Persistance et utilité des recherches de géopolitique.

André Brigot - EHESS

juillet 2000 - pour la Revue Québécoise Etudes Internationales - aout 2000


A partir des ouvrages de :

CHAUPRADE Aymeric, THUAL François, Dictionnaire de géopolitique, Paris ; Ellipses, 1999

GRAY Colin S., SLOAN Geoffrey,(Ed) Geopolitics: Geography and Strategy, London.Portland, Or; 1999; 290 p.

CHAUPRADE Aymeric, Introduction à l’analyse géopolitique Paris, Ellipses ; 1999

 

La notion de géopolitique, apparue à la fin du XIX° siècle, a connu, après la seconde guerre mondiale, une condamnation politique qui a considérablement diminué son influence dans la littérature concernant les relations internationales et la stratégie. Les nazis en avaient fait un usage idéologique massif, d’ailleurs éloigné des idées de ses fondateurs, mais cet amalgame a largement contribué à la marginalisation postérieure de cette approche. Dans la dernière décennie, la contestation de l’importance du territoire " étatique " lui même, au profit d’une représentation mondialisée, privilégiant les réseaux transnationaux, a encore accentué la marginalisation de l’approche géopolitique. On trouve pourtant dans la littérature française et de langue anglaise des marques d’intérêt persistantes, dont témoignent les ouvrages ci-dessus. Les deux ouvrages français sont d’utiles manuels, donnant une vision des études occidentales sur le sujet. Le recueil de Gray et Sloan, comme l’indique son titre, constitue plutôt une défense et illustration de l’importance de la géographie dans les réflexions stratégiques. Complémentaire, leur lecture permet de faire un point sur l’actualité de cette approche. Au delà, elle permet de poser la question des conditions et de l’intérêt d’un renouvellement de cette réflexion.

I - Les origines politiquement très incorrectes de la géopolitique.

Les deux livres de Chauprade et Thual (Introduction à l’analyse géopolitique et Dictionnaire de géopolitique) sont une introduction quelque peu dépolitisée du sujet. Ils présentent comme une discipline constituée et reconnue un ensemble de données sur les Etats, de concepts, d’auteurs, de facteurs permanents (géographique, identitaires ou culturels, les ressources économiques…)et de facteurs de changements (la technique, les transformations des institutions étatiques, régionales et mondiales. Ces utiles données ne renseignent cependant que très peu, par l’intermédiaire des auteurs sur l’évolution de cette sulfureuse spécialité.

En effet, sur le vieux continent, et principalement dans le domaine germanique, les mots géopolitique ou géostratégie sont connotés très négativement. En 1995, un ouvrage très critique, " Géopolitique et histoire " 1 rappelait les origines intellectuelles de la géopolitique. L’auteur trouvait les racines de cette réflexion chez des penseurs européens de la seconde partie du XVIII° siècle, faisant remonter l’origine de la " géographie politique " française à Turgot et à quelques uns de ses contemporains. Au XIX° les rapprochements avec le courant naturaliste entraînent une partie des auteurs vers les théories raciales qui s’épanouiront au milieu du XX°. Les articles du Dictionnaire de Chauprade et Thual permettent de retrouver quelques uns de ces auteurs, qu’il est utile de relier entre eux pour rappeler les cheminements et les connotations de ce courant de pensée.

Le français Gobineau écrivait ainsi dans l’Essai sur l’inégalité des races humaines2 : " Il s’agit de faire entrer l’histoire dans la famille des sciences naturelles, de lui donner en ne l’appuyant que sur des faits empruntés à tous les ordres de notions capables d’en fournir, toute la précision de cette classe de connaissances, enfin de la soustraire à la juridiction intéressée dont les factions politiques lui imposent aujourd’hui l’arbitraire ". Pour Gobineau l’homme doit être pratiquement ramené à la mesure de l’espèce animale. Il atteindra alors une vie naturelle heureuse, n’excluant ni sélection ni élimination. Ces thèses étaient connues et appréciées en Allemagne où des auteurs tels que Carl Ritter et surtout Ernst Kapp, qui publie en 1845 " Die politische Geographie ", vont développer des considérations de géographie politique liées à une dimension organiciste et un " darwinisme social ", qui n’existait pas dans l’œuvre de Darwin.

Les plupart des grands " géopoliticiens " se retrouvent dans le Dictionnaire, et le livre de Colin S Gray consacre un article à Mahan et un autre au cas Haushofer.

Friedrich Ratzel (1844-1904) donnera une première formulation d’ensemble de ce champ de réflexion3. Il est lui-même influencé par Hegel et son disciple Ernst Kapp, qui avait intitulé la seconde partie de son principal ouvrage4 Die politische Geographie. Il affirme que l’homme, face à la nature qui n’est pas libre, a " une universalité illimitée en ce qui concerne la nourriture ", et ajoute : " D’un autre coté, chaque peuple de culture peut rendre toute la terre tributaire de son alimentation " Ce passage de l’homme comme genre, espèce humaine, au peuple de culture comme détenteur d’un droit spécifique va introduire la notion si ambiguë de Lebensraum. Ratzel part d’une géographie humaine, de l’espace que pratiquement chaque espèce utilise pour son développement : l’oekoumène, à laquelle il ajoute une vision organiciste, dont il veut établir les lois. L'espace n'est pas un élément physique, mais un territoire où une population a le droit de disposer des moyens de subsister. Mais il ne définit pas un peuple spécifique, autrement dit, n’introduit pas l’étape suivante que les nazis développeront avec la notion de races hiérarchisées. Toutefois, sans jamais définir le Lebensraum, il va donner une grande extension à ce terme. Par ailleurs, l’Etat devient un individu géographique. Il a une " position, une étendue, une frontière " et donc comme tout organisme, croît et s’oppose à ses voisins. Bien que Ratzel utilise parfois l’idée classique et stabilisante d’équilibre, il tend à l’oublier au profit d’une conflictualité interétatique constante, qui conduit à idéaliser la guerre comme " école de l’espace ". Cette perspective est très influencée par le darwinisme. Mais alors que Darwin ne fait pas du sol un enjeu en soi, qu’il refuse l’idée d’une loi de développement nécessaire, pas même des migrations des espèces, Ratzel croit pouvoir énoncer des lois tendancielles du développement étatique. D’autres auteurs vont encore développer ce darwinisme social, tels Herbert Spencer ou Ernst Haeckel (Histoire de la création naturelle5): " Partout vous verrez la guerre, l’effort pour exterminer le plus proche voisin l’antagonisme immédiat. Passion et égoïsme, voilà que l’on en ait ou non conscience le ressort de la vie ". Pour Ratzel l’homme est animalité et esprit, culture, et donc son " espace-vie " est aussi une domination spirituelle, qui passe par l’Etat. "En rangeant l’étude de l’Etat dans la biogéographie, il traite de l’Etat comme un organisme tant qu’il est " Etat animal ", mais se sent partiellement emprisonné par cette approche dès lors qu’il traite de la société humaine, dans la mesure où il croit en la nécessité suprahistorique de l’Etat dans la société humaine , au sens où l’entend Hegel ".

