En pleine progression, le syndrome métabolique est très
" tendance ". Cette association de plusieurs anomalies cliniques
et biologiques qui mettent en danger la santé - augmentant notamment
le risque de maladie cardiovasculaire et de diabète - retient l'attention
des nutritionnistes. En mars, lors du congrès Diétécom
2006, le Pr Jacques Delarue, Professeur de Nutrition au CHU de Brest, a
mis en cause l'excès de fructose dans le développement du
syndrome. Et au MEDEC 2006, ce sont en revanche les bénéfices
potentiels du lait qui ont été mis en avant par le Pr Jean-Louis
Schlienger, chef du service de médecine interne et de nutrition de
l'hôpital Hautepierre à Strasbourg
Le dossier de Nutrinews.
Les produits laitiers peuvent aider
Pr Jean-Louis Schlienger
Lors d'une table ronde du MEDEC 2006 sur le lait et les produits laitiers,
le Pr Jean- Louis Schlienger, chef du service de médecine interne
et de nutrition de l'hôpital Hautepierre à Strasbourg, a
ajouté un nouveau bénéfice santé à
une liste déjà longue : le syndrome métabolique
Obésité abdominale, hyperglycémie, tension artérielle
trop élevée, excès de triglycérides, manque
de " bon " cholestérol
Si vous cumulez au moins
trois de ces anomalies, vous avez un " syndrome métabolique
". Un pur produit de nos sociétés modernes et enrichies.
Le manque d'exercice physique, la disponibilité permanente d'une
alimentation à prix bas (ou accessibles) et à haute densité
énergétique, l'excès de poids de plus en plus précoce,
dès l'enfance
: tout concourt à installer le fameux
syndrome chez un nombre croissant de nos contemporains. Touchant environ
10 % des femmes et 17 % des hommes, il atteindrait, d'après les
études, 25 à 30 % des Français après l'âge
de 50-60 ans
Et semble en pleine progression. Principales conséquences
: l'existence d'un syndrome métabolique multiplie par dix le risque
de diabète et par deux le risque de maladie cardiovasculaire. Indiscutablement,
les anomalies qui caractérisent le syndrome augmentent le nombre
des maladies coronariennes et la mortalité qui leur est associée.
Pour lutter contre ces anomalies des traitements peuvent être nécessaires,
mais une amélioration de l'hygiène de vie est dans tous
les cas indispensable. Avec la suppression du tabac. Avec au moins 30
minutes d'exercice physique modéré par jour. Avec un effort
pour maigrir, l'objectif étant de perdre 5 à 10 % de son
poids. Avec aussi un régime alimentaire " remodelé
", plus riche en fruits et légumes, plus pauvre en produits
gras et sucrés. Et aussi vraisemblablement bien équilibré
en acides gras.
Un moindre risque de syndrome métabolique avec les laitages
La nouveauté, indique en effet le Pr Jean-Louis Schlienger, c'est
que " les laitages pourraient contribuer à lutter contre le
syndrome métabolique ". De nombreuses études d'observation
invitent aujourd'hui à creuser cette piste. Quand ils font partie
d'une alimentation équilibrée, le lait et les produits laitiers
n'augmentent pas le risque cardiovasculaire. Pas moins d'une dizaine d'études
parviennent à la conclusion que les consommateurs de produits laitiers
auraient par rapport aux faibles consommateurs un moindre risque de lésions
des coronaires et de certains accidents vasculaires ! On a observé
que le syndrome métabolique (ou tel ou tel de ses marqueurs) est
moins fréquent chez les consommateurs de produits laitiers. Une
étude montre une diminution de 40 % du syndrome chez les hommes
qui consomment au moins un produit laitier par jour. Une autre montre
une diminution de l'hyperglycémie en fonction de la consommation
de laitages. D'autres montrent une diminution du tour de taille en cas
de consommation modérée de laitages. Le syndrome métabolique
est amélioré par la consommation de fruits et de légumes,
mais cette amélioration semble majorée par le recours aux
produits laitiers
Au fil du temps, on note une diminution de l'obésité,
de la pression artérielle, des anomalies glucidiques et lipidiques
Les gros consommateurs de produits laitiers (plus de 5 par jour) ont un
risque de syndrome métabolique diminué de 72 % par rapport
aux petits consommateurs (moins de 2 produits laitiers par jour).
