INTRODUCTION
L'Ordre de l'Etoile d'Orient avait Ă©tĂ© fondĂ© Ă BĂ©narĂšs en 1911, dans âl'attente de la
venue d'un Grand Instructeurâ.
Cette espérance messianique reposait sur le jeune Krishnamurti, alors ùgé de quinze
ans, que Madame Annie Besant, Présidente de la Société Théosophique, avait été la
premiĂšre
Ă distinguer.
Ardemment assoiffé de vérité, Krishnamurti n'eut dÚs lors qu'un seul but, vers lequel
il concentra intensĂ©ment toute sa vitalitĂ©: comprendre, savoir, savoir par lui-mĂȘme,
savoir tout. A chaque question qu'on lui posait sur son rÎle futur, il répondait qu'il ne
savait encore rien. Serait-il un Médiateur entre une Entité Surhumaine et les
hommes? ...
Son corps deviendrait-il le âvĂ©hiculeâ d'une conscience supĂ©rieure Ă la sienne? Il ne
savait rien... sauf qu'il voulait savoir tout.
En janvier 1927, aprÚs seize années de recherches et d'angoisse spirituelle, il trouva
enfin sa délivrance: l'union avec la Vie. Alors seulement commença-t-il à s'exprimer.
Etant libéré, il devint le libérateur.
Ce changement radical provoqua les réactions les plus diverses. Les uns comprirent
quelque chose; d'autres, plongés dans leurs théories et leurs systÚmes, ne
comprirent rien.
âLe messie des thĂ©osophesâ comme l'appelaient les journaux, Ă©tait plus dĂ©concertant
pour ceux qui lui avaient préparé un cadre, que pour l'homme de la rue. En présence
de
cet Ă©tat de choses, Krishnamurti (qui se trouvait ĂȘtre le Chef de l'Ordre), dĂ©cida de le
dissoudre.
Vous trouverez ici le discours oĂč il prononça cette dissolution et en expliqua les
raisons. Nous pensons que la position prise ici par Krishnamurti est importante en
soi, plus importante que l'objet mĂȘme du discours puisque le public ne connaissait
pas cette organisation.
LA DISSOLUTION DE
L'ORDRE DE L'ETOILE
UNE DĂCLARATION DE J. KRISHNAMURTI
Ce matin, nous allons discuter la dissolution de l'Ordre de l'Etoile. Beaucoup vont
ĂȘtre contents, d'autres en seront affligĂ©s. Mais il ne sâagit pas ici de joie ni de
tristesse, puisque cette dissolution est inévitable, comme je vais vous le démontrer.
Peut-ĂȘtre vous souvenez-vous de cette histoire du diable et de son ami :
Ils marchaient dans la rue: et ils aperçurent un homme qui se baissait pour ramasser
quelque chose et le mettre dans sa poche.
L'ami dit au diable:
- â Qu'est-ce que cet homme vient de ramasser ? â
- â Un petit bout de VĂ©ritĂ© â rĂ©pondit le diable.
- âMauvaise affaire pour vous ! â remarqua l'ami.
- âPas du tout rĂ©pliqua le diable, car je la lui laisserai lâorganiser ! â.
La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route,
quelle qu'elle soit: aucune religion, aucune secte.
Tel est mon point de vue: et je le maintiens d'une façon absolue et inconditionnelle.
La Vérité, étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par quelque sentier que ce
soit, ne peut pas ĂȘtre organisĂ©e. On ne devrait donc pas crĂ©er d'organisations qui
incitent les hommes Ă suivre un chemin particulier. Si vous comprenez bien cela dĂšs
le début, vous verrez à quel point il est impossible d'organiser une croyance.
Une croyance est une question purement individuelle, et vous ne pouvez ni ne
devez l'organiser. Si on le fait, elle devient une religion, une secte, une chose
cristallisée, morte, que l'on impose à d'autres.
C'est ce que tout le monde essaie de faire. La Vérité est ainsi rétrécie et
transformée en un jouet pour ceux qui sont faibles, pour ceux dont le
mécontentement n'est que momentané.
La VĂ©ritĂ© ne peut pas ĂȘtre rabaissĂ©e au niveau de l'individu, mais c'est bien plutĂŽt
l'individu qui doit faire l'effort de s'Ă©lever jusqu' Ă elle.
