Jeudi 14 août 2008

REPORTAGE

Les démons du dalaï-lama

Vendredi 08 août 2008

En Inde, une scission menace la communauté tibétaine bouddhiste en exil. D’un côté, les fidèles du dalaï-lama, de l’autre les adeptes du culte Dorjé Shugden. Un reportage de Capucine Henry et Nicolas Haque.

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Vendredi 08 août 2008

Près de 100 000 réfugiés tibétains vivent en Inde. Un exil qui a commencé en 1959 lorsque le premier d'entre eux, le dalaï-lama, a fui le Tibet après l'invasion chinoise. Près de cinquante années plus tard, une scission semble apparaître au sein de la communauté tibétaine bouddhiste.

  

D'un côté, les fidèles du dalaï-lama et du culte traditionnel qu'il incarne. De l’autre, les adeptes du culte Dorjé Shugden, une déité du bouddhisme traditionnel tibétain que le dalaï-lama considère comme un démon. Ces derniers ne croient plus en leur leader spirituel et sont ostracisés par leurs pairs.

Derrière la divergence spirituelle, un enjeu politique : les Shugden sont ouvertement accusés par le dalaï-lama de soutenir la Chine et de trahir la cause tibétaine.

 

Des adeptes mis au banc

 

 

"Regardez ce qui est écrit : les pratiquants de Shugden n’ont pas le droit de rentrer dans ce magasin", se lamente Delegtang, un moine shugden. Depuis deux mois, à Balykoppe, son village de réfugiés tibétains du sud de l'Inde, toutes les portes lui sont fermées, à lui et aux membres de sa communauté.


"J’ai fait le serment auprès de sa sainteté le dalaï-lama de ne plus avoir aucun lien avec les pratiquants shugden, ils font du mal à la cause tibétaine", assène une commerçante.

 "Le dalaï-lama est notre seul pilier, il est la seul personne sur qui l'on puisse compter", explique un moine fidèle à son chef spirituel.

En quelques mois, la ville a mis au banc une partie de sa population. Les moines shugden ne peuvent en effet plus entrer dans les commerces, les lieux publics et même dans les hôpitaux.  Dans les rues, on peut voir les portraits de leurs leaders placardés sur les murs, comme des hors-la-loi.
  

Un discours violent du dalaï-lama


Le 7 janvier, le dalaï-lama a prononcé un discours d’une rare violence dans une université du sud de l’Inde. Devant des centaines de moines, il a fermement condamné le mouvement shugden et ses adeptes. "Je n’ai pas interdit les Shugden pour mon propre intérêt, j’y ai mûrement médité et réfléchi en mon âme et conscience."

Quelques semaines après le discours du dalaï-lama, les moines shugden ne pouvaient plus entrer dans les monastères. Le début, peut-être, d'un schisme qui pourrait exclure les quatre millions de Tibétains adeptes de cette religion.

Les moines récalcitrants se regroupent désormais à l'écart des lieux de culte. Ils sont vus comme des rebelles, des traîtres, qui ont tourné le dos à leur maître spirituel.

A la question "le dalaï-lama va-t-il vraiment réussir à interdire une religion ?", les moines répondent catégoriquement : "Il n’y arrivera pas parce que nous sommes dans le vrai". "D’un coté, le dalaï-lama parle tout le temps de liberté de religion et de compassion et, de l'autre, il nous interdit de pratiquer notre religion et nous chasse des monastères. C'est incohérent, on ne croit plus du tout en lui", témoigne l’un de ces moines.

Soupçons sur le dalaï-lama : ses démons seraient-ils plus politiques que spirituels ? Réponse à Dharamsala, au nord de l'Inde – le fief du dalaï-lama. C'est là qu'il vit, dans ce monastère, depuis qu'il a fui le Tibet, il y a 50 ans. C'est aussi là que siège le gouvernement tibétain en exil. Pour le Premier ministre, les Shugden sont avant tout des ennemis politiques, des ennemis de l'intérieur.