Une action sur le poids, les lipides, la tension, la glycémie
En fait, les laitages pourraient améliorer pratiquement un par
un tous les composants du syndrome métabolique :
- Le poids Les femmes qui consomment le moins de calcium sont
aussi celles qui risquent le plus l'obésité. Trois produits
laitiers par jour diminuent la masse grasse viscérale et accélèrent
la perte de poids. Le calcium laitier serait le bienfaiteur supposé.
Il apparaît en tout cas bien plus efficace que la " supplémentation
" en calcium par des comprimés. Peut-être parce que
d'autres composants bioactifs du lait agissent aussi
- Les lipides L'acide myristique, un acide gras spécifique
du lait améliore le rapport entre le " bon " et le "mauvais
" cholestérol. D'autres acides gras du lait aussi, par divers
mécanismes, semblent associés à un profil lipidique
favorable. Pour ce qui est des produits laitiers, estime le Pr Schlienger,
" il faut donc relativiser le rôle néfaste que l'on
attribue aux acides gras saturés ".
- La pression artérielle Le régime fruits et légumes
+ laitages est plus efficace que les régimes pauvres en sel pour
faire diminuer la pression artérielle. C'est une des études
les plus solides présentée par le Pr Schlienger qui l'établit
: les produits laitiers ajoutent leur action à celle des fruits
et légumes. Le bénéfice, là encore, pourrait
être imputé principalement au calcium du lait.
- Le diabète Il y a moins de cas de diabète chez
les gros consommateurs de laitages que chez les faibles consommateurs,
révèle une étude qui a porté sur plus de 50000
hommes de 50 à 75 ans, suivis pendant 12 ans
Dans ce travail,
les produits laitiers exercent aussi leur effet protecteur vis-à-vis
du poids et de l'hypertension.
Suivre les recommandations du PNNS
Autant d'arguments favorables qui vont dans le sens d'une relative diminution
du risque de " faire " un syndrome métabolique
Tirés d'études d'observation, ces arguments, estime le Pr
Bernard Guy-Grand (Hôtel Dieu, Paris), demandent maintenant à
être vérifiés par des études d'intervention,
où l'on analysera les effets de la consommation plus ou moins importante
de produits laitiers sur des populations sélectionnées et
comparables, avec toute la rigueur scientifique souhaitée
Le lait, en tout cas, n'aggrave pas le syndrome, et peut-être même
le diminue, car il a un effet protecteur sur chacun de ses composants.
Grâce à sa teneur en calcium, à sa composition particulière,
à ses acides gras et à ses micro-constituants spécifiques
? Grâce à un style de vie plus favorable et plus protecteur
qu'auraient les consommateurs de laitages ? Peut-être aussi, mais
les produits laitiers semblent avoir une efficacité propre. Le
Pr Schlienger conseille donc " un régime alimentaire diversifié,
pas trop énergétique, équilibré en lipides,
avec des fruits et légumes et des produits laitiers
".
Bref, conforme aux recommandations du Programme national nutrition santé
(PNNS).
Les cinq items du syndrome métabolique :
- Pression artérielle égale ou supérieure à
130/85 mmHg.
- Tour de taille supérieur à 100 cm chez l'homme et 90 cm
chez la femme.
- Taux de triglycérides égal ou supérieur à
1,5 g/l.
- Taux de cholestérol HDL (" bon " cholestérol)
inférieur à 0,4 g/l chez l'homme et à 0,50 g/l chez
la femme.
- Glycémie à jeun égale ou supérieure à
1,10 g/l.
Trois de ces anomalies suffisent pour avoir un syndrome métabolique
et être considéré " à risque"
Attention au fructose !