L’influence de la pensée germanique est sensible dans l’œuvre du suédois Kjellen (1864-1922). Il se réfère aux historiens F.Meinecke et Théodor Ranke. Ce dernier (Die Grossen Mächte) proposait que l’on se décide à " réveiller l’esprit latent des nations, par lequel la vie a plutôt été inconsciemment portée jusqu'à présent et à le restituer à l’état d’activité auto-consciente ...la scène internationale ne laissant place qu’à des " peuples -nations ". Kjellen professe à Göteborg dans les années 1905 un cours publié ensuite sous le titre : Les Grandes puissances du présent en 1914, puis un ouvrage intitulé: L'Etat comme forme de vie publié à Stockolm en 1916 et en allemand l'année suivante (Des Staat als Lebensform Leipzig 1917). Il introduit réellement le terme " Geopolitik ", mais ajoute à l’hégelianisme et à la prééminence de l’Etat, un véritable racisme : " De même que l’élément ethnique prime dans l’Etat, de même l’élément génétique prime sur le territoire ". La référence de Kjellen à Ratzel est constante. "Au commencement de l'Etat il y a le sol solide, le fondement de la recherche géographique... le sol au caractère sacré et saint de la terre ...même le nomade part d'une portion de sol organisé. Puis vient sur le sol la race..." Il ne s’agit donc pas d’un Etat de droit, mais d’un Etat de force. La " science de l’Etat ", qu’il vise à instituer, comporte: " la géopolitique, la politique économique, la politique sociale, et la politique de domination. La géopolitique, qui comporte seule des lois, est l’enseignement de l’Etat comme organisme géographique...c’est donc l’Etat comme pays, territoire, région ou, plus significativement , comme empire ". L’empire est un élément vivant (la volonté véhiculée par le peuple) et mortel (le peuple a un moment donné) tandis que le sol est simultanément mort (inerte) et immortel (toujours là). L’individu ne peut se réaliser que dans l’Etat, l’Etat étant lui même un individu recherchant son total accomplissement .

Kjellen et ses successeurs orientent résolument la réflexion géopolitique vers la pratique des rapports de pouvoir, plutôt que vers l’analyse des rapports de force. Déjà, au sein de La Ligue allemande des patriotes (Allgemeiner Deutscher Verband), fondée en 1893 pour soutenir les visées expansionnistes et colonialistes allemandes, son président Heinrich Class se réclamait du français Gobineau, de Paul de Lagarde et de Houston Stewart Chamberlain pour développer cette orientation, qui conduira aux pires excès sous le nazisme. Le récent ouvrage de Michel Korinman en retrace les cheminements6. Haushofer (1869-1946) va reprendre ces représentations après la défaite de 1918 et permettre aux nazis de les radicaliser.

Haushofer fut fasciné par son voyage au Japon en 1910. Dans les conditions de surpeuplement de l’Allemagne d’avant 1914, il admire le "seul pays avec l'Allemagne à nourrir et vêtir plus de 130 habitants au km". Son livre, Le plus grand Japon (1913) critique à l’inverse la suffisance des puissances coloniales, abondamment pourvues. Il calcule qu'avec leurs empires elles ont des densités de 9 à 25 h au km2. Il va tenter de donner une définition du Lebensraum, rejetant les " frontières naturelles ", qui ne peuvent satisfaire que les puissances en déclin, préservant un statu quo territorial, et préconiser l'autarcie comme étape vers une plus grande puissance. Le globe devrait être découpé selon des lois " panistes ", des pan-régions quasi-contientales, regroupant de très grands espaces d’expansion, où une économie mondiale trouverait son compte, permettant d’instaurer une paix sous la gestion des peuples évolués et responsables. Il veut élaborer une géopolitique, qui prendrait la place des passions politiques irrationnelles, une évolution conforme aux lois de la nature, donnant une forme nouvelle aux créations de l'arbitraire d'une volonté humaine déchaînée. Sa revue, Zeitschrift für Geopolitik donna en 1925 et 1927 une définition de la géopolitique comme " science de la distribution des Etats sur la surface terrestre et de leur dépendance à l’égard du milieu naturel....elle s’est développée en son sein comme science des formes de vie politique dans les espaces vitaux naturels, formes qu’elle tente d’appréhender dans leurs relations avec la terre à travers la mouvement historique ....elle repose toutefois sur les vastes bases de la géographie, en particulier de la géographie politique, et veut et doit devenir ainsi une conscience géographique de l’Etat ". Otto Maull, autre géopoliticien allemand de l’époque de Haushofer, définit plus simplement la géopolitique comme une géographie politique appliquée, définition reprise par la revue italienne sous le fascisme Geopolitica.

Dans le recueil de Sloan et Colin S.Gray, Holger H.Herwig intitule sa contribution " Geopolitik : Haushofer, Hitler and Lebensraum ". Il reprend rapidement ces origines de la géopolitique allemande et pour approfondir ses liens avec le nazisme et plus précisément ceux de Haushofer avec Hitler. Il en montre l’importance, nouée dès les années 24 durant lesquelles Haushofer, lors de ses nombreuses visites à Hitler en prison, s’efforça de le convaincre des enseignements de son raisonnement géopolitique. Protégé par R.Hess, Hauhofer cherche ensuite à conseiller Hitler dans ses choix . Mais ce dernier, pas plus que les idéologues nazis, ne retiendront les tentatives de rationalisation de l’universitaire. Ils utiliseront en revanche certaines des notions, principalement le Lebensraum, pour donner des bases pseudo-scientifiques à leurs propres objectifs. L’article montre que Haushofer n’a jamais développé de thèmes antisémites, sa femme étant d’ailleurs d’origine juive et que ses relations avec le parti nazi furent tendues, surtout après l’expédition de Hess en Grande-Bretagne. Son fils sera assassiné par les nazis qu'il a critiqué, et lui même sera jugé par les alliés avant de se suicider en 1946. Il reste que sa volonté de conseiller Hitler fut permanente et qu’avec lui disparaît pour des dizaines d’années l’école allemande de géopolitique, même si quelques auteurs reprendront progressivement ces réflexions.

Trente cinq ans plus tard, Carl Schmitt dans un bref essai intitulé Terre et la mer, un point de vue sur l’histoire mondiale7, reprendra un autre point traditionnel de la littérature géopolitique, affirmant que " l’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissance continentales contre les puissances maritimes ". Mais cette vieille distinction entre puissance de la mer et puissance de la terre avait plutôt été développée par les grands auteurs anglophones de la géopolitique, que rappellent à la fois le Dictionnaire de Thual et surtout plusieurs les articles du livre de Gray et Sloan consacrés à l’amiral américain Mahan et à l’anglais Mackinder, présentés comme les fondateurs incontestés d’une saine géopolitique.

