background image

 

Bucarest 18-20 septembre 2003  
 
 
 
 

Intervention de Jean-NoĂ«l Dibie 

 

Directeur adjoint, dĂ©lĂ©guĂ© Ă  la direction du dĂ©veloppement international de France TĂ©lĂ©visions 

 

Docteur en droit, chargĂ© de cours Ă  l’UniversitĂ© Paris I PanthĂ©on Sorbonne 

 

 

Les limites du systĂšme dual :  

tĂ©lĂ©vision publique versus tĂ©lĂ©visions commerciales

 
 

 
 

La tĂ©lĂ©vision, un service public menacĂ© 

 
 
 

Techniquement et socialement la radiotĂ©lĂ©vision est un service public : 
 

‱

  techniquement, la radiotĂ©lĂ©vision utilise des supports de transmission et de 

diffusion relevant du domaine public (frĂ©quences hertziennes, orbites et 
frĂ©quences satellitaires, voie public pour le passage du cĂąble).  

De ce fait, il incombe Ă  la puissance publique d’attribuer des licences aux opĂ©rateurs, 
conformĂ©ment au plan international de frĂ©quences de l’Union Internationale des 
Télécommunications.

.

 

 

‱

  socialement, la radiotĂ©lĂ©vision satisfait Ă  une mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, justifiant 

que les licences techniques soient assorties d’obligations sociales. 

 
Pour autant, le service public de la radiotĂ©lĂ©vision ne relĂšve pas nĂ©cessairement d’un 
monopole du secteur public. 
Comme rappelĂ© en dĂ©cembre 1986 par la 

PremiĂšre ConfĂ©rence ministĂ©rielle sur la 

Politique de Communication de Masse de Vienne

, ce service public peut ĂȘtre assurĂ© 

par une personne publique en situation de monopole ou confiĂ© en tout ou partie au 
secteur privĂ©.  
 

Aux Etats-Unis 
 

La radiotĂ©lĂ©vision relĂ©ve du secteur privĂ© sous le contrĂŽle d’une Agence 

FĂ©dĂ©rale, la Federal Commission for Communication -FCC-, Ă  laquelle revient de : 
- gĂ©rer les frĂ©quences qu’elle attribue Ă  des opĂ©rateurs sous forme de licences 
d’exploitation,  
- rĂ©glementer le secteur de la communication dans le respect du pluralisme et des 
droits fondamentaux garantis par la constitution, la loi et la jurisprudence : 
 

‱

  le Premier amendement de la Constitution 

background image

 

 Â«Le CongrĂšs ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une 
religion ou interdisant son libre exercice, restreignant la libertĂ© de parole ou de 
la presse ou touchant au droit des citoyens de s’assembler paisiblement et 
d’adresser des pĂ©titions au gouvernement pour le redressement de leurs 
griefs».

 

‱

  la lĂ©gislation antitrust du «Sherman Act» Ă©tendue aux Medias par la Cour 

SuprĂȘme dans son arrĂȘt Â«Red Lion» de 1969 par lequel  

«La Cour a estimĂ© que le premier amendement entendait maintenir un libre 
marchĂ© afin d’assurer la diffusion de la vĂ©ritĂ© et qu’il convenait de ce fait de 
faciliter l’accĂšs aux mĂ©dias pour assurer la protection de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et des 
droits individuels, notamment, ceux des minoritĂ©s.

» 

Aux Etats-Unis, c’est le bon fonctionnement du marchĂ©, dans le respect des droits 
des consommateurs et des producteurs, qui permet Ă  la la tĂ©lĂ©vision de satisfaire Ă  
sa mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. 
 

