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mercredi 15 juin 2005
 
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« LE GUERRIER DU VERBE »

Catalyseur de l’occupation de l’île d’Alcatraz et ancien président de l’American Indian Movement le chanteur John Trudell utilise la langue de l’oppresseur avec puissance

IL y a quelque chose de fascinant dans le regard de John Trudell. Non pas une dureté, comme il l’a été parfois écrit. Mais une force immense de résistance. Une force sans laquelle il n’aurait pas survécu. Né en 1946 à Omaha, dans le Nebraska, d’un père santiee (amérindien) et d’une mère originaire du Mexique, il a grandi dans une réserve, jusqu’à l’âge de six ans. La vie lui a souvent donné rendez-vous avec la mort. Quand il a six ans d’abord : sa mère décède d’un cancer. Ensuite, en 1979, douze heures après qu’il a brûlé le drapeau américain lors d’une manifestation en face du siège du FBI à Washington, les représailles ne se font pas attendre. Sa femme Tina, ses trois enfants et sa belle-mère périssent horriblement, dans un incendie qui détruit sa demeure.

En 1988, son ami, le compositeur Jesse Ed Davis, qui a collaboré avec les plus grands (Bob Dylan, les Beatles, Jackson Browne...), trépasse à son tour. Et puis il y a tous ses copains, connus ou non, qui se battent comme lui pour la dignité de leur peuple et que la mort fauche. Lorsqu’au cours de notre interview je me hasarde à lui demander si la mort l’épouvante, il répond sereinement : « Non, je la connais. Je ne comprends pas comment une personne cohérente peut la craindre. Dès la naissance, nous faisons partie de la réalité naturelle, que nous allons quitter. Comment peut-on être effrayé par un processus naturel ? Pour moi, cela n’a pas de sens. »

Il observe l’Occident d’un oeil de lynx. Calme et implacable, mais sans racisme aucun. « Dans la civilisation occidentale, les gens pensent qu’ils sont une nationalité, une citoyenneté, une religion... Ils sont davantage que ça. En fait, ils ne savent pas qui ils sont. Ils ignorent leur lien avec la terre. C’est pourquoi ils ont peur. Peur de parler, peur de communiquer, peur de mourir. Si vous redoutez la mort, vous redoutez aussi la vie. Telle est la réalité, un voyage continuel. »

John Trudell a joué un rôle décisif dans l’occupation de l’île d’Alcatraz (au large de San Francisco), de 1969 à 1971. Ce mouvement, soutenu par les Black Panthers notamment, a courageusement résisté au blocus organisé par le gouvernement américain, mais s’est soldé par une expulsion extrêmement violente. De 1973 à 1981, John a été président national de l’American Indian Movement (AIM). Pour autant, il ne se considère pas comme un activiste. « Il y a plein de mots que je n’emploie pas. Comme « combat », « activiste »... Je ne lutte pas pour quoi que ce soit. Je dis ce qui est réel pour moi. L’occupation d’Alcatraz a impliqué une certaine forme de lutte. Mais le combat est une agression hostile contre l’autre, et je n’estime pas agir ainsi. Je parle simplement de mes vérités. Je ne suis pas un activiste, mais un participant à la vie. Par moments, j’ai pris part à ce qu’on appelle du militantisme ; d’autres fois, à l’art et à la culture. »

Après le décès de Tina, il a plongé dans l’écriture comme dans un océan miraculeux de mémoire et de survivance. Elle écrivait des poèmes, une expression qu’il n’aime pas appliquer pour lui-même. Il préfère parler « des phrases qu’elle lui communique ». Pour nous, cette « langue de l’oppresseur », dont il use avec une puissance sobre, relève de la poésie. Dans son album « Aka Graffiti Man » (Rykodisc / Blue Silver), une compilation de titres conçus entre 1985 et 1991, on retrouve nombre de chansons composées par / ou avec son ami disparu, Jesse Ed Davis. Au fil d’autres plages, la musique est signée par Mark Shark, guitariste du groupe. Sur ces notes chaleureuses, enracinées en terre indienne, mais portées par des guitares électriques et une énergie rock, se posent le chant presque parlé, grave et lancinant, de John et, quelquefois, la voix de Kris Kristofferson, figure du country. Bob Dylan, fervent admirateur, a désigné ce disque comme « le meilleur de l’année 86 ».

Les mots de Trudell éclatent comme autant de bombes précises. Dans « Rich Man’s War » sont évoqués « le pauvre qui meurt pour la nourriture, la terre et la paix, la guerre du riche qui attaque l’être humain, la planète et le lendemain ». Dans « Bombs over Baghdad », Bush est qualifié de « Queen George ». « J’ai écrit ce morceau le jour où ont commencé les bombardements, nous explique John. Bien que beaucoup d’Américains aient été opposés à la guerre du Golfe, les autorités l’ont commise. Les médias ont fait la promotion de ceux qui soutenaient ce conflit et ont ignoré les pacifistes. Ils sont, pour la plupart, à la solde des dirigeants. La presse est utilisée pour censurer les idées du peuple, en manipulant les infos qu’elle lui fournit. C’est évident, partout. Le gouvernement américain s’est engagé dans une folie destructrice au Moyen-Orient, au nom d’une prétendue moralité, alors qu’il était guidé par un total matérialisme, par des intérêts économiques et stratégiques. De nombreux autres chefs d’Etat lui ont emboîté le pas ».

Dans « Rocking the Res », le terme res est le diminutif de réserve. « Je raconte que le monde dit civilisé est une réserve. Une gigantesque réserve, dans laquelle les vies humaines sont contrôlées par ceux qui détiennent le pouvoir, poursuit-il. Il n’y a de progrès pour personne. Les peuples indigènes de l’hémisphère ouest ont été conduits au bord de l’extinction et y sont maintenus. La situation est désastreuse pour tous, Indiens ou non. J’estime même que les travailleurs affrontent une condition encore pire que nous. Car ils ignorent ce qui les attend. Au moins nous savons qui nous sommes et ce à quoi nous appartenons. Dans la société industrielle, chaque individu est un esclave. Celui qui s’imagine un citoyen libre est peut-être le plus opprimé de la planète. Son usine lui tient lieu de réserve. Il obéit aux ordres de son patron ».

John Trudell donnera le coup d’envoi de la Fête de l’Huma, vendredi soir, sur la scène centrale. Ce n’est pas un cri de guerre qu’il lancera. Un cri de révolte et de liberté, oui. Et surtout un chant d’humanité.

et traduits par Fara C.

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CD « Aka Grafitti Man » Rykodisc / Blue Silver.

Propos recueillis.

Article paru dans l'édition du 31 juillet 1992.

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