Sur la scène fragmentée du financement du cinéma, les vendeurs internationaux sont les nouvelles stars
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Culture

Sur la scène fragmentée du financement du cinéma, les vendeurs internationaux sont les nouvelles stars

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

Responsables du négoce international des droits d'exploitation des films indépendants, les vendeurs apportaient traditionnellement des recettes additionnelles aux films, une fois les budgets bouclés. Mais depuis le démembrement de Vivendi Universal, et la raréfaction des financements qui s'est ensuivie un peu partout en Europe, l'"international" est devenu vital pour certains films. Ces acteurs de l'ombre sont désormais sollicités dès le stade du scénario, pour avancer des fonds sur leurs recettes futures, ou trouver, grâce à leur connaissance des marchés et à leurs vastes carnets d'adresses, des partenaires financiers à l'étranger.

Longtemps chargé des ventes internationales chez Pyramide, Eric Lagesse est aujourd'hui directeur général de la société qui est aussi, depuis sa création en 1989, productrice et distributrice. "Les vendeurs sont devenus de véritables partenaires du film, dit-il. Ils ont leur mot à dire sur le script et le montage et le disent de plus en plus. Combien de fois a-t-on entendu que le film était "vraiment too French", c'est-à-dire qu'il ne se passe rien et que ça bavarde un max ? Nous cherchons le juste milieu entre le film grand public et le film d'auteur pour atteindre 100 000, 200 000, 300 000 entrées, voire 1 million !" Même discours chez Celluloïd Dreams, où Engameh Panahi, la fondatrice, avance : "On adore les auteurs, on a envie d'un cinéma singulier et original, et en même temps on connaît la réalité du marché" .

CATALOGUE DE FILMS EN NUMÉRIQUE

A échelle plus modeste et avec une démarche différente, son entreprise n'en est pas moins, en France, celle dont le modèle s'approche le plus de celui d'Exception Wild Bunch (voir article ci-dessus). Constitué depuis peu en holding, Celluloïd Dreams chapeaute une société de production, une nouvelle société de distribution, et une non moins récente filiale de ventes internationales et de coproduction en Allemagne. Elle a aussi un bureau de représentation à Toronto, une antenne en Nouvelle- Zélande, et se constitue un catalogue de films en numérique pour les futures 250 salles britanniques équipées de projecteurs numérique, et pour la VOD (video on demand).

Autre exportateur français, Films distribution a misé sur sa connaissance des mécanismes de production du cinéma, en France et à l'international, et sur ses liens avec certains producteurs, et a créé une structure d'agents de réalisateurs et de techniciens. Contrairement à la plupart de ses concurrents, Nicolas Brigaud-Robert, cofondateur de la société, exprime des doutes sur la capacité du marché international à combler de manière pérenne les besoins de financement. "Plus le marché est volatile, plus il se concentre. Si certains films se vendent mieux qu'avant, le reste ne se vend pas du tout."

Un mouvement qui procède, selon lui, du développement des multiplexes partout dans le monde, de la réduction du nombre de "cases art et essai" à la télévision, et de "cases de cinéma" tout court. Les acheteurs, plus frileux, tendent à choisir les projets appréciés des autres. D'autres facteurs accentuent la tendance, comme l'indexation de l'aide Media à la distribution sur le nombre de territoires européens dans lesquels sortent les films ou, de manière plus diffuse, la propension de nombreux programmateurs de festivals à percevoir positivement le fait qu'un film ait déjà été acheté par des sociétés d'exportation.

Pour Engameh Panahi, "on ne peut plus se contenter de présenter un film. Il faut créer un buzz, faire en sorte que les choses marchent pour lui. On peut ensuite accompagner les distributeurs, parce que le contexte des sorties, avec la multiplication de copies, est comparable" . Au sein de Celluloïd Dreams, elle vient de créer un département marketing.