 

Amitiés chinoises


 "Ils sont prêts à tuer n’importe qui, à frapper n’importe qui", affirme-t-il.  Les Shugden, des assassins, mais surtout traîtres politiques à la solde des Chinois, selon les proches du dalaï-lama. "Les Shugden et les Chinois sont liés, c’est évident, poursuit-il. Les pratiquants shugden sont tous financés par les Chinois."

Le chef de la sécurité nous montre la photo d’un Shugden très influent. "Il a visité la Chine au moins deux ou trois fois, nous explique-t-il. Il est utilisé par les Chinois à des fins politiques."

Nous avons retrouvé l'homme figurant sur la photo. Il vit dans le sud de l'Inde, entouré d'une dizaine de  disciples.

Il vient de déposer plainte contre le dalaï-lama devant la Haute Cour de justice indienne pour persécution religieuse. Il nie travailler pour le compte de la Chine mais ne pas cache son amitié pour le pays.  "J’apprécie beaucoup les Chinois et j'approuve ce qu’ils sont en train de faire au Tibet", dit-il. Et d'ajouter "ce que nous sommes en train de vivre avec le dalaï-lama laisse facilement imaginer ce que pouvait être dans le passé son régime théocratique au Tibet. C'était beaucoup plus violent que ce que vivent aujourd'hui les Tibétains."

En Inde, les fidèles shundgen sont aujourd'hui obligés de se cacher.  Derrière cette chasse aux Shugden : la peur de l'infiltration chinoise dans les rangs des réfugiés tibétains. Cette fissure pourrait s’avérer dangereuse dans le combat pour l'autonomie du Tibet.


  • 11/08/200820:56:55

    Merci, mais essayer de raconter toute l'histoire

    Merci pour votre courage d'avoir montrer les faits au grand jour. Par contre vous dites que les tibétains ne remettent jamais en question les propos du Dalai Lama; l'avez-vous fait par rapport aux accusations de collusion avec les chinois? Je trouve les preuves que vous avez montré un peu légères : des photos des services tibétains montrant des personnes de dos, un musée de l'horreur pour un meurtre (qui n'a jamais été confirmé comme ayant été perpétré par des Shugdenistes, sauf par les services de sa "sainteté") et un témoignage d'un moine douteux en marcel. J'aurai bien aimé savoir comment les moines exclus survivent au quotidien, comment se nourrissent-ils, qui s'occupent d'eux? En tous les cas les pratiquants occidentaux que je connais n'ont aucun lien avec les chinois et les pratiquants de base dans votre film non plus. Vous n'avez pas tout gobé la propagande et vous l'avez vérifié en discutant avec ces pratiquants. Vous auriez pu le dire, mais aller plus loin vous ouvrira malheureusement à plus qu'une caméra cassée.
    Il y a 10 ans des suisses avaient essayé de faire la même chose : http://www.youtube.com/watch?v=FT6qzYWJtg4
    Puisse tout le monde être heureux et jouir de liberté religieuse.

  • 11/08/200806:01:46

    Merci !

    Merci pour les questions importantes que soulève cet article, étant moi même un moine bouddhiste qui s'en remet entre autre au protecteur du dharma Dorje Shugden depuis plus de dix ans, je pense que ce que le Dalaï Lama impose par ses commentaires et ses restrictions sur cette pratique est extrêmement néfaste et inacceptable. Créer un shisme au sein de la communauté spirituelle bouddhiste pour des motivations politiques m'attriste au plus haut point. Il est facile de dire que les chinois sont derrières tous ceux qui remettent en question ses décisions, pour ma part, je sais qui a défrayer les coût de mon déplacement pour aller manifester pacifiquement mon désaccord avec sa politique de division: c'est moi-même ! Et je ne ne suis pas chinois !! Il ne s'agit pas d'un geste politique, mais un cri du coeur: 'j'ai le droit de pratiquer ce que mon maître m'a transmis sans subir de préjudice par les disciples du Dalaï Lama'.

