background image

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Juin 2006

 

 

Les réserves de pétrole 

Où en est-on ? 

 

 

 

La transition énergétique : préparer aujourd'hui les changements futurs 

 

La question des réserves et de la date des pics pétrolier et gazier fait l'objet de nombreux 
débats. L'IFP s'y associe naturellement en apportant son expertise. Mais, pour l'Institut, la 
problématique du pic n'est qu'une dimension des défis énergétiques de demain. Au delà du 
débat d'experts, dont les évaluations sur le pic divergent à 10 ou 15 ans près, c'est la maîtrise 
de la période de transition qui constitue l'enjeu majeur pour les années à venir. 
 
Croissance de la demande mondiale, raréfaction progressive du pétrole et du gaz, difficile 
substitution massive et rapide du pétrole dans les transports et la pétrochimie, contraintes 
environnementales liées en particulier au risque de changement climatique vont façonner le 
paysage énergétique de demain. 
 
Dans ce contexte et, pour éviter de fortes tensions politiques et économiques, il est essentiel 
de préparer, dès à présent,  la transition énergétique. Il s'agit d'assurer la disponibilité du 
pétrole le plus longtemps possible, pour les usages où il est irremplaçable aujourd'hui, tout en 
accélérant le développement des énergies alternatives.  
 
L'IFP s'est engagé dans cette voie  en développant des technologies qui permettront 
d'optimiser l'utilisation des hydrocarbures tout en mettant au point de nouvelles solutions 
destinées à prendre progressivement le relais.

 

 
 

 
Ci-dessous, les extraits d'un débat sur les pics pétrolier et gazier qui s'est tenu à l'IFP, le 11 
mai dernier. 
 

Une problématique différente à court, moyen ou long terme 

 
Olivier Appert, Président de l'IFP, prévient que le sujet divise, "

très lointain pour certains, très 

actuel pour d'autres". 

Il rappelle également que la prévision est un art difficile, et en cite pour 

exemple les prédictions du Club de Rome, reprises plus tard par BP, qui annonçaient avant le 
premier choc pétrolier de 1973 un pic de production mondiale en 1985, alors que la production 
n'a cessé d'augmenter depuis grâce aux progrès techniques. L'incertitude sur la date du pic et 
sa forme fait encore aujourd'hui l'objet d'âpres débats, notamment parce qu'elle dépend de 
données elles-mêmes incertaines à savoir les progrès à venir dans le domaine de l'extraction 
du pétrole, la découverte de nouveaux gisements et la croissance de la consommation 
pétrolière. Plus problématique à court terme est la faiblesse des investissements en faveur de 
l'exploration, du transport, et de la production de pétrole et de gaz. En conséquence, il n'y a 
plus assez de marge de manÅ“uvre pour faire face à une éventuelle rupture 
d'approvisionnement. Reprenant l'analyse d'André Giraud, ancien ministre de l'Industrie, selon 
laquelle un choc pétrolier naît de la tension des approvisionnements et d'une crise politique au 
Moyen-Orient, Olivier Appert évoque le blocage potentiel de la situation entre l'Iran et les pays 
occidentaux avec trois millions de barils iraniens qui risqueraient de sortir du marché : "

On se 

retrouverait alors dans les conditions d'un choc et même d'un pic pétrolier.

" Pour le Président 

de l'IFP, l'âge du pétrole pourrait donc connaître le début de son déclin non par manque de 
réserves mais par manque d'investissements et pour des raisons géopolitiques.  

 

background image

 
 
Les réserves, une notion technico-économique complexe 

 