Alfred Thayer Mahan, Geopolitician, selon le titre de Jon Sumida, eu une grande influence sur Haushofer. Dans une œuvre écrite très abondante8, l’amiral Mahan part de l’importance de la flotte britannique comme élément de sa domination sur l’Europe et le monde dès le XVIII° siècle pour introduire les idées de " flotte in being " c’est à dire de capacité dissuasive sans recourir à la bataille elle même, des bases comme points d’appui régionaux et de la capacité de projection rapide des forces sur des lignes de communications navales sûres. Trois points retiennent l’attention de Sumida : l’insistance de Mahan sur le fait qu’une politique claire et un bon leadership naval sont aussi importants que la géographie pour garantir un " sea power " ; qu’une alliance était bien préférable à une politique isolée et qu’enfin le libre-échange était préférable à l’autarcie. Si Sumida relativise utilement l’aspect " géographique " de la géolitique mahanienne, au profit de sa dimension politique, il ne souligne pas le contexte de l’impérialisme dans lequel se développait aussi le versant anglo-saxon de la géopolitique. Rappeler les connotations et l’utilisation nazies des géopoliticiens allemands ne dispense pas de s’interroger sur le contexte idéologique et politique dans lequel s’est épanouie la géopolitique anglo-saxonne elle même. C’est ce que suggère l’article de G.O Tuathail, alors que la plupart des autres contributeurs présentent une vision dépolitisée de la géopolitique. Ainsi, dans The Interest of America in Sea Power, present and future9, Mahan écrivait par exemple: "l’inégalité et la hiérarchie des races fonde une inégalité et une hiérarchie des civilisations du point de vue de leur morale et de leur organisation…la civilisation européenne et sa cadette américaine sont supérieures aux autres, ce qui fonde leur droit à l’expansion et leur devoir d’expropriation et de conversion des peuples inférieurs…le monde est un combat, la lutte est l’essence de la vie et des relations entre peuples de la terre …la civilisation occidentale vit sous la menace des barbares, elle doit sa survie à la puissance de sa force physique organisée " .

Les liens de la géopolitique anglo-saxonne en général avec la pensée impérialiste apparaissent ainsi aussi clairement que chez les auteurs allemands, avec cette distinction fondamentale que ces derniers seront directement utilisés par les doctrines raciales nazies.

Sir Halford Mackinder : The Heartland Theory Then and Now est le titre de l’article que Geoffrey Sloan consacre au grand représentant anglais de la géopolitique (1861-1947). Sa première conférence en 1904, (The geographical Pivot of History) fut suivie en 1919 par Democracy Ideals and Reality. Les conceptions géopolitiques de Mackinder reposent sur une conception de l’histoire humaine en trois phases : la première, précolombienne où l’histoire du monde est celle de la civilisation européenne postérieure à l’Empire romain, la chrétienté médiévale, confinée dans une étroite région et soumise aux pressions des peuples barbares du continent asiatique ; la deuxième colombienne, où la civilisation européenne est en expansion grâce à l’absence de résistance extérieure et aux découvertes qui lui donnèrent une grande puissance maritime ; la troisième, actuelle, post colombienne voyant réapparaître les menaces continentales avec les progrès des transports terrestres et la pression du bloc asiatique. " C’est sous la pression extérieure des barbares que l’Europe a achevé sa civilisation. Je vous demande donc de considérer l’Europe et l’histoire européenne comme subordonnée à l’Asie et à l’histoire asiatique, car la civilisation européenne est, dans un sens très réel, le résultat d’une lutte séculaire contre l’invasion asiatique ". Surtout Mackinder développe la distinction entre les puissances de la mer et du littoral et les puissances de la terre. L'Eurasie, peu développée jusqu'au début du XX° siècle est pourtant le pivot géographique de l'histoire écrit-il en 1904. Les moyens de communications terrestres vont redonner à la terre les atouts que la navigation avait donné aux puissances de la mer du XVI au XIX° siècles, accrues par les passages de Suez et de Panama. Si l'Allemagne s'associe à la Russie les puissances de la mer et du littoral seront incapables de faire face à une forteresse terrestre imprenable: imprenable donjon au centre de la plus grande des îles mondiales". D’où la formule célèbre :" Celui qui domine l'Europe de l'est commande le Hearthland, celui qui domine le Heartland commande la plus grande île du monde et celui qui commande la plus grande île du monde commande le monde".

Ce que l'analyse diplomatique rattacherait à l'équilibre des forces, classique chez les britanniques, se retrouve ici géographisé en une conception plus globale. Dans Democratic Ideals and Reality,(1919), Mackinder reprend sa théorie du pivot géographique de l’histoire et la complète par l’idée " d’île mondiale ". Mais contrairement à la tradition allemande, il ne tombe pas dans un fatalisme darwinien dominateur. Il compte sur les bienfaits de la civilisation moderne pour dépasser les conclusions dominatrices que l’on peut tirer de son texte : " J’ai exprimé ma conviction que le libre-échange du type laisser-faire et le protectionnisme prédateur du type allemand sont des principes de nature impérialiste et que tous deux conduisent à la guerre " " Ce dont nous avons besoin pour guider notre reconstruction est une présomption des hommes d’Etat en faveur de nations équilibrées, ne péchant ni avec l’adepte du libre échange, ni avec le protectionnisme. Si nous persistions encore une ou deux générations avec un tel idéal devant nous, nous devrions avoir des nations fraternelles et des provinces fraternelles, au lieu d’intérêts guerriers et organisés se démenant pour étendre leurs limites au champ international, de manière à déborder les intérêts opposés qui se tiennent encore à une échelle nationale limitée " Democratic Ideals ps 175 et 200.

Néanmoins, les idéaux démocratiques sont pour lui le propre des puissances occidentales et entrent dans une lutte permanente avec les pulsions conquérantes russo-germaniques et nippo-chinoises. Son œuvre séduit d’ailleurs les géopoliticiens de l’école allemande, et avant tout Haushofer qui écrivait : " Pour ma propre conception des puissances dominant l’espace, des pensées sur l’Etat et sur l’Empire et de leur affirmation dans la lutte pour l’existence de la terre, je crois avoir trouvé la plus grande perspective géographique dans l’ouvrage de Mackinder intitulé The Geographical Pivot of History. Je n’en ai en tout cas jamais rencontré de plus grande, c’est une haute école de géopolitique.10 " Mais ses principaux continuateurs seront américains et donneront une nouvelle ampleur à ses idées.

La tradition britannique postérieure ne s’intéresse qu’assez indirectement à la géopolitique. B.H. Liddell Hart (1895-197511) est un historien et un stratège qui pense pour l’Angleterre et plutôt à partir des évolutions techniques qu’à partir de considérations globales. Ses critiques d’officier grièvement blessé portent sur la conduite de la guerre durant 14-18 (History of the First World War, réédité en 1970). Mais la distinction entre milieu marin et milieu terrestre lui paraît rester fondamentale. Il bénéficie des travaux de J.F.C. Fuller, (Armament and History) pour qui les moyens d’action et avant tout le blindé à son époque, sont l’élément clef. Il réfléchit à la notion de bataille décisive, au double sens de bataille décisive dans la guerre et bataille décisive en ce sens qu’elle entraîne une décision politique (Les guerres décisives de l’histoire 1929). Il reprend la distinction clauzewitzienne entre le but, (aim, Ziel) de la stratégie militaire et la fin (object, Zweck) de la guerre12. De ses entretiens avec les généraux allemands après 45 il tire The Other Side of the Hill (1948)13. Son concept d’approche indirecte appliqué aux moyens matériels est plus intéressant que ses réflexions sur la stratégie nucléaire, dont il souligne les risques d’échec dissuasifs possibles.

