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VERSION PROVISOIRE – PRIERE DE NE PAS CITER  (30 avril 2007)  

La « laïcité française » face aux principes 

communs des relations Eglises-Etat en 

Europe 

par 

Emmanuel Tawil 

Maître de conférences à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) 

Docteur en Droit public et Docteur en Droit canonique 

Diplômé post-doctoral de l’EPHE (Sciences religieuses) 

Centre d’Etudes Constitutionnelles et Politiques 

 
 

 

La très grande divergence entre ce que l’on appelle souvent la « laïcité  française » et les 

systèmes européens de relations Eglises-Etat fait partie de ces idées largement reçues, tout à la 

fois parmi les auteurs français, et parmi les auteurs étrangers. Cette idée repose avant tout sur 

les présentations erronées et simplistes de la laïcité constitutionnelle française et du droit des 

cultes, qui ont longtemps circulées et continuent de circuler. Or, comme le rappelle Francis 

Messner, « le droit général qui s’applique sur la plus grand partie du territoire est loin de 

correspondre aux représentations dont on l’a affublé 

ad intra

 et qui ont été reprises à titre 

d’épouvantail ou de contre-exemple par des spécialistes étrangers du droit des religions »

1

Non seulement ces représentations sont erronées, mais nombre d’hommes politiques, de 

praticiens et d’auteurs s’appuient sur celles-ci, qu’ils considèrent comme constituant un 

modèle français, pour analyser des situations concrètes. Prenant appui sur des premisses 

erronées, quelle que soit la qualité de leurs analyses, celles-ci débouchent en général des 

erreurs… Le mérite revient à quelques universitaires, autour de Francis Messner, d’avoir tenté 

                                                 

1

 Francis Messner poursuit : « Ainsi, en matière de subventionnements publics, de nombreuses dispositions 

légales dérogent à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, qui pose le principe d’interdiction de 
subventionnement et de rémunération des cultes. Les collectivités territoriales peuvent entretenir les édifices 
affectés aux cultes dont certaines institutions bénéficient d’importantes exonérations fiscales. Les aumôniers des 
établissements hospitaliers et pénitentiaires ainsi que les aumôniers des armées sont rémunérés sur des fonds 
publics. D’autres exemples puisés dans le droit de l’éducation et le droit du travail montrent à l’évidence qu’il 
existe une législation des cultes en France et que le principe constitutionnel de laïcité, qui est également le garant 
de la liberté de religion, n’implique pas une indifférence totale des pouvoirs publics en matière religieuse » 
(Francis M

ESSNER

, « Le droit des religions en Europe », 

Cahiers de la Maison des sciences de l’homme de 

Strasbourg 1979-2000

, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2000, p. 82). 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

d’aborder les  relations Eglises-Etat en s’en tenant au droit positif

2

, tandis qu’autour du doyen 

Jean-Paul Durand on recueillait et publiait les textes législatifs et règlementaires, les 

circulaires et la jurisprudence

3

. Ce type d’approches, confirmé et complété par d’autres 

auteurs, a été également également celle du rapport de la Commission présidée par le doyen 

Jean-Pierre Machelon, remis au Ministre de l’Intérieur en septembre 2006

4

 et celle du rapport 

remis par Emile Poulat au Premier ministre en 2005 

5

. S’est ainsi opérée une petite 

révolution : la prise de conscience de l’état réel du droit français des cultes et de la 

signification du principe de laïcité.   

 

L’article 1

er

 de la Constitution de 1958, reprenant le texte de l’article 1

er

 de la Constitution 

de 1946, prévoit le caractère laïque de la République. Cette notion de laïcité n’a pas été 

définie de manière claire lors des travaux préparatoires à la Constitution de 1946 et la 

signification du principe constitutionnel de laïcité n’a pas vraiment été précisée par 

l’interprète ordinaire de la Constitution qu’est le juge constitutionnel. Il a seulement admis 

que le principe de laïcité n’exclut pas le financement public de l’enseignement privé

6

 et 

affirmé que le principe de laïcité fait obstacle à ce que l’on puisse « se prévaloir de ses 

croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les rapports entre 

collectivités publiques et particuliers »

7

. De son côté, le Conseil d’Etat a apporté de très 

nombreuses précisions. 

Le Conseil d’Etat a très nettement rejeté une conception négative de la laïcité. Le principe 

de laïcité n’implique ni le refus par l’Etat de toutes les religions, ni l’obligation de recruter un 

personnel laïc dans l’Éducation nationale

8

, ni l’interdiction du financement des cultes

9

. Dans 

les Considérations générales de son 

Rapport public 2004

, le Conseil d’Etat a synthétisé sa 

 

 

 

2

                                                 

2

 Œuvre de 10 ans et d’une quarantaine d’auteurs : Francis M

ESSNER

,

 

Pierre-Henri P

RELOT

 et Jean-Marie 

W

OEHRLING

 (sous la direction de), 

Traité de droit français des religions, 

 Paris, Litec, 2003, 1317 pages. Voir 

également, refusant une approche en terme de droit des religions, pour privilégier la notion juridique de culte, 
Xavier D

ELSOL

, Alain G

ARAY

 et Emmanuel T

AWIL

Droit des cultes

, Paris, Dalloz-Juris association, 2005, 

640 pages. 

3

 Janine D

UFAUX

, Philippe D

UPUY

, Jean-Paul D

URAND

, Cyrille D

UTHEIL DE LA 

R

OCHERE

, Félicité G

ASZTOWTT

Michel G

UILLAUME

, Anne-Violaine H

ARDEL

, Bernard J

EUFFROY

Liberté religieuse et régimes des cultes en 

droit français, textes, pratique administrative, jurisprudence

, Paris, Cerf, 2

ème

 éd., 1996, 1840 pages. 

4

 

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000727/0000.pdf

  

5

 Emile P

OULAT

Les Diocésaines

, Paris, La documentation française, 2007, IV-577 pages. 

6

 Décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, Rec. CC, p. 42. 

7

 Décision n°2004-505 DC du 19 novembre 2004, Rec. CC, p. 173. 

8

  CE  avis  21  septembre 1972, in Yves

 

G

AUDEMET

,

 

Bernard

 

S

TIRN

,

 

Thierry

 

D

AL 

F

ARRA

,

 

Frédéric

 

R

OLIN

Les 

grands avis du Conseil d’Etat

, Paris, Dalloz, 2

nd

 éd., 2001, n°6.  

