laffont, 1988, pp. 102 à 107 (Ronsac, un des deux colleurs d’affiches arrêtés, militait au Cercle Communiste Démocratique sous le nom de Rosen).

[54] Contrairement au PC, la SFIO acceptait à l’époque l’existence en son sein de tendances marxistes révolutionnaires, même si ces tendances critiquaient très franchement la politique de la direction. Mais dans les années suivantes, plusieurs anciens du Cercle seront parmi les militants révolutionnaires exclus des JS et de la SFIO par les dirigeants réformistes.

[55] Boris Souvarine, Staline, Aperçu historique du bolchévisme, Ivrea, 1992, p. 431.

[56] Staline, Aperçu historique du bolchévisme, op. cit., pp. 425-426.

[57] Staline, Aperçu historique du bolchévisme, op. cit., pp. 465-466.

[58] Staline, Aperçu historique du bolchévisme, op. cit., p. 432.

[59] Claude Lefort, « La contradiction de Trotsky et le problème révolutionnaire », Les Temps modernes n° 39, décembre 1948 - janvier 1949.

[60] Charles Jacquier, Boris Souvarine, un intellectuel antistalinien de l'entre-deux-guerres, p. 359. Plus généralement, sur la réception du Staline on peut se reporter au chapitre III de cette thèse, pp. 257-364.

[61] Lettre de Boris Souvarine à Panaït Istrati, 22 novembre 1934, citée dans Charles Jacquier, Boris Souvarine, p. 274 - souligné dans l’original.

[62] « Elle est perdue pour moi et je suis peut-être perdu moi-même », extrait d’une lettre de Boris Souvarine écrite en 1934, dans Laure, Une Rupture 1934, éditions des Cendres, 1999, p. 124.

[63] Cité dans Elisabeth Barillé, Laure, la sainte de l’abîme, Flammarion, 1997, p. 296. Des textes de Colette Peignot ont été publiés après sa mort sous le nom de Laure : voir notamment Ecrits de Laure, Pauvert, 1979, où Boris Souvarine est appelé « Léon Bourénine ».

[64] Lettres de Boris Souvarine écrites en 1934, dans Une Rupture 1934, op. cit., pp. 50, 57, 58 et 123.

[65] L’Institut d’Histoire Sociale a été créé par des vétérans de l’anti-stalinisme de gauche ; mais il est aujourd’hui dirigé par des vétérans du stalinisme, devenus tout naturellement de farouches partisans de la droite néo-conservatrice. C’est-à-dire que l’IHS est passé à un courant et à une tradition politique inverses à ceux de sa fondation. Devant la médiocrité et le biais idéologique de l’actuelle « équipe », il faut hélas constater qu'il y a usurpation du fond d’archive et du nom de l’IHS historique.

[66] Amis de la vérité sur l’URSS, La Peine de mort en URSS, textes et documents, Librairie du travail, 1936, p. 7.

[67] Amis de la vérité sur l’URSS, Bilan de la terreur en URSS, faits et chiffres, Librairie du travail, 1936, p. 5 (souligné dans l’original). Ce texte avait déjà été publié en 1934 : Boris Souvarine, « Les persécutions en URSS », Le Combat marxiste n° 10-11, juillet-août 1934. Dans la brochure de 1936, il écrit d’ailleurs que « les rares publications d’extrême-gauche qui aient divulgué la vérité […] sont malheureusement de faible tirage […] le grand public est donc encore mal informé ou ne l’est pas du tout. » Citant son article, il se définit lui-même comme « écrivain communiste indépendant et spécialisé en matière de problèmes russes. » (Bilan de la terreur en URSS, op. cit., pp. 4-5).

[68] Bilan de la terreur en URSS, faits et chiffres, op. cit., p. 13.

[69] Boris Souvarine, L’Ouvrier soviétique [1937], dans Cauchemar en URSS, Agone, 2001, p. 90.

[70] Juin 36 n° 51. Le PSOP était un parti d’extrême-gauche créé en 1938, issu de la tendance « Gauche Révolutionnaire » de la SFIO. Plusieurs anciens du Cercle Communiste Démocratique y militaient.

[71] Le Testament de Lénine, Les Egaux n° 4, avril 1947, supplément à Masses n° 9. Réédition Spartacus, 1977.

