Envoyer Imprimer Réagir Politique / Social - Économie - Article paru
le 4 novembre 2000
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Le mythe de la " trappe à inactivité "

Lorsque les économistes libéraux s’intéressent aux chômeurs, c’est pour les mettre en garde contre le principal danger qui les guetterait : celui de tomber dans une " trappe à inactivité ". En termes clairs, les demandeurs d’emploi qui touchent diverses prestations sociales, s’en tiendraient au simple calcul de leur gain matériel immédiat, avant de rechercher ou accepter un emploi. Et la différence entre le salaire proposé et les allocations serait, dans de nombreux cas, trop faible pour être " incitative ". Les chômeurs, tant qu’à faire, préféreraient donc " rester chez eux à rien faire ".

Participant au colloque sur le thème des " working poor " organisé par l’université d’Évry le 27 octobre, la sociologue Yolande Benarrosh remet en cause cette notion de " trappe à inactivité " qui, outre le fait qu’elle stigmatise des chômeurs ainsi qualifiés de " volontaires ", peut aussi servir de justification à une limitation ou même à un abaissement des minima sociaux. " La conception libérale repose sur le postulat selon lequel les chômeurs calculent rationnellement où est leur intérêt. Sous-jacente, l’idée moralisatrice que l’homme serait naturellement porté au non-travail. " Or, les entretiens approfondis de la sociologue avec une quarantaine de chômeurs de Paris et Toulouse révèlent un rapport au travail loin d’être limité au seul intérêt financier. " Une minorité d’entre eux raisonne en fonction d’un gain immédiat. " Un constat confirmé par le phénomène même de pauvreté laborieuse : parmi les 1,3 million de working poor en France, " plusieurs centaines de milliers de salariés occupent des emplois pour des salaires inférieurs aux revenus d’assistance dont ils pourraient bénéficier s’ils ne travaillaient pas, écrivait en juin Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’université d’Évry. Un tiers des bénéficiaires du RMI qui reprennent un emploi n’y ont pas intérêt ". Outre le statut social lié au travail, la reprise d’un tel emploi à faible salaire (contrat aidé par l’État, à temps partiel, ou CDD) s’explique aussi parce que le chômeur espère qu’il débouchera sur " un vrai travail ", un emploi stable.

En fait, sauf à vouloir les culpabiliser, le comportement des chômeurs face à l’emploi ne peut être considéré indépendamment de l’état du marché du travail, de la nature des emplois proposés. Plus que le calcul du gain financier immédiat, c’est le refus d’une situation professionnelle instable qui motive parfois le rejet d’un emploi : Yolande Benarrosh souligne que " dans des secteurs où la précarité domine, comme la distribution ou la restauration, certains jeunes n’ont jamais connu la stabilité, ils ont enchaîné les petits boulots avec l’espoir qu’ils se transforment en emplois fixes. Certains, avec le temps, se rendent compte qu’ils sont enfermés dans cette trappe à précarité. Très révoltés contre les pratiques des employeurs, qui recourent aux CDD ou embauchent en CDI mais le rompent après la période d’essai, certains jeunes décident parfois de ne plus accepter de travail précaire, et ne misent plus que sur le CDI, seul capable de leur apporter une stabilité. "

À cet égard, toutes les formes de lutte contre la pauvreté laborieuse ne sont pas forcément bonnes à prendre. Roger Godino, membre de la Fondation Saint-Simon, proposait récemment la mise en place d’une allocation compensatrice de revenus, accordée de façon permanente à tous les travailleurs dont le niveau de vie est inférieur au SMIC. Généreuse en apparence, l’idée risque pourtant d’entériner l’existence d’emplois ne permettant pas de vivre, et de renforcer une précarité que les pouvoirs publics devraient au contraire pénaliser ou rendre illégale.

Fanny Doumayrou

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