9

 CE 16 mars 2005, 

Ministre de l’Outre-mer

, AJDA 2005, p. 1463-1465, note Claude D

URAND

-P

RIMBORGNE

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

jurisprudence quant à la signification juridique du principe de laïcité. Il a souligné que, pour 

lui, le principe de laïcité implique la neutralité de l’Etat, la liberté religieuse et le pluralisme

10

En droit français, plusieurs autres règles constitutionnelles assurent des droits et libertés en 

matière religieuse. Tel est le cas de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme de 

1789, de la laïcité de l’enseignement public garanti par le Préambule de la Constitution de 

1946, des nombreuses affirmations de l’interdiction de toute discrimination, ainsi que du 

principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté de conscience

11

. Mais 

ces droits et libertés en matière religieuse sont considérés par le Conseil d’Etat comme assurés 

également sur le fondement du principe constitutionnel de laïcité

12

. En revanche, deux droits 

fondamentaux sont autonomes par rapport au principe de laïcité : la liberté d’enseignement

13

 

et la liberté d’association

14

 

En même temps que la prise de conscience de l’état réel du droit français, s’est opérée une 

seconde évolution. Les principaux spécialistes européens des relations Eglises-Etat, réunis 

dans le Consortium européen pour l’étude des relations Eglises-Etat

15

, ont pris l’habitude à 

partir de 1990 de se réunir tous les ans à l’occasion d’un colloque thématique : ils ont ainsi pu 

mettre en évidence des convergences certaines. Des efforts de systématisation ont été faits, 

notamment par Silvio Ferrari et Ivan Iban

16

 ainsi que par Francis Messner

17

. On a ainsi mis 

en avant l’existence d’un modèle européen des relations Eglises-Etat comprenant deux 

niveaux. Le premier niveau est celui de la liberté individuelle et collective de religion 

(croyance, expression, pratique). Le second niveau est celui de l’organisation et du soutien 

des groupements religieux, qui se décline en plusieurs éléments : autonomie des collectivités 

religieuses et statut étatique de ces groupements; coopération entre l’Etat et les religions ; 

 

 

 

3

                                                 

10

 C

ONSEIL D

’E

TAT

Rapport public 2004, 

EDCE n°55, 2004, p. 272-277. 

11

 Décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, 

préc.

12

 CE avis 27 novembre 1989, in Yves

 

G

AUDEMET

,

 

Bernard

 

S

TIRN

,

 

Thierry

 

D

AL 

F

ARRA

,

 

Frédéric

 

R

OLIN

Les 

grands avis du Conseil d’Etat

Op. cit.,

 n°22. 

13

 Décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, 

préc.

14

 Décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971, Rec. CC, p. 29. 

15

 

http://www.church-state-europe.eu

  Le Consortium publie une 

Revue européenne des relations Eglises-Etat

 

[ci-après REREE] depuis 1993.  

16

 Silvio F

ERRARI

 et Ivan I

BAN

Diritto e Religione in Europa

, Bologna, Il Mulino, 1997, 208 pages.  

17

 Francis M

ESSNER 

in Francis M

ESSNER

,

 

Pierre-Henri P

RELOT

 et Jean-Marie W

OEHRLING

 (sous la direction de), 

Traité de droit français des religions, 

 

Op. cit

, p. 58-76 ;  

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

financement publics des religions. Pour ce second niveau, la marge d’intervention de l’Etat 

est plus grande et celui-ci opère des distinctions selon le poids des religions dans la société

18

 

Sur la base de l’apport de ces auteurs, il convient de confronter le système français, 

qu’Emile Poulat a appelé « Notre Laïcité Publique »

19

, aux 

principes

 

communs aux relations 

Eglises-Etat en Europe.  

La formule 

principes communs aux relations Eglises-Etat en Europe

 ne doit pas faire 

illusion. Il s’agit seulement de convergences entre les droits nationaux, et non de règles supra-

nationales. En effet, ces matières ne relèvent pas du droit communautaire, comme l’a rappelé 

la Déclaration n°11 annexée au Traité d’Amsterdam et à l’article I-52 de la Constitution

20

 ; 

par ailleurs, même si certains aspects peuvent être rattachés au droit de la Convention 

européenne des droits de l’homme, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg laisse aux Etats 

la liberté d’ organiser comme ils l’entendent leurs relations avec les cultes représentés sur leur 

territoire : sont également légitimes des régimes de séparation, de concordat ou des régimes 

des cultes reconnus

21

.  

 

Confronté aux autres systèmes européens, le système français présente d’importantes 

convergences avec ceux-ci, notamment parce que tous assurent la liberté religieuse des 

individus et l’autonomie des collectivités religieuses (1

ère

 partie) et qu’ils admettent la 

possibilité d’opérer un traitement différencié des collectivités religieuses (2

ème

 partie). En 

revanche, la France présente des régimes des cultes nombreux et très différents les uns des 

autres, ce qui n’est pas la situation la plus fréquente en Europe (3

ème

 partie).  

 

 

 

 

4

                                                 

18

 Voir, par exemple, Francis M

ESSNER

, « La reconnaissance des religions en Europe. Des exemples des 

mécanismes d’accès aux statuts et aux régimes des cultes », 

Revue de droit canonique

, 2004, p. 15-47. 

19

 Emile P

OULAT

,

   Notre laïcité publique

, Paris, Berg, 2003, 416 pages. 

20

 Mais rien n’interdit, comme le fait le professeur Ivan C. Iban, d’envisager qu’à plus ou moins long terme 

l’Union européenne optera pour un système unique (Ivan C. I

BAN

, « La pertinence des cultes reconnus dans les 

systèmes de relations Etats/Religions dans l’Union européenne », 

Revue de droit canonique

, 2004, p. 67-75). 

21

 Voir l’étude très précieuse de la jurisprudence sur cette question de Gérard G

ONZALEZ

, « Convention 

européenne des droits de l’homme, cultes reconnus et liberté de religion », 

Revue de droit canonique

, 2004, 

p. 49-65.  

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

I. La liberté religieuse des individus et l’autonomie des collectivités religieuses 

Comme tous les sytèmes constitutionnels européens, le droit français garantit la liberté 

religieuse (A.) et l’autonomie des collectivités religieuses (B.). 

A. La liberté religieuse des individus et ses limites 

La protection de la liberté religieuse des individus est assurée universellement en Europe

Toutes les Constitutions assurent la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de croire et de 

ne pas croire, ainsi que la liberté de manifester ses croyances. Est, bien sûr, garantie la liberté 

de pratiquer sa religion. L’interdiction de toute discrimination à l’égard des individus qui 

serait fondée sur la religion est également présente partout dans l’Union européenne

Quelques très rares limites à ces principes demeurent, mais leur portée est des plus relatives. 

On cite parfois l’

 Act of Settelment

 (1701), qui écarte du trône du Royaume-Uni toute 

personne de religion catholique ou mariée à un « papiste »

.  

Les systèmes constitutionnels européens garantissent l’effectivité de la Convention 

européenne des droits de l’homme, qui est parfois insérée dans la Constitution (en Autriche 

par exemple). Tous les Etats membres de l’Union européenne sont en effet membres du 

Conseil de l’Europe, et donc liés par la Convention européenne des droits de l’homme. Son 

article 9 stipule : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; 

ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de 

manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en 

privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ». La 

jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme accorde à la liberté religieuse une 

 

 

 

5

                                                 

22

 Francis M

ESSNER

, « Le Statut des confessions religieuses dans les Pays du sud de l’Europe », in Blandine 

C

HELINI

-P

ONT

 (sous la direction de), 

Etats, Religions et Liberté religieuse en Méditerranée

, Aix-en-Provence, 

PUAM, 2002, p. 137-146. 

