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Fiche 11 - Avril 1996

Transfert de l'apomixie au maïs par hybridation : Les chercheurs approchent du but

Des chercheurs de l'IRD travaillant au sein du Centre international d'amélioration du maïs et du blé (Cimmyt) à Mexico viennent de franchir une étape importante dans le transfert de l'apomixie au maïs par hybridation.

L'apomixie est une particularité génétique très précieuse que possèdent certaines plantes sauvages - celle de produire des graines sans fécondation et sans méïose (c'est-à-dire sans recombinaison génétique des cellules issues de la reproduction) - permettant ainsi d'avoir des descendances qui sont des copies conformes de la plante mère. Le transfert de l'apomixie au maïs serait profitable à la culture de cette céréale. En effet, il est difficile de maintenir la productivité d'un champ de maïs année après année parce que ces graminées sont allogames, autrement dit elles sont fécondées par du pollen étranger, parfois venu de très loin transporté par le vent et issu d'autres maïs qui peuvent ne pas posséder les mêmes caractéristiques, en termes de productivité ou de résistance aux maladies par exemple. De ce fait, à chaque nouveau semis, les agriculteurs sont obligés de racheter des semences sélectionnées, sous peine de voir la production de leurs champs diminuer. La création d'un maïs apomictique apparaîtrait particulièrement utile pour les pays en développement où les agriculteurs ont rarement les moyens d'acheter ces nouvelles semences.

Depuis 1991, les chercheurs de l'IRD tentent de transférer l'apomixie au maïs par hybridation de cette graminée avec une plante sauvage apomictique qui lui est apparentée,Tripsacum dactyloides. Leur objectif est d'obtenir au terme d'une série de croisements une variété débarrassée des 72 chromosomes deTripsacum et possédant, en revanche, les 20 chromosomes du maïs dont l'un porteur du contrôle génétique de l'apomixie. Le transfert a été amorcé de façon classique : le gamète femelle d'un maïs a tout d'abord été fécondé par du pollen deTripsacum. Les chercheurs ont ensuite effectué une série de recroisements des différentes générations d'hybrides apomictiques obtenus en les fécondant avec du pollen de maïs de façon à progressivement éliminer les caractères de la plante sauvage et ne garder que celui de l'apomixie associé aux 20 chromosomes du maïs.

Obtenir un maïs porteur du seul gène de l'apomixie peut cependant sembler une gageure. En effet, il apparaît impossible a priori de modifier le patrimoine génétique de descendances de plantes apomictiques puisque celles-ci, se caractérisant par une reproduction asexuée, ne pourront donner naissance qu'à des copies parfaites d'elles-mêmes.

Débarrasser progressivement les descendances d'hybrides apomictiques des chromosomes deTripsacum est cependant un défi qu'ont relevé les chercheurs de l'IRD. En effet, selon les générations d'hybrides, de 0,2 à 3% des plants obtenus n'étaient pas identiques à la plante mère : ils avaient perdu quelques chromosomes de la graminée sauvage tout en conservant le gène de l'apomixie. Profitant de ce "dysfonctionnement" de l'apomixie - celle-ci ne fonctionne jamais à 100% dans la nature - , les chercheurs utilisent ces "hors-types" apomictiques pour effectuer de nouveaux recroisements.

La faible part des hybrides "hors-types" nécessite le criblage d'une très grande quantité de plants pour avoir la probabilité suffisante d'obtenir ceux qui seront utilisables. Le recours récent à la technique de quantification de l'ADN - la cytofluométrie en flux - permet cependant aux chercheurs de déterminer beaucoup plus rapidement qu'auparavant le nombre de chromosomes dont sont dotées les plantes à un stade très jeune de leur développement. Grâce à cet outil, il a été possible de cribler soixante-dix mille plants depuis 1991.

A la quatrième génération, l'équipe de l'IRD au Cimmyt s'est cependant heurtée à un mur : les différents hybrides obtenus, ayant perdu certains des chromosomes de la graminée sauvage, ne possédaient plus le gène de l'apomixie et étaient stériles. Poursuivant leurs analyses sur cinquante-quatre mille plantes de la quatrième génération, les chercheurs ont récemment identifié deux hybrides apomictiques, de dix-huit à vingt chromosomes du maïs et de quinze de Tripsacum. Morphologiquement, les deux plantes apomictiques présentent relativement peu de ressemblances avec leTripsacum. Alors que la graminée sauvage est une plante pérenne à plusieurs tiges et dont l'inflorescence possède une unique rangée de grains, ces hybrides sont annuels et ont une seule tige qui porte des épis à huit rangées de grains. Ce sont ces plants qui seront utilisés pour créer de nouvelles descendances conduisant à terme à l'obtention d'un maïs apomictique.

Pour l'heure, les chercheurs ont acquis une certitude importante : les hybrides peuvent perdre de nombreux chromosomes de la plante sauvage apomictique tout en conservant le gène qui détermine la reproduction asexuée. Il leur semble alors raisonnable de penser que deux nouveaux croisements - soit deux à trois années de recherche - seraient nécessaires pour obtenir une plante possédant les vingt chromosomes du maïs et le gène de l'apomixie.


POUR EN SAVOIR PLUS

Contacter
Yves Savidan
IRD/Centre d'Amélioration du maïs et du blé
tél. (19) 52 5 726 1386; fax. (19) 52 5 726 7558
courriel : ysavidan@alphac.cimmyt.mx

Bibliographie
Y. Savidan, « Les promesses de l'apomixie», IRD Actualités, n°48, 1995
Helen Gillman, The Small Farmers' Friend, CERES/FAO, 1994.

Indigo Base
Claire Lissalde - uniquement pour l'obtention d'images
Tél. : 01 48 03 78 99 - courriel : lissalde@paris.ird.fr