L’école française n’est pas abordée dans l’ouvrage de Gray et Sloan, mais on peut en suivre le cheminement à travers les chapitres et les articles des livres de Thual et Chauprade. Elle renvoie à Vidal de la Blache (1845-1918) avec son travail sur La France de l’Est (1917). Ce dernier refusait de réduire l’être humain " géographisé " à un produit de la nature ; au déterminisme de cette dernière, l’activité de l’homme ajoute et multiplie les possibilités géopolitiques. Son œuvre influença les conceptions des participants français défendues dans les Traités après 1918. André Chéradame, dès 1902 dans L’Allemagne, la France et la question d’Autriche, proposait de s’appuyer sur le mouvements des nationalités dans l’empire austro-hongrois pour faire obstacle au pangermanisme. Non en divisant l’Autriche, mais en constituant une alliance entre la France, la Russie et l’Angleterre. En 1916 dans Le plan pangermaniste démasqué. Le redoutable piège berlinois de la partie nulle il allait encore plus loin. Constatant l’extension de l’Allemagne en Europe centrale, il soutenait qu’il fallait s’opposer à une telle avance en développant les nationalités en Europe centrale. Haushofer en conclura que Chéradame avait donné les idées qui triomphèrent au Traité de Versailles.

Dans l’entre deux-guerres, Ancel (1879-1943)14 poursuivit cette réflexion de géographie politique en prise sur les problématiques de l’époque. Ses échanges avec Haushofer mettent cependant en évidence eux aussi les différences de conception. Pour lui les frontières sont le produit de faits humains, elles n’ont rien de " naturelles ", mais reflètent des caractéristiques culturelles de peuples. L’amiral Castex15, un des rares géopoliticiens militaires de l’entre deux guerres avait quant à lui souligné l'importance des distances, des conditions climatiques de la topographie et des voies de communications comme composantes d'une géo-stratégie.

Ces réflexions disparurent du devant de la scène après 1945 et " en 1950 à la Sorbonne, au cours d’une réunion rassemblant géographes français et allemands, la disparition de l’enseignement universitaire de la géopolitique fut programmé ", selon les rédacteurs du Dictionnaire de géopolitique. Une longue tradition de coopération entre géographes et politiciens français, semblait s’éteindre.

 

Aux Etats-Unis en revanche, la géopolitique, et spécifiquement les conceptions de Mackinder, seront reprises et développées après la seconde guerre mondiale. Spyckman (1893-1943) avait déjà rejeté la "métaphysique géographique si caractéristique de l'Ecole de Geopolitik allemande ". Il profitait des intuitions de Mackinder en les critiquant. America's strategy in World Politics (1942) étudie les événements qui conduisent à la fédération de 13 Etats, devenant en 150 ans la plus forte puissance du monde; The Geography of Peace (1944) comment la conserver. Pour cela il faut empêcher une fédération des Etats Européens et équilibrer la mosaïque ; dans ce but constituer plusieurs regroupements régionaux, autour de la GB, de la Baltique et de la Méditerranée. Les E.U, entre l'Asie et l'Eurasie, entre deux océans, bénéficient de la cartographie et la pluviométrie qui mettent la puissance dans les zones tempérées. Par ailleurs, le hearthland mackinderien n'est plus invulnérable, du fait de l'aviation; mais il est potentiellement toujours redoutable, surtout si un axe Allemagne-Japon se constituait contre les E.U. Il ne faut donc plus parler d'un croissant intérieur marginal mais d'un rimland, l'anneau des terres. " Celui qui contrôle le rimland contrôle le monde. " L'après seconde guerre mondiale révèle enfin que le temps de paix doit se gérer comme le temps de guerre, la guerre est devenue permanente. Les Etats-Unis doivent empêcher une coalition hostile des centres de puissance ou l'apparition d'une puissance dominante. Spykman privilégiait les capacités terrestres, sous-estimées par Mackinder qui, dans la première moitié du XX° siècle n'avait pas pris en compte l'aviation.

La nécessité d'un containment, que l’on peut déduire à la fois de l’agressivité soviétique et des conceptions géopolitiques, sera matérialisé par Forster Dulles dans les pactes d'assistance mutuelle: Pacte de l’Atlantique nord, Pacte de Manille (OTASE 1955 rassemblant EU, France, GB, Australie, Nouvelle Zélande, Philippines, Pakistan, Thaïlande, contre toute agression au sud du 21°30 N), Pacte de Bagdad (fin 1955) qui rassemblaient Turquie, Irak Pakistan, Iran, G.B aux frontières méridionales de l'URSS. G.Kennan, adjoint à l'ambassadeur américain à Moscou avait publié en 47 une analyse critique très nouvelle du régime soviétique. Il aurait préféré en Europe une Communauté économique indépendante, qui aurait suivi le retrait des troupes US et soviétiques. Mais face aux volontés de réarmement des pays ouest européens et à l'expansionnisme soviétique, il devint le champion du containment, par le regroupement des Etats du rimland. L’idée du contrôle du rimland s’est perpétuée de 1945 à 1965, puis, à partir de 1965, l’espace transatlantique devient celui d’un chantage entre " burden sharing et découpling " jouant sur la menace isolationiste ou plus précisément unilatéraliste.

Tandis que les Etats-Unis américaine déployaient ainsi une grande géopolitique, à la mesure de leur puissance, tout se passait comme si les Européens tétanisés par les liens entre réflexion géopolitique, impérialisme et nazisme, devenaient incapables de reprendre les grandes visions d’avant guerre.

II - Persistance de la littérature géopolitique

On peut pourtant trouver des continuateurs de la réflexion géopolitique à travers les recherches sur les grandes catégories que celles-ci a toujours employé : principalement l’effet des techniques, la réflexion historique, la géographie sous ses diverses formes. Le livre de Colin Gray et Sloan retrouve ces grandes catégories de réflexions, en donnant la parole à des " praticiens ", militaires ou enseignants dans les Ecoles militaires.

Les réflexions sur l’importance de la technique ont marqué les nombreux auteurs de la période " nucléaire ". Toutefois, cette technique a surtout donné l’impression d’un gel des positions acquises, plus que des mouvements d’expansion. La " géopolitique " s’orientait vers la théorie des jeux sur un échiquier figé. En revanche, le spatial a réouvert les conceptions classiques. Le seapower se transformait en space power.

Colin Gray dans The geopolitics of the nuclear age(1977) cherchait déjà à intégrer le fait spatial et nucléaire. Il cherchait à dissiper l’illusion d'un équilibre juste et stable et affirmait qu'un "bon" déséquilibre ne s'obtient que par une politique de puissance. L'URSS s'étendant sans cesse, le conflit E/O devenait une donnée permanente et le temps travaille pour l'est. Tous les pays du rimland ne se valent pas, mais un échec de l'un d'entre eux réagit sur l'ensemble. Plus qu'une géopolitique de l'ère nucléaire, c'était une géopolitique du monde tel qu'il est, cependant contredite dans les années 70/80 par l'amorce des négociations de désarmement, puis la fin de l’URSS début des années 90.

Peu après, John Collins16 dans une étude commanditée par le Congrès développait la notion de space power. Il reprend les catégories de Mackinder, mais en tenant compte de l'obsolescence de ses postulats géopolitiques. Les forces aériennes et spatiales ont transformé les capacités. Aujourd'hui explique t-il, : l'espace circum terrestre enveloppe la terre jusqu'à une altitude d'environ 80.000 km". La domination militaire du XXI° siècle se présente donc différemment: " qui domine l'espace circumterrestre domine la planète Terre. Qui domine la lune commande l'espace circumterrestre. Qui domine les points de "libration" lunaire commande le système terre-lune. Ces points sont ceux où la force de gravitation de la lune et de la terre sont absolument égales. En théorie des bases militaires qui y seraient installées pourraient conserver leur position sur de très longues périodes avec un minimum de carburant; ce seraient l'équivalent des hauteurs pour les guerriers de l’espace de demain.

