...Une Escale à L’Ere Carolingienne


Le Monastère fut construit en 764 par le comte Cancor et sa mère Willswinda. Propriété de cette famille très influente de l’aristocratie des francs, il bénéficia de la protection de Chrodegang, archevêque de Metz et parent du comte Cancor. Chrodegang en tant que premier abbé, fondit le monastère avec seize moines bénédictins. En 765, les précieuses reliques de saint Nazaire y furent transportées. Dès lors le renom du monastère se ré-pandit et de nombreux dons affluèrent. En 765, son frère Gundeland, lui succéda. La communauté des moines s’agrandit alors rapidement, le contraignant à transférer le monastère de son lieu d’origine à une dune à proximité. En 772, Gundeland offrit le monastère à Charlemagne, et réussit à gagner le privilège de son immunité ainsi que celui de choisir librement l’abbé.

Lorsch devint alors propriété royale, ce qui signifiait que désormais le monastère devait servir le roi par des corvées et des impôts. Les moines devaient d’autre part effectuer un service militaire pour pouvoir défendre le royaume en temps de guerre. Ces impôts annuels étaient une source essentielle de revenus pour le roi, les monastères constituant des vastes ensembles économiques. Ainsi Lorsch, grâce aux dons qu’elle recevait, possédait des milliers de domaines, dispersés d’une région allant du nord des Pays-Bas jusqu’au sud de la Suisse.

 

Vue sud du monastère de Lorsch (1615)


IUn territoire immense à l’origine de la puissance économique, politique et culturelle du monastère. En effet, outre son importance économique majeur, le monastère était un haut lieu de la culture, et le seul pôle de transmission du savoir. On y enseignait la grammaire, la rhétorique, la dialectique, la géométrie, la musique, l’astronomie et bien évidement la théologie, car il s’agissait en fait de parvenir à une meilleure compréhension de la Bible et des pères fondateurs de l’Eglise.

HISTOIRE


Les monastères ont ainsi rassemblés une extraordinaire quantité de documents, manuscrits, livres et il est très probable que sans cette mesure de nombreuses oeuvres de cette époque auraient été perdues. La bibliothèque du monastère comptait alors plus de 300 livres et précieux manuscrits, aujourd’hui dispersés dans différents musées et bibliothèques d’Europe et des Etats Unis. L’ histoire de la bibliothèque de Lorsch reflète l’histoire du monastère.

Son apogée se situe au début du neuvième siècle, puis son importance diminua progressive-ment jusqu’à la fermeture complète au début du 13ème siècle, en con-séquence de la Réforme en 1556. Les bâtiments principaux disparurent, la population ayant besoin des pierres et des briques pour construire leur maison. Seules une partie de l’ancienne église et la “Königshalle“ survécurent. La “Königshalle“ et les ruines de l’ancienne église de Lorsch comptent en Europe parmi les plus importants monuments de l’architecture du haut Moyen Âge. Classées depuis 1991, parmi les 417 sites historiques que recensent les Nations Unies à travers le monde, elles bénéficient aujourd’hui d’une protection particulière. Il y’a plus de mille ans, elles faisaient partie intégrante d’un grand ensemble architectural de plus de 170 mètres de long. Ainsi de la “Königshalle“, un large chemin longé par deux allées couver-tes menait à l’église entourée elle-même d’une chapelle funéraire et d’un cloître.

 

Timbre poste de la "Königshalle"

LA “KÖNIGSHALLE“

L'Evangeliaire de Lorsch (vers 810)


La “Königshalle“ (salle du roi) est un magnifique monument du neuvième siècle. Très caractéristique de l’art carolingien, on y retrouve différents styles architecturaux, romans, byzantins et germaniques. Le terme de “Königshalle“ n’est d’ailleurs pas approprié, car aucune source écrite ou inscription ne nous informent sur la fonction de ce bâtiment. Nous pouvons seulement dire qu’il ne constituait pas l’entrée principale du monastère. Il est presque certain aujourd’hui qu’il n’a pas été construit, comme on l’a longtemps cru, sous Charlemagne , mais cent ans plus tard, à l’époque de Louis le Germanique, dont le petit-fils mort en 876 est enterré à Lorsch.

De nombreuses hypothèses ont été émises sur les éventuelles fonctions de ce bâtiment. Certains pensent qu’il pourrait s’agir d’une sorte d’arc de triomphe du Haut Moyen Âge, d’autres pensent qu’il s’agit de l’ancienne bibliothèque du monastère ou encore d’un hall d’entrée pour le roi. Cepenant aucune de ces solutions n’est convaincante et la fonction du monument demeure mystérieuse. A l’origine le faîte du bâtiment était bien plus bas, c’est à l’époque gothique que le pignon a été construit de manière aussi abrupte. A l’intérieur de la “Königshalle“ cinq couches de peintures ont été découvertes lors des travaux de restauration.

