MADAGASCAR

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       La mise à jour de cette notice a été faite par M. Boubacar Issa Abdourhamane,
doctorant au CEAN, IEP-Université Montesquieu-Bordeaux IV  

 

A l’inverse de nombreux pays africains, Madagascar a une certaine tradition pluraliste même si l’ouverture a toujours été limitée et contrôlée par le pouvoir. De 1960 à 1975, la présidence a été assurée par Philibert Tsiranana. Cette période s’est caractérisée par des élections ouvertes à l’opposition, mais avec une domination écrasante du parti au pouvoir. Celui-ci remporte a chaque fois les législatives et le Président de la République est plébiscité.

De 1975 à 1989, Madagascar est dirigé par le régime de Didier Ratsiraka qui se réclame du marxisme. Un Front national pour la défense de la révolution (FNDR) regroupe les organisations dites progressistes, les dissidents étant privés d’existence légale. Ce régime s’est caractérisé par des élections semi-compétitives, ouvertes aux tendances composant le FNDR. En 1982, Didier Ratsiraka est élu (80%) lors d’élections ouvertes à des adversaires. Il ne l’emporte en 1989 qu’avec 62%. Des dissidents commencent à quitter le FNDR dès les législatives de mai 1989. En décembre, la Constitution est révisée dans le sens du renforcement des pouvoirs du Président de la République.

La crise économique latente depuis le milieu de la décennie 80 provoque des mécontentements de plus en plus forts au sein de la société, sur fond de bouleversements dans le monde, notamment les transformations dans le monde socialiste. L’opposition intérieure se mobilise de plus en plus et en juin 1991, 16 partis et groupements syndicaux créent un comité des forces vives (CFV) pour obtenir un changement de régime. La CFV organise des manifestations de rue qui regroupent des centaines de milliers de personnes. Elle désigne également un Président de la République, un Premier ministre, le professeur Albert Zafy et un gouvernement parallèle. Le pouvoir décrète l’état d’urgence et les manifestations se soldent à plusieurs reprises par des dizaines de morts, l’armée tirant sur la foule.

Bien qu’ayant dissout le gouvernement dès le 28 juillet 1991 dans la perspective d’un dialogue avec l’opposition, le Président Ratsiraka ne continue donc pas moins à réprimer les mouvements de protestation. Le 31 octobre, les deux parties arrivent finalement à un accord. Une période transitoire de 18 mois est décidée. Les anciennes institutions révolutionnaires sont dissoutes, un Premier ministre de transition est nommé et le Président de la République est maintenu dans ses fonctions avec des pouvoirs honorifiques.

En février et avril 1992, des forums régionaux, puis un forum national regroupant 1400 représentants des forces politiques et de la société civile élaborent une nouvelle Constitution. Celle-ci est adoptée par référendum en août et promulguée le 18 septembre. Les premier tour des élections présidentielles se tient le 25 novembre, et il voit Albert Zafy Didier Ratsiraka se retrouver au deuxième tour. Celui-ci n’est organisé finalement que le 10 février 1993. Le professeur Zafy l’emporte avec 66,74% des voix avec le soutien d’une bonne partie de l’opposition désireuse de se débarrasser de son adversaire. Les élections législatives de juin auxquelles se présentent plus de 121 listes se traduisent par un éclatement de la représentation. Une coalition majoritaire soutient tout de même le président Zafy, qui parvient à obtenir l’investiture du parlement pour son Premier ministre Francisque Ravony en août.

Cependant, dès 1994, les conflits se multiplient entre le Premier ministre et le Président de la République. Or, aux termes de la Constitution, le chef de l’Etat ne peut révoquer le Premier ministre de son propre chef. Pour contourner la difficulté, le président Zafy soumet au référendum une révision constitutionnelle qui est adoptée en septembre 1995. Il nomme alors un nouveau Premier ministre en novembre. A partir de février 1996, une coalition de l’opposition s’organise pour obtenir le départ du président Zafy. Elle trouve des relais au sein du Parlement. Le gouvernement est renversé par une motion de censure en mai. Le chef de l’Etat accepte de nommer le Premier ministre proposé par le Parlement, mais tente d’imposer ses proches au sein du gouvernement. Ces divers bras de fer amènent l'opposition à adopter finalement le 26 juillet, une résolution prononçant l’empêchement du président Zafy, qui est destitué le 5 septembre.

