Imprimer Fermer Politique - Article paru le 7 janvier 1999

La tête de liste des Verts s’affiche

Cohn-Bendit : "Je suis un libéral-libertaire"

Il séduit parfois, irrite souvent. Sa faconde naturelle ne doit pas camoufler ses pensées profondes. Pas si modernes et progressistes que l’on veut bien le faire croire.

DANIEL COHN-BENDIT, tête de liste des Verts aux élections européennes de juin prochain, séduit parfois, irrite souvent. Le droit nous sera-t-il accordé de le contester, un peu à sa manière, toujours impertinente ? DCB, véritable "trublion", doté d’un "solide bon sens" et "décoiffant", selon Laurent Joffrin dans "Libération", serait-il victime d’un "procès en sorcellerie" ? A voir la place que lui accordent ce journal et la plupart des médias, Cohn-Bendit peut s’endormir rassuré : il ne montera pas sur le bûcher, à moins de le souhaiter.

Dany provoque d’abord la sympathie : contact direct, sens de la formule, bon sens. L’homme respire la convivialité, l’intelligence. Il se révèle aussi expert calculateur. Les journalistes à la recherche du bon mot qui fait vendre, il connaît. La meilleure manière d’accrocher une caméra, il en use. Son art de débarquer, notamment au Parlement européen, dans n’importe quelle réunion pour y passer comme un éclair, il le maîtrise, le temps du flash d’un photographe. Daniel Cohn-Bendit ne dérange pas, il s’impose à la manière Tapie en 1994, avec micros et caméras assurés. Dany n’est ni affairiste ni corrupteur : il est lui, sûr de son prestige, sûr de ses affirmations, sûr de ses démonstrations, à un point tel que, lorsque la contradiction l’emporte, il se fâche ou ricane. Cohn-Bendit est plus fragile que l’on croit. Il suffit pour cela de lui asséner quelques vérités.

Dany, jeune ? Il traîne derrière lui trente ans de vie publique. Dany, rempart aux politiciens de profession ? Ses années de gestion de la ville de Francfort et de mandat au Parlement de Strasbourg en font presque un retraité de la fonction élective. Dany, martyr ? Le Jésus-Christ Vert se porte admirablement bien et attend, ou plutôt espère, recevoir les coups les plus vaches. "C’est tout bon pour mon électorat potentiel", confie-t-il en catimini aux oreilles attentives de Strasbourg. Mais quelles sont les idées, formule 1999 et pré-européennes, de Dany, ex-rouge devenu aujourd’hui "libéral-libertaire" ? La tête de liste des Verts a confié hier ses pensées profondes à "Libération", un journal devenu, semble-t-il, son principal support électoral.

DANY REVENDIQUE. "Voilà le cadre dans lequel j’installe ma réflexion politique : un réformisme écologico-social lié à une tradition libertaire qui est effectivement non étatique. Je revendique l’accusation d’être un libéral-libertaire."

DANY ET LES SERVICES PUBLICS. "En France, on dit service public ; au niveau européen, on dit entreprise d’intérêt général. Ça montre exactement l’évolution. Dans toute la stratégie des services publics, c’est le savoir-faire qui manque. Y compris le savoir-faire des syndicats."

DANY ET 1995. "Le mouvement de 1995 a vu deux logiques s’affronter : une gauche traditionnelle, derrière le mouvement ; et l’autre réformiste, qui disait : on ne peut pas continuer comme ça. Est-ce qu’il est raisonnable pour une société d’accepter la retraite à cinquante-cinq ans pour les employés de la SNCF" ? DCB entre ainsi en opposition avec la position de Dominique Voynet, qui, au nom des Verts, déclarait en décembre 1995 : "Nous avons vécu avec ce mouvement un conflit de classe. L’appel de soutien à Nicole Notat passe à côté de ce conflit : nous ne sommes pas du côté de ces gens-là."

DANY ET LA FLEXIBILITE. "Une flexibilité contrôlée et négociée peut apporter aussi bien aux salariés qu’aux entreprises."

DANY ET LES FONDS DE PENSION. "Les familles doivent choisir entre un livret d’épargne bien rempli ou du travail pour leurs enfants."

DANY ET LES RETRAITES. "Je suis d’accord pour travailler jusqu’à soixante-cinq ans, si on commence à travailler à mi-temps à partir de cinquante-cinq ans. Une préretraite active de cinquante-cinq ans à soixante-dix ans, allant crescendo."

Daniel Cohn-Bendit est entré en campagne électorale active. Entré seulement, car le bougre dispose d’autres cartouches dans sa besace. Il conviendrait toutefois que sa faconde naturelle ne camoufle pas ses pensées profondes. Elles ne sont pas si modernes et si progressistes que le rouquin veut bien le faire croire.

JOSE FORT