    Cette pratique m'aide à pratiquer le bouddhisme, augmente ma foi en les trois joyaux et m'aide à calmer mon esprit en tout temps. Je ne vois aucune raison valide dans les arguments du Dalaï Lama pour briser le lien avec ma tradition, mon maître et Bouddha Dorje Shugden.
    Depuis des années, les fervents du Dalaï Lama entachent sans retenues les pratiquants de Dorje Shugden. Pourquoi? Quelle est leur intention de nuire à des pratiquants sincères qui s'entraine au refuge, au renoncement, à la compassion et la sagesse et qui pour ce faire s'en remettent aux déités qui sont suggérées par leur maître et leurs maîtres précédents ? Votre maître vous demande-t-il de vous engager dans ces actions ?

    Et même si nous étions dans l'erreur, en quel nom peuvent-ils agir ainsi? Vont-ils aussi s'attaquer par la suite à tous les autres qui ne pensent pas comme eux? Dans quel Soutra, Bouddha donne-t-il le droit de mettre de côté certains êtres vivants parce qu'ils pensent différement de nous? Dans quel Soutra donne-t-il l'autorité au Dalaï Lama de discerner ce qui est bouddhiste de ce qui ne l'est pas ?
    Ce sont des questions importantes qui devront tôt ou tard trouver autre réponse que : ' ce sont des vilains subventionnés par les chinois'.
    Pardonnez svp mon emportement. Et je dédie mon mérite pour que la religion soit libérée de tout esprit politique et que chacun trouve la paix intérieure.

  • 10/08/200813:29:05

    Tristement vrai

    Malheureusement, cette discrimination non-justifiée est tout à fait vraie. Un site web en particulier donne beaucoup de détails en français sur ce point de vue : http://wisdombuddhadorjeshugden.org/fr/
    Je suis moi-même un pratiquant occidental depuis plusieurs années de cette simple et innofensive pratique bouddhiste du Bouddha de la sagesse Dordjé Shougdän, nous encourageant à développer un bon coeur compatissant et la sagesse.
    J'ai parlé directement avec des pratiquants tibétains de ce Bouddha qui vivent directement de la discrimination suite aux décisions politiques du Dalaï Lama. Tout ceux que j'ai rencontré étaient des personnes bien normales, pas du tout extrémistes ou mêlés d'intérêts politiques chinois. De son côté, le Dalaï Lama n'apporte aucune preuve tangible du danger que représentent cette pratique bouddhiste ou ses pratiquants. Puisse-t-il simplement en tant que chef politique du Tibet en exil cesser de condammner ceux qui la pratique et accorder la liberté religieuse qu'il prône tant à travers le monde.

  • 10/08/200812:00:13

    Quelques explications et clarifications (suite et fin)

    La pratique de Shougdèn est répandue dans le monde entier, y compris en Occident. Les pratiquants de Shougdèn sont tout simplement bouddhistes et veulent simplement pouvoir avoir la liberté de pratiquer
    Leur religion, comme elle leur a été enseignée traditionnellement. Il valorise la liberté religieuse, et n'approuve pas le Dalai Lama dans ces actions de répression religieuse. Il n'approuve pas non plus
    Le gouvernement chinois pour les mêmes raisons.

    Plus d'informations sur www.westernshugdensociety.org
    www.wisdombuddhadorjeshugden.org et
    http://www.shugdensociety.info

  • 10/08/200811:59:20

    Quelques explications et clarifications (suite)

    Concernant le lien entre les pratiquants de Dorjé Shougdèn et la Chine, les conclusions tirées me semblent un peu rapides.
    Le dernier grand maître qui a largement propagé la pratique de Dordjé Shougdèn est Tridjang Rinpoché, qui était le premier précepteur du Dalai Lama et le maître de l'école guélougpa le plus influent de son époque.

    Tridjang Rinpoché était le pilier sur lequel le Dalai Lama s'appuyait lors de son éducation, et il est bien connu qu'il était opposé au communiste Chinois, et l'un des principaux ennemis des Chinois lorsqu'il était en vie.
    En interdisant la pratique de Dordjé Shougdèn, le Dalai Lama a rejeté les enseignements qu'il a reçus de son guide spirituel, et a obligé les autres pratiquants à faire de même. Ceux qui refusent de suivre son point de vue sont accusés de toutes sortes de méfaits,
    Complètement infondés (être des espions de Chinois, des meurtriers, sectaires...).