Le gouvernement intérimaire organise de nouvelles élections présidentielles les 3 novembre et 29 décembre 1996. Comme en 1993, ce sont A. Zafy et D. Ratsiraka qui se retrouvent au deuxième tour. Le scrutin est cette fois remporté par le second qui revient au pouvoir malgré son passé marxiste. Un référendum constitutionnel est organisé le 15 mars 1998 pour modifier l'ancienne Constitution et l'ordonnance 98-001 du 9 avril 1998 est adoptée. Elle tient lieu de loi organique fixant les modalités des élections législatives. Des élections législatives sont organisées le 17 mai 1998. L’avant-garde du renouveau de Madagascar (AREMA), le parti du Président Ratsiraka, emporte 63 des 150 sièges de députés que compte une assemblée toujours morcelée entre de multiples partis. Une majorité de coalition s'est tout de même construite autour de l'AREMA qui peut ainsi gouverner. Plusieurs ministres ayant été élus au Parlement, le gouvernement de Pascal Rakotomavo remet sa démission. Le 23 juillet 1998, le Président Ratsiraka nomme l'ancien ministre des finances Andrianarivo Tantély Gabrio au poste de Premier ministre.

Les craintes d’un retour au régime autoritaire du premier Ratsiraka se sont évanouies, bien que les anciennes élites soient revenues au pouvoir. L’opposition donne l’impression de s’être éparpillée en de multiples formations qui rejoignent le gouvernement, et n’est plus canalisée comme dans les années 1991-1993 par un grand mouvement populaire. Les grandes Eglises chrétiennes qui inspiraient ce mouvement se sont ralliées de fait, sinon par conviction, au nouveau régime, bien qu’elles aient exprimé leur mécontentement devant le projet de révision constitutionnelle et condamné le référendum. La Constitution de 1992 avait été en effet rédigée par une commission directement mise en place par la Fédération des Eglises Chrétiennes de Madagascar qui ne voyait donc pas la nécessité de procéder à une révision fondamentale et à un référendum. Le prochaine élection présidentielle est prévue pour la fin 2001.

 

La Constitution de 1998 qui instaure la quatrième République reprend globalement celle de 1992, mais elle met fin au régime dit d’assemblée et restaure l’essentiel des prérogatives présidentielles de la deuxième République : droit de dissolution, recours au suffrage universel, obstacles à l’empêchement. Le pouvoir exécutif est cependant partagé entre le Président de la République et le Premier ministre. Le président est élu au suffrage universel direct pour cinq ans. Il est rééligible deux fois (art. 45). Il nomme le Premier ministre dans la majorité parlementaire et peut le démettre pour toute cause déterminante et il peut dissoudre l'Assemblée nationale (art. 58 et art. 95). Il détermine et arrête, en Conseil des Ministres, la politique générale de l’Etat que le gouvernement, responsable devant l'Assemblée nationale, met en œuvre. Le Premier ministre a l'initiative des lois et assure leur exécution, comme celle des décisions de justice (art. 63). En conseil de gouvernement, il arrête les projets de lois, exerce le pouvoir réglementaire, sous le contrôle direct du Président de la République, négocie et signe les accords internationaux non soumis à ratification.

Le parlement malgache comporte deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat. Depuis 1992, le Sénat où le poids des provinces et celui des membres désignés directement par le Président de la République seront prépondérants, n'a jamais été mis en place. Cependant, en janvier 2001, le Gouvernement a décidé de le tenue des élections sénatoriales pour mars 2001. Sur les 100 sénateurs prévus, 30 seront nommés et les 70 autres élus par les Conseillers provinciaux et Maires. Le Président du Sénat remplace le Président de la République en cas de vacance du pouvoir. L'Assemblée nationale comprend actuellement 150 députés (138 auparavant) élus pour cinq ans (quatre auparavant), au suffrage universel direct. Ils le sont au scrutin majoritaire uninominal à un tour dans les circonscriptions qui ne comportent qu’un siège à pourvoir, ou au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les circonscriptions qui comportent plusieurs sièges à pourvoir (art. 66). Ils bénéficient de l'immunité parlementaire (art. 69). Le gouvernement peut engager sa responsabilité et exiger de l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie des dispositions des textes en discussion (art. 87). Le Parlement examine le projet de loi de finances transmis par le gouvernement ; si le projet n'est pas adopté en temps utile, le gouvernement peut procéder par voie d'ordonnances (art. 88).

