background image

Chapitre 2

Calcul des variations

2.1

PrĂ©liminaire : Multiplicateurs de Lagrange

Pour comprendre l’intĂ©rĂȘt des multiplicateurs de Lagrange, considĂ©rons une fonction

f

:

f

:

U

−→

R

(

x, y

)

−→

f

(

x, y

)

U

est un ouvert de

R

2

.

f

est supposĂ©e continue et admettant des dĂ©rivĂ©es premiĂšre et

seconde continues sur

U

.

df

=

∂f

∂x

dx

+

∂f

∂y

dy

=

−−→

grad f.

−

→

dr

Si en

(

x

0

, y

0

)

, on a

∂f

∂x

(

x

0

, y

0

) = 0

et

∂f

∂y

(

x

0

, y

0

) = 0

alors

(

x

0

, y

0

)

est un point stationnaire

de

f

. La nature du point stationnaire dĂ©pend des dĂ©rivĂ©es d’ordres supĂ©rieurs.

Que se passe-t-il si

(

x, y

)

au lieu de parcourir tout

U

, se dĂ©place sur une trajectoire

g

(

x, y

) =

cste

(

c

∈

R

)

et

g

une fonction de classe

C

2

sur

U

?

Exemple

U =

R

2

et

g

(

x, y

) =

x

2

+

y

2

1

Ăšre

méthode

Par substitution.

On exprime une variable par rapport Ă  l’autre (ex :

y

=

√

1

−

x

2

) et on rĂ©sout

df

dx

= 0

.

Cette mĂ©thode se rĂ©vĂšle peu praticable pour les fonctions de plus de 2 variables.

2

Ăšme

méthode

On utilise les multiplicateurs de Lagrange. Partons de :

df

=

∂f

∂x

dx

+

∂f

∂y

dy

Si

dx

et

dy

sont indĂ©pendants, alors

df

= 0 =

⇒

∂f

∂x

= 0

et

∂f

∂y

= 0

49

background image

50

CHAPITRE 2. CALCUL DES VARIATIONS

Mais ici, ce n’est pas le cas puisque

dx

et

dy

sont reliĂ©s par la relation

g

(

x, y

) =

cste

.

dg

=

∂g

∂x

dx

+

∂g

∂y

dy

= 0 =

⇒

∂g

∂x

dx

=

−

∂g

∂y

dy

Donc, en supposant que

∂g

∂y

= 0

, on a :

df

=

⎛
⎜

⎜

⎝

∂f

∂x

−

∂f

∂y

∂g

∂x

∂g

∂y

⎞
⎟

⎟

⎠

dx

On cherche les points

(

x, y

)

de la trajectoire autorisĂ©e (c’est-Ă -dire

g

(

x, y

) =

cste

)

pour lesquels

df

= 0

.

df

= 0 =

⇒

∂f

∂x

=

∂f

∂y

⎛
⎜

⎜

⎝

∂g

∂x

∂g

∂y

⎞
⎟

⎟

⎠

=

⇒

∂f

∂x

∂g

∂x

=

∂f

∂y

∂g

∂y

=

λ

(

en supposant que

=

∂g

∂x

= 0)

Aux points recherchĂ©s,

−→

∇

f

et

−→

∇

g

doivent ĂȘtre colinĂ©aires pour que

f

soit stationnaire

sur le chemin dĂ©ïŹni par

g

.

On a alors :

∂f

∂x

−

λ

∂g

∂x

= 0

(2.1)

∂f

∂y

−

λ

∂g

∂y

= 0

(2.2)

Ce systĂšme donne

(

x, y

)

en fonction de

λ

. En rĂ©injectant

x

(

λ

)

et

y

(

λ

)

dans

g

(

x, y

) =

cste

,

on trouve les valeurs possibles de

λ

et les Ă©ventuelles solutions du problĂšme.

Remarques

- (2.1) et (2.2)

⇐⇒

la fonction

f

−

λg

est stationnaire en l’absence de toute

contrainte sur

(

x, y

)

.

-

λ

est appelĂ© multiplicateur de Lagrange.

Exemple

f

(

x, y

) =

xy

=

⇒

∂f

∂x

=

y

et

∂f

∂y

=

x

g

(

x, y

) =

x

2

+

y

2

= 1 =

⇒

∂g

∂x

= 2

x

et

∂g

∂y

= 2

y

background image

2.2. EQUATION D’EULER-LAGRANGE

51

∂f

∂x

−

λ

∂g

∂x

= 0 =

⇒

y

−

2

λx

= 0

(2.3)

∂f

∂y

−

λ

∂g

∂y

= 0 =

⇒

x

−

2

λy

= 0

(2.4)

(2

.

3) + (2

.

4) =

⇒

(

x

+

y

)(1

−

2

λ

) = 0

(2

.

3)

−

(2

.

