Conférence Européenne sur les initiatives pour lutte contre la violence dans les écoles

Mona O'Moore (Irlande)
Questions cruciales à aborder dans la formation des enseignants pour contrer les agressions et les persécutions

Cet exposé examine le besoin, au niveau national, de programmes de formation sur les agressions et les persécutions pour les enseignants, à la fois au cours de leur formation initiale et dans le cadre de la formation continue. Il examine également quels sont domaines de la formation des enseignants qui sont les plus propices à effectuer un changement dans le niveau des agressions et des persécutions dans les écoles.

Les enseignants sont la clé du changement. Si les enseignants peuvent être sensibilisés aux conséquences néfastes des comportements agressifs, alors les futures générations d'élèves et de parents seront sensibilisées à leur tour. Les élèves d'aujourd'hui sont les parents de demain.

Le besoin d'une formation sur les comportements agressifs pour les enseignants s'est concrétisé récemment en Irlande par la mort tragique d'un jeune étudiant, Kenneth Connolly, le 19 février 1998. En fait, cet exposé est dédié à sa mémoire et à la mémoire de tous les jeunes gens qui, comme lui, sont morts parce qu'ils étaient victimes d'agressions à l'école.

Lors de l'enquête qui a suivi la mort de Kenneth, ses parents ont eu le courage d'avouer à la police que leur fils avait, sans qu'ils le sachent, enduré cinq ans d'agressions verbales et physiques tout au long de sa scolarité secondaire. Les parents de Kenneth ont expliqué à la police comment ceux qui ont perpétré ces agressions ont "détruit une belle vie, la vie d'un adolescent aimant et affectueux, qui était toujours à l'écoute de ceux qui venaient partager leurs problèmes avec lui". Dans l'espoir fervent que Kenneth ne sera pas mort en vain, ils ont adressé trois prières :

  1. Que les agresseurs réalisent qu'ils peuvent pousser une personne au désespoir et à la mort par leurs actions.
  2. Que les victimes d'agressions ne soufrent plus en silence, comme leur bien aimé Kenny a souffert pendant des années.
  3. Que le gouvernement s'engage à protéger les enfants pour éviter que de telles tragédies se reproduisent et à mettre en place un système d'assistance pour les enfants et leurs parents, afin qu'ils sachent vers qui se tourner pour obtenir de l'aide.

L'histoire de Kenneth est une raison de plus en faveur d'une formation des professeurs. Les résultats d'une récente enquête sur les agressions dans les écoles irlandaises (O'Moore et al., 1997a) mettent également en relief le besoin de programmes de formation pour les enseignants et quels sont les domaines qui requièrent une attention spéciale. Par exemple, cette étude a découvert que 27% des enseignants du primaire et 53% des enseignants du secondaire ne considéraient pas les agressions comme un problème.

De telles attitudes ambivalentes expliquent sans aucun doute pourquoi le nombre de problèmes entre victimes et agresseurs est tellement élevé dans les écoles irlandaises. Notre enquête a découvert que 43% des élèves du primaire et 26% des élèves du secondaire étaient impliqués dans des agressions, soit comme victimes, soit comme agresseurs, soit comme victimes/agresseurs. On a soutenu que cette tendance à ne pas prendre la lutte contre les agressions au sérieux avait sans nul doute contribué à des résultats tragiques tels que le suicide de Kenneth.

C'est aussi une des raisons pour lesquelles les enfants sont très peu enclins à avouer à leurs professeurs ou à leurs parents qu'ils sont victimes d'agressions. Par exemple, on a découvert dans une récente étude (O'Moore et al., 1997a) que 65% des victimes dans les écoles primaires et 84% des victimes dans les écoles secondaires n'avaient pas avoué à leurs professeurs qu'ils étaient persécutés. En ce qui concerne l'aveu aux parents, les pourcentages sont un peu moins élevés mais tout de même inacceptables.

On peut trouver des preuves supplémentaires des attitudes ambivalentes des enseignants envers le problème dans les niveaux inadéquats d'intervention en ce qui concerne les agressions. Seulement 38% des élèves du primaire et 23% des élèves du secondaire ont rapporté que leurs professeurs essayaient "presque toujours" de mettre fin aux agressions. De plus, plus de la moitié des enfants responsables d'agressions dans les écoles primaires (52%) et plus des deux tiers des enfants responsables d'agressions dans les écoles secondaires (67%) ont déclaré que leurs professeurs ne leur avaient pas parlé de leurs comportements agressifs. Ce manque de détermination à contrer les agressions se retrouve également des les foyers des élèves.

Seulement 42% des parents dont les enfants fréquentent les écoles primaires et 27% des parents dont les enfants fréquentent les écoles secondaires avaient parlé à leurs enfants de leurs comportements agressifs.

