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Parmi les grands
Comment jouer sans lui ?
LES 10 FRANÇAIS EN ACTIVITÉ LES PLUS CAPÉS


FOOTBALL

ÉQUIPE DE FRANCE

Comme

Larbi Ben Barek,

Raymond Kopa,

Just Fontaine,

Michel Platini ou

Jean-Pierre Papin,

Zinédine Zidane

a marqué de son

empreinte l’histoire des Bleus.

Parmi les grands

AU PANTHÉON des grands joueurs français, Zinédine Zidane avait déjà sa place avant que ses adieux aux Bleus ne l’autorisent à en pousser la porte. Au printemps dernier, célébrant le centenaire de l’équipe de France (L’Équipe du 29 avril), L’Équipe le situait spontanément au même rang que Raymond Kopa et Michel Platini. Quatre ans plus tôt, L’Équipe Magazine avait joué à composer l’équipe du XXe siècle. Zidane faisait partie d’une attaque composée de Kopa et de Platini, bien sûr, mais aussi de Just Fontaine et de Jean-Pierre Papin. Une attaque réunissant tous les Ballons d’Or français de France Football, les premier et deuxième vainqueurs français de la Coupe d’Europe des clubs champions, le recordman des buts marqués lors d’une Coupe du monde, le premier buteur d’une finale internationale remportée par l’équipe de France, le seul double buteur français d’une finale de Coupe du monde, il n’y avait pas de faute de goût.

Platini,

vingt ans après

Kopa et Fontaine

Si le jury s’était octroyé le droit de jouer à plus de onze pour sélectionner un attaquant du temps jadis, il aurait volontiers ajouté Larbi Ben Barek. Son nom n’est plus connu que par de très vieux enfants qui ont eu quinze ans sous l’Occupation ou par les historiens du sport qui n’oublient jamais rien. Il était né au Maroc, il joua à Marseille, à Paris, en Espagne. Il aurait sans doute été la grande étoile d’un football français tout juste entré en professionnalisme s’il n’avait été trop jeune pour briller dans la première Coupe du monde organisée en France, en 1938, et trop vieux pour patienter que reviennent la paix et les joutes sportives internationales qui l’accompagnent. Il fut cependant un grand parmi les grands, artiste autant qu’athlète. Il fut aussi un des premiers joueurs à symboliser une France du football prenant racine bien au-delà de l’Hexagone. La pluralité des origines était déjà source de richesse.

Dans la ligne d’attaque idéale de l’an 2000, il avait été impossible de séparer Raymond Kopa et Just Fontaine, le fils de Polonais qui débuta mineur de fond et le gamin du Maroc, encore un, qui aurait pu être enseignant à Marrakech ou à « Casa » . Ils symbolisent, aujourd’hui encore, le miraculeux printemps 1958, où l’équipe de France atteignit pour la première fois les demi-finales de la Coupe du monde. Kopa, sacré meilleur joueur du tournoi et patron sans être capitaine, Fontaine, meilleur buteur (13 buts, record éternellement à battre) et trop tôt contraint à la retraite, furent les emblèmes d’une équipe fortement imprégnée des principes de l’école rémoise et marquée par l’apprentissage du football dans les rues, souvent au pied des mines et des usines.

Sautons près de vingt ans de l’histoire, vingt années où l’équipe de France fut la juste représentante d’un football français haché menu par ses propres dissensions. Et retrouvons Michel Platini et les siens, première génération qui aura entrevu les centres de formation émergeant tout juste. Gloire à ceux qui auront joué deux demi-finales mondiales d’affilée (1982 et 1986), perdues face à l’Allemagne de l’Ouest, et qui, surtout, auront remporté un premier titre, celui de champion d’Europe, en 1984. Ici l’on trouve, comme précédemment, de grands joueurs issus de flots migratoires successifs, d’Italie, d’Espagne, d’Afrique, des Antilles. Platini, autoritaire marqueur de coups francs dès sa première sélection, personnifia ces années magnifiques qui firent voguer la France d’une étoile presque atteinte à Séville à une autre entrevue à Guadalajara. Platini meneur de jeu, Platini buteur, Platini grand capitaine, Platini qu’on n’imaginait alors pas sélectionneur ou dirigeant international. Sans le vouloir, lui et ses amis rejetèrent dans l’ombre les glorieux anciens de 58, à qui l’on demandait volontiers leur avis – on ne parlait pas encore de consultants. En le voulant vraiment, ils ont animé une équipe qui, vingt ans plus tard, fait encore référence.

Papin, entre

deux époques

Passons par la case Papin. Débutant à la fin des années Platini, finissant sans avoir fréquenté Zidane chez les Bleus, où son interlocuteur d’attaque fut surtout Éric Cantona, le formidable buteur des années Tapie se situe entre deux époques formidables, qu’il n’aura que frôlées. Il passa le témoin de l’une à l’autre à grands coups de « papinades » . Il devint un héros dont le surnom fut chanté dans les cours d’école ( « JPP, reviens ! ») mais il rata de fameux bons coups en compagnie d’une promotion de joueurs qui ont peut-être trop longtemps vécu dans l’envahissante ombre de leurs prédécesseurs.

Les grandes années bleues s’écriraient sans Papin mais avec Zidane. Il a pris en douceur la place de Cantona. Les deux hommes, sélectionnés deux fois ensemble, ne furent jamais titulaires simultanément. Leur collaboration faisait débat. Le débat fut réglé, faute de débatteurs. Cantona, suspendu longuement, disparut du paysage bleu après un Pays-Bas - France de 1995 qui fut aussi le dernier match international de Papin. Une page se tourna à Utrecht en janvier 95, on peut le dire aujourd’hui. Peu à peu, l’astre Zidane s’éleva à mesure que chutaient ses cheveux et les préjugés à son égard. Pas assez rayonnant ? Pas assez décisif ? Pas assez influent ? Mais à ce point décisif pour marquer des buts pour l’éternité, en finale de Coupe du monde, en finale de la Ligue des champions 2002, le jour de l’inauguration du Stade de France ou lors de la renversante fin du France-Angleterre de Lisbonne ; à ce point rayonnant qu’il a marqué à vie les supporters de la Juventus ou du Real Madrid et que l’opinion publique voue un culte à sa classe gentille ; à ce point influent que l’équipe de France s’est toujours demandé ce qu’elle ferait sans lui et que le rectus femorus de sa cuisse droite fut, en 2002, un sujet d’angoisse national.

À ce point immense qu’un enfant d’une dizaine d’années, lors d’un débat sur les cent ans des Bleus, posa cette jolie question : « Mais avant Zidane, il y avait quoi ? » On l’imagine, aujourd’hui, se demandant : « Après Zidane, il y aura quoi ? »

DIDIER BRAUN