4) =

⇒

(

x

−

y

)(1 + 2

λ

) = 0

– Pour

λ

=

±

1
2

, on a

x

= 0

et

y

= 0

: ces solutions ne satisfont pas

g

(

x, y

) =

x

2

+

y

2

= 1

– Pour

λ

=

1
2

,

x

=

y

=

⇒

(

x, y

) = (

1

√

2

,

1

√

2

)

ou

(

x, y

) = (

−

1

√

2

,

−

1

√

2

)

– Pour

λ

=

−

1
2

,

x

=

−

y

=

⇒

(

x, y

) = (

1

√

2

,

−

1

√

2

)

ou

(

x, y

) = (

−

1

√

2

,

1

√

2

)

2.2

Equation d’Euler-Lagrange

2.2.1

Introduction

B

A

C(x,y)

y

x

α

ÎČ

a

b

B

A

y

x

x x+dx

y

y+dy

On considĂšre un signal qui se propage dans un milieu inhomogĂšne avec une vitesse

C(

x, y

)

.

Quel est le trajet entre A et B qui rende le temps de parcours minimal ?

Supposons le trajet sous la forme

y

=

y

(

x

)

, on a

y

(

x

=

a

) =

α

et

y

(

x

=

b

) =

ÎČ

.

ds

=

 

dx

2

+

dy

2

=

dx

 

1 +

y

2

Le temps de parcours Ă  minimiser vaut :

b

a

dx

 

1 +

y

2

C(

x, y

)

background image

52

CHAPITRE 2. CALCUL DES VARIATIONS

2.2.2

Formulation gĂ©nĂ©rale du problĂšme

Soit

L

une fonction de classe

C

2

:

L

:

R

3

−→

R

(

u

1

, u

2

, u

3

)

−→

L(

u

1

, u

2

, u

3

)

ConsidĂ©rons la fonctionnelle

I

, qui, Ă  toute fonction

f

(

f

:

x

−→

f

(

x

)

) de l’intervalle bornĂ©

[

a, b

]

dans

R

et de classe

C

2

, associe le nombre :

I[

f

] =

b

a

L(

f

(

x

)

, f

(

x

)

, x

)

dx

ProblĂšme Trouver la fonction qui rende

I(

f

)

extrĂ©male tout en satisfaisant :

f

(

a

) =

α

f

(

b

) =

ÎČ

avec

(

α, ÎČ

)

∈

R

2

Soit

f

la solution recherchĂ©e. On considĂšre la fonction :

x

−→

f

(

x

) +

Δη

(

x

)

avec

Δ

∈

R

petit et

η

(

x

)

arbitraire,

C

1

sur

[

a , b

]

, satisfaisant

η

(

a

) = 0

et

η

(

b

) = 0

.

B

A

y

x

y = f(x)

y = f(x) + 

Δ

 n(x)

La fonctionnelle

I

sera stationnaire pour

f

si

I[

f

] = I[

f

+

Δη

]

Ă  l’ordre 1 en

Δ

.

I[

f

+

Δη

]

−

I[

f

] =

o

(

Δ

)

I[

f

+

Δη

] =

b

a

L(

f

(

x

) +

Δη

(

x

)

, f

(

x

) +

Δη

(

x

)

, x

)

dx

L(

f

(

x

) +

Δη

(

x

)

, f

(

x

) +

Δη

(

x

)

, x

) = L +

∂

L

∂f

Δη

+

∂

L

∂f

Δη

+

o

(

Δ

)

oĂč on utilise les notations :

∂

L

∂f

=

∂

L(

u

1

, u

2

, u

3

)

∂u

1

∂

L

∂f

=

∂

L(

u

1

, u

2

, u

3

)

∂u

2

background image

2.2. EQUATION D’EULER-LAGRANGE

53

avec

u

2

=

f

(

x

)

u

1

=

f

(

x

)

u

3

=

x

I[

f

+

Δη

] = I[

f

] +

Δ

b

a

{

∂

L

∂f

η

+

∂l

∂f

η

}

dx

+

o

(

Δ

)

= I[

f

] +

o

(

Δ

)

=

⇒

b

a

{

∂

L

∂f

η

+

∂

L

∂f

η

}

dx

= 0

Par intĂ©gation par partie (IPP) :

b

a

∂

L

∂f

η

dx

=

∂

L

∂f

η

b

a

−

b

a

d

dx

∂

L

∂f

ηdx

=

−

b

a

d

dx

∂

L

∂f

ηdx

car

η

(

a

) =

η

(

b

) = 0

=

⇒

b

a

η

(

x

)

{

∂

L

∂f

−

d

dx

∂

L

∂f

}

= 0

La fonction

η

(

x

)

Ă©tant arbitraire, il vient :

∂

L

∂f

−

d

dx

∂

L

∂f

= 0

C’est l’

Ă©quation d’Euler-Lagrange

.