La première couche est un ensemble de lettres, qui ont été peintes furtivement après la construction et le crépissage du mur. La signification de ces lettres reste encore inconnue. Il pourrait s’agir d’un fragment d’une prière destinée à être recouverte par la dernière couche de plâtre. Il est possible de la dater entre 830 et 880 environ. La deuxième couche date aussi de l’époque carolingienne. Il s’agit d’une décoration architecturale composée de colonnes avec leurs chapiteaux ioniques. Elle rappelle les peintures antiques mais aussi les décorations de la façade extérieur de la “Königshalle“.

 

extrait de la pharmacopèe de Lorsch, ècrit au scriptorium du monastère vers 795


Quatre siècle plus tard à l’époque romane une nouvelle couche, a été peinte. Il s’agirait ici d’un personnage auréolé et vêtu de draperies. La quatrième couche date quant à elle de la fin de l’époque gothique et représente une chorale d’anges chantant des louanges à Marie. Enfin la dernière couche fut réalisé à la fin du 17ème siècle. Malheureusement le peintre a fait des trous dans le mur afin de fixer la dernière couche, qui a été effacée il y’a 60 ans. Entre la fin du 17ème siècle et les années 1930, l’étage supérieur n’existait pas. La „Königshalle“ ne formait qu’une seule pièce. Les trois arcs à l’ouest étaient fermés par des murs. Devant l’arc central se trouvait un autel, lié au mur de cette zone. Dans les années trente, les constructions baroques ont été entièrement détruites afin de restituer la disposition architecturale d’origine.

LES RUINES DE L’ÉGLISE


A l’époque carolingienne, il y’ avait à cet endroit précis un petit atrium. En 1090, après un terrible incendie, l’église fut agrandie. C’est de ces mesures de l’époque romane que nous connaissons la hauteur d’origine du bâtiment carolingien, qui devait être très impressionnant.

Le sarcophage de Louis le Germanique datant de 876 est exposé dans l'eglise.

Aujourd’hui dans l’église sont entre-posés différents fragments de pierre de toutes les époques. Très souvent, nous ne savons pas exactement où et quand ces pierres ont été trouvées. De ce fait, il est assez difficile d’évaluer systématiquement les matériaux.

L’objet le plus intéressant exposé est certainement le sarcophage de Louis le Germanique, qui y aurait été enterré en 876. Ce sarcophage en pierre de grande qualité a été trouvé dans la chapelle funéraire. Il est décoré á l’intérieur par une croix et la fontaine de la vie éternelle, symbole du christianisme. On peut facilement établir un lien entre des décorations de ce sarcophage avec les peintures de la „Königshalle“ à l’étage supérieur et celles de l’extérieur sur la façade.

En admettant que ce sarcophage ait été construit autour de cette année, on peut en conclure de manière presque évidente qu’il y a aussi un lien chronologique étroit entre la chapelle funéraire, la „Königshalle“ et ce sarcophage. Suite à l’enterrement de Louis le Germanique, Lorsch est devenu un lieu d’ensevelissement des rois de la fin de l’époque carolingienne.

Ce qui souligne l’importance de Lorsch à la fin du neuvième siècle. Outre le tombeau de Louis le Germanique, nous possédons un autre sarcophage, dont la qualité n’est pas comparable au premier, mais dont le style reste cependant intéressant. D’après la légende il s’agirait du sarcophage du mari de Kriemhild, Siegfried, enterré à Lorsch après son assassinat, ce qui fut à l’origine de la tragédie des Nibelung. D’autre part nous savons qu’une magnifique mosaïque recouvrait le sol et de nombreuses autres boiseries, peintures murales ou objets de cultes décoraient l’ancienne église. Nous avons aussi trouvé quelques fragments d’une vitre de la chapelle funéraire, qui font partie des exemples les plus anciens de vitres d’Europe centrale. Ces fragments sont aujourd’hui exposés au Musée National de Darmstadt.

Plan de monastère de Lorsch


  1. Porte principale sur la face ouest
  2. Atrium
  3. Portique nord
  4. Portique sud
  5. La „Königshalle“
  6. Façade romane
  7. Porche
  8. Westwerk carolingienne
  9. Basilique
  10. Cloître
  11. Chapelle funéraire
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