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À qui appartient l’Arctique ?

CEPES
12 août 2007
Mots clés : ArticleArctiqueDroit international

Dion-Viens, Daphnée. « À qui appartient l’Arctique ? ». Le Soleil (Québec), 12 août 2007, p. 11.

Après la Russie qui a planté son drapeau sous le pôle Nord la semaine dernière, c’est au tour du Danemark aujourd’hui d’entreprendre une expédition afin de prouver sa souveraineté sur le cercle polaire. De son côté, le Canada aurait déjà perdu la bataille de l’Arctique, selon les experts consultés par Le Soleil. Et les récentes annonces du gouvernement Harper n’y changeront rien.

Le premier ministre Stephen Harper annonçait vendredi la création d’un port et d’un centre d’entraînement militaire au coeur du passage du Nord-Ouest, dans l’Arctique canadien, pour renforcer les prétentions du Canada sur ce passage convoité.

Mais l’annonce n’a rien à voir avec la course dans laquelle se sont lancés les Russes et les Danois.

"Il y a deux disputes, bien distinctes l’une de l’autre", explique Émilien Pelletier, chercheur à l’Institut maritime du Québec à Rimouski. L’une concerne les revendications territoriales sur le sous-sol de l’océan arctique, dont les eaux sont internationales. L’autre repose sur le contrôle du passage du Nord-Ouest, situé en territoire canadien.

Selon la Convention sur le droit maritime des Nations unies, en vigueur depuis 1982, la souveraineté des États s’étend jusqu’à 200 milles marins au-delà de leurs côtes. Résultat : dans l’Arctique, il reste plus d’un million de kilomètres carrés qui n’ont pas encore été attribués. C’est cette portion de territoire - qui représente le sous-sol de l’océan Arctique - que revendiquent la Russie et maintenant le Danemark.

Les dessous du pôle Nord pourraient être riches en ressources naturelles, notamment en gaz et en pétrole.

Les pays qui peuvent prétendre à une souveraineté dans cette zone sont ceux qui arriveront à prouver qu’une chaîne de montagnes située sur leur territoire se prolonge dans les bas-fonds de l’océan Arctique.

En vertu de cette règle, cinq pays peuvent faire valoir leurs revendications. La Russie, qui réclame plus de la moitié du cercle polaire, le Canada, le Danemark, la Norvège et les États-Unis (par l’Alaska).

Ultimement, ce sont les Nations unies qui décideront à qui attribuer le territoire convoité, selon les preuves scientifiques fournies par chacun des pays. "C’est un peu à qui revendiquera le plus fort son droit sur le cercle polaire", explique M. Pelletier.

Mais le Canada n’a pas les moyens de s’engager dans cette lutte, ajoute le chercheur. "Le Canada n’a même pas de brise-glace assez fort pour aller dans cette partie de l’océan, explique-t-il. On est une décennie en retard sur les Russes."

Le Canada n’a jamais formellement revendiqué son droit sur cette partie du cercle polaire, affirme M. Pelletier, contrairement aux Russes, qui sont actifs dans ce dossier depuis de nombreuses années.

Même son de cloche de la part de Michael Byers, professeur en droit international et géopolitique à l’Université de la Colombie-Britannique : "Les scientifiques canadiens n’ont pas l’équipement nécessaire pour revendiquer cette souveraineté. Tous les pays sont très sérieux dans leurs revendications sauf le Canada, qui est en retard dans cette course, et ce n’est pas acceptable. C’est une question de volonté politique."

Les pays ont 10 ans après la ratification de la convention des Nations unies pour présenter des revendications afin d’étendre leur souveraineté.

La Russie, qui a ratifié la convention en 1997, a jusqu’à la fin de cette année pour faire valoir ses arguments. De son côté, le Canada a jusqu’en 2013 pour se faire entendre.

En campagne électorale, Stephen Harper s’était engagé à construire trois brise-glace pour permettre au Canada d’affirmer sa souveraineté dans l’Arctique. Mais au début juillet, le premier ministre annonçait qu’il avait finalement opté pour de plus petits navires armés, un projet de 7 milliards $ qui s’échelonne sur 25 ans.

Émilien Pelletier et Michael Byers dénoncent cette décision. "Les problèmes de l’Arctique ne sont pas militaires", affirme M. Byers, qui considère que cette décision n’aidera pas le Canada à faire valoir ses revendications sur la scène internationale. Cette annonce, comme celle de la création d’un port et d’un centre d’entraînement militaire dans le Nord canadien, vise plutôt à assurer la souveraineté du Canada sur le passage du Nord-Ouest, qui sera ouvert dans quelques année à la suite de la fonte des glaces. Dans ce cas, les enjeux sont différents, explique M. Pelletier.

Le passage est clairement situé en territoire canadien. Mais des pays comme les États-Unis voudraient que ce passage soit libre de toute contrainte canadienne, alors que le Canada veut en garder le contrôle.

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