Église Réformée de France

Apport de la région Ouest : Le ministère d’évangéliste

 

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L’équipe régionale désignée pour réfléchir sur la suite à donner au voeu N° 4 du synode de Châteauroux en Novembre 2007, a jugé utile de joindre à sa réflexion un raccourci historique de la conception et de l’exercice du ministère d’évangélisation dans notre église, ce qui devrait nous aider à mieux cerner le point de vue réformé de ce ministère dans le « marché » du religieux de notre XXIème siècle. Ce sera aussi, pour nous, l’occasion de clarifier la demande !
Pour ce faire, nous partirons des données bibliques, de la compréhension de Calvin de ce ministère et, enfin, nous ferons parler des actes synodaux successifs sur ce sujet depuis la création de l’E.R.F, de 1938 à nos jours.

Les données bibliques

Le terme « évangéliste » n’est pas beaucoup usité dans le Nouveau Testament. Il est mentionné trois fois seulement. Une fois parmi les ministères reconnus dans l’église primitive (Eph.4:11) Par contre, il n’est pas repris dans les listes des charismes figurant dans l’épître aux Romains et dans les Corinthiens. En deuxième lieu, Philippe (Actes 2:8) et Timothée (Timothée 4:5) sont les seuls à qui l’on attribue ce titre. Les personnes nommées « évangélistes » ont toutes d’autres ministères. Philippe est diacre et Timothée est pasteur. Troisièmement, si on ajoute Paul, lui qui n’a point honte de l’Évangile (Rom.1:15-17) cela corrobore le fait que ce ministère est associé à d’autres activités religieuses.
Est-ce aussi la raison pour laquelle les auteurs de l’encyclopédie du protestantisme ne l’ont pas traité ? Dès lors, si l’on définit avec Paul, l’ « évangéliste » comme celui qui annonce et proclame la Bonne Nouvelle de Dieu partout où l’on n’a jamais entendu parler de Jésus Christ, le Seigneur (Rom.15:19-20), alors ce ministère s’applique aussi bien à tous les ministres de la parole (apôtres, prophètes, pasteurs, docteurs et diacres) qu’à un ministère spécialisé.

Calvin et le ministère d’évangéliste

En commentant le texte d’Éphésiens ci-dessus, Calvin, dans l’I.R.C. (4:1-2) appelle ce ministère « ministère de la parole ».Il en distingue 2 sortes : ceux des temps apostoliques et ceux qui sont réguliers dans l’église de tous les temps. Selon Calvin, alors, les ministères d’apôtre, de prophète et d’évangéliste seraient liés à l’époque apostolique comme fondement de la foi perpétuelle. Mais, il ajoute : « Je ne nie pas que Dieu n’ait encore suscité depuis lors, des apôtres ou bien des évangélistes en leur lieu, comme nous voyons qu’il en a été fait de notre temps », ou encore, « bien que quelques fois encore, il en suscite quand la nécessité le requiert. »
Cependant, pour le réformateur genevois, sont évangélistes les compagnons des apôtres comme Luc, Timothée, Tite et peut-être aussi les soixante dix. Leur office, proche de celui des apôtres serait « inférieur en dignité ». Calvin conclut son commentaire sur le ministère d’évangéliste en disant : « Néanmoins, je dis que c’est un office extraordinaire parce qu’il n’a point de lieu où les églises sont dûment ordonnées ». Docteur et pasteur seraient pour lui des ministères ordinaires et perpétuels dans l’église car liés à l’office d’exposition des Saintes Écritures et à l’administration de la parole en tout temps.
Ici aussi, même si Calvin distingue nettement le ministère de l’évangéliste et qu’il l’inféode à celui d’apôtre, le fait qu’il le limite dans le temps et l’espace, montre que ce ministère est aujourd’hui exercé par les pasteurs, « Finalement, ce que les apôtres ont fait par tout le monde, chaque pasteur est tenu de le faire en son église à laquelle il est député »

Des prophètes du désert aux brigadiers de la Drôme

« Les prophètes du désert » (1706-1760), reste un phénomène spirituel limité dans un temps et un espace précis lors de l’interdiction du culte protestant (1685-1787). Il reste confiné dans les Cévennes et lié à la pénurie de pasteurs. Il sera, par la suite, canalisé par des pasteurs formés à Genève (Antoine Court).Ce prophétisme est tourné vers l’intérieur de l’église (soutien, encouragement des fidèles protestants dans la clandestinité).
« La brigade de la Drôme » (1922) est, certes, influencée par le « Réveil » venu des États Unis et de Grande Bretagne après la 1ère guerre mondiale, mais il reste un mouvement porté par les pasteurs et laïcs français pour réveiller l’église. C’est donc aussi un mouvement tourné vers l’intérieur de l’église.
Ces deux mouvements ont apporté un soutien indéniable à une église affaiblie.