Aujourd’hui, la supériorité de l’arme aérienne " classique " manifestée dans le Golfe et, jusqu’à plus ample informé, confirmée au Kosovo, donne l’occasion au livre de Gray et Sloan de développer cet aspect du space power. Le pilote et spécialiste des questions aériennes Benjamin S.Lambeth, défend et illustre cette supériorité dans son article Air Power, Space Power, and Geograph. En revanche, Everett C.Dolman développe une " géographie de l’age de l’espace " à travers la dimension astrophysique. Il donne les principaux éléments permettant de comprendre les données (astro)physiques qui sous-tendent le lancement et le positionnement des satellites et de leurs lanceurs.

On pourrait rattacher à ces données physiques et techniques les chapitres ou les articles que les livres de Chauprade et Thual consacrent à l’analyse de ressources telles que l’eau, le pétrole ou le gaz, ou même les grands réseaux de communications. L’approche " dépolitisée ", indépendante des acteurs, de ces domaines permet néanmoins de faire sentir l’importance souvent très moderne : si l’eau a toujours été un élément majeur des géopolitiques, l’air ou la possession de territoires donnant un optimum pour le lancement des vecteurs spatiaux (à proximité de l’équateur) deviennent des enjeux fondamentaux.

Le courant historique et sociologique de la géopolitique, du moins sous l’influence de l’ancien monde, souligne d’abord que les niveaux de puissance changent continuellement. Pour l'historien britannique Paul Kennedy17, ce sont les dispositions naturelles, les populations, les ressources qui réunissent les conditions de la puissance. Mais cette puissance engage les empires vers le déclin par extension spatiale et augmentation des charges à supporter quant ils maintiennent des capacités militaires excessives. Victime d’"overstretching", de surextension, après l’URSS, les Etats-Unis superpuissance militairement dominante, déclineront-ils au profit de la Chine ou du Japon, moins orientés vers la force militaire ? Qu’en serait-il d’une Union européenne elle aussi plus réservée face aux dépenses militaires ?

A partir des années 90 et de l'après guerre froide les réflexions géostratégiques ont pris un double aspect : d’une part une dimension mondialisée à travers le triomphe de la démocratie-marché; d’autre part ils soulignent les dimensions civilisationnelles des conflits éventuels. Fukuyama dans son célèbre La fin de l’histoire mélange néo-hegelianisme et triomphe de la démocratie pour annoncer la victoire finale d’un modèle américain. Une perspective centrée sur les possibilités technico-militaires permet aux Töffler d’élaborer trois ages de la guerre, le plus évolué contrôlé par les (ou la ) puissance (s) détenant les capacités techniques militaires spatiales et communicationnelles d’une domination absolue. Mais ces perspectives mondialisées tenaient peu compte des considérations régionales ; il s’agit plutôt d’une affirmation du modèle porté par les Etats-Unis comme avenir indépassable ou inévitable. En revanche, Samuel P.Huntington18, lance un débat dans Foreign Affairs en 1993 plus " culturaliste " insistant sur l’importance conflictuelles des représentations régionales. Le déclin du conflit économique et idéologique dans le monde après 1990 ouvrirait l'ère des guerres de civilisations. Il ne s'agirait plus de conflits commerciaux, mais d’affrontements entre sept à huit grandes civilisations : occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave-orthodoxe, latino-américaine et peut-être africaine. Les lignes de faille entre les civilisations deviennent les lignes d’affrontements de l'avenir. Le conflit dominant opposerait à terme l'occident aux autres. Les nombreuses critiques " universitaires " du modèle qui suivirent eurent beau souligner à juste titre son simplisme, ils échouent face à cet excellent exemple d’efficacité d’une représentation " géopolitiquement " parlante.

De même, à une géopolitique mondiale reposant sur une hégémonie des représentations d’origine américaines, on peut joindre les développements régionaux de Sbigniev Brzezinski19. Sa réflexion n’est pas simplement universalisante, elle se centre sur les objectifs de l’acteur américain dans une région précise : le centre de l’Eurasie. Il fait un bilan de la puissance américaine à la fin de ce siècle, qu’il compare aux formes passées, rappelant que l’hégémonie globale de l’Europe ne découlait pas de la suprématie d’un seul Etat, mais plutôt d’une succession : Espagne, France (1650-1815), Grande Bretagne… Or " l’échiquier eurasien " lui paraît toujours aussi fondamental, et l’Europe la tête de pont de la démocratie, est aussi la tête de pont géo-stratégique. Mais l’Eurasie est un " trou noir ", et l’Ukraine un élément fondamental du système avec l’Asie centrale, " les Balkans eurasiens ". Les Etats-Unis doivent s’assurer une alliance ferme avec l’Europe, avec qui il faudra bien partager à terme de façon plus équilibré, afin de faire face au compétiteur futur : la Chine.

Ces approches géographiques de la géopolitique, au sens où elles parlent de territoires précis, d’axes spatiaux de développement, ont l’avantage de montrer concrètement des objectifs d’acteurs et permettent d’échapper aux présentation " théoriques ", apparemment dépolitisée, de la géopolitique. En revanche, la plupart des articles de l’ouvrage de Gray et Sloan insistent sur l’importance de la géographie " pure ", sans préciser les axes géographiques contemporains et territorialisés possibles des " géopolitiques " des acteurs. On en trouve pourtant un exemple historique dans l’article de Sloan, qui rappelle l’activité de Mackinder au sud de la Russie et dans la Caspienne juste à la fin de la première guerre mondiale et par ailleurs dans l’article de John Erckson qui s’efforce de donner les axes géopolitiques traditionnels et contemporains de la Russie.

Si les géopoliticiens américains peuvent prendre un point de vue global, compte tenu de la domination exercée sur l’ensemble du globe par les E.U, il est plus étonnant qu’en Europe aujourd’hui, tout se passe comme si la plupart des auteurs hésitaient devant une utilisation politique de la géographie.

On constate certes une réflexion sur l’évolution de la géographie. En Grande-Bretagne par exemple, Peter Taylor édite à Londres un Political Geography Quaterly et une Political Geography(1989). Il propose une réinterprétation des concepts d'impérialisme, des rapports entre centre exploiteurs et périphéries exploitées, infrastructures de l'économie mondiale et superstructures politiques et idéologiques. Le terme géopolitique semple ici s'appliquer à la discipline qui étudie la logique des représentations géopolitiques. Elle est liée aux critiques de O'Sullivan sur la rationalité cartographique20, lequel étudie la géographie des relations entre les détenteurs de la puissance, que ce soit des chefs d'Etats ou des organisations transnationales. Dans le courant de la " nouvelle géographie ", Dereck Gregory21 réintroduit la notion d’aire, en évitant de lui donner tout caractère de fixité. On part de l’observation des interactions et non de l’idée d’une permanence des lieux qui composent ces aires: " faire de la géographie c’est chercher le lieu de la société et non définir la société par le lieu donné; c’est comprendre la société par la manière dont elle règle ses distances ". Au contraire, la géopolitique entraînerait une réification de l’Etat et même de l’espace, puisqu’elle se fonde sur des identités politiques découpées arbitrairement en territoires stato-nationaux. D’où le " piège territorial ", décrit par John Agnew22 et la nécessité pour l’éviter de se remémorer " les luttes historiques qui ont participé à la création et aux maintien des Etats, en tant qu’identités et territoires cohérents, à la recherche d’une légitimité internationale " selon Gearoid O’Tuathail23. Ce dernier, dans l’article du livre de Gray et Sloan, souligne la fonction politique de la pratique géographique, le géo-pouvoir, qui a été celui de tous les systèmes impériaux de la Grèce antique à la Chine, et qui permet d’imposer un pouvoir à partir de la capacité d’imposer un ordre et un sens à l’espace.

