ENCYCLOPEDIE -DE--LA--LANGUE -FRANCAISE

-ABBAYE

CLUNY
 
L' abbatiat d'Odilon (3)

 

Abbatiale de Cluny II (vers 1002-1018), restitution hypothétique par ordinateur des deux tours encadrant la galilée. Accolé à la tour, on aperçoit trois arcades censées appartenir à un atrium, selon l'archéologue américain K.J Conant : cette hypothèse n'est plus recevable aujourd'hui, selon la plupart des spécialistes.


 

Dans la Loire, Odilon engage des travaux à l'abbaye de Charlieu (rattachée à Cluny depuis l'abbatiat d'Odon, nous l'avons vu), réduite au rang de prieuré avant 1040. La prieurale, devenue trop petite, est agrandie et dédiée à saint Fortuné. Cette église sera du même style que les églises bénédictines de la région brionnaise (Anzy-le-Duc, etc..) et il nous en est parvenu quelques beaux éléments :
 

Saint-Fortuné de Charlieu : Trois beaux chapiteaux romans de la prieurale et partie romane du cloître (XIe siècle)

En Haute-Loire, près de chez lui, Odilon fonde le monastère Sainte-Croix de La Voûte-Chilhac à qui il confère le rang prieuré par une charte du 14 septembre 1025. De cette époque, il ne reste qu'une porte : , conservée dans l'église actuelle.

 
Vézelay, en Bourgogne toujours, entre dans le giron de l'abbaye de Cluny dès 1026. Dans le Lot, le prieuré de Carennac, cité dans une charte du cartulaire de l'abbaye de Beaulieu-sur-Dordogne (932), est octroyé à Cluny vers 1047/1048 par Bernard, évêque de Cahors, et son frère Robert. La prospérité de Carennac permettra au monastère de faire partie des treize prieurés élevés en doyennés par Cluny, au XIIIe siècle, avec l'aval du pape Boniface VIII.

En 1045, le monastère de Saint-Sauveur de Nevers est affilié à l'abbaye de Cluny. En 1047, c'est au tour de l'importante abbaye de Moissac, rattachement demandé par le comte de Toulouse à saint Odilon.

Dans le Lot et Garonne, le prieuré notre-Dame de Moirax est remis en 1049 à Cluny par son Seigneur et fondateur, Guillaume Arnaud. Il est attesté comme le plus ancien de la région située sur le chemin des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

En Provence, maintenant, il faut évoquer le prieuré de Saint-Pantaléon (Vaucluse), qui aurait été fondé en 998 et le prieuré de Piolenc (Podiolenum), fondé autour de l'an mil par Roubaud, marquis de Provence, ces deux monastères ayant été remis entre les mains d'Odilon.

A la fin de l'abbatiat d'Odilon, l'Ecclesia Cluniacensis comptait environ 70 monastères et sa maison-mère près de 80 moines.

CLUNY, PILIER DE LA SOCIETE

 
 
Dès 1015-1020, il apparaît qu'Odilon s'intéresse un peu moins à l'expansion de l'orbite clunisienne, tout préoccupé qu'il est par le rôle de pilier qu'il veut faire tenir à Cluny auprès de la société entière, celle des laïcs, celle des moines, celle des grands de ce monde, évêques, rois, pape.

Nous sommes aux alentours de l'an mil, et nous savons qu'en Francie du sud, les pouvoirs politiques sont réduits à peau de chagrin, voire inexistants. L'autorité royale est concernée au premier chef, mais aussi l'autorité ducale ou comtale. Odilon, comme tous les grands serviteurs de l'Eglise, est confronté à tout ce qu'entraîne toute cette déliquescence : Des seigneurs en mal de puissance, mais aussi des bandes de pillards attaquent les monastères, où les paysans terrorisés viennent se réfugier, repris par leurs seigneurs par la force. Les couvents organisent leur défense, mais la chose n'est pas aisée. Les moines ne sont pas censés porter l'épée (ils le font bien sûr, quand la nécessité l'oblige), et recrutent la plupart du temps des guerriers professionnels, qui sont vassaux aujourd'hui, suzerains demain, et vive versa. Si bien qu'un monastère peut être défendu par un seigneur qui deviendra vassal de son ennemi demain, etc... Heureusement, l'Eglise trouvera d'autres armes, plus morales, plus spirituelles, en face de cette multitude de pouvoirs qui s'affrontent. En effet, grâce à la seule chose qui les unisse tous, la religion, les grands directeurs de conscience de l'époque vont la brandir en une sorte de garde-fou : C'est la Paix de Dieu, et la Trêve de Dieu, dont Cluny sera un acteur important, et qui sont traitées à l'article :
Le temps des mutations, fin IXe - XIe siècles

Pour les laïcs, pour ces fidèles qui se réunissent en masse à Cluny et dans ses filiales, il faut une église propre à refléter l'importance du monastère, ce sera Saint-Pierre le Vieil, dit Cluny II.