La tĂ©lĂ©vision publique amĂ©ricaine, organisĂ©e par le Public Broadcasting Act de 

1967 crĂ©ant la Corporation for Public Broadcasting, s’inscrit dans ce cadre 
institutionnel.  
La CPB n’est pas une Agence fĂ©dĂ©rale mais une entreprise Ă  but non lucratif, tutelle 
des 360 stations locales affiliĂ©es au rĂ©seau public PBS couvrant 93% de la 
population amĂ©ricaine. Il lui incombe, notamment, de :  
- s’assurer du respect des rĂšgles imposĂ©es aux stations du rĂ©seau. Celles-ci sont 
tenues de diffuser quotidiennement 8 heures de programmes fournis par le Network, 
dont prĂ©s des deux tiers sont consacrĂ©s aux enfants, produits pour l’essentiel par les 
six principales stations du rĂ©seau ; 
- rĂ©partir la subvention fĂ©dĂ©rale qui contribue au financement des stations assurĂ©, en 
moyenne par tiers, par l’Etat fĂ©dĂ©ral et les Etats, des associations locales Ă  but non 
lucratif, des universitĂ©s et des districts scolaires.

 

 

 

L’équilibre du systĂ©me audiovisuel amĂ©ricain, conçu dans l’environnement de 

raretĂ© de la tĂ©lĂ©vision analogique est menacĂ© par la vague de â€œDĂ©rĂ©gulation”, 
rĂ©sultant de la â€œConvergence numĂ©rique”, au prĂ©texte que l’abondance de l’offre de 
services audiovisuels numĂ©riques va permette d’assurer le pluralisme par le seul 
marchĂ©. 

Qu’en sera-t-il de la dĂ©mocratie audiovisuelle sicomme  

‱

 

annoncĂ© en avril 2004 par un reprĂ©sentant du SĂ©nat des Etats Unis lors de la 
rĂ©union annuelle de l’association des diffuseurs amĂ©ricains -NBA-,  

‱

 

dĂ©cidĂ© par la FCC le 2 juin (3 voix sur 5)  et publiĂ© au Registre FgĂ©dĂ©ral le 5 aoĂ»t 
(entrĂ© en viguer 30 jours aprĂšs) 

‱

 

bloquĂ© par la Cour SuprĂ©me de Pensylvanie le 5 septembre ( c’est maintenant Ă  
la justice de seprononcer sur la lĂ©galitĂ© de cette rĂ©forme) 

‱

 

dĂ©savouĂ© le 24 juillet par la Chambre des reprĂ©sentants qui a votĂ© un texte 
annulant ces nouvelles rĂ©gle (400 vois contre 21), vote confirmĂ© par le SĂ©nat, le  
16 septembre (55 voix contre 40) nonobstant la menace de Veto de Geoge Bush  

trois dispositions fondamentales Ă©taient abolies : 
-  la loi dite du “plafond”, interdisant toute concentration au-delĂ  de 35% de 

l’audience totale,  

-  la loi dite du â€œduopole” par laquelle un opĂ©rateur ne peut dĂ©tenir plus de deux 

rĂ©seaux nationaux de tĂ©lĂ©vision, 

background image

 

-  la disposition ne permettant pas Ă  une entreprise de mĂ©dia de controler dans une 

mĂȘme ville une station de tĂ©lĂ©vision et un quotidien.  

 

Bien que dĂ©jĂ  les dispositions nationales anti-trust ne s’appliquent pas Ă  

l’exportation, une telle dĂ©rĂ©gulation du marchĂ© national amĂ©ricain ne peut ĂȘtre sans 
consĂ©quence sur les Ă©quilibres internationaux du secteur dĂ©jĂ  dominĂ© par l’industrie 
amĂ©ricaine des contenus (films, programmes de tĂ©lĂ©vision, supports prĂ©-enregistrĂ©s 
audio et vidĂ©o, jeux Ă©lectronique, software 
)  
Les revenus internationaux gĂ©nĂ©rĂ©s par le copyright Ă©tant supĂ©rieurs Ă  ceux de tous 
les autres secteurs de l’économie, ce marchĂ© dicte Ă  l’administration amĂ©ricaine ses 
prises de position au sein de : 
- la WIPO - World Intelectual Property Organisation -, oĂč les amĂ©ricains font pression 
pour une intĂ©gration rapide dans les droits nationaux des traitĂ©s adoptĂ©s en 1996 sur 
le copyright Ă  l’ùre numĂ©rique 
- de l’OMC, oĂč les amĂ©ricains veulent imposer le libre marchĂ© des contenus 
nonobstant la rĂ©sistance de l’Europe et de ses partenaires qui entendent protĂ©ger 
leurs marchĂ©s nationaux au nom du nĂ©cessaire maintien de la â€œdiversitĂ© culturelle”.  