Les livres de Thual et Chauprade permettent peu d’approcher ce que pourraient être les " géographes politiques " de l’école française, et moins encore européenne.

Dans une perspective universitaire, les " nouveaux géographes " tels que M-F Durand, Jacques Lévy, Denis Retaillé, Olivier Dollfus, concernent plutôt la théorie des relations internationales, notamment quand ils interrogent les présupposés territoriaux. Denis Retaillé La vérité des cartes " in Le Débat nov-déc 96 en appelle ainsi à l’ " Etre géographique ", fondé sur l’idée à la fois de permanence et d’unité du cadre d’activité humain.

Pourtant, le courant d’une géographie réellement politique n’a pas disparu. Le géographe Yves Lacoste avait donné il y a trente ans un titre soixante-huitard à un texte programme : La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, avant de lancer avec la revue Hérodote la meilleure équipe de géographes politiques de l’époque. Il proposait de réserver le terme de géopolitique aux discussions et controverses des citoyens d'une même nation et celui de géostratégie aux rivalités et antagonismes entre Etats ou forces politiques adverses. La géopolitique serait un débat nouveau et la géostratégie un phénomène ancien. Quelques auteurs tels Gérard Chaliand et Rageau travaillèrent parallèlement, avec une série d’ Atlas Stratégique (de 1988 à 1998) mais orientèrent leurs publications plutôt vers les auteurs de doctrines stratégiques passées. En revanche, un des premiers collaborateurs d’Hérodote, Michel Foucher24 dirige aujourd’hui le Centre d’Analyse et de Prospective du ministère des Affaires étrangères français et rejoint donc la lignée des grands géographes politiques, travaillant en liaison avec les décideurs. Michel Korinman, issu de la même sensibilité a lancé, avec la revue Limes, un lieu d’échanges et de réflexion géopolitique qui trouve plus d’écho en Allemagne et en Italie qu’en France. Ces efforts retrouvent donc la lignée des géographes politiques.

Mais c’est dans la liaison entre géopolitique et puissance militaire que les enjeux de puissance sont les plus visibles. Parce que la puissance américaine se déploie dans un cadre mondial, les représentations géopolitiques qui en sont issues peuvent dominer la géopolitique contemporaine dite " scientifique " tout en évitant d’expliciter leurs fondements politiques. Les développements militaires sont rarement spatialisées et les contribution d’officiers tels Murray ou Lambeth, dans Gray et Sloan, évitent soigneusement de donner une application territoriale précise à leurs considérations techniques. En France, peut-être faut-il qu’il ait quitté le service actif pour qu’un militaire développe des conceptions réellement géopolitiques. Le Général Gallois25 a publié une bonne étude des géopoliticiens : Géopolitique mais a consacré ensuite une partie de ses réflexions à la revue conservatrice et farouchement anti-soviétique, puis anti-russe de Marie-France Garraud Géopolitique. Bien que (ou peut-être parce que) les ouvrages de Chauprade sont destinés à un public d’officiers, les développements politiques concrets y sont limités.

C’est donc plus à droite encore, dans des revues et éditeurs d’extrême-droite (Krisis; Editions du Labyrinthe) que l’on trouve des textes " géopolitiques ". Le livre du général Jordis von Lohausen, Les Empires et la puissance, La géopolitique aujourd’hui fut ainsi publié en 1985, et réédité en 96. Le même éditeur reprend quelques ouvrages de Carl Schmitt dont Terre et Mer, 1981, et 1985 pour l’édition française. On est donc dans une situation ambiguë où, quand ils n’exerce pas une critique politique claire, les auteurs d’ouvrages de géopolitique se trouvent de fait associés aux formes les plus anciennes et les plus dangereuses d’utilisation de ces concepts. Les deux ouvrages de Thual et Chauprade n’échappent pas totalement à ces risques. Bien que ces auteurs appartiennent à un courant de pensée centriste, éloigné de tout extrémisme, ils emploient sans réserves certains éléments du raisonnement géopolitique qui peuvent conduire à des déductions regrettables. L’Introduction à l’analyse géopolitique, manuel du Collège Interarmées de Défense français, fait ainsi un large usage de données culturelles telles que l’ethnie, les fonctions géopolitiques de la langue, de la religion, du " panisme ". S’il est courageux d’aborder de front ces problèmes, leur rapprochement avec les données de géographie " pure " : géographie physique, géoéconomie des ressources, éloge justifié de l’instrument cartographique, risque, en l’absence d’une analyse politique explicite, de fournir les éléments d’un mélange intellectuel qui a déjà fait la preuve de sa dangerosité.

III - Une " géopolitique " sans politique ?

On en revient ainsi au dilemme originel de la géopolitique : la recherche d’une scientificité de la démarche paraît inséparable d’un parti-pris politique, lui-même pas toujours assumé. Les auteurs qui n’explicitent pas leurs choix politiques ne convainquent pas toujours du caractère scientifique des concepts géographiques qu’ils emploient. A l’inverse ceux qui assument des choix politiques clairs tendent à les justifier par des représentations géographiques contestables.

Le développement d’une " géographie politique " consciente de ces limites est rendu plus compliqué encore du fait des questions sur la signification et du rôle du territoire aujourd’hui et de la transformation spatiale des relations internationales. L’analyse des RI s’est longtemps fondée sur la représentation d’un monde divisé en unités politiques distinctes, disposant chacune d’une souveraineté. Si les " transnationalistes " avaient déjà remis en cause cette représentation, depuis les années 90, divers courants, venant à la fois des économistes, des politistes, des géographes même, ont explicitement contesté le paradigme territorial. Les uns partaient de l’exemple de la construction politique européenne qui remet en cause la suprématie du territoire national. En montrant que des distinction familières étaient des constructions historiques et donc relativisables, des auteurs tels que Bertrand Badie26, montraient que des concepts tels que public/privé, interne/externe n’avaient de sens que si l’on maintient l’hypothèse d’un principe territorial fondateur, alors qu’il était contestable ou daté. Les textes sur " l’invention " du territoire, des frontières, participent à ce courant qui, en historicisant des représentations familières, en en montrant donc la relativité, ouvrent la voie à d’autres représentations. Pour les uns, une déterritorialisation de fait existe à travers des institutions ou des mécanismes (des régimes) " extraterritoriaux ". Pour les autres, beaucoup de ces mécanismes extraterritoriaux ne sont même pas institutionnalisés, mais constituent l’environnement dans lequel les acteurs agissent au delà des cadres territoriaux classiques.

