Un "trou de mémoire" révèle la face cachée de l'Amérique
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Un "trou de mémoire" révèle la face cachée de l'Amérique

Pourfendeur de la censure, Russ Kick publie sur son blog des "choses que l'on n'est pas censé savoir".

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

Les murs du ministère de la vérité de 1984, le roman de George Orwell, étaient recouverts de "trous de mémoire". Ces "larges fentes ovales protégées par un grillage métallique" servaient à jeter les papiers censurés avant qu'ils ne soient détruits dans l'incinérateur central. Le site américain Thememoryhole ("le trou de mémoire", en anglais), lancé en 2002, a quant à lui pour objectif de garder la trace de documents que certains préféreraient voir disparaître.

L'un de ses plus hauts faits fut la publication de 361 photographies prises dans les avions qui rapatrient d'Irak les cercueils des soldats américains morts au combat. Le Pentagone avait, jusque-là, bloqué la diffusion de ces clichés. Et aucun journaliste n'avait, il est vrai, demandé qu'ils soient déclassifiés jusqu'à ce que Russ Kick, le créateur du site, ne s'y intéresse. Grâce à lui, ces photos firent la "une" des médias du monde entier.

Russ Kick se définit lui même comme un "archéologue de l'information". Né en 1969, il n'a pas vécu la contre-culture des années 1960-1970, mais les valeurs de cette époque l'ont marqué. Auteur d'une dizaine de livres, il s'est d'abord intéressé à la presse alternative et aux informations décalées qu'elle pouvait relayer.

DÉSINFORMATION

Mais c'est sur le terrain de la désinformation, des distorsions des faits et de l'autocensure qu'il s'est surtout distingué. Sa série de recueils sur ces "choses que l'on n'est pas censé savoir" ne contient aucune révélation fracassante : une bombe atomique a été larguée en Caroline du Nord, la CIA commet des milliers de crimes chaque année, les jeunes sont moins violents aujourd'hui qu'il y a trente ans... Mais elle révèle, en creux, les sujets dont les médias américains ne parlent pas.

Loin d'être anecdotiques, ces anthologies permettent aussi à Russ Kick de réunir des textes de plusieurs personnalités phares des milieux progressistes américains : Paul Krassner, considéré comme le père de la presse underground, Douglas Rushkoff, l'un des théoriciens de la cyberculture, les essayistes Naomi Klein, Arianna Huffington et Michael Parenti, les journalistes d'investigation James Ridgeway et Gary Webb, Peter Moore, le cofondateur de Greenpeace, ou encore l'historien Howard Zinn...

En 2006, Russ Kick avait choisi de mettre fin, temporairement, à son blog afin de se consacrer à l'écriture d'un livre sur l'influence de Dieu et de la religion. Le 1er juillet, il a finalement relancé son site en publiant, entre autres, un "mémo" utilisé par l'armée américaine à Guantanamo qui s'inspire des techniques de torture... de la Chine communiste des années 1950.