On ne peut pas amener dans la vallée le sommet de la montagne. Si on veut
l'atteindre, il faut prendre par la vallée, grimper les pentes raides, sans craindre le
danger des prĂ©cipices. Il faut monter vers la VĂ©ritĂ©: elle ne peut pas ĂȘtre abaissĂ©e
vers vous, organisée pour vous.
Si c'est par son organisation qu' une idĂ©e vous a intĂ©ressĂ©, cela prouve que l'intĂ©rĂȘt
n'était ici qu'extérieur.
L'intĂ©rĂȘt qui ne naĂźt pas de l'amour de la VĂ©ritĂ© pour elle-mĂȘme est sans valeur.
L'organisation devient un cadre: pour la commodité des membres qui s'y insÚrent. Ils
ne s'efforcent plus vers la Vérité, vers le sommet de la montagne, mais ils se
creusent une niche confortable dans laquelle ils se placent, ou se font placer,
pensant qu'ainsi l'organisation les conduira à la Vérité.
VoilĂ la premiĂšre raison, pour laquelle, Ă mon point de vue, l'Ordre de l'Etoile doit
ĂȘtre dissout.
Malgré quoi, vous allez probablement fonder quelque autre Ordre ; vous
continuerez à appartenir à d'autres organisations qui cherchent la Vérité. En ce qui
me concerne je ne veux appartenir Ă aucune organisation. Il est bien entendu qu'il ne
s'agit pas ici des organisations matĂ©rielles, mĂ©caniques, qui sont utiles, et mĂȘme
indispensables comme par exemple, si je prends un train pour me mener Ă Londres,
ou si j'emploie la poste ou le télégraphe.
Toutes ces choses ne sont que des machines, elles n'ont absolument rien Ă voir
avec la spiritualité.
Je le répÚte, aucune organisation ne peut conduire les hommes à la vie spirituelle.
Si l'on crée une organisation dans ce but, elle devient trÚs vite une béquille, une
entrave qui mutile l'individu, et l'empĂȘche de grandir, d'Ă©tablir sa personnalitĂ© unique:
laquelle rĂ©side dans la dĂ©couverte, pour lui-mĂȘme, de cette vĂ©ritĂ©, absolue,
inconditionnée. Telle est la seconde raison pour laquelle j'ai décidé puisque je me
trouve ĂȘtre le chef de l'Ordre, de le dissoudre. Personne n'a pesĂ© sur ma dĂ©cision.
Il n'y a rien lĂ de tellement extraordinaire puisque je ne veux pas de disciples.
Dés le moment que l'on suit quelqu'un, on cesse de suivre la Vérité.
Je ne me préoccupe pas de savoir le cas que vous faites de ce que je dis. je veux
faire une certaine chose dans le monde, et je la ferai avec une invariable fixité de
concentration. je ne veux m'occuper que d'une seule chose essentielle: libérer
l'homme.
Le libérer de toutes les cages, de toutes les craintes, et non pas au contraire fonder
de religion, ni de secte, ni proposer de nouvelles théories philosophiques.
Vous allez naturellement me demander pourquoi je parcours le monde en parlant.
Je vais vous le dire.
Ce n'est pas pour ĂȘtre suivi, ce n'est point par le dĂ©sir de me composer un groupe
spécial de disciples choisis.
Les hommes aiment tellement à se distinguer de leurs semblables, fût-ce par les
différences les plus ridicules, les plus mesquines, les plus absurdes!
Cette absurdité, je ne veux pas l'encourager. je n'ai pas de disciples, je n'ai pas
d'apÎtres: ni sur terre, ni dans le domaine de la spiritualité.
Ce n'est pas non plus le désir de l'argent ni de la vie confortable qui me mÚne. Si je
voulais avoir une vie confortable, je n'irais pas dans des camps, ni dans des pays
humides. je parle en toute franchise, car je désire que ces choses soient établies
clairement une fois pour toutes. je ne veux pas continuer, d'année en année, des
discussions enfantines.
Un journaliste qui m'interviewait trouvait extraordinaire de dissoudre une organisation
composée de milliers et de milliers de membres.
Il disait: âQue ferez-vous ensuite? Comment vivrez-vous? Vous n'aurez plus
personne pour vous suivre, on ne vous Ă©coutera plus.