23

 Dans une littérature immense, voir Gerhard R

OBBERS

 (sous la direction de), 

Etat et Églises dans l'Union 

européenne

, Baden-Baden: Nomos 1997, 370 pages ; Catherine H

AGUENAU

-M

OIZARD

Etats et religions en 

Europe

, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2000, 150 pages ; Jean B

AUBEROT

 (sous la direction de), 

Religions et laïcité dans l'Europe des Douze

, Paris, Syros, 1994, 307 pages 

C

OLLECTIF

Le statut 

constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of Churches in the 
European countries

, Actes du colloque de l’Université Paris XI, 18-19 novembre 1994, Milano-Paris, Giuffrè-

Litec, 1995, 370 pages. Compléter, pour les Pays de l’Est de l’Europe, par les travaux plus récents du 
Consortium européen pour l’Etude des relations Eglises-Etat, notamment : Francis M

ESSNER 

(sous la direction 

de), 

Le Statut des confessions religieuses des Etats candidats à l’Union Européenne – The Status of Religious 

Confessions of the States Applying for Membership to the European Union

, Actes du colloque de Strasbourg des 

17-18 septembre 2000, Milano, Giuffrè, 2002, 276 pages.  

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

place essentielle. Elle voit dans la liberté religieuse l’une « des assises d’une société 

démocratique »

25

. La Cour souligne que cette liberté « figure, dans sa dimension religieuse, 

parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leurs conceptions de la 

vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les 

indifférents » 

26

. La liberté religieuse suppose le pluralisme, qui est « consubstantiel »

27

 à une 

société démocratique. La Cour européenne des droits de l’homme refuse de considérer 

n’importe quel acte motivé par la religion comme protégé par l’article 9

28

. Néanmoins, cette 

liberté a un champ très vaste. La liberté religieuse implique d’abord la liberté de croire

29

 et de 

ne pas croire

30

. La liberté de manifestation des croyances religieuses, qui présente aussi un 

aspect négatif

31

, implique la liberté d’ « enseignement »

32

. Cet enseignement peut également 

être externe (liberté de prosélytisme)

33

. Sont également protégés « le culte, […] les pratiques 

et l’accomplissement des rites »

34

, ainsi que le port de vêtements religieux

35

. Dans le cadre 

communautaire, la liberté religieuse a été intégrée en tant que droit fondamental sur la base 

des principes généraux du droit»

36

. La Cour a ainsi reconnu la liberté religieuse, en s’inspirant 

 

 

 

6

                                                                                                                                                         

24

 Francis L

YALL

 and David M

AC

C

LEAN

, « The Constitutional Status of Churches in Great-Britain », in 

Le statut 

constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of Churches in the 
European countries

Op. cit.

, p. 139-152 

25

 CEDH 25 mai 1993, 

Kokkinakis c. Grèce

, série A n° 260-A, § 31. 

26

 

Ibid

27

 

Ibid.

 

28

 CEDH 1

er

 juillet 1997, 

Kalaç

, RUDH 1998, p. 109, §27. 

29

 CEDH 25 mai 1993, 

Kokkinakis c. Grèce

, série A n° 260-A, § 31. 

30

 CEDH 18 février 1999, 

Buscarini

, RTDE 2000, p. 261, §34. 

31

 « Cette liberté implique, notamment, celle d’adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou de ne pas 

la pratiquer. » (CEDH 18 février 1999, 

Buscarini

, RTDE 2000, p. 261, §34). Les faits de l’espèce étaient les 

suivants : la loi de la République de Saint-Marin prévoyait un serment des parlementaires sur les Saints-
Evangiles. La Cour a condamné cette pratique comme contraire à l’article 9. Elle relevait : « En l’espèce, 
l’obligation de prêter serment sur les Evangiles imposée à MM. Buscarini et Della Balda constitue bel et bien 
une restriction au sens du second paragraphe de l’article 9, les deux requérants ayant dû faire allégeance à une 
religion donnée sous peine de déchéance de leur mandat de parlementaires. » (§34) ; « En l’occurrence, le fait 
d’avoir imposé aux requérants le serment sur les Evangiles équivaut toutefois à l’obligation pour deux élus du 
peuple de faire allégeance à une religion donnée, ce qui n’est pas compatible avec l’article 9 de la Convention » 
(§39).  

32

 CEDH 25 mai 1993, 

Kokkinakis c. Grèce

, série A n°260-A, § 31. 

33

 « Aux termes de l’article 9, la liberté de manifester sa religion ne s’exerce pas uniquement de manière 

collective, ‘en public’ et dans le cercle de ceux dont on partage la foi: on peut aussi s’en prévaloir 
‘individuellement’ et ‘en privé’; en outre, elle comporte en principe le droit d’essayer de convaincre son 
prochain, par exemple au moyen d’un ‘enseignement’, sans quoi du reste ‘la liberté de changer de religion ou de 
conviction’, consacrée par l’article 9, risquerait de demeurer lettre morte » (CEDH 25 mai 1993, 

Kokkinakis c. 

Grèce

, série A n°260-A, § 31). 

34

 CEDH 1

er

 juillet 1997, 

Kalaç

, RUDH. 1998, p. 109, §27. 

35

 CEDH 14 décembre 1999, 

Serif

,  Rec. CEDH, IX, p. 91, §39. 

36

 « le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de 

justice assure le respect ; que la sauvegarde de ces droits, tout en s’inspirant des traditions constitutionnelles 
communes aux Etats membres, doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la 

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt 

Prais c. 

Conseil

 du 27 octobre 1976

37

. Par ailleurs, le principe de non-discrimination pour motif 

religieux (que l’on peut considérer comme 

lex speciala

 du principe de liberté religieuse) est 

expressément entrée dans le Traité sur la Communauté européenne avec l’adoption du Traité 

d’Amsterdam

38

. Dans le projet de Constitution pour l’Europe, la liberté religieuse est 

expressément garantie par l’article II-70, dont les stipulations correspondent en substance à 

l’article 9 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme.  

Le droit constitutionnel français n’est pas très éloigné. La liberté de conscience est garantie 

par un principe fondamental reconnu par les lois de la République

39

, tandis que l’article 10 de 

la Déclaration de 1789 prévoit que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même 

religieuses ». De manière plus générale, le Conseil d’Etat a considéré que le principe de laïcité 

implique la neutralité de l’Etat, le pluralisme et la liberté religieuse

40

Le régime constitutionnel des limites aux libertés fondamentales en France n’est guère 

différent de celui existant dans les pays voisins. Pour qu’une mesure restrictive de liberté soit 

légitime, il faut qu’elle soit motivée par l’intérêt général ou la collision des droits 

fondamentaux. La mesure restrictive de liberté doit être proportionnée au motif qui la justifie, 

elle doit être posée par la loi et ne pas dénaturer le droit limité

41

. Il n’y a rien là qui s’éloigne 

de ce qui peut exister dans les pays voisins

42

 et ces principes s’appliquent à la liberté 

religieuse 

43

.  