[72] L’Observateur des deux mondes n° 4, 15 juillet 1948, dans Boris Souvarine, L’Observateur des deux mondes, et autres textes, La Différence, 1982, pp. 53 et 57.

[73] L’Observateur des deux mondes n° 1, 1er juin 1948 ; L’Observateur des deux mondes, et autres textes, p. 31.

[74] Louis Janover, Lire Rubel aujourd’hui, dans Miguel Abensour et Louis Janover, Maximilien Rubel, pour redécouvrir Marx, Sens & Tonka, 2008, p. 110. La lettre de Souvarine à Rubel est du 10 décembre 1957.

[75] Boris Souvarine, Un Pot-pourri de Khrouchtchev (A propos de ses « souvenirs »), Spartacus, 1971, p. 44.

[76] Un Pot-pourri de Khrouchtchev (A propos de ses « souvenirs »), op. cit., p .47.

[77] Boris Souvarine, Le Stalinisme, Spartacus, 1972, p. 4 (texte d’une conférence de 1964, déjà paru en français en mai 1965 dans Le Contrat social volume IX n° 3).

[78] L’Observateur des deux mondes, et autres textes, op. cit., p. 138.

[79] Boris Souvarine, Introduction à L’Observateur des deux mondes, et autres textes, op. cit., p. 21.

[80] Boris Souvarine, « Stalinisme et déstalinisation », Le Contrat social volume I n° 3, juillet 1957, p. 139.

[81] Le Contrat social volume II n° 4, juillet 1958, p. 250.

[82] Le Contrat social volume I n°4, septembre 1957, p. 270.

[83] Le Contrat social volume XII n° 2-3, avril 1968, p. 188.

[84] Boris Souvarine, « Khrouchtchev révisionniste », Le Contrat social volume IV n° 4, juillet 1960, pp. 192-193.

[85] Le Contrat social volume IX n° 5, septembre 1965, p. 272.

[86] Boris Souvarine, « Le rêve communiste et la réalité », Le Contrat social volume VI n° 6, novembre 1962, p. 258.

[87] Le Contrat social volume VII n° 4, juillet 1963, p. 193.

[88] Le Contrat social volume VIII n° 1, janvier 1964, pp. 66-67.

[89] Boris Souvarine, « La décomposition du marxisme-léninisme », Le Contrat social volume VII n° 4, juillet 1963, p. 194.

[90] Lettre de Boris Souvarine à René Lefeuvre, 18 mai 1970.

[91] Staline, Aperçu historique du bolchévisme, op. cit., p. 601.

[92] Staline, Aperçu historique du bolchévisme, op. cit., p. 613.

[93] Boris Souvarine, Staline pourquoi, comment, Spartacus, 1978, pp. 57-58 et 63.

[94] Boris Souvarine, L’Observateur des deux mondes, et autres textes, op. cit., p. 108.

[95] Boris Souvarine, L’Observateur des deux mondes, et autres textes, op. cit., p. 166.

[96] Michel Heller, Boris, dans Boris Souvarine, Sur Lénine, Trotski et Staline, Allia, 2007, p. 8.

[97] Le Combat Syndicaliste n° 137-138, décembre 1935, cité dans Charles Jacquier, Boris Souvarine, p. 352.

[98] Komintern : L'histoire et les hommes, L’Atelier, 2001, p. 514.

[99] Extrait des souvenirs inédits de Boris Souvarine, cité dans Charles Jacquier, Boris Souvarine, p. 527.

[100] Jean Jaurès, Discours à la jeunesse, juillet 1903.

[101] En particulier dans Autour du congrès de Tours ; dans sa lettre à Soljenitsyne du 10 avril 1978 (publiée dans Boris Souvarine, Souvenirs sur Panaït Istrati, Isaac Babel, Pierre Pascal, Gérard Lebovici, 1985, pp. 133-150, et dans Boris Souvarine, Controverse avec Soljenitsyne, Allia, 1990, pp. 109-121) ; ainsi que dans sa préface à la réédition des numéros de La Critique sociale, La Différence, 1983.

 


 

Mis à jour ( Samedi, 25 Octobre 2008 19:02 )
 

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