 

Dans l’environnement concurrentiel de globalisation l’Europe est elle en mesure de 
prĂ©server sa tĂ©lĂ©vision de service public ? 

 

En Europe 

 
Les paysages audiovisuels europĂ©ens dans lesquels coexistent chaĂźnes 

publiques et commerciales s’inscrit dans un systĂšme Dual permettant d’une part de 
satisfaire aux exigences du pluralisme de l’information et d’autre part de soutenir le 
dĂ©veloppement d’industries audiovisuelles, industries culturelles qui ne peuvent se 
satisfaire des rĂšgles du marchĂ© retenues pour les secteurs industriels 
manufacturiers.  
Dans ce cadre : 

‱

  les chaĂźnes commerciales en clair ou cryptĂ©es Ă  pĂ©age, s’inscrivent dans une logique 

de marchĂ© avec pour lĂ©gitime objectif l’optimisation des profits ; 

‱

  la tĂ©lĂ©vision publique, financĂ©e en tout ou partie par la collectivitĂ©, qui n’a de 

justification qu’au travers d’une audience significative, ne peut se satisfaire de cette 
logique commerciale. Au service de tout le public et de tous les publics, la tĂ©lĂ©vision 
publique se doit d’ĂȘtre Ă  la fois fĂ©dĂ©ratrice pour tout le public et diversifiĂ©e afin de 
satisfaire aux attentes de tous les publics dans ses composantes gĂ©ographiques, 
sociales et culturelles.  

 

Ce systĂšme Dual qui, par la permanence d’offres audiovisuelles alternatives, a 
permis la prĂ©servation des diversitĂ©s culturelles, richesse de l’Europe, s’est instaurĂ© 
progressivement. 
-  Entre les deux guerres mondiales, radios privĂ©es et publiques ont coexistĂ©s en 

Europe, sauf dans les Etats totalitaires oĂč la radio avait Ă©tĂ© nationalisĂ©s Ă  des fins 
de propagande.  

-  Aux lendemains de la seconde guerre mondiale l’instauration de monopoles 

publics a rĂ©sultĂ© des donnĂ©es Ă©conomiques et sociales de l’époque.  

-  Du fait de la partition de l’Europe en deux blocs et des diffĂ©rences nationales, les 

systĂšmes nationaux de radiotĂ©lĂ©vision ont connu des Ă©volutions diffĂ©rentes. 

 

background image

 

 

En Europe de l’Ouest

, les mutations Ă©conomiques, sociales et politiques, 

conjuguĂ©es aux exigences du pluralisme de l’information, ont induit : 
. dans un premier temps, des amĂ©nagements structurels assurant progressivement 
au monopole de la radiotĂ©lĂ©vison une plus large autonomie au regard du pouvoir 
politique, la tĂ©lĂ©vision d’Etat faisant alors place Ă  la tĂ©lĂ©vision de service public ; 
. dans un second temps, l’ouverture des marchĂ©s audiovisuels par l’organisation de 
la concurrence de chaĂźnes et d’opĂ©rateurs publics et privĂ©s assurĂ©e par des 
dispositifs institutionnels accompagnĂ©s d’adaptations des financements de la 
télévision publique (

cf. annexe, je ne traiterai pas ici de ce thĂšme qui fait l’objet d’un 

autre atelier

). 