Si du point de vue des principes, la France ne diffère pas des autres Etats européens, en 

pratique, il y a quelques différences. Ainsi, alors que la plupart des Etats européens 

n’envisagent pas l’interdiction des signes religieux dans les écoles publiques

44

, c’est le cas en 

 

 

 

7

                                                                                                                                                         

Communauté » (CJCE 17 décembre 1970, 

Internationale Handelgesellschaft c. Einfuhr und Vorrattstelle für 

Getreide und Futtermittel

, Rec., p. 1125). 

37

 CJCE 27 octobre 1976, 

Prais c. Conseil

, Rec. p. 1589. 

38

 Article 13 du Traité sur la Communauté européenne, dans la version consolidée issue du Traité d’Amsterdam.  

39

 Décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, 

préc.

40

 C

ONSEIL D

’E

TAT

Rapport public 2004, Op. cit.

, p. 272-277. 

41

 Par exemple, Louis F

AVOREU

 et al., 

Droit constitutionnel

, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 9

ème

 éd., 2007, 

p. 811-813. 

42

 Louis F

AVOREU

 (sous la direction de), 

Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux

, Actes du 

2

ème

 Colloque d’Aix-en-Provence 19, 20 et 21 février 1981, Paris-Aix-en-Provence, Economica-PUAM., 1982, 

540 pages. 

43

 Comparer le rapport français (p. 785-838) aux autres rapports européens au Colloque de Budapest de 

décembre 2003 sur les limitations à la liberté religieuse, publiés in 

Emory International Law Review

, vol. 19, n° 

2, Summer 2005, p. 465-1320. 

44

 Sur cette question, voir les rapports aux colloques de Budapest des 2-4 juin 2005 et de Strasbourg des 28-30 

juillet 2005 : http://

www.strasbourgconference.org

  

 

background image

VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

France. La réaction originelle du Conseil d’Etat, dans son avis du 27 novembre 1989, était 

plus proches des solutions retenues dans les Etats voisins. Le Conseil d’Etat la fondait 

directement sur le principe constitutionnel de laïcité et sur les accords internationaux liant la 

France, notamment la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’Etat 

considérait que le port, par un élève, d’un signe visible manifestant son appartenance 

religieuse n’était pas, en lui-même, contraire au principe de laïcité. Pour le Conseil d’Etat, le 

droit constitutionnel français (principe de laïcité ; liberté de conscience), ainsi que d’autres 

textes de rang normatif moindre dans la hiérarchie des normes internes (traités ; lois) 

fondaient, au bénéfice des élèves, « le droit d’exprimer et de manifester leurs croyances 

religieuses à l’intérieur des établissements scolaires ». L’exercice de ce droit pouvait 

impliquer « le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur 

appartenance religieuse ». Cette liberté, de rang constitutionnel, trouvait sa limite dans les 

exigences du respect de l’ordre public et des droits fondamentaux d’autrui. Il appartenait aux 

chefs d’établissement d’assurer le respect de ces principes, notamment dans le cadre de 

l’adoption du règlement intérieur. La solution retenue par l’avis de 1989 était consacrée au 

contentieux. Selon cette jurisprudence, seules les exigences d’ordre public et de respect des 

libertés étaient susceptibles de justifier une mesure d’interdiction du voile islamique. C'est-à-

dire que c’étaient les effets produits par le port du signe religieux sur l’ordre public ou les 

libertés d’autrui qui justifiaient la mesure d’interdiction. Si le Conseil d’Etat admettait que le 

« caractère ostentatoire » d’un signe était susceptible de produire de tels effets, c’étaient ces 

effets qui justifiaient l’éventuelle l’interdiction et non le caractère ostentatoire en lui-même

45

Le Gouvernement et le Parlement ont considéré que, compte tenu de la situation provoquée 

par la multiplication des signes religieux dans les écoles, pour assurer l’ordre dans les 

établissement, il fallait adopté la loi du 15 mars 2004, qui a introduit un nouvel article dans le 

Code de l’éducation. Ce texte ajoute un article  L. 141-5-1 qui prévoit que «  Dans les écoles, 

les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves 

manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Une circulaire du 18 

mai 2004 a donné la kippa, le voile islamique et une croix de dimension excessive comme 

exemple de signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. Pour le 

 

 

 

8

                                                 

45

 Sur la jurisprudence antérieure à la loi du 15 mars 2004, voir Alain G

ARAY

 et Emmanuel T

AWIL

, « Tumulte 

autour de la laïcité », D. 2004, chron., p. 227. 

 

background image

VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

Conseil d’Etat, la liste en question découle implicitement de la loi, dont la circulaire s’est 

« bornée à rappeler et à expliciter les termes »

46

.  

B. L’autonomie des collectivités religieuses 

Les Etats européens reconnaissent le principe d’autonomie des collectivités religieuses. Ce 

principe est très étudiée en droit comparé

47

. Il constitue en général un droit subjectif qui peut 

être revendiqué contre les pouvoirs publics

48

. Ce principe existe dans tous les systèmes 

européens

49

. Par exemple, en Espagne, l’autonomie des confessions religieuses découle de 

l’article 16 alinéa 1

er

 de la Constitution qui garantit la « liberté idéologique, religieuse et des 

cultes des confessions religieuses », l’article 6 de la Loi organique sur la liberté religieuse de 

1980 précisant que « les églises enregistrées, confessions et communautés religieuses ont une 

autonomie complète et sont habilitées à établir leur propres règles d’organisation, leurs 

normes internes et la réglementation de leur personnel »

50

. Au Portugal, l’article 41 alinéa 4 

de la Constitution garantit l’autonomie des collectivités religieuses

51

 en prévoyant que « les 

églises et les communautés religieuses sont séparées de l’Etat et peuvent librement 

s’organiser, exercer leurs fonctions et célébrer leur culte ». En Allemagne, l’article 137 alinéa 

3 de la Constitution de Weimar, qui a valeur constitutionnelle du fait du renvoi de l’article 

140 de la Loi fondamentale, dispose : « Chaque société religieuse règle et administre ses 

affaires de façon autonome, dans les limites de la loi applicable à tous. Elle confère ses 

fonctions sans intervention de l’Etat ni des collectivités communales civiles ». L’autonomie 

implique la faculté de gérer ses affaires propres, notamment en adoptant des règles internes, 

qui parfois produiront des effets civils

52

. Le principe d’autonomie est également consacré par 

la jurisprudence d’application de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, la Cour 

 

 

 

9

                                                 

46

 CE 8 octobre 2004, 

Union française pour la cohésion nationale

, JCPA 2004, n°1711, note Emmanuel T

AWIL

47

 Hildegard W

ARNINK 

(sous la direction de),

 Legal Position of Churches and Church Autonomy

, Leuven, 

Peeters, 2001, XIV-269 pages ; Gerhard R

OBBERS 

(sous la direction de),

 Church Autonomy

, Frankfurt-am-Main, 

Peter Lang, 2001, 716 pages. 