Les auteurs qui critiquent la vielle notion politique de territoire soulignent aussi que si le processus de territorialisation était lié à la notion de souveraineté, il ne l’est pas obligatoirement à celle d’identité. L’identité ne fonde pas le territoire. On ne peut donc pas lier revendications territoriales à un " réveil des nationalités ", notion plus politique. En revanche, les frustrations identitaires peuvent conduire à des revendications territoriales, mais qui ne s’expriment pas forcément dans le cadre du territoire national. D’où la recherche chez certains auteurs d’un espace " extra-territorial", au delà de l’interne et de l’externe, qui ne renvoie pas à l’Etat nation ou à l’ensemble des Etats-nations. Pour beaucoup, cette contestation du territoire (d’ailleurs essentiellement de la notion de territoire " national ") ouvre deux changements d’échelle, représentées en français par les deux sens du mot région. Vers le plus grand, la région comme sous-continent, vers le plus petit la région-province, ou " pays " au sens ancien. Ce qu’on traduit généralement en anglais par le global et le local. Toutefois si cette notion de " région organisée " convient pour parler de l’Europe, elle est moins pertinente quand on passe sur d’autres continents, avec l’ASEAN ou l’APEC par exemple. Cette approche entraîne la notion d’aera studies.

Mais ces interrogations sur le territoire, dénonçant avec raison les simplismes des constructions stato-nationales ou étatico-nationales ont un grand inconvénient politique. Utilisées dans un contexte libéral, elles participent à la dissolution des référence territoriales dans l’espace, soi-disant sans frontières, du marché. Dans un contexte " fonctionnaliste " elles se placent dans le cadre des acteurs " d’en haut ", censés exprimer par leur intermédiaire les différentes aspirations. Le paradoxe est que les laudateurs de cet univers soi-disant déterritorialisé se veulent aussi défenseurs de la démocratie. Or qu’est-ce qu’une expression politique collective sans territoire, sachant que le mécanisme électoral reste son mode d’expression le plus efficace ? Avec le territoire n’est pas aussi la circonscription qui disparaît ? Peut-on échapper à la logique du territoire sans substituer à la souveraineté populaire électorale la gestion par les experts? Avec le territoire, les conditions d’expression d’une volonté collective ne s’effacent-elles pas au profit de l’espace du " Prince ". Avec le remplacement des frontières par des projections de forces, le remplacement des zones garanties dans des alliances par des accords de coopérations et de normes, la définition d’objectifs communs à long terme disparaît au profit de la possibilités de coalitions ad hoc. Or dans la littérature géopolitique, les mêmes qui proclament la démocratie comme modèle social font volontiers l’impasse sur son fonctionnement concret, à travers la disparition des objectifs des acteurs, et plus encore à travers la dilution des conditions de possibilités même d’une définition collective et démocratique de ces objectifs.

 

Ici réapparaît l’utilité contemporaine d’une pensée géopolitique dont la prétention à l’universalité ne soit pas un des modes de mise en place d’une domination mondialisée. Mais comme simultanément les géopolitiques nationales ont trop souvent fait la preuve de leur nocivité, la recherche d’une " géopolitique régionale " semble être une médiation nécessaire. D’ailleurs, tout se passe comme si une géopolitique régionale de facto s’établissait, au delà des orientations de politique étrangère classique des Etats du vieux continent. Certes, ces derniers prolongent d’abord la défense de leurs intérêts nationaux, ce qu’on a pu suivre à travers les " pratiques " géopolitiques depuis la fin de l’URSS.

En Allemagne, les avatars de la période nazie ont conduit à un rejet ou à une marginalisation explicite de la géopolitique. Employer le mot " Geopolitik "  y est presque aussi incorrect que le mot unification nationale avant 89. Pourtant, l’existence d’une réflexion géopolitique a été mise en évidence par des observateurs extérieurs. Pourtant, Jean Klein27 dans plusieurs articles a montré que derrière ce discrédit affiché, des études précises permettaient à la fois de mieux cibler les responsabilités d’auteurs comme Haushofer, et surtout d’affronter la question du pouvoir dans des termes territorialisés.

Mais le débat n’est pas seulement académique. Les réorganisations des territoires étatiques, des espaces supra-nationaux et plus globalement des forces qui traversent le vieux continent depuis 1990, qu’elles soient démographiques, financières, institutionnelles ne correspondent pas à un développement " tous azimuts " ou liés au hasard des évènements. Une représentation territoriale des intérêts sous tend des transformations aussi importantes que les " élargissements ", de l’Alliance Atlantique ou de l’Union Européenne. Ces représentations furent à l’œuvre dès les premières années 90, quand les institutions occidentales, en grande partie sous la pression de l’Allemagne consacrèrent leur attention et leurs ressources à la zone nord –est de l’Europe, des pays baltes à l’Europe centrale. La recherche d’une stabilité frontalière répondait aux souhaits des pays d’Europe centrale les plus puissants, dont la Pologne, de s’insérer à l’ouest. Puis, dans un second temps, les pays du sud-est de l’Europe, en grand partie du fait des conflits et des instabilités concrètes engendrées par les guerres dans les Balkans ont imposé leurs préoccupations et contribué à rééquilibrer les aides. Au delà de ces axes intra-européens, on peut s’interroger sur la cohérence entre cette géopolitique implicite de l’Union et celle, plus vaste, de la structure atlantique. L’Alliance Atlantique, dont les orientations reflètent en grande partie les visions des Etats-Unis, obéit à une représentation beaucoup plus vaste, euro-atlantique. Cette géopolitique aborde la Russie comme puissance, quitte à en repousser les frontières vers l’est. Elle appréhende par ailleurs les Balkans pas seulement comme " le sud de l’Europe ", mais à travers la Méditerranée orientale, comme le nord d’une zone d’intérêt majeur pour les Etats-Unis : le Moyen-orient et l’Asie centrale.

Or ces conceptions et ces pratiques géopolitiques divergentes ne donnent pas lieu à des représentations explicites. Cette absence tend à focaliser les débats politiques sur les marchandages financiers ou des points de détails ou conjoncturels : qui contribuera aux aides, dans quelle proportion, qui en bénéficiera sur place, au profit de quelles entreprises extérieures ? En revanche, les orientations à long terme, les ensembles politiques qu’il s’agit de promouvoir ne sont pas explicités. Alors qu’aux Etats-Unis, la formule " shaping the world " est communément utilisée, les Européens n’ont pas la même assurance dans l’expression de leurs objectifs. Il est possible que le développement d’une compétence politico-stratégique " européanisée " liée à la mise en place des moyens matériels de défense et de sécurité contraignent les experts et les conseillers divers à passer un seuil. Les anciens géographes politiques anglais, allemands, français … reprendraient alors, à l’échelle régionale européenne des considérations géopolitiques dont il faut bien constater l’affaiblissement depuis l’après guerre.

Quoi qu’il en soit, l’intérêt d’un retour sur la notion de géopolitique ou si l’on veut de géographie politique est double. D’une part une représentation géopolitique permettrait de donner une cohérence, ou du moins des objectifs explicites à des pratiques politiques contemporaines évidemment territorialisées telles que les élargissements. D’autre part la territorialisation permet l’organisation des circonscriptions et donc de la représentation électorale des acteurs concernés. A défaut, on constate l’inanité de ce que fut le " débat " sur l’élargissement de l’OTAN au milieu des années 90. Loin de savoir à quels objectifs géopolitiques obéissaient cet élargissement et quels étaient les opinions collectives, le débat fut une caricature de démocratie. Les évaluations financières fournies variaient de 1 à 10, seul le Congrès américain a connu une amorce de débat, alors qu’en Europe plusieurs Parlements ont approuvé les souhaits de la présidence américaine avant même que les données, notamment financières leurs soient fournies, les autres se contentant d’entériner a posteriori. L’élargissement de l’Union Européenne a été marqué, pour sa part, par des tractations intergouvernementales tout aussi discrètes qu’irresponsables qui aboutissent aujourd’hui à d’énormes difficultés institutionnelles, financières et politiques dans la mise en œuvre.