Notre étude a également montré qu'il y avait un haut niveau d'apathie chez les enfants qui assistent aux incidents et un manque d'initiative pour mettre fin aux agressions dont ils sont témoins. Seulement un peu plus de la moitié des élèves du primaire (59%) et moins de la moitié des élèves du secondaire (47%) ont déclaré qu'ils avaient essayé d'intervenir en voyant un élève de leur âge être agressé.

Cependant, lorsqu'on leur a demandé de faire des commentaires sur les comportements des autres élèves, ils ont déclaré que seulement 12% des élèves du primaire et 7% des élèves du secondaire essayaient "presque toujours" de mettre fin aux agressions dont ils étaient témoins.

Il est clair que ces résultats ont des implications pour la formation des enseignants. Le rapport sur l'Irlande, qui a été exposé sous forme d'affiche pendant cette conférence, attire l'attention sur d'importantes initiatives destinées à éduquer les enseignants dans le cadre de la formation continue. Cependant, tous les enseignants doivent être visés afin qu'ils puissent aider à :

  1. Dissiper les nombreux mythes concernant les agressions qui existent encore ;
  2. Identifier les comportements agressifs parmi les élèves et leurs parents pour pouvoir prévenir, réduire et contrer les agressions.

Néanmoins, il faut mettre l'accent en premier lieu sur la prévention des agressions. On a le sentiment que beaucoup d'agressions pourraient être évitées si les enseignants apprenaient à devenir plus sensibles aux besoins des enfants en matière de sentiments d'imperfection et de respect de soi. Notre étude à l'échelle nationale a découvert que les enfants qui agressent leurs camardes ont un niveau d'amour-propre global qui est sensiblement moins élevé que celui des enfants qui ne sont pas impliqués dans des agressions (O'Moore et al., 1997b). On a également découvert que les "agresseurs" se considèrent eux-mêmes comme étant plus malheureux et insatisfaits que les autres, comme ayant un statut intellectuel et scolaire inférieur, et comme étant des fauteurs de trouble.

De leur côté, leurs victimes se considèrent eux-mêmes comme étant d'un naturel anxieux, d'un physique peu attrayant et impopulaires. Par conséquent, on a suggéré une approche mettant fortement l'accent sur les moyens de prévenir et d'augmenter les amours-propres défaillantes. Dans cette optique, il serait central d'examiner le rôle joué par la culture de l'école et le style de discipline.

Il a finalement été suggéré que les enseignants devraient apprendre à développer une politique sur les agressions qui prend la totalité de la communauté scolaire en considération. Dans notre étude à l'échelle nationale, nous avons découvert que, un an après avoir reçu une copie des Directives Nationales du Ministère de l'Education pour Contrer les Agressions dans les Ecoles, 22% des écoles primaires et 25% des écoles secondaires n'avaient pas développé de politique à cet égard. Bien que ces résultats puissent découler des attitudes ambivalentes susmentionnées, elles peuvent aussi découler d'un manque de savoir-faire pour transformer ces recommandations en pratique.

En conclusion, il semble clair que, dans l'état actuel des connaissances en ce qui concerne l'ampleur des agressions dans les écoles irlandaises et le niveau inadéquat d'intervention des enseignants, des parents et des élèves, comme il a été dévoilé dans les résultats de notre enquête (O'Moore et al., 1997a), il y a un besoin de développer, sans délai et à l'échelle nationale, une formation officielle des enseignants. Cette éducation doit être entreprise à la fois au cours de la formation initiale et dans le cadre de la formation continue.

On a suggéré qu'il faudrait aborder les questions cruciales suivantes dans la formation :

  • Ce qu'on entend par agressions et persécutions
  • L'ampleur du problème
  • Les signes
  • Les effets
  • Les causes
  • Les mesures préventives
  • Comment faire face aux problèmes agresseurs/victimes
  • Comment développer une politique pour contrer les comportements agressifs

Nos espérons que, grâce à cette formation, chaque enseignant sera dans l'avenir en mesure de devenir le moteur permettant de prévenir, réduire et contrer les agressions dans nos communautés scolaires.

Références

A. M. O'Moore, C. Kirkham & M. Smith, "Bullying behaviour in Irish Schools: A Nation-wide Study", Irish Journal of Psychology, 1997, N° 18, pp. 141-169 (1997a).

A. M. O'Moore, "Self-concept and Bullying Behaviour among Schoolchildren and Adolescents", publié dans les actes de : 5th European Congress of Psychology, Dublin, 1997, p. 100 (1997b).


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Last modified 15 September 1998, 19:12 BST