Eh bien! moi je vous dis: S'il n'y a que cinq personnes qui veuillent entendre, qui
veuillent vivre, dont les visages soient tournĂ©s vers l'Ă©ternitĂ© ce sera suffisant.â A
quoi cela sert-il d'avoir des milliers de personnes ne comprenant pas, définitivement
embaumées dans leurs préjugés, ne voulant pas la chose neuve, originale, mais la
voulant traduite, ramenée à la mesure de leur individualité stérile et stagnante?
Je vous parle avec une certaine violence, mais je vous prie de bien m'entendre, ce
n'est pas par manque de compassion. Si vous allez consulter un chirurgien, n'est-ce
pas une bonté de
sa part de vous opĂ©rer, mĂȘme s'il vous fait mal?
C'est ainsi que, si je vous parle sans détours, ce n'est point par manque d'amour, au
contraire.
Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai qu'un but:
rendre l'homme libre, l'inciter à la liberté, l'aider à s'affranchir de toutes les limitations,
car cela seulement lui donnera le bonheur éternel, la réalisation inconditionnée du
soi.
C'est précisément parce que je' suis libre, inconditionné, intégral, parce que je suis
la Vérité: non point partielle, ni relative, mais entiÚre, la Vérité qui est éternelle, c'est
pour cela que je désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres. Et
non pas qu'ils me suivent, non pas qu'ils fassent de moi une cage qui deviendrait une
religion, une secte.
Ils devraient plutĂŽt s'affranchir de toutes les craintes ; de la crainte des religions, de
la crainte du salut, de la crainte de la spiritualité, de la crainte de l'amour, de la
crainte de la mort, de la crainte mĂȘme de la vie.
Comme un artiste qui peint un tableau parce que c'est son art qui est sa joie, son
expression, sa gloire, son Ă©panouissement, c'est ainsi que j'agis, et non pas pour
obtenir quoi que ce soit de qui que ce soit.
Vous ĂȘtes habituĂ©s Ă l'autoritĂ©, ou Ă l'atmosphĂšre de l'autoritĂ©: vous attendez d'elle
de vous faire accéder à la vie spirituelle.
Vous croyez, vous espérez, qu'un autre, par des pouvoirs extraordinaires, un
miracle, va vous transporter dans la région de la liberté éternelle, qui est le Bonheur.
Toute votre conception de la vie est basée sur cette croyance.
Voici trois ans que vous m'Ă©coutez sans que, Ă part quelques exceptions, aucun
changement se soit produit en vous.
Analysez bien ce que je dis, avec un esprit critique, afin de comprendre pleinement,
profondément.
Lorsque vous demandez Ă une autoritĂ© de vous mener Ă la vie spirituelle, vous ĂȘtes
automatiquement obligé de construire une organisation autour de cette autorité. Et
par le fait mĂȘme de cette organisation, vous voilĂ prisonnier comme dans une cage.
Si je parle avec cette franchise, pensez bien que je ne le fais point par dureté, ni par
un excĂšs d'ardeur dans la poursuite de mon but, mais parce que je veux que vous
me compreniez, car enfin c'est pour cela que vous ĂȘtes ici, et nous perdrions notre
temps si je n'expliquais pas clairement, d'une façon décisive, mon point de vue.
Pendant dix-huit ans, vous avez tout préparé pour cet événement:
la Venue de l'instructeur du monde.
Pendant dix-huit ans, vous vous ĂȘtes organisĂ©s, vous avez attendu quelqu'un qui
vienne apporter une nouvelle joie Ă votre esprit et Ă votre coeur, encourager et
transformer votre existence, vous donner un autre entendement, vous Ă©lever Ă un
plan supérieur de la vie, vous rendre libres enfin - et maintenant, voyez ce qui se
passe! ConsidĂ©rez, raisonnez avec vous mĂȘmes, cherchez si cette croyance vous a
rendus différents - et je ne vous parle pas de cette différence, toute superficielle, qui
consiste à porter des insignes: détail tout à fait mesquin et absurde.
Cette croyance a-t-elle balayé en vous toutes les choses non essentielles de la vie?