    La pratique de Dordjé Shougdèn est une pratique traditionnelle, et les raisons pour lesquelles le Dalai Lama a interdit cette pratique n'ont rien à voir avec le communisme chinois, mais vient plutôt d'une sombre histoire de pouvoir.

    Les Chinois ont exploité ce problème tibétain, pour l'utiliser contre le Dalai Lama qui viole très clairement les droits de l'homme, mais l'origine de l'interdiction ne vient pas des liens entre les pratiquants de Shougdèn et la Chine.

    Les pratiquants de Dordjé Shougdèn ne sont pas seulement au Tibet, mais partout dans le monde. Samdhong Rinpoché, le Premier ministre tibétain accuse clairement tous les
    pratiquants de Shougdèn dans le monde d'être à la solde des Chinois. Cette accusation est évidemment un mensonge profond, et prêterait presque à rire si ce n'était pas une si triste accusation.
    Ne pas être en accord avec le Dalai Lama = espions des Chinois est une équation un peu simpliste.

  • 10/08/200811:57:39

    Quelques explications et clarifications

    Merci beaucoup aux reporters qui soulèvent un problème qui déchire la communauté tibétaine depuis douze ans et qui est complètement passé sous silence depuis de ce temps-là.

    Je suis moi-même pratiquant de Shougdèn, d'origine bretonne, et j'ai beaucoup étudié la question pour comprendre les tenants et les aboutissants.

    Je regrette qu'il y ait certaines méprises dans ce documentaire, que j'aimerais clarifier.

    D'après ce document, on comprend que le Dalai Lama interdit la pratique de Dordjé Shougdèn parce que les pratiquants sont violents et des meurtriers.
    Tout d'abord les trois meurtres dans l'entourage du Dalai Lama, n'ont pas été, comme le gouvernement tibétain l'affirme, commis par des pratiquants de Dordjé Shougdèn, et le gouvernement Indien n'a jamais inculpé
    les "suspects" désignés par le gouvernement tibétain.

    Helmut Gassner, un ancien traducteur du Dalai Lama, a étudié les "preuves" que le gouvernement tibétain en exil a présentées à une télévision suisse,
    qui accusait les pratiquants de Shougdèn d'avoir publié une menace de mort contre Lobsabg Gyatso. En examinant les documents présentés à la télévision suisse, Helmut Gassner a vu que le gouvernement tibétain mentait délibérément afin d'accuser les pratiquants de Shougdèn,
    Et que la lettre que les pratiquants de Shougdèn avaient envoyée n'était en rien des menaces de mort, mais une invitation à discuter du problème de l'interdiction de la pratique (Consultez <à href="http://www.dharmaprotector.org/innocent.html" target="_blank">www.dharmaprotector.org pour plus de détails).
    Lobsang Yéshé avait de nombreux ennemis et les suspects potentiels sont nombreux (Guérilla tibétaine, Chinois...)

  • 09/08/200821:30:21

    Bon courage

    Enfin une brèche dans la fausse réputation bétonne du Dalai Lama, le soi-disant être de compassion. En voyant les faits, le résultat de ses actions destructrices qui font souffrir, il ne pourra plus être protégé par ses grands discours empruntés à Bouddha. C'est sûr que cela va être difficile à accepter pour ceux qui sont si fortement attachés à son image. Bon courage.

  • 09/08/200810:26:10

    pire encore

    le dalaï lama a tout a fait raison... des membres du parti communiste s'habillent en faux moines... et dénoncent arbitrairement les moines tibétains... il en va de même pour certaines réincarnations que le parti communiste à choisi à la place des religieux tibétains.... En gros les chinois détruisent le bouddhisme depuis l'intérieur... encore un casse-tête chinois en plus...

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