 
En outre, nonobstant le protocole additionnel au TraitĂ© d’Amsterdam qui reconnaĂźt 
aux Etats la compĂ©tence 

de confĂ©rer, dĂ©finir et organiser la mission du service public 

de radiodiffusion et de pourvoir Ă  son financement

, les Etats Membres de l’Union 

EuropĂ©enne sont tenus par le droit communautaire de la concurrence d’assurer 
l’équilibre Ă©conomique entre opĂ©rateurs publics et privĂ©s. A cette fin les Etats, en 
accord avec la Commission qui veille Ă  ce que le financement n’altĂšre pas les 
conditions des Ă©changes, ont pris deux sĂ©ries de mesures : 
- fixĂ© des limites au financement publicitaire des chaĂźnes publiques, 
- mis en place des dispositifs de contrĂŽle portant, notamment, sur l’exĂ©cution de leur 
mission de service public et l’utilisation faite de leurs ressources. 
Dans l’environnement concurrentiel du systĂšme Dual, la problĂ©matique 
communautaire du financement de la tĂ©lĂ©vision publique, n’est pas sans 
consĂ©quence dans le dĂ©bat en cours sur sa lĂ©gitimitĂ©.  
 
Le Parlement EuropĂ©en, a adoptĂ© le 4 septembre 2003, trois rapports demandant Ă  
la Commission de prendre des initiatives pour prĂ©server le pluralisme des mĂ©dias 
mis en cause par la concentration des mĂ©dias, corollaire des menaces qui pĂšse sur 
la tĂ©lĂ©vision de service public. 

‱

  Un premier rapport (FodĂ© Sylla fr) consacrĂ© Ă  la situation des droits 

fondamentaux dans l’Union europĂ©enne, qui se rĂ©fĂšre notamment Ă  la situation 
italienne, demande Ă  la Commission de s’assurer que les mĂ©dias privĂ©s et 
publics  

-  fournissent au citoyen des informations fiables,  
- Ă©vitent 

les 

discriminations 

-  garantissent l’accĂšs au diffĂ©rents groupes et opinions 

‱

  Un second rapport (Myrisini Zorba soc. grecque) consacrĂ© aux industries 

culturelles demande Ă  la Commission : 

- d’engager une rĂ©flexion sur les effets de la concentration croissantes des secteurs

 

des tĂ©lĂ©cumications, de l’industrie culturelle et des mĂ©dias des mĂ©dias 
-  de veiller Ă  ce que les convergences ne conduissent pas Ă  la disparition des 

indĂ©pendants et n’altĂ©rent pas la divesitĂ© de la crĂ©ation par une uniformasitation 
de la production et de la diffusion. 

‱

  Le troisiĂšme rapport (Roy Perry conservateur britannique) sur la Â«TĂ©lĂ©vision sans 

frontiĂšre», souligne la prĂ©occupation des eurodĂ©putĂ©s devant le fait que la 
concentration croissante de la propriĂ©tĂ© et du contrĂŽle â€“ quelle soit horizontale ou

 

verticale - dans le secteur de la radiodiffusion tĂ©lĂ©visuelle, demande Ă©galement Ă  
la Commission de contrĂŽler le degrĂ© de concentration des mĂ©dias en Europe 

 
 

background image

 

 

En Europe centrale et orientale 

oĂč les notions de pluralisme des mĂ©dias et 

d’économie de marchĂ© ont longtemps Ă©tĂ© Ă©touffĂ©es, les Etats ont du, aprĂšs la chute 
des rĂ©gimes totalitaires, organiser la fin du monopole idĂ©ologique sur les mĂ©dias 
audiovisuels.  
A cette fin, ils se sont attachĂ©s Ă  se doter d’une lĂ©gislation sur les moyens 
d’information garantissant, notamment  : 
. les intĂ©rĂȘts gĂ©nĂ©raux des citoyens,  
. les droits des journalistes, dont leur accĂšs aux sources,  
. les droits des agents de la crĂ©ation, auteurs, artistes interprĂštes, producteurs, 
Ils ont en outre, adoptĂ©s des dispositifs juridiques, Ă©conomiques et techniques 
propres Ă  assurer le pluralisme des mĂ©dias dans un marchĂ© fluide, notamment par 
des limites Ă  la concentration.  
Dans ces sociĂ©tĂ©s en transformation, la libĂ©ralisation de l’espace de communication 
a permis la pluralitĂ© des supports audiovisuels, mais pas toujours celle des 
messages, en raison tant du manque de ressources que de la suspicion pesant sur 
la tĂ©lĂ©vision publique, aprĂšs plus de quarante annĂ©es de tĂ©lĂ©vision d’Etat. 
Les chaĂźnes publiques, encore proches du pouvoir politique, doivent affronter la 
concurrence de chaĂźnes privĂ©es plus soucieuses de profits que de culture et de 
civisme. Faute de moyens et de cohĂ©rence les chaĂźnes nationales manquent souvent 
d’une vision structurĂ©e et homogĂšne. En outre, le public avide d’une ouverture que 
ne lui offre pas toujours ses chaĂźnes nationales est attirĂ© par les chaĂźnes importĂ©es 
accessibles par satellite et sur les rĂ©seaux cĂąblĂ©s, vecteurs de diffusion  qui 
connaissent un dĂ©veloppement rapide. 
 