La Haute Cour Constitutionnelle a joué ces dernières années un rôle exceptionnel dans la sauvegarde de la démocratie et jouit pour cette raison d’un grand prestige dans l’opinion publique malgache. Elle est composée de neuf membres nommés pour un mandat de sept ans. C’est elle qui proclame les résultats officiels du référendum et des élections et règle les litiges y afférant. La Haute Cour Constitutionnelle a notamment permis le passage sans heurt entre l’ancien et le nouveau régime en prolongeant le mandat des députés, théoriquement échu le 3 août 1997, jusqu’aux élections législatives du 17 mai 1998. Cette autorité s’est aussi manifestée lors de l’empêchement prononcée contre le président Zafy et à l’occasion de la validation des élections présidentielles que Didier Ratsiraka n’a remporté que par moins de 51% des suffrages.

Le pouvoir judiciaire est exercé conformément à la Constitution et à la loi, par la Haute Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême (qui comprend la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes), les Cours d'appel, les tribunaux et la Haute Cour de Justice (art. 97). Le Président de la République nomme et révoque les magistrats par décret (art. 98.1). Les magistrats sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions (art. 99).

Le système judiciaire est fondé sur le double degré de juridiction, l'indépendance du juge et l'autorité de la chose jugée. Depuis l'indépendance, l'unification législative a été menée avec la codification du droit moderne et la nouvelle organisation judiciaire. Mais depuis la fin de la première République, l'oeuvre de codification semble suspendue. La jurisprudence est inaccessible faute de ressources pour en assurer la publication. L'exercice de la justice est handicapé par la lenteur des procédures, l'interférence de différentes autorités investies ou non de compétence de police judiciaire ou administrative dans le cours de la procédure pénale, l’absence d’informations juridiques et jurisprudentielles, sans parler des rumeurs de corruption.

 

La Constitution établit le principe d’une certaine autonomie des six provinces au sein de l’Etat malgache. A l’origine le fédéralisme était une revendication des Côtiers contre l’hégémonie de la Capitale. Aujourd’hui la province centrale, l’Imerina, a été gagnée par l’idée d’une plus grande liberté de manoeuvre politique et économique par rapport à des provinces moins productives ou moins avantagées par le climat.

La Constitution du 15 mars 1998 comporte un titre IV tout à fait nouveau, consacré aux provinces autonomes. Il intègre cependant pour l’essentiel le titre VII de la Constitution de 1992 sur les collectivités territoriales décentralisées. Les provinces autonomes sont des collectivités publiques dotées de la personnalité juridique ainsi que de l’autonomie administrative et financière (art. 126). L’autonomie des provinces exclut toute sécession ou tentative de sécession (art. 129).

Les provinces autonomes, adoptant chacune sa loi statutaire sont : Antananarivo, Antsiranana, Fianarantsoa, Mahajanga, Toamasina, Toliara. Chaque province aura un Conseil de Gouvernorat composé d’un Gouverneur et de Commissaires Généraux (art. 131). Le Gouverneur est élu par le Conseil provincial pour un mandat de cinq ans renouvelable. La composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil provincial sont fixés par la loi statutaire de chaque province. L’Etat malgache se donne trente mois après la promulgation des lois organiques y afférant pour mettre en place les institutions prévues par la nouvelle Constitution. Les divisions administratives comportent 28 régions, 158 départements et 1392 communes. La capitale a un statut particulier. Le gouvernement malgache compte un vice-Premier ministre chargé du budget et des provinces autonomes.

Les premières élections pour élire les 336 conseillers des futures provinces autonomes ont été marquées par un faible taux de participation. Les résultats proclamés le 22 novembre donnent 41% à l'AREMA du Président Ratsiraka, soit 575 sièges à travers tout le pays, 15,87% au Leader Fanilo de Henry Raz Afimahaleo, 5, 53% au Parti Social Démocrate de Evariste Marson, 3,95% au parti AVI de l'ancien Premier Ministre Norbert Lala Ratsirahonana (qui remporte notamment la capitale). Ces conseillers provinciaux procéderont à une date non encore établie à l'élection des gouverneurs des 6 six futures provinces autonomes de l'île. Le processus de mise en place des pouvoirs provinciaux qui s'achèvera par la formation d'un Conseil de Gouvernorat est en cours. Le Président Ratsiraka a beaucoup œuvré pour la décentralisation du pouvoir qui constituait le principal thème de sa campagne de 1996.

 

Le multipartisme a été autorisé par la loi 89-028 et l’ordonnance 90-001 et constitutionnalisé ensuite. Aux élections législatives de 1998, 151 partis se sont engagés. Cette prolifération signale à la fois la perte de prestige des grands partis traditionnels et la vitalité de la démocratie à Madagascar. On note le grand nombre de partis indépendants représentés parfois par une seule personnalité locale. On note encore quelques candidatures islamiques d’une part, d’autre part l’essor de quelques listes qui se définissent comme démocrates-chrétiennes.