Ceci étant, l'extraction de pétrole et de gaz ne pourra pas continuer indéfiniment, puisqu'il 
s'agit de ressources fossiles en quantités limitées à l'échelle de notre planète. Combien en 
reste-t-il ? Quand se situera ce fameux pic à partir duquel la production commencera à 
décroître ? Yves Mathieu, ingénieur de recherche à l'IFP, tente de répondre à ces questions 
qu'il juge lui aussi très complexes.  
Pour clarifier le débat, il rappelle la différence entre les notions de réserves et de ressources. 
Les ressources ultimes représentent ce que la nature nous a laissé en héritage, soit 10 000 à 
12 000 milliards de barils. Les ressources extractibles constituent la partie que l'on est capable 
d'extraire physiquement, soit de l'ordre de 60 % des ressources ultimes (6 000 à 7200 milliards 
de barils). Les réserves prouvées, elles, correspondent aux volumes d'hydrocarbures contenus 
dans les gisements en production et en développement que l'on est capable d'extraire aux 
conditions techniques et économiques du moment, soit de l'ordre de 1 000 milliards de barils. 
Reste une dernière catégorie qu'Yves Mathieu nomme les pétroles "haute technologie" et qui 
regroupe toute une série de  pétroles. Les pétroles situés dans les gisements restant encore à 
découvrir, les pétroles qui pourraient être extraits grâce à des technologies de récupération 
assistée 

(1) 

ainsi que les pétroles non conventionnels (bruts lourds, extra lourds, sables 

asphaltiques, schistes bitumineux).  
Les chiffres des réserves réelles des différents pays producteurs sont difficiles à établir car 
certains ne prennent en compte que les réserves prouvées alors que d'autres comptabilisent 
aussi les réserves probables ou possibles 

(2)

. Mais si l'on se réfère à la publication la plus 

connue, BP Statistical Review, l'évaluation des réserves prouvées mondiales serait de 1 200 
milliards de barils, correspondant à 41 années de consommation actuelle. Les autres 
organismes collecteurs de données les situent entre 1 050 et près de 1 260 milliards de barils  
suivant la prise en compte ou non des réserves d'huiles extra lourdes canadiennes et, celle - 
partielle à totale - des réévaluations effectuées par un certain nombre de pays de l'OPEP suite 
à la mise en place des quotas d'exportation au cours des années 1980. Après analyse et 
recoupement des informations disponibles, Yves Mathieu les situerait entre 1 070 et 1 250 
milliards de barils suivant que l'on intègre ou non les pétroles extra lourds du Canada. Ces 
chiffres, qui ne représentent que les volumes contenus dans les gisements découverts ou en 
cours de production, pourraient augmenter grâce à la mise en développement des 
découvertes futures et aux innovations technologiques qui permettront de faire passer des 
ressources en réserves additionnelles. Quoiqu'il en soit, le renouvellement des réserves n'est 
plus assuré depuis les années quatre-vingt ce qui sous entend l'arrivée prochaine d'un déclin 
de la production.  
Si 60 % des réserves prouvées de pétrole conventionnel se trouvent au Moyen Orient, cette 
part n'est plus que de 45 % si l'on intègre les réserves connues et estimées actuellement 
récupérables de pétroles lourds et extra lourds situées en Amérique du Nord et au Venezuela. 
La moitié des réserves mondiales sont aux mains de quatre pays (Arabie Saoudite, Iran, Irak 
et Venezuela), tous membres de l'OPEP qui disposerait de 65 à 70 % des réserves pétrolières 
mondiales. Le Canada, la Russie et le Mexique sont les trois plus importants détenteurs de 
réserves pétrolières en dehors de l'OPEP. 

 

Pour le gaz

, le chiffre des réserves mondiales prouvées augmente sans cesse. Elles sont 

estimées aujourd'hui à 180 000 milliards de mètres cube, soit 66 ans de consommation au 
rythme actuel. Ces richesses se trouvent, ici encore, essentiellement au Moyen-Orient (40%) 
et dans la CEI (31%). Environ 50 % des réserves mondiales sont détenues par trois pays 
(Russie, Iran et Qatar). Les pays de l'OPEP disposeraient de la moitié des réserves mondiales.