 

Le futur de la tĂ©lĂ©vision

 devenue en un demi-siĂšcle le principal vecteur de 

diffusion de l’information, de la connaissance et de la culture, n’est pas sans poser 
question au dĂ©but du XXIĂšme siĂšcle. 
Faut-il croire les augures qui prĂ©disent, notamment : 
- la disparition des chaĂźnes gĂ©nĂ©ralistes au bĂ©nĂ©fice de la consommation Ă  la carte 
de programmes et services audiovisuels ;  
- le remplacement du tĂ©lĂ©viseur familial par l’ordinateur multimĂ©dia ?  
Y aura-t-il encore place pour une tĂ©lĂ©vision de service public ? 
. une tĂ©lĂ©vision pour tous, quels qu’en soient les supports de diffusion, 
. une tĂ©lĂ©vision reflet des rĂ©alitĂ©s socioculturelles nationales et rĂ©gionales et fenĂȘtre 
ouverte sur le monde, 
 
Dans l’environnement concurrentiel hĂ©tĂ©rogĂšne de la tĂ©lĂ©vision europĂ©enne, les 
tenants du «tout marché» cherchent Ă  marginaliser, si ce n’est Ă  faire disparaĂźtre, les 
chaĂźnes publiques. A cette fin ils tentent de faire valoir, comme les ultra-libĂ©raux 
amĂ©ricains, que l’abondance de l’offre audiovisuelle numĂ©rique permettra au marchĂ© 
de satisfaire Ă  la mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral du service public de la tĂ©lĂ©vision. 
Comment souscrire Ă  ce raisonnement alors que dĂ©jĂ  la multiplication des 
mouvements capitalistiques de fusion/acquisition entre opĂ©rateurs commerciaux, 
menace la diversitĂ© de l’offre audiovisuelle et ce faisant le maintien d’espaces 
audiovisuels publics et pluriels ouverts Ă  tous, citoyens et consommateurs ? 

 

Une autre menace pĂšse sur la tĂ©lĂ©vision de service public, celle des tenants d’un 
conservatisme culturel qui voient dans la tĂ©lĂ©vision la contestation de leur monopole 

background image

 

du savoir, dĂšs lors que ce mĂ©dia ne reflĂšte pas leur propre perception de la culture. 
C’est dĂ©nier sa vocation Ă  la tĂ©lĂ©vision de service publique que de vouloir limiter sa 
mission Ă  la diffusion de programmes Ă©ducatifs et culturels au sens Ă©troit du terme.  
 
