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L'Insurrection qui vient sur de bons rails

Par Jean-Michel de Marchi, publié le

Le livre, dont Julien Coupat dément être l'auteur, connaît un grand succès en librairie. Le battage médiatique autour de la probable libération du jeune homme, principal suspect dans l'affaire des sabotages de lignes TGV, devrait accentuer le phénomène.

"Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de L'Insurrection qui vient [...] J'en suis, en revanche, un lecteur". Les dénégations de Julien Coupat dans son interview au Monde du 26 mai n'y changeront probablement rien: le pamphlet anonyme, sorti en mars 2007 dans l'indifférence générale, se vend aujourd'hui comme des petits pains. Selon nos informations, 40 000 exemplaires ont déjà été écoulés. 

Le livre en question est pourtant des plus austères. Sur la forme, d'abord: une couverture unie, vert de gris, barré de son seul titre, du nom de la maison d'édition (La Fabrique) et d'un mystérieux "Comité invisible" en guise d'auteur. Sur le fond également: 128 pages de dénonciation du modèle capitaliste et de "conseils" pour une vie meilleure, dans un style emprunté, difficile d'accès. Des critiques littéraires le décrivent comme un livre nihiliste. Pourtant, il se vend bien, très bien, même... 

"Jusqu'en novembre 2008, les ventes étaient assez faibles, puis elles ont brusquement augmenté, avec un pic en décembre", affirme-t-on à l'institut Ipsos, chargé de surveiller les ventes des librairies et magasins spécialisés. Aujourd'hui, il s'en écoulerait "environ 1300 par semaine", selon Xavier Milon, responsable des études à l'institut Tite-Live, qui dresse le classement des meilleures ventes de livres pour L'Express. 

Le petit opus des éditions La Fabrique connaît son heure de gloire en novembre 2008, quand les policiers chargés de l'enquête sur les sabotages de lignes SNCF en attribuent la paternité à Julien Coupat, leur principal suspect. A l'origine destiné aux initiés, L'Insurrection qui vient se retrouve ainsi sous les feux des projecteurs. Les accusations de propagande pour l'ultra-gauche et d'incitation au terrorisme attisent la curiosité des médias, puis celle des lecteurs. 

"On le vend énormément, confie un employé de la librairie Compagnie, à proximité de La Sorbonne, à Paris. Jusqu'à cinq ou six par jour au plus fort de la médiatisation à la télé. Maintenant, c'est une dizaine par semaine." Dans ce quartier historique de la contestation politique, "les livres d'extrême-gauche se vendent bien, poursuit Guillaume, son collègue. Les gens qui nous demandent ce bouquin-là suivent l'actualité politique." Quelques instants plus tard, Julien, 24 ans, étudiant à l'université Paris IV, sort, son exemplaire sous le bras: "On en entend tellement parler dans les médias que je voulais me faire un avis. Je ne suis pas d'extrême gauche, mais sept euros c'est pas très cher, alors pourquoi pas..." 

Rangé le plus souvent dans les rayons "Politique" ou "Sciences humaines", parfois présenté sur les tables ou en "facing" (de face sur les étagères d'un rayon), L'Insurrection qui vient n'est en revanche jamais exposé en vitrine. Pas assez grand public. La clientèle? Plutôt de gauche, bien sûr. "Il y a quelques mois, je travaillais à la Librairie des sciences politiques du VIIe arrondissement, le livre y était très demandé", explique Céline, une libraire parisienne. Employée actuellement  à la Librairie de l'école militaire, où la clientèle est plus âgée et plus conservatrice, elle voit la différence: "Nous n'en avons pas un seul en stock et personne ne nous le réclame". 

Autre spécificité, révélatrice: le livre se vend principalement dans les librairies, très peu dans les grandes enseignes. "Cela représente 90% des 40 000 exemplaires vendus, explique Xavier Milon, contre seulement 10% dans les hypermarchés et les grandes chaînes de distribution", de type Fnac ou Virgin, davantage dédiés au grand public.
 
Ce succès est un vrai jackpot pour La Fabrique, petite maison d'édition spécialisée dans les livres contestataires. Eric Hazan, son gérant, dément timidement les chiffres avancés. "Plutôt 25 000", contredit-il, du bout des lèvres. L'Insurrection qui vient est aujourd'hui le best seller de son catalogue, d'environ 70 titres. "Un succès qu'on doit à l'acharnement de Michèle Alliot-Marie, des policiers et du Procureur Marin [le Procureur de de la République de Paris, ndlr]", s'amuse l'éditeur. L'ouvrage, déjà réimprimé à quatre reprises, "correspond à une attente inconsciente du public, conclut-il. La colère présente dans ce livre est partagée par beaucoup de gens." 

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4 commentaires

pascal

pascal

Je ne sais ce que ce bouquin contient mais le titre à lui seul ne semble pas si "improbable" que cela.

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la couverture du livre n'est pas "vert de gris" (comme les uniformes nazis sous l'occupation ), elle est simplement verte, comme les feuilles des arbres. Le livre n'est "difficile d'accés" que pour ceux qui ne savent pas lire, qui n'arrivent pas à lire ,même la Princesse de Clèves. Ce livre dit bien des vérités que ceux dont les vies se résument à "consommer", à s'occuper du look de leur nombril,de la frime friquée, ne peuvent entendre....A propos du procureur Marin, je rappelle que, sous Vichy ,UN SEUL magistrat avait refusé de prêter le serment à Pétain, alors, je ne fais pas confiance, d'office, à un magistrat. Que le procureur Marin mette les preuves de ses accusations sur la table. Ou qu'on nous dise qu' avec la mise en place d'une "police de la pensée'",il n'y a plus de liberté d'expression en France

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Si tous ces petits révolutionaires ne pouvaient pas compter sur l'Etat qu'ils méprisent pour assurer leur survie, ils seraient bien obligés de suer un peu pour vivre et n'auraient plus le temps de jouer au Mao.

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did

did

Est-ce que MAM et Sarko touchent des droits d'auteurs en tant qu'agents de promotion?

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