La découverte, lundi 29 décembre, d'une lettre relatant les conditions de la disparition en 1997 de Jean-Pascal Couraud, un journaliste qui enquêtait sur les affaires politico-financières polynésiennes et notamment sur des transferts de fonds sur un compte qu'aurait détenu Jacques Chirac au Japon, a relancé une affaire vieille de dix ans. D'autant que le document a été retrouvé au domicile du sénateur Gaston Flosse, ancien UMP et proche de l'ancien président, qui était à l'époque président du territoire français du Pacifique.
Cette lettre, dont l'existence a été révélée par les avocats de la famille Couraud, a été découverte dans une commode lors d'une perquisition au domicile de M. Flosse en septembre. Selon ces avocats, elle fait plusieurs pages et ne serait pas datée, mais ils l'attribuent à Vetea Cadousteau, membre du Groupement d'intervention de la Polynésie (GIP), unité créée par M. Flosse puis dissoute en 2006, et que les avocats accusent d'avoir participé à l'enlèvement et au meurtre de Jean-Pascal Couraud.
Le document revient en détail sur les conditions de l'enlèvement du journaliste, qui aurait été torturé puis lâché en pleine mer, lesté de plusieurs poids de pêche. Les autorités n'ont pas encore authentifié la lettre et demandent une deuxième expertise graphologique pour que son auteur soit clairement établi. L'auteur de ce texte explique, selon les avocats, "qu'il craignait pour sa vie car il aurait reçu des menaces". Or, Vetea Cadousteau a été retrouvé mort en janvier 2004 à Tahiti dans des conditions qualifiées de "très troublantes" par le comité de soutien de Jean-Pascal Couraud. En octobre 2004, un autre ancien du GIP avait évoqué dans des termes similaires la mort du journaliste, notamment devant l'indépendantiste Oscar Temaru, tout nouveau président du territoire, avant de se rétracter puis d'être condamné à trois mois de prison ferme pour dénonciation calomnieuse.
DOCUMENTS DE LA DGSE DÉCLASSIFIÉS
Après plus de dix ans d'enquête, aucun élément incontestable ne vient soutenir l'hypothèse criminelle, et encore moins un lien politique. En 2007, un des avocats de M. Couraud avait fait référence à une "note circulant à Papeete en 1998-1999, faisant état de transferts de fonds par Wan [Robert Wan, richissime homme d'affaires proche de Gaston Flosse] à Jacques Chirac", sans pour autant la produire. Jacques Chirac nie l'existence de tout compte bancaire au Japon et a refusé de commenter l'affaire.
Se basant sur l'absence de preuves concrètes dans l'enquête, Gaston Flosse a réagi, dans un communiqué diffusé mardi, rappelant qu'"on ne peut parler d'enlèvement et de meurtre puisque rien, depuis dix ans, ne vient étayer cette thèse". Le sénateur accuse "certaines autorités de l'Etat [de] manipuler sciemment des informations judiciaires". "Il est ignoble de vouloir m'imputer cette affaire puisque je n'ai jamais été inquiété pour cela par la justice", ajoute-t-il, expliquant que la lettre, "qui ne comporte que de prétendues révélations", lui a été envoyée anonymement.
L'affaire se trouve aussi relancée par l'annonce, par le ministère de la défense, de la levée du secret défense sur des documents sur la disparition de M. Couraud et les comptes présumés de M. Chirac. Suivant un avis favorable de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), Hervé Morin a autorisé la déclassification totale ou partielle de treize documents saisis en juin au siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) par le juge de Tahiti Jean-François Redonnet, chargé de l'affaire. La CCSDN avait par ailleurs donné un avis défavorable à la déclassification de treize autres documents dans cette affaire, un jugement que M. Morin a également suivi. Ces différents documents font le point sur les vérifications de la DGSE concernant cet hypothétique compte en banque détenu par l'ancien président, au début des années 1990, à la Tokyo Sowa Bank.
Voir les contributions