C’est dans cette problĂ©matique qu’entend s’inscrire Marc Tessier prĂ©sident de 
France TĂ©lĂ©visions qui avec ses trois chaĂźnes France 2 France 3 et France 5 a vu 
ses parts d’audiences globales augmentĂ©es rĂ©guliĂšrement depuis 2001 (+ 2,5). 
Face Ă  la multiplication des chaĂźnes thĂ©matiques, information, jeunesse, sport, 
dĂ©couverte, qui crĂ©ent de nouveaux rapports avec le public, les chaĂźnes gĂ©nĂ©ralistes 
commerciales tentent de prolonger le statu quo par des programmes Â«attrape tout», 
aujourd’hui la Â«tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© Â», mais ce ne sont lĂ  que des expĂ©dients qui n’ont pas 
enrayĂ© aux Etats-Unis la perte d’audience des grands rĂ©seaux. France tĂ©lĂ©visions a 
entrepris d’adapter sa structure de programmes autour de grands Ă©vĂ©nements 
d’antenne reflets de l’imaginaire collectif ou de la culture du pays. Il en va ainsi des 
grandes fictions (NapolĂ©on 
), des documentaires de prestige (L’odyssĂ©e de 
l’espĂšce 
) des grands moments sportifs (Championnat du monde d’athlĂ©tisme, 
Jeux Olympiques
) et de sa nouvelles conception de l’information d’une part en 
multipliant Ă©missions d’approfondissement et grands dĂ©bats, d’autre part en 
augmentant l’information de proximitĂ© (rĂ©forme du 19/20 de France 3). 
Evolution qui sera soutenue par l’avĂšnement attendu de la tĂ©lĂ©vision numĂ©rique  

 
 
 

L’avenir numĂ©rique de la tĂ©lĂ©vision 

remet-il en cause le systĂšme Dual 

europĂ©en, alors que nombre d’Etats ont programmĂ© l’abandon de la diffusion 
analogique ? 
 
La tĂ©lĂ©vision numĂ©rique quel qu’en soit le support de diffusion, satellite, cĂąble ou 
hertzien, va notamment, permettre au plus grand nombre l’accĂšs Ă  plus de 
programmes, Ă  une meilleure qualitĂ© technique et Ă  l’interactivitĂ©. Dans cette 
perspective, la TĂ©lĂ©vision NumĂ©rique par voie hertzienne -TNT-, ne doit pas ĂȘtre 
perçue comme un nouveau mĂ©dia mais comme un nouveau moyen de diffusion 
devant Ă  terme se substituer Ă  la tĂ©lĂ©vision hertzienne analogique. L’extension du 
cĂąble Ă  l’ensemble du territoire n’étant ni techniquement, ni Ă©conomiquement 
envisageable, sauf pour de petits pays fortement urbanisĂ©s, et la diffusion satellitaire 
ne permettant pas de satisfaire aux attentes de proximitĂ© des tĂ©lĂ©spectateurs, c’est 
dans la complĂ©mentaritĂ© des supports de diffusion que les europĂ©ens doivent 
s’attacher Ă  assurer la permanence de mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral du service public de 
la tĂ©lĂ©vision. 
Dans le contexte de «Mondialisation» qui n’est pas sans influence sur les 
comportements Ă©conomiques et sociaux, les pratiques souvent abusives de 
l’économie de marchĂ© ne peuvent qu’accentuer les dĂ©sĂ©quilibres existants. C’est 
ainsi que, si l’on n’y prend garde, les Nouvelles Technologies de l’Information qui 
offrent d’immenses possibilitĂ©s d’ouverture du champ d’expression de la diversitĂ© 
culturelle, ne sauraient se satisfaire de la seule logique commerciale, au risque d’en 
dĂ©tourner l’usage au profit de quelques-uns. 
C’est-ce prĂ©servant les acquis qui, dans l’environnement analogique de la tĂ©lĂ©vision 
ont, malgrĂ© la raretĂ©, permis de satisfaire Ă  la double attente des tĂ©lĂ©spectateurs 
citoyens et consommateurs, que doit ĂȘtre organisĂ© l’avenir numĂ©rique de la 
tĂ©lĂ©vision.  

background image

 

La dĂ©mocratie audiovisuelle numĂ©rique sera assurĂ©e par l’accĂšs Ă  tous, hors des 
circuits d’abonnement, Ă  une offre Ă©largie de programmes. Il incombe aux pouvoirs 
publics d’organiser le systĂšme Dual de la tĂ©lĂ©vision numĂ©rique en rĂ©partissant 
frĂ©quences et licences entre opĂ©rateurs de services en clair et opĂ©rateurs de 
services cryptĂ©s Ă  pĂ©age. Les tĂ©lĂ©spectateurs britanniques ont dĂ©jĂ  plĂ©biscitĂ© cette 
politique par l’accueil qu’ils ont rĂ©servĂ© Ă  l’offre de TNT en clair de la BBC, Free 
Wiev, aprĂšs l’échec de l’offre Ă  pĂ©age d’ITV Digital, il en est de mĂȘme Ă  Berlin. 
 
