Critique

"Valse avec Bachir" : dans l'inconscient douloureux d'un soldat d'Israël

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Une image du film d'animation israélien d'Ari Folman, "Valse avec Bachir" ("Waltz with Bashir").
LE PACTE
Une image du film d'animation israélien d'Ari Folman, "Valse avec Bachir" ("Waltz with Bashir").

Ce fut l'un des événements du dernier Festival de Cannes. Troisième film de l'Israélien Ari Folman, Valse avec Bachir est un mélange détonant entre dessin animé, enquête documentaire, journal intime et chronique de guerre. L'enchaînement de ses deux premières séquences suffit à annoncer l'amplitude de son registre.

La première saisit le spectateur à la gorge. Une meute de chiens noirs aux yeux jaunes sème la panique dans les rues d'une ville charbonneuse sur laquelle s'appesantit un ciel ocre. Puis la horde, babines révulsées, s'immobilise devant un immeuble à une fenêtre duquel apparaît soudain le visage d'un homme apeuré. Cette scène d'apocalypse trouve son explication dans la séquence suivante, située dans l'atmosphère feutrée d'un bar de nuit où un homme décrit à l'un de ses amis, prénommé Ari, ce qui se révèle être un cauchemar récurrent. Conscrit lors de la première invasion israélienne du Liban, en 1982, il avait pour mission d'abattre tous les chiens qui, postés à l'entrée des villages, signalaient par leurs aboiements l'arrivée des soldats.

Ce récit inaugural par la manière dont il ménage la sensation brute de l'effroi et l'épanchement de la parole définit le projet narratif et esthétique du film. Il enclenche par la même occasion le récit, en suscitant chez cet ami cinéaste, alter ego animé d'Ari Folman, la prise de conscience de cette période pour laquelle il ne possède plus aucun souvenir. Il faisait pourtant partie de la troupe qui encerclait les camps palestiniens de Sabra et Chatila, où les phalangistes chrétiens, alliés des Israéliens, massacrèrent des centaines de civils pour venger l'assassinat de Bechir Gemayel, leur chef charismatique.

Ari n'aura dès lors de cesse de retrouver la mémoire, recueillant, sur les conseils d'un ami psychanalyste, les témoignages de ses anciens camarades de troupe. Ces rencontres, Ari Folman les a faites et filmées dans la réalité durant les quatre ans qu'a duré la préparation de ce film thérapeutique. Chacune d'entre elles, dont le dessin animé garde la trace documentaire par la présence de la voix réelle et le mimétisme du dessin, ouvre sur la mise en scène d'un flash-back qui dévoile un fragment de ce qui s'est passé voici plus de vingt ans sur le champ de bataille. L'addition de ces fragments finit par reconstituer la guerre d'Ari, avec sa présence à Sabra et Chatila en point d'orgue.

La richesse de Valse avec Bachir tient à la singularité de sa fabrication, à sa dénonciation par l'absurde de la guerre ou au phénomène de catharsis artistique qu'il met en oeuvre. Sa marque la plus profonde et brûlante est pourtant ailleurs.

Elle tient en deux idées liées. La première, sur un plan stylistique, est celle de la déréalisation. Tout le film contribue à entretenir cette sensation, depuis la distorsion fantasmatique des témoignages jusqu'à l'hyperréalisme halluciné des scènes de guerre. La seconde, sur le plan moral, tient à la question de la responsabilité israélienne face au massacre de Sabra et Chatila.

Ces deux plans se rejoignent car, en dépit des apparences, le film, hanté par le motif de la résurrection des morts, porte moins sur Sabra et Chatila que sur la manière dont ce drame réveille une problématique plus souterraine : celle du traumatisme de la Shoah sur l'inconscient du soldat Ari. Valse avec Bachir brisera l'effet de miroir que certains voudraient voir entre ces deux réalités. Paradoxe : cette inquiétude, qui l'honore, ne l'aura-t-elle pas aussi empêché de considérer politiquement l'événement ?


Film d'animation israélien d'Ari Folman (1 h 28.)

Jacques Mandelbaum
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Vos réactions
  La conclusion de cet article est contestable : le souvenir de la Shoah existe dans le film, mais il n'y occupe pas une place centrale.
Valse avec Bachir, qui est en effet un excellent film, traite très finement de la guerre (ici de la guerre d'invasion "asymétrique") comme expérience personnelle, et de la manière dont elle marque la vie de ceux qui l'ont faite - en tant qu'individus et en tant que pays, d'où une portée politique indirecte.  

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