Pr Jacques Delarue
A Diétécom 2006, le Pr Jacques Delarue, Professeur de
nutrition au CHU de Brest, a désigné la consommation excessive
de fructose comme possible facteur de risque du syndrome métabolique
Il y a sucres et sucres, mais une chose est certaine : consommés
en excès, ils augmentent le risque de voir apparaître un
surpoids. Voire carrément la série des autres anomalies
qui caractérisent le syndrome métabolique. Le Pr Delarue
attire aujourd'hui l'attention sur les sirops de fructose, dont les Américains
font une consommation importante. En 2002, ces sirops représentaient
aux Etats-Unis plus de 56 % du marché des sucres. Alors que, depuis
plus d'une centaine d'années, la part des glucides apportés
par les céréales n'a cessé de diminuer, passant précisément
de 56 % au début du vingtième siècle à 30
% dans les années 1970, avant de remonter un peu
Apparus
peu après 1960, les sirops de fructose représentaient 5
% des apports de glucides en 1970, mais déjà 20 % dans les
années 1990.
Des effets sur l'insuline et sur les lipides sanguins
Si l'on s'en préoccupe aujourd'hui, c'est parce que plusieurs études
montrent une corrélation entre l'augmentation de la consommation
de ces sirops et
l'augmentation de l'obésité et du
diabète. Ce n'est peut-être pas une relation directe de cause
à effet, explique le Pr Delarue, mais plusieurs observations, qui
sont de l'ordre de la physiologie, vont pourtant dans ce sens
A
la différence du glucose, le fructose n'augmente pas la dégradation
des autres sucres a surtout un effet sur l'insuline et sur certains lipides
du sang, dont il peut augmenter les taux. En particulier ceux des triglycérides.
Effet particulièrement sensible lorsque le fructose est ajouté
à un repas, seul ou associé au glucose. Alors que le glucose
seul, l'amidon ou le maltose n'ont pas cette action. Précision
toutefois : une consommation occasionnelle de fructose ne saurait être
dangereuse. Les " méfaits " redoutés ne sont observés
qu'avec de fortes doses. Le problème, c'est que ces fortes doses
sont fréquemment atteintes par les Américains ! Et cette
consommation excessive a les mêmes conséquences, que le fructose
soit sous forme solide ou liquide.
Une stimulation de l'appétit
Autre pièce au dossier : on a pu montrer qu'un ajout de fructose
au repas avait un retentissement sur les hormones qui régulent
l'appétit. Et pas dans le sens de la restriction ! Le fructose
en supplément diminue les taux de leptine dans le sang : or, cette
hormone intervient pour inhiber la prise alimentaire. Corrélativement,
le fructose augmente les taux de ghréline, hormone qui stimule
l'appétit
Le fructose pourrait donc ainsi augmenter la prise
alimentaire. La dernière série d'arguments qui incitent
à la prudence vient des rats de laboratoire. En expérimentation
animale, les régimes riches en fructose provoquent un syndrome
métabolique complet, avec augmentation de l'acide urique, des triglycérides,
de l'insuline. De plus, le fructose augmente le stress oxydatif et la
production des redoutables radicaux libres
Les boissons sucrées mises en cause
D'où, pour conclure, une hypothèse : la consommation excessive
de jus de fruits (riches en fructose) et de sodas (riches en saccharose,
c'est-à-dire en glucose + fructose) n'est vraisemblablement pas
étrangère à la flambée du syndrome métabolique
aux Etats-Unis. D'autant plus que sous ces formes liquides, le fructose
est très vite métabolisé dans l'organisme. Le problème,
répète le Pr Delarue, n'est pas celui de la consommation
occasionnelle de ces boissons. C'est celui de leur consommation chronique
: l'addiction " à l'américaine " aux boissons
sucrées. Un modèle qui menace, selon toute apparence, un
certain nombre d'enfants des pays riches, ici et ailleurs
Qu'est-ce que le fructose ?
Le fructose se trouve sous une forme naturelle dans les fruits et le miel.
C'est le plus sucré de tous les sucres, son pouvoir sucrant est
plus élevé que celui du sucre de table (le saccharose) ou
que celui du glucose. Il est produit industriellement essentiellement
sous forme de sirop (à partir de betteraves sucrières, d'inuline,
d'amidon de maïs
) et introduit dans de nombreux aliments (boissons
surtout).
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