La société générale d’évangélisation et la commission générale d’évangélisation

La société générale d’évangélisation et la société centrale d’évangélisation, crées à la fin du XIXème siècle sont, au moment de la création de l’Eglise Réformée De France en 1938, réunies dans une même commission générale d’évangélisation : la S.G.E s’occupant de la production des matériels pour l’évangélisation et la C.G.E organisant des conférences, des rencontres, des études et des forums. La C.G.E. était composée essentiellement des pasteurs tandis que ses itinérants étaient plutôt au service des églises car l’évangélisation est confiée à toute l’église. Ceci était martelé à tous les synodes. « L’évangélisation est la mission commune de tous les membres de l’église, chacun étant appelé dans sa vie quotidienne à rendre compte de l’espérance qui est en lui. Le témoignage que les fidèles ont à rendre au Seigneur exige d’eux qu’ils accordent tout leur soin à une meilleure formation biblique et théologique. Chaque paroisse se sentira responsable de cette formation continue de ses membres. Ce témoignage suppose la participation consciente des chrétiens à la vie de la société où ils se trouvent et où ils ont à introduire une tension vivifiante... » Décision IV.

« Mais l’église chrétienne présente aujourd’hui devant les hommes un visage déchiré. Nous ressentons dans la souffrance et l’humiliation, le scandale que constitue ce déchirement, le démenti qu’il oppose à notre foi. Aussi, la préoccupation de l’évangélisation n’est-elle pas séparable de la préoccupation de l’unité. L’une et l’autre sont une seule et même obéissance à l’amour de Jésus-Christ. » Décision V

« L’évangélisation participe au ministère de la louange dans l’église... Nous invitons nos paroissiens à être des communautés où l’adoration du Seigneur ressuscité et la joie du Royaume tiennent toujours plus de place. » (Synode d’Orthez 27-29 Avril 1963).

A ce synode d’Orthez, on rejettera catégoriquement le prosélytisme (Vatican 2 oblige). On accentuera un peu plus la « présence au monde » initiée en 1930, contre l’évangélisation explicite. Pourtant, jusqu’à 1970, on maintiendra en équilibre la tension entre ouverture au monde et annonce directe de l’Évangile grâce à la sagesse du pasteur Boegner.

En 1974, Georges Casalis prend la présidence de la C.G.E et impose sa théologie de la libération (c’est l’apogée des mouvements de libération nés après la seconde guerre mondiale des théologies de libération, des théologies politiques et des théologies de l’espérance). Cette théologie posera question au point qu’au synode national de Creil (1976) la problématique du C.G.E s’est posée : « Pensez-vous utile ou néfaste qu’une institution de l’église comme la C.G.E choisisse une lecture particulière de l’Évangile ? L’action de la C.G.E vous parait-elle répondre suffisamment pour aujourd’hui à la vocation de notre Eglise à l’évangélisation ? »

Dans sa décision XX, le synode a répondu à ces interrogations en disant : « Le synode s’est senti interpellé par le texte de la C.G.E... même s’il n’en partage pas tous les choix. Il considère que la C.G.E doit rester libre de garder l’orientation qui est la sienne. » Dès lors, les centres sont devenus des lieux de militance, de réflexion sur une foi engagée dans les combats de la société. Ainsi, dans son rapport de 1976, Georges Casalis peut résumer sa démarche : « Avec l’ensemble des entreprises, communautés, groupes que nous fréquentons, nous appelons (la crédibilité du témoin) c’est la folie et le scandale permanent de l’Évangile qui exige une décisive cohérence entre la parole et l’acte. » Et, de son rapport de 1979, il dira : « A travers une analyse rigoureuse des entreprises subventionnées ou soutenues par la C.G.E., nous voulions, par une lecture spirituelle de notre budget, amener le synode national à prendre acte de l’unité indissociable entre l’économique et l’idéologique, entre la vie quotidienne et la vie avec Christ, la foi au Jésus de l’histoire et au Christ présent et avenir du monde. »

En 1983, Georges Casalis quitte la présidence de la C.G.E. Celle-ci repart sur des bases plus orthodoxes, abandonnant, aux regrets de plusieurs, cette recherche de cohérence entre orthodoxie et orthopraxis !