48

 Ulrich S

PELLENBERG

, « Les droits religieux devant les tribunaux allemands », in 

La religion en droit comparé 

à l’aube du 21

ème

 siècle

Op. cit.

, p. 388.  

49

 Francis M

ESSNER

, « La reconnaissance des religions en Europe. Des exemples des mécanismes d’accès aux 

statuts et aux régimes des cultes », 

Revue de droit canonique

, 2004, p. 17 et s. 

50

 Sur le principe d’autonomie des collectivités religieuses en droit espagnol, José Maria G

ONZALEZ DEL 

V

ALLE

« Constitutional status of religious confessions in Spain

 

», in 

Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de 

l’Union européenne, The constitutional status of churches in the european countries

Op. cit.

, p. 110-118. 

51

 José D

S

OUSA 

E.

 

B

RITTO

, « Le régime constitutionnel des cultes au Portugal », in 

Le statut constitutionnel 

des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of churches in the european countries

Op. cit.

, p. 228-231. 

 

background image

VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

a reconnu, dans son arrêt 26 octobre 2000, 

Hassan et Tchaouch

, que « le droit des fidèles à la 

liberté de religion suppose que la communauté [religieuse] puisse fonctionner paisiblement, 

sans ingérence arbitraire de l’Etat »

53

La libre autonomie des collectivités religieuses est également assurée en droit français

54

Mais, à la différence de ce qui existe dans nombre d’Etat voisin, elle n’est pas mentionnée 

expressément dans la Constitution. On peut néanmoins la rattacher au principe de liberté de 

culte, qui est lui-même un élément de la laïcité constitutionnelle

55

. Par ailleurs, elle résulte de 

l’économie général de la loi de 1905 : en effet, sur la base de la loi de séparation, dans un avis 

des 25 et 31 octobre 1906, le Conseil d’Etat a affirmé que « le principe de liberté de culte 

s’applique aussi bien aux individus qu’aux collectivités »

56

. En principe, cette liberté ne 

devait initialement concerner que les collectivités religieuses qui avait accepté de se constituer 

en associations cultuelles. Il était clair, d’une part, que les cultes n’avaient pas la possibilité de 

se constituer en association de la loi de 1901 pour bénéficier d’une institutionnalisation, et, 

d’autre part, que les cultes ne pouvaient revendiquer la liberté de cultes que s’ils s’étaient 

constitués en associations cultuelles. Cette double limitation a été abandonnée dès la loi du 2 

janvier 1907. En effet, celle-ci a admis expressément la possibilité pour les cultes de recourir, 

non pas à une association cultuelle, mais à une association de la loi de 1901. Cette possibilité 

résulte des articles 4 et 5 de la loi du 2 janvier 1907. Malgré ces dispositions, l’association 

cultuelle reste la modalité ordinaire d’institutionnalisation d’un culte.  

L’accès au statut d’association cultuelle est subordonné aux respects des régles relatives à 

la constitution d’association (nombre minimum de membres ; déclaration ; publication ; etc.). 

Par ailleurs, les statuts doivent prévoir un objet exclusivement cultuel (article 19) et les 

associations « ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet »

57

. Depuis l’avis 

du 24 octobre 1997, le Conseil d’Etat a posé un critère supplémentaire : si un groupement est 

 

 

 

10

                                                                                                                                                         

52

 Sur les effets des normes religieuses en droit étatique, Emmanuel T

AWIL

Normes religieuses et droit français

Aix-en-Provence, PUAM, 2005, 318 pages. 

53

 CEDH 26 octobre 2000, 

Hassan et Tchaouch

, RTDE 2001, p. 185, §62. Voir également le paragraphe 118 de 

CEDH 13 décembre 2001, 

Eglise métropolitaine de Bessarabie

,

 Conscience et liberté

, n°63, 2002, p. 68-75, note 

Claudia A

DEOUSSI

54

 Francis M

ESSNER

,

 

« The Autonomy of Religious Confessions in France »,

 

in

 

Legal Position of Churches and 

Church Autonomy

 (sous la direction de Hildegard W

ARNINK

), 

Op. cit.

, p. 111-119 

55

 C

ONSEIL D

’E

TAT

Rapport public 2004, 

EDCE n°55, 2004, p. 272-277. 

56

 CE avis 25 et 31 octobre 1906, EDCE n°55, 2004, p. 417 

57

 CE avis 24 octobre 1997, 

Association pour le culte des Témoins de Jéhovah de Riom

Droit fiscal

, 1997, 

n°1365 ; CE 23 juin 2000, 

Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Clamecy

, D. 2000, p. 204. 

 

background image

VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

susceptible de porter atteinte à l’ordre public, il ne peut pas bénéficier du statut d’association 

cultuelle

58

.  

II. La possibilité pour l’Etat d’opérer un traitement différencié des collectivités 

religieuses 

La diversité religieuse est admise et garantie dans tous les systèmes constitutionnels 

européens

59

, même si certaines réticences ont pu exister, notamment en Grèce

60

. Le principe 

de pluralisme est ainsi garanti dans tous les pays européens. La Cour européenne des droits de 

l’homme a considéré que le pluralisme avait une place centrale, en le qualifiant de  

« consubstantiel »

61

 à une société démocratique. Le projet de traité constitutionnel pour 

l’Union européenne prévoit également, en son article II-82, que «  l'Union respecte la 

diversité culturelle, religieuse et linguistique »

62

.  

En droit français, le pluralisme est garanti au plus haut niveau de la hiérarchie des normes. 

Il constitue d’abord un objectif de valeur constitutionnelle

63

. Mais la doctrine rattachait 

également le pluralisme à la neutralité

64

, et donc à la laïcité. Le Conseil d’Etat a expressément 

confirmé un tel rattachement, notamment dans son avis du 27 novembre 1989

65

 et, de manière 

 

 

 

11

                                                 

58

 CE avis 24 octobre 1997, 

préc.

 

59

 C

OLLECTIF

New Religious Movements and the law in the European Union, Acte du colloque de Lisbonne des 

8-9 novembre 1997

,  Bruylant-Giuffrè editore-Nomos, Bruxelles-Milano-Baden Baden, 1999, 390 pages.  

60

 Charalambos P

APASTATHIS

, « Le régime constitutionnel des cultes en Grèce », in 

Le statut constitutionnel des 

cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of Churches in the European countries

Op. cit.

, p. 153-168. 

61

 CEDH 25 mai 1993, 

Kokkinakis c. Grèce

, série A n° 260-A, § 31. 

62

 Ces dernières stipulations sont très importantes car, comme le souligne le professeur Louis-Léon Christians, 

elles créent « une garantie proprement européenne en faveur du respect de la diversité du fait religieux. Le 
respect de cette garantie est à la fois direct et spécifique. Il est direct dans la mesure où il ne vise plus ici à se 
retrancher derrière le principe de subsidiarité. Il envisage une compétence immédiatement européenne de prise 
en compte de la diversité par delà les frontières nationales. Ce respect est spécifique dans la mesure où l’article 
[…] reconnaît la légitimité d’isoler le fait religieux de l’ensemble plus vaste des réalités culturelles », (Louis-
Léon Christians, « Construction européenne et politique religieuse », in Blandine Chélini-Pont (sous la direction 
de), 

Quelle politique religieuse en Europe et en Méditerranée ?,

 Aix-en-Provence, PUAM, coll. « Droit et 

Religions », 2004, p. 127).  