Toute solution de cette Ă©quation rend stationnaire la fonctionnelle

I[

f

] =

b

a

L(

f

(

x

)

, f

(

x

)

, x

)

dx

.

Remarques

– L’équation d’Euler-Lagrange est une Ă©quation diïŹ€Ă©rentielle du second ordre pour

f

.

–

∂

L

∂f

est bien une fonction de

x

uniquement.

En eïŹ€et,

∂

L

∂f

=

∂

L(

u

1

, u

2

, u

3

)

∂u

2

avec

u

1

=

f

(

x

)

,

u

2

=

f

(

x

)

,

u

3

=

x

.

2.2.3

Cas particuliers

(

i

) L ne dĂ©pend pas explicitement de

f

∂

L

∂f

= 0

donc, d’aprĂšs l’équation d’Euler-Lagrange,

∂

L

∂f

=

cste

c’est-Ă -dire ne dĂ©pend pas

de

x

.

Exemple

I[

f

] =

b

a

 

1 +

f

2

dx

Soit

L(

u

1

, u

2

, u

3

) =

 

1 +

u

2

2

background image

54

CHAPITRE 2. CALCUL DES VARIATIONS

∂

L

∂f

=

∂

L

∂u

2

=

2

u

2

2

 

1 +

u

2

2

=

f

 

1 +

f

2

=

cste

=

⇒

f

(

x

) =

ÎČ

−

α

b

−

a

(

x

−

a

) +

α

La trajectoire

f

(

x

)

est le chemin le plus court entre

A(

a, Î±

)

et

B(

b, ÎČ

)

.

(

ii

) L ne dĂ©pend pas explicitement de x

L(

u

1

, u

2

, u

3

)

est indĂ©pendant de

u

3

.

d

L

dx

=

∂

L

∂f

f

+

∂

L

∂f

f

+

∂

L

∂x

(= 0)

Comme

f

est solution de l’équation d’E.L, on a :

∂

L

∂f

=

d

dx

∂

L

∂f

Donc,

d

L

dx

=

d

dx

∂

L

∂f

f

+

∂

L

∂f

f

=

d

dx

f

∂

L

∂f

=

⇒

L

−

f

∂

L

∂f

=

cste

Il s’agit ici d’une intĂ©grale premiĂšre.

Exemple

Quelle est la surface d’aire minimale qui relie deux cercles de mĂȘme rayon parallĂšles et
centrĂ©s sur le mĂȘme axe ?

R

r = r(z)

k

R

-h

h

0

background image

2.2. EQUATION D’EULER-LAGRANGE

55

L’aire latĂ©rale de la surface vaut :

I[

r

] =

+

h

−

h

2

πr

(

z

)

 

1 + (

r

(

z

))

2

dz

Soit

L(

u

1

, u

2

, u

3

) = 2

πu

1

1 +

u

2

2

Cela donne donc d’aprĂšs le (

ii

) :

L

−

r

∂

L

r

= 2

πk

= 2

πr

 

1 +

r

2

−

2

πr

.r

r

√

1 +

r

2

Au ïŹnal on obtient l’équation de la surface, qui est une catĂ©noĂŻde :

r

√

1 +

r

2

=

k

En intĂ©grant,

r

(

z

) =

k

ch (

z

k

)

on obtient k par la condition aux limites

R =

k

ch (

h

k

)

Remarques

– Si on pose

˜

k

=

k

h

alors

R

h

˜

k

= ch (

1

˜

k

)

On peut donc dĂ©terminer numĂ©riquement

˜

k

en fonction de

R

h

en traçant les courbes

x

−→

R

h

x

et

x

−→

ch (

x

)

.

– Lorsque cette Ă©quation n’admet plus de solution, notamment si

h

R

est "trop grand”, c’est

qu’il y a rupture de la surface.

– La rĂ©solution de l’équation d’E.L donne un extremum et pas forcĂ©ment un minimum.

Exemple

R = 1

,

h

=

1
2

donne

k

= 0

.

235

et

k

= 0

.

848

. On montre que la premiĂšre valeur de k

correspond Ă  une aire maximum et la seconde Ă  l’aire minimum recherchĂ©e.

2.2.4

Variations contraintes

Exemple

On attache une corde entre deux points A et B, sa longueur

l

0

Ă©tant supĂ©rieure Ă 

2

a

.

L’équation de la corde

y

(

x

)

est telle que

y

(

a

) =

y

(

−

a

) = 0

.