En Novembre 1989, le mur de Berlin est tombé et la guerre froide aussi. Les idéologies n’ont plus de poids sur la vie sociale. Pour leur grève de 1990, les infirmières se passent des services des syndicats. Elles s’organisent en coordinations. Le « mode » coordination est lancé.

Les coordinations : Édifier & former- Témoigner & servir

En 1992, les coordinations - Édifier & former - Témoigner & servir, sont créées. Ce n’est pas par hasard si témoigner et servir sont ensemble. L’évangélisation et le témoignage ne peuvent être séparés du service rendu au prochain, aux humains.

Les coordinations se sont attelées à la tâche : organiser des conférences, des rencontres, des formations (étranger, étrangers - Débat 2000, 2000 débats) et à produire du matériel (affiches, expositions et livrets, Théovie) dans la pure tradition de la C.G.E. Toutes ces réalisations ont pour but de soutenir les actions du témoignage, de l’évangélisation et de la visibilité des églises.
Ces coordinations sont abandonnées en 2006 au synode national de Paris.

Les coordinations interrégionales 2007

Au synode national de Sochaux, une nouvelle coordination Inter Régionale pour l’évangélisation a été élue et reconnue. Elle se met peu à peu au travail. Pour le moment, elle se réunit principalement dans les régions pour appréhender leurs réalités et leurs besoins au point de vue de l’évangélisation et du témoignage.

CONCLUSION SOUS FORME DE THESES

1 - Dans l’E.R.F., le ministère d’évangéliste n’obéit pas à des contingences extérieures :
des églises vides, des finances ecclésiastiques, la visibilité...

2 - La conception du ministère d’évangéliste dans l’E.R.F obéit à quatre cohérences :
biblique, théologique, historique et culturelle.
Concernant l’évangélisation de Bill Graham en France, Boegner dira : « Si beaucoup de protestants français sont déconcertés, c’est qu’ils sont imprégnés de la civilisation latine et ne peuvent s’habituer à des procédés anglo-saxons.

3 - Malgré les changements des situations historiques et des organismes qui s’occupent de ce ministère, la conviction profonde reste la même :
l’évangélisation, le témoignage individuel ou communautaire dans la vie quotidienne concrète et les services cultuels sont inséparables. Le synode d’Angers (La Pommeraye 1977 ) le souligne : « Le synode national affirme sa conviction que toute la vie de l’Eglise doit porter la marque de l’évangélisation et doit être constamment repensée dans cette perspective. Ses cultes ses liturgies, sa catéchèse, toutes ses entreprises de formation doivent être réévaluées en sorte qu’ils soient autant d’occasions possibles de partager la bonne nouvelle de l’Évangile avec des hommes et des femmes n’en ayant pas encore fait la découverte » (cf aussi la déclaration du synode régional de Lezey 2005 et le voeu N° 4 du synode régional de Châteauroux.)

4 - Les pasteurs ont aussi la fonction d’évangélistes, même si on nommera parfois des itinérants,des chargés de missions pour soutenir l’oeuvre de l’Eglise dans tel ou tel secteur.
Pourquoi le ministère d’évangéliste n’a-t-il été reconnu qu’au synode national de Nancy en 1983 ? Et cela sous la pression de la C.G.E qui réclamait la reconnaissance d’autres ministères dans l’Eglise ?

5 - Une méfiance vis à vis des entreprises individualistes, « multinationales » d’évangélisation portées par des spécialistes ( Bill Graham, l’association des compagnons pour l’évangile crée en 1974 contre la C.G.E, même si elle se réclame de base réformée.) ne serait-elle pas souhaitable ?

6 - Que mettons nous aujourd’hui dans la demande de promotion des évangélistes ?

7 - Sommes nous sous l’influence des sirènes ? (1943, Godin et Daniel - La France pays de mission ; 1977, Delumeau - Le christianisme va-t-il mourir ? Baubérot, Le protestantisme va-t-il mourir ?, 1985 - Nouvelle évangélisation catho 85)

Pasteur Josaphat PALUKU RUBINGA

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