 

 
 

"Un plateau de production plutôt qu'un pic" 

 
La date du pic de production ne fait pas non plus l'unanimité : prévu entre 2010 et 2020 par les 
membres du club de l'ASPO (Association for the study of Peak Oil and Gas), il est envisagé au 
plus tôt pour 2024 par l'USGS (United Sates Geological Survey). Pour Yves Mathieu, un pic de 
production technique lié aux manques d'équipements pourrait se produire entre 2006 et 2009, 
situation qui pourrait être repoussée vers 2028, date du déclin géologique, en utilisant plus de 
pétroles haute technologie. Pour cet expert, il  n'y aura pas vraiment de pic mais plutôt un 

background image

plateau de production survenant entre 2010 et 2028 au plus tard. Selon lui, la production ne 
devrait pas dépasser les 100 millions de barils jour contre les 85 actuels. On pourrait encore 
extraire de l'ordre de 50 millions de barils par jour en 2050, mais ces hydrocarbures 
proviendront essentiellement des pétroles dits de haute technologie.  
 S'agissant du pic de production gazier, les différents experts s'accordent à peu près sur les 
mêmes dates. Avec une croissance annuelle mondiale de la demande de

 

2 %, il sera atteint 

en 2025, et en 2020 avec une croissance de 3 %. Mais le gaz offre encore des perspectives 
prometteuses en exploration qui pourraient éloigner le pic jusqu'à 2035. Et en admettant que 
l'on réussisse la prouesse technologique et économique d'exploiter les gisements d'hydrates 
de méthane et les gaz conventionnels situés au-dessous de ces formations, on pourrait même 
dépasser 2050.  
Mais de toutes les façons, qu'il s'agisse de gaz ou de pétrole, pour assurer une transition 
énergétique mondiale la plus sereine possible, il nous faut maintenir la production au plus haut 
niveau le plus longtemps possible pour permettre aux énergies de substitution de se 
développer progressivement. Il nous faut donc investir sans tarder dans les équipements et 
l'innovation technologique 

(3)

, sachant qu'il faut cinq à dix ans pour passer de la recherche d'un 

gisement à son exploitation et tout autant pour concevoir, développer et utiliser des procédés 
plus performants. 

 

En conclusion, Olivier Appert souligne  que,  dans la période de transition qui s'annonce et 
quelle que soit la date réelle du plateau de production, il va falloir mettre en oeuvre dès à 
présent une diversification du bouquet énergétique, à savoir continuer de chercher et exploiter 
du pétrole pour une utilisation durable dans les transports où il n'est pas substituable de façon 
rapide et massive tout en accélérant le développement des énergies renouvelables et en 
mettant en place des politiques d'efficacité et de maîtrise énergétiques. C'est ce qu'il appelle la 
transition énergétique maîtrisée. 
 
 
 
 

Notes 

(1) Près de 40 % des réserves sont exploitées de manière primaire par simple pompage, 
moins de 60 % sont exploitées en injectant de l'eau ou du gaz (production secondaire), et 
seulement 2 % utilisent des méthodes de récupération assistée tertiaire. Suivant ces types de 
production les taux de récupération varient de moins de 10 % à plus de 70 %. Le taux moyen 
mondial de récupération des gisements actuellement en production est estimé à 35 %. 
(2) On distingue trois types de réserves. Les quantités de pétrole qui ont une probabilité de 
récupération supérieure ou égale à 90 % grâce aux techniques actuelles et dans des 
conditions économiques courantes sont dites "1P" ou "réserves prouvées". Les quantités de 
pétrole plus importantes dont la probabilité de récupération n'est que de 50 % sont les 
"réserves probables" ou 2P. Enfin, quand la probabilité de récupération dans un gisement 
descend à 10  %, on parle alors de "réserves possibles" 3P.  
(3) Les investissements par baril potentiel (restant à produire et à découvrir) sont de l'ordre de 
20 cents (US$) en Amérique du Nord, 45 en Mer du Nord, mais seulement de 10 en Russie et 
de 5 au Moyen Orient alors que les potentialités y sont nettement plus élevées. 
 (4) Les principaux moteurs du changement sont la démographie, le vieillissement de la 
population et la réduction de la taille des ménages. Les estimations actuelles misent sur une 
progression de 35 % de la population mondiale avec un plateau de 8 milliards d'habitants 
autour de 2050. Un tiers de la population aura alors plus de 50 ans  - la moitié en 2100. La 
structure des ménages va également évoluer : plus de la moitié sera constituée de une ou 
deux personnes.  
 

 
 
 

Pour plus d'information consultez

 : 

>> 

http://decouverte.ifp.fr