On peut observer la représentation souvent très régionalisée de l’opposition. Ainsi aux législatives, la liste AFFA se réclamant de l’ancien Président de la République Albert Zafy remporte seulement 4,60% des suffrages au plan national, mais à Antsiranana, dans son fief, elle obtient une confortable majorité avec 53,40% des suffrages. Le parti du Président Ratsiraka, l’AREMA, y totalise seulement 24,80%. Sur le plan national l’AREMA obtient la même proportion des suffrages (24,74%).

Les indépendants ont dominé les dernières élections en nombre de voix (26,81%) mais n’ont gagné que 32 sièges. Au nombre des surprises des élections, il faut remarquer la victoire à Tananarive, avec 8 sièges sur 12, de la liste AVI conduite par Norbert Ratsirahonana, ancien président de la Haute Cour Constitutionnelle et chef de l’Etat par intérim après l’empêchement du Président Albert Zafy. Le parti AVI obtient 6,90% des suffrages au plan national et 14 députés. Ce nouveau parti (AVI = Ny Asa Vita No Ifampitsarana, ‘C’est à l’oeuvre faite qu’on se jugera’) a mis fin au long règne du Pasteur Richard Andriamanjato, fondateur du parti AKFM puis du parti AKFM Renouveau, élu à Tananarive presque sans interruption depuis 1958, et ancien président de l’Assemblée nationale. Deux autres formations politiques obtiennent de bons résultats aux élections, le leader Fanilo (13,32% des suffrages, 17 députés) et le RPSD (4,75% et 11 députés). Parmi les personnalités battues, on relève entre autres Manandafy Rakotonirina, président-fondateur du parti MFM. On trouvera dans la Revue de l’Océan Indien (mai 1998), la liste des 151 partis politiques malgaches avec leur date de fondation et le nom de leur président ou secrétaire général.

 

Les syndicats malgaches ont constitué avec les forces politiques, un front commun pour réclamer la démocratisation du système lors des grandes campagnes de contestation des années 89-91. Leur action s’est atténuée depuis lors et malgré les programmes d'ajustement structurel, les campagnes de privatisation et les difficultés économiques frappent le monde du travail, les syndicats restent sans grande influence.

 

La Constitution de 1998 affirme solennellement le respect des droits de l'homme et la protection des libertés fondamentales individuelles et collectives, la transparence dans la conduite des affaires publiques et l'instauration d'un Etat de droit. Sans changement significatif par rapport au texte de 1992, le titre II articule avec précision les libertés, les droits et les devoirs des citoyens. La législation considère parmi les sources du droit positif la Charte internationale des droits de l'homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et les Conventions relatives aux droits de la femme et de l'enfant (nouveau préambule de la Constitution).

Il existe une section malgache de la Ligue africaine des droits de l'homme et des peuples ainsi qu'une Ligue malgache des droits de l'homme. Il est extrêmement significatif de noter que le Règlement de Discipline Générale dans les Forces Armées (Décret 97-1133 du 17 septembre 1997) limite le devoir d’obéissance par le devoir de tout militaire de respecter les droits de l’homme et le droit humanitaire. On note la participation malgache aux juridictions internationales et en particulier au Tribunal Pénal International sur le Rwanda a certainement porté ses fruits.

Cependant les organisations des droits de l’homme notent que des milliers de prisonniers attendent leur jugement dans des conditions déplorables tandis que dans les provinces beaucoup de délinquants sont relâchés faute de place et récidivent. L'Etat n'a pas réussi jusqu'à présent à juguler le banditisme et à donner à la population un véritable sentiment de sécurité.

 

La censure a été abolie en 1989 au début du processus de démocratisation. La presse écrite a une diffusion limitée par les difficultés économiques. Elle est présente essentiellement dans la capitale et quelques grandes villes. Aucun titre n'a un tirage supérieur à 20.000 exemplaires. On peut citer les quotidiens Midi Madagasikara, L'Express de Madagascar, Tribune, Maresaka, l'hebdomadaire Lakroan'i Madagasikara, seul titre présent dans les campagnes, dont une sélection mensuelle est éditée en France depuis avril 1998 sous le nom de Bémoi (Bulletin des Eglises de Madagascar et de l’Océan Indien), et enfin la Revue de l'Océan Indien (mensuel) et la Lettre mensuelle de JURECO. Plusieurs radios indépendantes émettent en FM à Antananarivo dont RVF, RTV, RLI et l’autorisation des antennes paraboliques permet de suivre les télévisions étrangères.


 

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