63

 « Considérant que le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur 

constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions essentielles de la démocratie » (décision 
n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, R.J.C. I-283, § 11).  

64

 « Le principe de la neutralité de l’Etat à l’égard des religions exclut que le droit de l’Etat institue des 

catégories de religion, les unes supposées honorables, les autres non » (Jean-Marie W

OERHRLING

, « Une 

définition juridique des sectes », in 

Les ‘sectes’ et le droit en 

France, sous la direction de Francis M

ESSNER

Paris, PUF, 1999, p. 66). 

65

 « Le principe de laïcité implique nécessairement le respect de toutes les croyances, déjà reconnu par l’article 

10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, aux termes duquel ‘Nul ne doit être 
inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi 
par la loi’ » (CE avis 27 novembre 1989, 

préc.

). 

 

background image

VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

particulièrement nette, dans son 

Rapport public 2004

. Le pluralisme en matière religieuse 

implique une attitude positive de l’Etat : comme l’a relevé le Conseil d’Etat, le pluralisme 

« implique nécessairement le respect de toutes les croyances »

.  

Mais la reconnaissance du pluralisme n’implique pas l’obligation de traiter toutes les 

religions de manière uniforme. Au contraire, tous les systèmes européens prévoient des 

distinctions en fonction des religions, notamment en n’ouvrant le statut juridique le plus 

favorable, qui prévoient des avantages en termes fiscaux et en terme de financement public, 

qu’à celles d’entre elles qui sont socialement acceptées et dont la présence est suffisamment 

révélatrice

. La Convention européenne des droits de l’homme ne semble pas faire obstacle à 

un système différencié. Du moment qu’est assuré à tous les cultes un minimum de liberté, la 

Cour de Strasbourg considère qu’il faut laisser une marge d’appréciation aux Etats « pour ce 

qui est de l’établissement des délicats rapports entre l’Etat et les religions »

Le système français prévoit un traitement différencié des religions. L’arrêt 

Vajra 

Triomphant

 du Conseil d’Etat du 27 avril 2004 est à cet égard révélateur. Parce que 

l’association en question est susceptible de porter atteinte à l’ordre public, compte tenu des 

liens qu’elle a avec des personnes ayant fait l’objet de condamnations pénales, il est possible 

de lui refuser le bénéfice du statut d’association cultuelle, ce qui entraine de très lourdes 

conséquences fiscales. Un tel système revient donc à opérer une distinction entre les cultes, 

seuls certains se voyant permettre l’accès au statut d’association cultuelle

.  

Cette possibilité de traiter différemment les confessions religieuses permet à l’Etat de 

coopérer avec celles de confessions socialement intégrées à la société et de les financer. 

A. Le principe de coopération 

La coopération entre l’Etat et les confessions religieuses est le modèle largement dominant 

dans les Etats européens, où elle se concrétise souvent par l’adoption de conventions entre 

l’Etat et les religions, conventions qui ont généralement un caractère de conventions 

internationales lorsqu’elles sont signées avec le Saint-Siège, et de conventions de droit public 

 

 

 

12

                                                 

66

 C

ONSEIL D

’E

TAT

Rapport public 2004, Op. cit.

, p. 277-278. 

67

 CE avis 27 novembre 1989, 

préc

68

 Voir Francis M

ESSNER 

(sous la direction de), 

 Etat et Religion en Europe, les systèmes de reconnaissance

RDC 2004, 314 pages. 

69

 CEDH 27 juin 2000, 

Cha’are Shalom Ve Tsedek c/ France, 

REDH, 2001, p. 185

.

 

70

 CE 28 avril 2004, 

Association du Vajra Triomphant, 

JCPA 2004, n°1402, note Emmanuel T

AWIL

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

interne dans les autre cas

71

. C’est le cas notamment en Italie

72

, en Espagne

73

, au Portugal

74

en Allemagne

75

, au Luxembourg

76

, en Pologne

77

 etc. Ce principe de coopération est 

également repris par l’article I-51 du projet de Constitution pour l’Europe qui prévoit que 

« reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l'Union maintient un dialogue 

ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations ».  

 Il est généralement affirmé que le droit des cultes en France est exclusivement d’origine 

étatique : l’Etat exercerait son pouvoir normatif dans le domaine des cultes, par voie de loi ou 

de règlements, sans être soumis à une exigence de coopération avec les cultes. Cette 

impression est renforcée par le fait que les textes constitutionnels français ne prévoient aucune 

exigence de coopération avec les cultes, contrairement aux Constitutions allemande, 

espagnole ou italienne.   

En France, le poids de l’Etat est incontestablement plus fort, mais il serait erroné de croire 

que l’unilatéralisme étatique est absolu

78

. Il y a toujours eu une certaine consultation et une 

volonté de coordination entre l’Etat et les cultes. Par exemple, si la loi de 1905 a été adoptée 

sans concertation avec Rome, il y a eu néanmoins des contacts avec des personnalités 

importantes au sein des cultes reconnus, qui ont influencé la rédaction de l’article 4. Par 

ailleurs, ces dernières années, la coopération avec les cultes a eu tendance à devenir plus 

institutionnalisée, comme le manifeste la décision prise le 12 février 2001 d’organiser des 

réunions régulières entre le Premier Ministre, les ministres concernés et les représentants de 

l’Eglise catholique. L’engagement de l’Etat dans la constitution du Conseil français du culte 

 

 

 

13

                                                 

71

 Francesco M

ARGIOTTA

-B

ROGLIO

, « Il sistema giuridico dell’Unione europea », in Francesco M

ARGIOTTA

-

B

ROGLIO

, Cesare M

IRABELLI

 et Francesco O

NIDA

Religioni e sistemi giuridici, Introduzione al diritto 

ecclesiastico comparato

, Bologna, Il Mulino, 1997, en particulier p. 204-218 

72

 En langue française, voir Emmanuel T

AWIL

, « Les relations conventionnelles entre l’Etat et les religions en 

Italie », Cahiers de la recherche sur les Droits fondamentaux, n°4/2005, p. 139-156. 

73

 José M

ARIA 

G

ONZALEZ DEL 

V

ALLE

, « Constitutional status of religious confessions in Spain

 

», in 

Le statut 

constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of churches in the 
european countries

Op. cit.

, p. 110-118. 

74

 José D

S

OUSA 

E.

 

B

RITTO

, « Le régime constitutionnel des cultes au Portugal », in 

Le statut constitutionnel 

des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of churches in the european countries

Op. cit.

, p. 228-231 

75

 Francis M

ESSNER

, « Le droit conventionnel entre les églises et les Etats en RFA », 

Praxis Juridique et 

Religion

, 1989, p. 61-91. 