CLUNY II

 


Odilon parachève la construction de l'abbatiale de Saint-Pierre-le-Vieil (dite Cluny II, achevée vers 1002-1018), qui devait être l'édifice le plus important de Bourgogne à l'époque, et pourtant bien modeste par rapport à Cluny III, qui la succèdera : Cluny II sera rasée au XIIe siècle et il n'en restera pour ainsi dire rien. On peut cependant en avoir une idée d'après quelques documents de l'époque moderne, que ce soit le plan anonyme de l'abbaye vers 1700 (au musée Ochier*). En premier lieu, sa taille, dont le Liber Tramitis (cf. chapitres suivants) nous donne bien des détails, que nous avons retranscrit sur le plan ci-après de K.J Conant :

(pour le plan du monastère même, à cette époque, voir PLANS D'ABBAYES) :

* Jean Baptiste Louis Ochier (1795-1860), docteur, archéologue amateur, s'installe à Cluny en 1810 et achète les deux palais abbatiaux de Cluny. Il collecte les vestiges, les rassemble. Cette collection sera donnée à la ville par son épouse après son décès : elle constituera le fonds du musée Ochier ouvert en 1872.

En second lieu, toujours selon le texte du Liber tramitis, il aurait existé ou aurait été prévu, jouxtant l'abbatiale et la galilée d'Odilon, des bâtiments organisés autour d'un cloître. Ce dernier fit l'objet d'un commentaire de Jotsaud (Jodzaldi ), qui écrivit la vie d'Odilon (Vita Odilonis) et écrivit en son honneur "Planctum describere" deux lamentations funèbres. Ce commentaire dit que ce dernier reçut de son prédécesseur (Maïeul) un cloître de bois et qu'il laissa à son successeur un cloître de marbre : témoignage plus symbolique, sans doute, que purement architectural.
Dans l'aile est : une salle capitulaire et ses douze baies à colonnettes géminées, mais aussi deux autres salles. Au-dessus de ce niveau, un dortoir, pourvu de fenêtres hautes et étroites, puis des latrines, des lavabos, et une infirmerie,
Dans l'aile sud : réfectoire et chauffoir
Dans l'aile ouest : cuisine, celliers et aumônerie, étables, ateliers, hôtellerie,.
A des emplacements non précisés, une salle de bains, un noviciat, des ateliers d'artisanat divers : orfèvres, bijoutiers, vitriers : il reste de tout cet ensemble d'infimes vestiges difficiles à interpréter : la base de la tour dite des Fromages (sud-ouest de l'enceinte abbatiale) et les fondations d'une construction que Conant interprète comme une tour, au nord de l'abbatiale.
On sait qu'il existait à cette époque à Cluny une évacuation des eaux usées, des latrines près des dortoirs, quatorze bains avec système d'étuves, une infirmerie équipée de deux salles de nettoyage (une pour la vaisselle et les instruments médicaux, une autre pour la toilette des défunts), une église située à l'est de l'abbatiale, en forme de chapelle triconque, appelée anciennement ecclesia de Sancto Sepulchro, puis Notre-Dame du Cimetière (démolie en 1727).

 
Sources :
 

L'abbaye de Cluny, Centre de l'Occident médiéval, de Dominique Vingtain, aux éditions du patrimoine, 1998.

http://fsc.cluny.free.fr/sites/charlieu1.htm
http://www.voyageenfrance.com/index.php?dossier=image%2Fville%2Findex.php3%3Fville%3D%26departement%3D42
(Charlieu).
http://fsc.cluny.free.fr/sites/lavoute1.htm
http://membres.lycos.fr/jlbulber/cluny/1gravure/gravure4.htm (image de Cluny II par Conant)
http://www.arge-projekte.at/pics/cl/Ende0092.jpg (image de Cluny II : reconstitution numérique)
http://www.fortunecity.es/imaginapoder/artes/154/RNC1011ClunyII.jpg (image Cluny II, façade de l'abbatiale)
 
 
 
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