L'Afrique du Sud lance un plan ambitieux contre le sida

Après des années de déni, le pays le plus contaminé du monde va dépister 15 millions de personnes d'ici à 2011.

Par Paul Benkimoun

Publié le 27 avril 2010 à 16h10 - Mis à jour le 22 juillet 2010 à 14h34

Temps de Lecture 3 min.

En lançant, dimanche 25 avril 2010, une campagne de masse de prévention et de traitement de l'infection par le VIH, le président sud-africain Jacob Zuma a tourné l'une des pages les plus sombres de la période post-apartheid, celle du déni face au sida.

Son prédécesseur, Thabo Mbeki, au pouvoir de 1999 à 2008, avait obstinément refusé d'engager une politique de traitement par les médicaments antirétroviraux, alors que l'Afrique du Sud, avec 5,7 millions de séropositifs, est le pays le plus contaminé au monde. 33,4 millions de personnes dans le monde vivaient avec le VIH en 2008, selon Onusida, l'organisme des Nations unies spécialisé dans la lutte contre le sida, dont 22,4 millions en Afrique subsaharienne.

La campagne vise, d'ici à 2011, à effectuer des tests de dépistage volontaires chez 15 millions de personnes, contre 2,5 millions en 2009, et à fournir des traitements anti-VIH à 1,5 million de personnes, contre environ 1 million en 2009.

Présent lors du lancement de cette initiative, le directeur exécutif de l'Onusida, Michel Sidibé, a déclaré : "L'Afrique du Sud peut briser la trajectoire de l'épidémie due au VIH." Faisant référence à la commission qui avait permis une sortie pacifique du régime d'apartheid, M. Sidibé a ajouté : "Cette campagne promet d'être l'équivalent de "Vérité et réconciliation" pour la réponse du pays au sida."

Le sida est l'un des grands défis de l'Afrique du Sud, un pays qui compte moins de 1 % de la population mondiale mais représente 17 % des cas d'infections par le VIH sur la planète. Le système de santé hérité de l'apartheid portait la marque de l'iniquité : d'un côté des infrastructures équivalentes à celles des pays occidentaux, destinées à la population blanche et aux plus fortunés ; de l'autre, pour la population noire, une prise en charge de l'infection par le VIH laissée au gré des initiatives de certaines grandes entreprises, soucieuses de protéger leur main-d'oeuvre, ou de programmes associatifs, comme celui mené pour la prévention de la transmission de la mère à l'enfant par Médecins sans frontières à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap.

En 2001, la victoire historique du gouvernement contre les 39 laboratoires qui avaient tenté de s'opposer à une loi facilitant l'entrée des médicaments génériques dans le pays n'avait pas significativement changé l'accès aux traitements pour les malades du sida.

Thabo Mbeki prêtait complaisamment l'oreille aux tenants d'une théorie selon laquelle, contre l'évidence scientifique, le VIH n'est pas la cause du sida. Secondé par sa ministre de la santé, Manto Tshabalala-Msimang, il affirmait que les antirétroviraux étaient plus dangereux que la maladie elle-même. Les campagnes menées par les associations comme Treatment Action Campaign ou les syndicats n'avaient pas réussi à le faire changer d'avis.

L'arrivée au pouvoir de Jacob Zuma a offert la possibilité de tourner le dos à une politique qui aura coûté, au fil des dernières années, 350 000 vies supplémentaires, selon des chercheurs de l'université américaine de Harvard.

L'Afrique du Sud finance elle-même plus des deux tiers du coût de la réponse au sida. En 2010, les autorités du pays ont porté à plus d'un milliard de dollars (748 millions d'euros environ) le budget de la lutte contre le VIH, soit une augmentation de 30 % par rapport à l'année précédente.

Dans le cadre de la campagne qui vient d'être lancée, chaque individu testé recevra 100 préservatifs. La pratique d'un test VIH sera aussi l'occasion d'un bilan de santé plus large : prise de la tension artérielle, tests pour la tuberculose, le diabète, ainsi que pour le cancer du col de l'utérus, chez les femmes séropositives.

"Cette approche d'une santé globale, avec une mobilisation communautaire est une véritable révolution", commente Michel Sidibé. Le directeur exécutif de l'Onusida souligne que la nouvelle campagne "ouvre également un espace pour la discussion sur la politique de prix des médicaments pratiquée en Afrique du Sud. Le coût moyen du traitement contre le VIH pour une personne en Afrique du Sud est de 539 dollars par an, alors que le prix négocié sur le marché international descend jusqu'à 296 dollars par an. Supprimer la politique qui donne la préférence à des entreprises pharmaceutiques sud-africaines permettrait d'augmenter le nombre de personnes sous traitement".

Plus globalement, M. Sidibé voit dans le tournant que représente la nouvelle orientation de l'Afrique du Sud "la création d'une force de changement au niveau continental, qui amènera à discuter différemment de la sexualité, des discriminations. Cela renforcera la coopération entre Etats africains."

Au-delà, c'est bien le rôle des pays émergents, comme l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde ou le Brésil, dans la réponse sociale aux problèmes de santé, qui pourrait être transformé.

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