En considĂ©rant que la corde est non-extensible, on obtient

y

(

x

)

en minimisant l’éner-

gie potentielle.

background image

56

CHAPITRE 2. CALCUL DES VARIATIONS

y

x

B

A

a

a

I[

y

] =

a

−

a

dx

(

”g

(

 

1 +

y

2

)

y

(

x

))

La longueur de la corde Ă©tant ïŹxe, on a une contrainte supplĂ©mentaire :

l

0

=

a

−

a

dx

 

1 +

y

2

On introduit donc le multiplicateur de Lagrange

λ

et on doit maintenant rendre

stationnaire la fonctionnelle :

a

−

a

dx

(

”gy

(

x

)

−

λ

)

 

1 +

y

2

La fonction

(

”gy

(

x

)

−

λ

)

 

1

−

y

2

ne dĂ©pend pas explicitement de

x

donc d’aprĂšs le

paragraphe

2.2.3

:

(

”gy

(

x

)

−

λ

)

 

1 +

y

2

−

y

((

”gy

(

x

)

−

λ

)

y

 

1 +

y

2

=

k

(

k

∈

R

)

D’oĂč :

”gy

(

x

)

−

λ

=

k

 

1 +

y

2

AprĂšs quelques manipulations et intĂ©gration de l’équation diïŹ€Ă©rentielle :

y

(

x

) =

k

”g

ch (

”g

k

(

x

+ C)) +

λ

”g

Cette Ă©quation a trois inconnues :

k

,

λ

, et

C

et nous avons trois Ă©quations supplĂ©men-

taires :
– La contrainte

l

0

–

y

(

a

) = 0

–

y

(

−

a

) = 0

Le rĂ©sultat dĂ©ïŹnitif est donc :

y

(

x

) =

k

”g

{

ch (

”gx

k

)

−

ch (

”ga

k

)

}

avec

sh (

”ga

k

) =

”gl

0

2

k

background image

2.2. EQUATION D’EULER-LAGRANGE

57

B

A

C(x,y)

y

x

α

a

b

2.2.5

ExtrĂ©mitĂ© libre

On reprend l’exemple de chapitre

2.2.2

, mais l’ordonnĂ©e du point B n’est plus imposĂ©e.

I[

f

] =

b

a

L(

f

(

x

)

, f

(

x

)

, x

)

dx

f

(

x

=

a

) =

α

et

η

(

x

=

a

) = 0

On veut encore rendre la fonctionnelle

I

stationnaire :

I[

f

+

Δη

]

−

I[

f

] =

Δ

∂

L

∂f

(

x

=

b

)

η

(

x

=

b

) +

Δ

b

a

η

∂

L

∂f

−

d

dx

∂

L

∂f

dx

+

o

(

Δ

)

Cette relation doit ĂȘtre vraie pout tout

η

; on a donc

∂

L

∂f

(

x

=

b

) = 0

en plus de la relation d’Euler-Lagrange :

d

L

df

=

d

dx

∂

L

∂f

.

Exemple

Pour un milieu homogĂšne, on a

L =

 

1 +

f

2

. L ne dĂ©pend pas de

f

donc :

∂

L

∂f

=

f

 

1 +

f

2

=

cste

∂

L

∂f

(

x

=

b

) = 0

impose que

∂

L

∂f

= 0

et donc

f

= 0

La bonne solution est donc logiquement la ligne droite.

2.2.6

MĂ©canique classique et "principe de moindre action”

Soit un point matĂ©riel de massse

m

se dĂ©plaçant sur l’axe des

x

dans un potentiel

V(

x

)

.

Soit

x

A

, la position de la particule en

t

=

t

A

et

x

B

, la position de la particule en

t

=

t

B

Quelle va ĂȘtre la trajectoire

x

(

t

)

de cette particule ?

On considĂšre la fonctionnelle S, l’

Action

qui associe Ă  une trajectoire

x

(

t

)

le nombre

S =

t

B

t

A

1
2

m

˙

x

2

−

V(

x

)

dt

background image

58

CHAPITRE 2. CALCUL DES VARIATIONS

La quantitĂ©

L =

1
2

m

˙

x

2

−

V(

x

)

est appelĂ©e

Lagrangien

.

La trajectoire eïŹ€ectivement suivie est celle qui minimise l’action. Par l’équation d’Euler-

Lagrange on a donc :

d

dt

∂

L

∂

˙

x

=

∂

L

∂x

∂

L

∂

˙

x

=

m

˙

x

d

dt

∂

L

∂

˙

x

=

m

š

x

∂

L

∂x

=

−

d

V(

x

)

dx

On retrouve donc la relation fondamentale de la dynamique :

m

š

x

=

−

d

V(

x

)

dx

Remarques

– L ne dĂ©pend pas explicitement du temps donc

˙

x

∂

L

∂

˙

x

−

L

est indĂ©pendant du temps. Cela

implique que

1
2

m

˙

x

2

+ V(

x

)

est indĂ©pendant du temps : c’est la conservation de l’énergie.

– On peut aussi exprimer certains problĂšmes de mĂ©canique quantique sous forme varia-

tionnelle.