Il n'y a ici qu'un critĂ©rium: de quelle façon ĂȘtes-vous plus libres, plus grands, plus
dangereux à l'égard de toutes les sociétés basées sur tout ce qui est faux et non
essentiel ?
En quoi les membres de cette organisation de l'Etoile se sont-ils transformés?
Comme je l'ai dit, vous avez tout préparé pour moi pendant dix-huit ans ; Il m'est égal
que vous croyiez que je sois ou non l'Instructeur du Monde.
Cela est sans aucune importance.
Comme membres de l'Ordre de l'Etoile, vous avez donné votre sympathie et votre
Ă©nergie parce que vous admettiez que Krishnamurti Ă©tait l'instructeur du Monde,
partiellement ou totalement, totalement pour ceux qui cherchent en toute bonne foi,
et partiellement pour ceux que satisfont leurs propres demi vérités.
Donc, vous avez tout préparé pendant dix-huit ans: voyez cependant combien de
difficultés se trouvent encore sur la voie de votre compréhension, combien de
complications, combien de choses mesquines.
Vos préjuges, vos craintes, vos autorités, vos églises, anciennes et nouvelles,
toutes ces choses, je le maintiens, sont des obstacles à la compréhension.
Je ne peux pas vous parler plus clairement. je ne veux pas que vous acceptiez mon
opinion, mais que vous me compreniez.
Cette compréhension est nécessaire parce que votre croyance n'a pas suffi pour
vous transformer, mais qu'elle vous a seulement compliqués, et parce que vous
n'ĂȘtes pas dĂ©sireux d'envisager les choses telles qu'elles sont. Vous voulez avoir des
Dieux Ă vous: de nouveaux Dieux au lieu des anciens, de nouvelles religions au lieu
des anciennes, de nouvelles formes au lieu des anciennes, tous Ă©galement sans
valeur, tous des barriÚres, des limitations, des béquilles.
Car vous en ĂȘtes lĂ .
Au lieu des anciennes différences spirituelles, vous en avez de nouvelles, de
nouvelles formes d'adoration, au lieu des anciennes.
Vous dépendez tous, pour votre vie spirituelle, de quelqu'un d'autre, pour votre
bonheur de quelqu'un d'autre, et, bien que vous ayez tout préparé pour moi pendant
dix-huit ans, lorsque je viens vous dire qu'il faut rejeter tout cela et chercher en vous
mĂȘmes l'illumination, la gloire, la purification, l'incorruptibilitĂ© du soi, pas un de vous
n'accepte de le faire.
Ou du moins trĂšs peu, trĂšs peu.
Dans ces conditions, quel besoin d'organisation?
Que ferais-je d'une suite de gens insincĂšres, hypocrites, moi l'incorporation de la
Vérité? Encore une fois, je ne veux rien dire de dur ou de peu charitable, mais nous
en sommes Ă un point oĂč il faut regarder les choses en face.
J'ai dit, l'année derniÚre, que je n'acceptais aucun compromis. Bien peu alors m'ont
compris. Cette année, je ne laisse subsister aucun doute. Je ne sais pas combien de
milliers de personnes à travers le monde - des membres de l'Ordre - ont tout préparé
pour moi pendant dix huit ans, et maintenant ils ne veulent pas Ă©couter, sans
réserves, ce que je dis.
Alors, Ă quoi bon une organisation?
je le répÚte, mon dessein est de faire des hommes inconditionnellement libres, car je
maintiens que la vie spirituelle consiste uniquement dans l'incorruptibilité du soi, qui
est éternel; qu elle est l'harmonie entre la raison et l'amour. Cela, c'est la Vérité
absolue, inconditionnĂ©e, la VĂ©ritĂ© qui est la Vie elle-mĂȘme. je veux donc dĂ©livrer
l'homme, et qu'il se réjouisse comme un oiseau dans le ciel clair, sans fardeau,
indépendant, extatique au milieu de cette liberté. Et moi, pour qui vous avez tout
préparé pendant ces dix-huit ans, je vous dis qu'il faut vous affranchir de toutes ces
choses, de toutes vos complications, de tout vos empĂȘtrements.
Et pour cela, vous n'avez nul besoin d'une organisation basée sur une croyance
d'ordre spirituel.