 
 
En guise de conclusion permettez-moi deux affirmations : 
 
-  la tĂ©lĂ©vision est et doit demeurer un service public qui ne peut se satisfaire des 

seules lois du marchĂ© ; 

 
-  le maintien du systĂšme Dual de la tĂ©lĂ©vision, garant de la diversitĂ© culturelle, 

patrimoine sur lequel s’est construit notre richesse sociale et humaine de 
l’Europe, est une prioritĂ© pour l’Europe et les europĂ©ens. 

 

background image

 

Annexe 

 
 

Evolution des financements de la tĂ©lĂ©vison publmique en Europe de l’Ouest 

 
Dans la majoritĂ© des pays europĂ©ens, la tĂ©lĂ©vision a d’abord Ă©tĂ© financĂ©e par une 
redevance, dont les revenus augmentaient avec le parc de tĂ©lĂ©viseurs. Lorsque 
l’effet de parc a cessĂ© de jouer, l’achat d’un rĂ©cepteur de remplacement ne donnant 
pas lieu Ă  l’ouverture d’un nouveau compte de redevance, l’introduction puis 
l’augmentation des espaces publicitaires a dans de nombreux pays permis d’assurer 
le financement de la tĂ©lĂ©vision sans trop augmenter le taux de la redevance. 
 
Toutefois chaque pays Ă  adopter des modĂšles spĂ©cifiques. 
 
-  La Grande-Bretagne, la SuĂšde et la CommunautĂ© flamande de Belgique se sont 

refusĂ© Ă  autoriser la publicitĂ© sur les antennes des chaĂźnes publiques, tant pour 
ne pas porter prĂ©judice Ă  la presse Ă©crite, que par crainte de transfĂ©rer aux 
annonceurs le contrĂŽle Ă©conomique des chaĂźnes publiques. 

-  
-  Plus rĂ©cemment la Finlande, aprĂšs la privatisation de la troisiĂšme chaĂźne, et la 

GrĂšce, qui y a Ă©tĂ© contrainte par l’évolution de son marchĂ© audiovisuel, ont 
rĂ©servĂ© aux tĂ©lĂ©visions commerciales l’accĂšs Ă  la publicitĂ©.  

-  
-  L’Allemagne, attachĂ©e au principe du financement public, a considĂ©rĂ© le 

financement publicitaire comme un complĂ©ment nĂ©cessaire. Il en a Ă©tĂ© de mĂȘme 
aux Pays-Bas ou depuis la suppression de la redevance Ă  compter le 1

er

 janvier 

2000, le financement public assurĂ© par le budget de l’Etat n’a cessĂ© de diminuer. 

-  
-  Le Danemark a adoptĂ© une solution originale en confiant ses deux chaĂźnes 

publiques Ă  deux entitĂ©s distinctes, l’une financĂ©e par la redevance, l’autre par la 
publicitĂ©.  

-  
-  L’Autriche, la France, l’Irlande, l’Italie et la CommunautĂ© française de Belgique 

ont instituĂ© en principe le financement mixte, associant redevance et publicitĂ©.  

-  
-  L’Espagne oĂč il n’y a jamais eu de redevance pour la tĂ©lĂ©vision et le Portugal oĂč 

la redevance a Ă©tĂ© supprimĂ©e Ă  la fin des annĂ©es quatre vingt, ont tentĂ© de 
maintenir la pratique du financement de leurs tĂ©lĂ©visions publiques par la 
publicitĂ©, ce qui s’est traduit par un endettement  insupportable.