76

 Alexis P

AULY

, « Eglises et Etat au Grand-duché de Luxembourg en 1997 », REREE 1998, p. 93-98 et 

« Eglises et Etat au Grand-duché de Luxembourg en 1998 », REREE 1998, p. 145-147. 

77

 Hanna S

UCHOCKA

, « A propos du Concordat de 1993 avec la Pologne », 

Le supplément

, n°199, 1996, p. 11-

31. 

78

 Emmanuel T

AWIL

, « Les modalités de formation de la législation des cultes », in 

Droit des cultes, Op. cit.

p. 89-98. 

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

musulman est également fondé sur la volonté de trouver un interlocuteur en vue d’une 

coopération un peu plus suivie. 

C’est avec l’Eglise catholique que la coopération est la plus institutionnalisée, notamment 

parce que la France a rétabli ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège en 1920, qu’elle 

reconnaît sa personnalité juridique internationale et la capacité de celui-ci de conclure des 

conventions internationales. De nombreuses conventions, dont la plupart concernent 

directement les catholiques français, ont été conclues. Ces conventions s’imposent à l’Eglise 

catholique en France, bien que l’Etat français ne reconnaisse pas la personnalité juridique en 

droit interne à l’Eglise universelle ou aux églises locales. Seule l’Eglise catholique bénéficie 

de telles conventions, faute pour les autres cultes d’être placés sous l’autorité d’une institution 

à laquelle la personnalité internationale est reconnue. 

C. Le Financement public 

Il n’existe pas d’approche uniforme de la question du financement public en Europe

79

Quelques Etats n’en prévoient aucun. Par exemple, aux Pays-Bas, il n’y a rien de tel

80

. Mais 

les travaux de Francis Messner ont montré que le modèle dominant est l’existence d’un 

financement public direct ou indirect des religions les plus intégrées à la société

81

La France adhère à ce modèle dominant. En effet, le principe de l’interdiction des 

subventions aux cultes ne découle pas du principe constitutionnel de laïcité et.n’a pas une 

valeur constitutionnelle

82

. Certains régimes locaux prévoient la possibilité de financement. En 

Alsace-Moselle, les ministres des cultes reconnus sont rémunérés par l’Etat et en Guyane, où 

est toujours applicable l’ordonnance royale du 27 août 1828, les ministres du culte sont 

rétribués par le budget départemental.  

On pourrait penser que le principe de l’article 2 alinéa 1

er

 de la loi du 9 décembre 1905, qui 

interdit toute subvention au culte, éloigne le régime de séparation du modèle dominant en 

 

 

 

14

                                                 

79

 Francis M

ESSNER

, « in 

Traité de droit français des religions 

(sous la direction de Francis M

ESSNER

,

 

Pierre-

Henri P

RELOT

 et Jean-Marie W

OEHRLING

)

,

 

Op. cit.

, p. 61.  

80

 Sophie C. V

AN 

B

IJSTERVELD

, « The constitutional status of religions in the Kingdom of the Netherlands »,  in 

Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne, The constitutional status of Churches 
in the European countries, Op. cit

, p. 203-216. 

81

 Entre autres travaux : Francis M

ESSNER

,

 

Le financement des églises : Le système des cultes reconnus (1801-

1983)

, Strasbourg, Cerdic-publications, coll. « 

Recherches institutionnelles 

», 1984, 259 pages et

 Le 

Financement des églises en Allemagne

, Strasbourg, fasc. cours I.D.C., 1994, 40 pages.  

82

 CE 16 mars 2005, 

Ministre de l’Outre-mer

préc.

 Confirmant CAA Paris 31 décembre 2004, 

Territoire de la 

Polynésie française

, JCPA n°1404, note Emmanuel T

AWIL

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

Europe. Il n’en est rien car, en réalité, les possibilités de financement public sont 

nombreuses

83

. Par exemple, sont autorisés l’organisation et le financement d’aumôneries des 

services publics

84

. De même, la plupart des édifices du culte en France appartiennent au 

domaine public des collectivités publiques, ce qui implique un financement public de ceux-

ci

85

III. La différenciation territoriale du droit des relations Etat-Religions 

Il est un trait du droit français des cultes qui n’est pas universellement partagé en Europe : 

la différenciation territoriale. En France, il y a six régimes des cultes très différents les uns des 

autres. 

A. L’absence d’unité du droit des relations Etat-Religions en France 

La diversité territoriale en matière de législation des cultes est très marquée. Le régime 

général est, bien sûr, celui issu de la loi de séparation du 9 décembre 1905, qui est applicable 

sur le territoire métropolitain, à l’exception de l’Alsace et de la Moselle. Mais il existe cinq 

autres régimes des cultes, dont quatre dans l’Outre-mer. 

En Alsace-Moselle, le régime des cultes applicables est basé sur le droit français du début 

du 19

ème

 siècle : loi de germinal an X pour les cultes catholiques et protestants ;  décret  de 

1808 pour le culte israélite. Ce système repose sur la distinction entre les cultes reconnus (le 

culte catholique, les deux cultes protestants et le culte israélite) et les cultes non reconnus. Ces 

quatre cultes reconnus sont organisés, dans un cadre de droit public, en service public du 

culte. L’Etat participe à la désignation de leurs ministres du culte et à la détermination de 

leurs circonscriptions religieuses, tandis que le temporel du culte est géré par les 

établissements publics du culte. L’essentiel du financement des cultes reconnus provient de 

l’Etat, dans la mesure où celui-ci prend en charge le traitement des ministres du culte des 

quatre cultes reconnus.  

Ce régime s’explique par des circonstances historiques. Après l’annexion en 1871 par 

l’Empire allemand du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, et jusqu’en 1918, le droit 

 

 

 

15

                                                 

83

 Emmanuel T

AWIL

, « L’étendue de l’interdiction de financement public », in 

Droit des cultes, Op. cit.

, p. 441-

446 . 

84

 Emmanuel T

AWIL

,

 

« Une spécificité : les aumôniers des services publics », in 

Droit des cultes, Op. cit.

p. 335-350. 

85

 Emmanuel T

AWIL

, « Les édifices du culte appartenant au domaine public », in 

Droit des cultes, Op. 

cit.

, p. 225-245. 

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

français des cultes fut un droit provincial allemand. Globalement, la législation religieuse 

(culte, congrégation, enseignement religieux) demeura en l’état, même si quelques 

modifications de ces lois françaises devenues lois allemandes eurent lieu. Par exemple, une 

loi locale du 15 novembre 1909 a modifié partiellement le statut des ministres du culte, 

revalorisant notablement les traitements. Le droit de l’enseignement religieux a été aussi 

partiellement modifié, et fut créée une faculté de Théologie catholique dans l’Université 

d’Etat de Strasbourg en 1902. Avec la victoire de 1918, le Gouvernement français et le Saint-

Siège ayant décidé du maintien en vigueur du Concordat pour l’Alsace et la Moselle, l’article 

7 de la loi du 1

er

 juin 1924 vint prévoir en son article 7 que « continuent à être appliquées, 

telles qu’elles sont encore en vigueur dans les trois départements, à la date fixée à l’article 1

er

même en tant qu’elles contiennent des règles de droit civil, les lois locales suivantes : […] 13° 

La législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses ». Ces textes ont fait l’objet 

de quelques modifications, qui n’ont concerné pour le moment que des détails.  