La légitimité d’une géopolitique européenne vient aussi du fait que les présupposés idéologiques qui ont marqué la plupart des réflexions géopolitiques, de la fin du XIX° au milieu du XX°, qu’elles soient anglo-saxonnes, germaniques ou françaises (les textes italiens ou espagnols sont eux aussi marqués par la période fasciste), sont à la fois incontestables et dépassés.

La géopolitique classique était d’abord appropriation de territoire. Mais aujourd’hui personne parmi les grands acteurs internationaux ne réclame de nouveaux territoires ; l’attitude est même souvent d’abandonner les zones les plus pauvres à leur sort afin d’échapper à une redistribution spatiale ( Italie du Nord contre Mezzogiorno ; Catalogne contre sud de l’Espagne ; Flandres contre Wallonie en Belgique, etc…) Il n’en reste pas moins qu’une analyse des extensions et des prises de contrôles spatialisées, par le biais de réseaux et de nœuds, techniques, logistiques, financiers, normatifs…justifient l’utilisation des concepts géopolitiques. A défaut, avec l’espace, disparaît le lieu de la domination et l’on dissimule les modes d’organisation d’une géopolitique bien réelle.

La géopolitique classique était ensuite marquée par une dimension de " géographie humaine " ou de peuplement, reposant le plus souvent sur l’hypothèse d’une inégalité originelle. Ces catégories ne sont plus reprises, la notion de droits de l’homme marquant la représentation contemporaine des relations inter ethniques. Pourtant, les spécificités des groupes sociaux réapparaissent dans la réflexion. Huntington, en focalisant sur les zones d’extension religieuses touche un aspect qui, intégré aux autres dimensions culturelles, demeure explicatif d’affrontements concrets. Il s’agit certes souvent de mécanismes de cristallisation, provoqué par des leaders, sur une dimension symbolique d’oppositions qui trouvent leur origine dans d’autres domaines : inégalité de répartition, blocages des capacités productives. Mais elles recouvrent aussi des spécificités institutionnelles, constitutives de " cultures " politiques qui résistent, parfois à juste titre, aux mécanismes mondialisés d’expansion. Plus encore, les mouvements de population (immigration, réfugiés, question de l’asile…) nécessitent une géopolitique humaine qui ne peut se ramener ni à l’impraticable blocage des frontières, ni à la disparition de toute régulation. Dans une Europe vieillissante du fait de la baisse de la natalité et de l’augmentation de la durée de vie et proche de zones démographiquement jeunes et économiquement pauvres, les critiques de la géopolitique impérialiste jusqu’à la décolonisation n’ont plus de sens. Ou plutôt l’expansion humaine change de sens. Or le rejet " moral " des réflexions géopolitiques interdit de penser ces mouvements.

On est donc devant une double perspective.

Sans propositions géopolitiques discutées, l’idée de supériorité raciale étant exclue, une géopolitique mondiale s’élabore, fondée sur une supériorité technique qui autoriserait à énoncer la norme, nécessaire et mondiale. Le livre de Gray et Sloan ramène ainsi la géographie, dont il souligne l’importance dans une pratique stratégique, au simple espace physique d’application de politiques " neutres ". Elles ne sont pas présentées comme telles, c’est à dire organisation d’une contrainte d’un groupe sur un autre, ce dernier l’accepterait-elle. Les manuels de Thual et Chauprade, qui se présentent comme des outils, Introduction à et comme Dictionnaire de, géopolitique, évitent eux aussi, ruse ou prudence, l’exposé des géopolitiques concrètes.

Deuxième possibilité, des géopolitiques, non plus seulement d’Etats, mais surtout régionales, sont élaborées. Elles reprennent les évolutions déjà à l’œuvre aujourd’hui, principalement en Europe, mais en formalisant les représentations globales qui les sous-tendent. Leur exposé explicite manifesterait des divergences politiques qui du coup permettraient un débat qu’il semble toujours difficile d’ouvrir aujourd’hui.

Les livres présentés ci-dessus donnent les éléments de base qui peuvent contribuer à cette nouvelle étape.


André Brigot


1 - Raffestin, Claude, Géopolitique et histoire, Lausanne, Editions Payot 1995

2 - Paris, Firmin-Didot, et Hanovre, Rumpler 1853-1855.

3 - Ratzel Friedrich, Géographie politique, Genève, Editions Régionales Européennes, Paris, Economica, 1988

4 - Philosophische oder vergleichende allgemeine Erdkunde als wissenschaftliche Darstellung der Erdverhältnisseund des Menschenlebens, 1845.

5 - édité en français en 1884, avec une postface de Ratzel

6 - "Deutschland über alles" Le pangermanisme 1890-1945, Paris, Fayard, 1999.

7 - publié en français chez un éditeur lié à l'extrême droite : Paris, Editions du Labyrinthe, 1985

8 - The influence of Sea Power upon History (1660-1783) Boston Little-Brown 1895 et Influence of Sea Power upon French Revolution and Empire 1783-1812, Boston, Little-Brown, 1895

9 - Boston, Little-Brown 1897, publié en français deux ans plus tard sous le titre Le salut de la race blanche et l'empire des mers, Paris, Flammarion, 1899

10 - Haushofer Karl, Staat, Raum und Selbsbestimmung in Raumüberwindende Mächte, p 76, cité par Raffestin op.cité p116.

11 - Basil H.Liddell Hart Strategy, introduction et trad de Lucien Poirier , Perrin 1998 (2° éd)

12 - "La tactique est la théorie (Lehre) de l'emploi (gebrauch)) des forces armées dans le combat (Gefecht) ; la stratégie la théorie de l'emploi des combats au service de la fin de la guerre (zum Zweck des Krieges) " Clausewitz (Vom Kriege , I, II,1).

13 - publié en français sous le titre Les généraux allemands parlent.

14 - Géopolitique Paris 1936 Géographie des frontières Paris 1938 ; Manuel géographique de politique européenne 1936-1945

15 - voir le numéro 50 de la revue Stratégique sur la géostratégie, Paris, FEDN, 2/1991.

16 - Military Space Forces : The Next Fifty Years Washington DC Pergamon Press, 1989

17 - The Rise and Fall of Great Powers, 1986

18 - Huntington, dont l'oeuvre majeure reste The Soldier and the State Cambridge , MA, Teh Balknap Press 1957, reprend la problèmatique de ses articles dans Le choc des civilisations, édition française chez O.Jacob, 1997

19 - Le Grand échiquier. L'Amérique et le reste du monde, Bayard 1997

20 - Géopolitics NY StMartin's press, 1980

21 - Horizons in Human Geography, Londres, Macmillan, 1989

22 - Mastering Space, Londres, Routledge, 1995

23 - Dispacing Geopolitics: Writing on the Maps of Global Politics Environnement and Planning-D, Society and Space, 12, 1994

24 - Fronts et frontières, Paris, Fayard , 1988

25 - Gl Gallois, Géopolitique, Paris, Plon, 1990

26 - La fin des territoires Paris, Fayard, 1995

27 - Klein (Jean) Karl Haushofer ou les infortunes de la géopolitique, Francia, Institut historique allemand de Paris , 1982 et Renaissance de la géopolitique, Etudes Internationales, Québec, 1995



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