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À Sofia : « Je n'ai vécu que pour ce moment »

De notre envoyé spécial à Sofia ARNAUD DE LA GRANGE.
 Publié le 25 juillet 2007
Actualisé le 25 juillet 2007 : 06h00
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Les six praticiens, accueillis dans la liesse sur le tarmac de l'aéroport de Sofia, ont été graciés par le président bulgare dès leur arrivée.

 
À SOFIA, on n'a pas de mots assez chamarrés pour chanter les louanges des « deux dames ». Ces deux dames, ce sont Cécilia Sarkozy et Benita Ferrero-Waldner, la commissaire européenne aux Relations extérieures. À l'applaudimètre, l'épouse du président français devance nettement la Bruxelloise, elle et Nicolas Sarkozy incarnant bien plus aux yeux des Bulgares la victoire sur « l'arbitraire libyen » que le désincarné exécutif européen.
 
Quand l'avion portant cocarde française s'est posé, hier matin, vers 9 heures, sur l'aéroport de Sofia, avec les « deux dames » et les six « otages de Kadhafi », le scepticisme régnait encore autour du tarmac. Et ce malgré l'annonce officielle du rapatriement des cinq infirmières et du médecin.
 
Après 2 755 jours de calvaire, de tortures morales et physiques, l'incrédulité hantait aussi les infirmières tout juste libérées. « Je sais que je suis libre, je sais que je suis sur le sol bulgare, mais je n'arrive pas encore à y croire », a lâché Kristiana Valcheva, 48 ans, en descendant de l'avion français. « Nous avons été informés de notre libération à quatre heures du matin, a-t-elle raconté. À six heures, nous sommes passés sous la grande porte de la prison Djoudeida. Je n'éprouvais rien. Même maintenant, je suis comme dans un rêve. »
 
« Je suis innocente »
 
Des strates de faux espoirs et vraies déceptions empêchaient Ivaïlo, le fils de Snejana Dimitrova, de se réjouir avant de voir, de toucher sa mère. « Maintenant, j'y crois », finissait-il par lâcher en courant vers cette femme de 54 ans, visiblement l'une des plus éprouvées par la terrible détention. En tombant en larmes dans ses bras et ceux de sa fille Paulina, cette femme aux cheveux gris et aux yeux enfoncés par la souffrance lançait : « Je n'ai vécu que pour ce moment. » Ajoutant dans un souffle : « Je suis innocente. »
 
Un peu plus loin, Valentina Siropoulo, 48 ans, étreignait son fils, collégien quand elle est partie en Libye et désormais étudiant à l'université. « Ce qui m'a fait tenir pendant toutes ces années, après ces tortures horribles, cette incertitude, ces verdicts, c'était la certitude dans mon fort intérieur d'être innocente, et le fait que nous ne pouvions accepter toutes ces accusations créées artificiellement », a-t-elle confié.
 
Lyrique, Achraf Joumaa Hajouj s'exclamait : « Je suis en Bulgarie, la grande Bulgarie ! » Opportunément naturalisé bulgare en juin dernier, le médecin d'origine palestinienne a pu bénéficier de l'accord d'extradition conclu avec la Libye. Bouquets de fleurs en main, tout le gratin politique bulgare s'était pressé à l'aéroport. « Les tribunaux libyens n'ont pas tenu compte des preuves indiscutables, scientifiques et juridiques, de l'innocence des praticiens », a accusé le président bulgare Gueorgui Parvanov. Se fondant sur sa « conviction catégorique de leur innocence », il a gracié les « six de Tripoli », provisoirement mis au vert dans la résidence gouvernementale de Boïana.
 
L'avion français a redécollé au bout d'une heure et demie. « C'est dommage que nous n'ayons pas entendu Cécilia Sarkozy, mais on nous a expliqué que le protocole autorisait seul le secrétaire général de l'Élysée à parler », commentait un journaliste bulgare. Le secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, qui a fait les deux voyages de Tripoli avec Cécilia Sarkozy, a résumé l'aventure libyenne par un « mission accomplie ».
 
Citoyens d'honneur
 
En ville, pas de liesse particulière, le record de chaleur battu hier calmant les velléités d'effusion populaire. En revanche, dans les boutiques ou les cafés, on se pressait devant les téléviseurs pour suivre le retour des praticiens prodiges. Lente à démarrer, la mobilisation populaire avait fini par être soutenue. En février, plus de 20 000 personnes avaient défilé dans les rues de Sofia pour le huitième anniversaire de l'arrestation des infirmières. Et au mois de mai, des milliers de fidèles orthodoxes avaient passé la nuit en prière devant trois icônes « miraculeuses », sorties pour la première fois de leurs monastères pour être exposées devant la cathédrale Alexandre Nevski.
 
Au début de l'affaire, les autorités bulgares ont été critiquées pour leur mollesse et leur inefficacité. Il y a deux jours encore, la fille de l'infirmière Valia Tcherveniachka demandait que les dirigeants bulgares répondent devant la justice de leur « inaction ». En comparaison, l'activisme de la France faisait hier l'unanimité. « On avait été aussi étonnés qu'heureux d'apprendre que Nicolas Sarkozy avait parlé des infirmières dès le soir de son élection, confie une commerçante, Jana Kotcheva. On est bluffés de voir aujourd'hui que ce n'était pas seulement des mots. » Nicolas et Cécilia Sarkozy, ainsi que Benita Ferrero-Waldner ont été faits hier citoyens d'honneur de Sofia.
 
À Sofia, ce bel épilogue d'une triste histoire renvoie aux difficultés économiques du pays. Si ces infirmières s'exilaient en Libye, c'est parce que les salaires peuvent y être cinq à dix fois supérieurs à ceux de Bulgarie. Il suscite aussi de beaux accès d'« europhilie », sept mois après l'entrée de la Bulgarie dans l'Union européenne. « J'espère que cela va être médité dans tous ces anciens pays de l'Est qui doutent de l'Europe et ne jurent que par Washington, confiait hier un jeune médecin, Emil Georgieva. George Bush avait déclaré en juin que faire libérer nos infirmières était une priorité, mais c'est Bruxelles et Sarkozy qui l'ont fait... »
 

 
« Nous avons été informées de notre libération à quatre heures du matin. À six heures, nous sommes passés sous la grande porte de la prison Djoudeida. Je n'éprouvais rien. Même maintenant, je suis comme dans un rêve »
 

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