En Outre-mer, la situation est plus complexe

86

. L’article 43 alinéa 2 de la loi du 9 

décembre 1905 prévoyait que « des règlements d’administration publique détermineront les 

conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies ». Sur ce 

fondement, un décret du 6 février 1911 a soumis au régime de la loi de 1905 la Guadeloupe, 

la Martinique et la Réunion. Puis un décret du 11 mars 1913 a étendu l’application de la loi de 

1905 à Madagascar, tout en réservant explicitement le cas de Mayotte et des Comores pour 

lesquels le texte prévoyait qu’il soit « statué ultérieurement ». Pour le reste de l’Outre-Mer, le 

vide juridique a été partiellement comblé par les décrets Mandel de 1939. Le premier décret, 

daté du 16 janvier 1939, prévoit la constitution de missions religieuses. En vertu de l’article 2 

du décret, le choix du président et des membres des conseils d’administration des missions est 

soumis à agrément du représentant de l’Etat. Le second décret Mandel, du 6 décembre 1939, a 

précisé que lorsque, pour le culte catholique, il s’agit « du chef même de la circonscription 

missionnaire », il suffit que sa nomination comme président soit notifiée au chef de la 

Colonie. Les régimes des cultes en France d’Outre-Mer sont donc variés. Outre la 

Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, qui sont soumises à la loi de 1905, il existe quatre 

configurations :  

 

 

 

16

                                                 

86

 Emmanuel T

AWIL

,

 

note sous CAA Paris 31 décembre 2004, 

Territoire de la Polynésie française

, JCPA 2004, 

n°1404 ; I

D

, « Les modalités de formation de la législation des cultes », in 

Droit des cultes, Op. cit.

, p. 98-100. 

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

1) En Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les 

Terres australes et antarctiques françaises, les deux décrets Mandel sont applicables. 

2) A Mayotte, le culte musulman, majoritaire, est toujours lié à l’Etat, notamment par ce 

qui reste de droit musulman (justice cadiale et statut personnel), tandis que les autres religions 

sont régies par le premier décret Mandel, le second n’ayant jamais été introduit. 

3) En Guyane, pour le culte catholique, est toujours applicable l’ordonnance royale du 27 

août 1828. Ce texte organise un régime de reconnaissance du seul culte catholique, dont les 

ministres du culte sont nommés, mutés et révoqués par l’évêque après agrément préfectoral et 

sont rétribués par le budget départemental.  

4) En Polynésie française, les Eglises protestantes sont, en principe, régies par un décret du 

5 juillet 1927, tandis que les autres cultes relèvent des deux décrets Mandel.  

B. Les différences territoriales dans les autres Etats européens  

La différenciation territoriale existe dans plusieurs pays d’Europe. Mais il ne s’agit pas 

d’un trait général.  

Il n’y a guère que le Royaume-Uni dans lequel les différences de droit applicable soient 

aussi importantes qu’en France : Ecosse, Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord 

connaissent des régimes très différents. En Angleterre (hors Pays de Galles) et en Ecosse, il 

existe un régime d’Eglise établie, c’est-à-dire organisée par la Reine en son Parlement, 

lesquels sont, selon la tradition britannique, garants de la Foi : l’Eglise d’Angleterre est Eglise 

établie en angleterre et l’Eglise d’Ecosse en Ecosse. Au Pays de Galles, l’Eglise d’Angleterre 

a été désétablie. En Irlande du Nord, il n’y a jamais eu d’Eglise établie

87

. Les différences 

entre les régimes sont donc profondes.  

Dans les autres Etats, quand il existe des différences juridiques en fonction du territoire, 

ces différences sont sans grande importance. Par exemple, en Italie, il n’y a qu’à Rome que le 

29 juin (fête des Apôtres Pierre et Paul) soit férié (Convention avec le Saint Siège du 18 

février 1985). De même, en Allemagne, bien que le traitement juridique des religions relève 

en principe de la compétence des Länder, cette compétence doit s’exercer dans le respect de la 

 

 

 

17

                                                 

87

 Voir : Norman D

OE

The Legal Framework of the Church of England

, Oxford, Clarendon Press, 1996, 

LXXIV-543 pages ; Francis L

YALL

Of Presbyters and Kings, Church and State in the Law of Scotland

Aberdeen, Aberdeen University Press, 1980, 208 pages ; Francis L

YALL

 and David M

AC

C

LEAN

, « The 

Constitutional Status of Churches in Great-Britain », in 

Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de 

l’Union européenne, The constitutional status of Churches in the European countries

Op. cit.

, p. 139-152). 

 

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VERSION PROVISOIRE – NE PAS CITER  

Constitution fédérale, laquelle détaille les règles fondamentales, y compris en matière de 

financement. Cela contribue à rendre le droit applicable relativement uniforme

88

.  

Conclusion

Comme nous l’avons vu, la laïcité française implique la liberté religieuse des fidèles. Elle 

assure l’autonomie des cultes et permet la coopération de l’Etat avec les cultes, ainsi que leur 

financement public, et elle autorise un traitement différencié des confessions religieuses. 

Enfin, elle se décline en une multitude de régimes locaux spécifiques et très différents.  

Liberté de croyance, autonomie des cultes, possibilité de coopération de l’Etat avec les 

cultes, possibilité de financement public et de différence de traitement entre les cultes : ces 

cinq traits caractérisent donc le français et les systèmes des Etats qui nous entourent. Ils 

semblent la marque de l’existence d’un modèle européen des relations Etat-Religions, modèle 

qui s’opposerait à un modèle américain fondé sur la liberté des personnes, l’autonomie des 

confessions religieuses, l’absence de financement public et l’absence de différence de 

traitements entre les confessions religieuses

89

 

 

 

 

18

                                                 

88

 Voir Thierry R

AMBAUD

Le principe de séparation des cultes et de l’Etat en droit comparé

, Paris, LGDJ, coll. 

« Bibliothèque de droit constitutionnel et de science politique », 2004, XII-464 pages. 

89

 Sur les Etats-Unis, voir : 

Le Façonnage juridique du marché des religions aux Etats-Unis, 

sous la direction 

de Laurent M

AYALI

, Paris, Mille et une nuits, 2002, 176 pages ; Blandine C

HELINI

-P

ONT

 et Jeremy G

UNN

Dieu 

en France et aux Etats-Unis

, Paris, Berg, 2005, 92 pages ; Blandine C

HELINI

-P

ONT

, « Singularité juridique de 

l’Europe en matière religieuse », in 

Europe et Mondialisation

, colloque Aix-Tübingen, novembre 2004, Aix-en-

Provence, PUAM, 2006, à paraître ; I

D

., « Laïcités française et américaine en miroir », 

Cahiers de la Recherche 

sur les Droits Fondamentaux

, 4/2005, p. 107-118. 

 


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