A quoi bon une organisation pour cinq ou dix personnes dans le monde, pour cinq
ou dix personnes qui comprennent, qui luttent, qui ont rejeté toutes les
mesquineries? Et quant aux faibles, aucune organisation ne peut les aider Ă trouver
la Vérité, il faut qu'ils la trouvent en eux: elle n'est ni loin ni prÚs ; elle est
Ă©ternellement lĂ .
Encore une fois, aucune organisation ne peut nous rendre libres. Rien, ni personne,
du dehors, n'en est capable: vous n'y parviendrez ni par un culte officiel, ni par
l'immolation de vous-mĂȘmes pour une cause quelconque, ni par l'accomplissement
d'aucune oeuvre.
Vous employez une machine Ă Ă©crire pour votre correspondance, mais il ne vous
vient pas Ă l'esprit de la mettre sur un autel pour l'adorer.
Eh bien; c'est cela que vous faites lorsqu'une organisation devient par elle-mĂȘme
votre principal intĂ©rĂȘt.
- â Combien de membres contient votre ordre? â
VoilĂ la premiĂšre question que me posent les reporters.
- â Combien de personnes vous suivent ? Par leur nombre, nous jugerons si ce que
vous dites est vrai ou faux. â
Je ne sais pas combien ils sont ; je ne m'occupe pas de cela.
Comme je l'ai dit, s'il y avait un seul homme délivré, ce serait assez.
Vous gardez l'idée que seules certaines personnes détiennent la clef du Royaume du
Bonheur.
Mais personne ne la détient.
Personne n'en a l'autorité.
Cette clef se trouve dans votre propre moi, et c'est seulement dans le
développement, dans la purification et dans l'incorruptibilité de ce moi, que réside le
Royaume de l'Eternité.
Ainsi vous verrez combien est absurde tout cet Ă©difice que vous avez construit en
cherchant une aide extérieure, et faisant ainsi dépendre des autres ce confort, ce
bonheur, et cette force que vous ne pouvez trouver qu'en vous mĂȘmes.
Donc Ă quoi bon une organisation ?
Vous ĂȘtes habituĂ©s Ă ce que l'on vous dise combien vous ĂȘtes avancĂ©s, quel est
votre degré spirituel.
Que c'est puéril !
Sinon vous, qui donc peut vous dire si vous ĂȘtes beau ou laid intĂ©rieurement ?
Si vous ĂȘtes incorruptible?
Allons, ce n'est pas sérieux.
A quoi bon une organisation?
Mais ceux qui vraiment désirent comprendre, qui s'efforcent de trouver ce qui est
Ă©ternel, sans commencement ni fin, ceux-lĂ marcheront ensemble avec une plus
grande ardeur, une plus grande intensité, et seront un danger pour tout ce qui n'est
pas essentiel, pour les irréalités, pour les ombres.
Et ils se concentreront. Ils deviendront la flamme, parce qu'ils auront compris.
C'est ce corps qu'il nous faut créer, et tel est mon dessein. A cause de cette vraie
compréhension, il y aura la vraie amitié.
A cause de cette amitié, que vous ne semblez pas connaßtre, il y aura la vraie
coopération de la part de chacun.
Et cela, non pas à cause d'une autorité, ni à cause d'un salut, ni à cause d'une
immolation pour un idéal, mais parce que vous aurez vraiment compris, et que, par
conséquent, vous serez capable de vivre dans l'éternel.
C'est lĂ une plus grande chose que tous les plaisirs, que tous les sacrifices.
Voilà donc quelques-unes des raisons qui m'ont fait prendre cette décision, aprÚs
deux années d'un examen attentif.
Ce n'est pas à la suite d'une impulsion momentanée. je n'ai été persuadé par
personne, je ne me laisse pas persuader en de telles circonstances.
Pendant deux ans je n'ai pensé qu'à cela, avec soin, avec patience, et j'ai décidé de
dissoudre l'Ordre, puisque je me trouve en ĂȘtre le Chef.
Vous pouvez former de nouvelles organisations et attendre quelqu'un d'autre ; je ne
m'en occuperai pas, je ne veux pas créer de nouvelles cages, ni de nouvelles
décorations pour ces cages.
Mon seul souci est de délivrer les hommes, de les rendre libres, libres d'une façon
inconditionnelle, absolueâŠ