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Petits et grands secrets

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Clearstream: le mystère s'éclaircit

L'affaire Clearstream était bien une manipulation destinée à compromettre de nombreux hommes politiques, dont Nicolas Sarkozy. Le 14 juin 2004, un mystérieux corbeau avait adressé une lettre anonyme au juge Van Ruymbeke, affirmant que de nombreuses personnalités - grands patrons, responsables policiers, hommes politiques - se servaient de l'organisation bancaire luxembourgeoise de compensation Clearstream pour dissimuler des comptes secrets. Le courrier était accompagné d'un listing bancaire où figuraient, notamment, les noms de Stéphane Bocsa et Paul de Nagy, titulaires d'un compte à la Banca popolare di Sondrio, une petite ville italienne de la Riviera. Les spécialistes ont tout de suite compris: le nom complet de Sarkozy est en effet Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bocsa.
Cette révélation avait déclenché des interrogations gourmandes chez certains chiraquiens. Le président de l'UMP devait découvrir, par exemple, que le ministre de l'Intérieur de l'époque, Dominique de Villepin, avait réclamé une enquête au directeur de la DST, dont les résultats, le mettant hors de cause, ne lui avaient pas été communiqués. Ce qui se solda, le 15 octobre 2004, par un entretien musclé entre les trois hommes. Aujourd'hui, le doute est entièrement levé. Après une très longue période, la Banca popolare di Sondrio a répondu à la commission rogatoire du juge Van Ruymbeke réclamant l'identité du titulaire du compte. L'établissement italien a indiqué que le numéro correspondait à un compte de banque ouvert par la société Clearstream, et utilisé par de très nombreux clients. La Banca popolare réclamait au magistrat français une nouvelle demande désignant la personne visée? Le juge Van Ruymbeke a évité de perdre son temps. Car l'enquête prouve que tous les comptes désignés par le corbeau sont faussement attribués à des personnalités. Par ailleurs, les auteurs de ce montage sont connus, même s'il n'existe pas de preuve permettant de les poursuivre. Mais le mystère demeure: ont-ils agi seuls ou sur commande? Et pourquoi avoir choisi la ville de Sondrio pour y faire figurer le compte fantôme de Sarkozy?
par Jean-Marie Pontaut  

Comme souvent avec Nicolas Sarkozy, la réalité ne se passe pas exactement comme il la raconte. Le 2 juin 2005, le voici redevenu ministre de l'Intérieur. Il expliquera par la suite qu'il a répondu positivement à la demande de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin - le président le dira lui-même à la télévision. Partie de poker menteur. Les amis du chef de l'Etat sont convaincus de l'avoir piégé, lui est persuadé d'avoir démontré à l'opinion qu'on était venu le chercher. Mais l'idée de son retour n'est pas née à l'Elysée. C'est Sarkozy qui l'a eue. Et lui, l'homme de clan, a pris cette décision déterminante contre l'avis de son propre clan. 

Dans la semaine précédant le référendum du 29 mai, il évoque l'hypothèse avec Dominique de Villepin, puis avec Jean-Pierre Raffarin, à qui il glisse: «Si tu restes à Matignon, je peux revenir!» Le Premier ministre, surpris, le fait répéter, puis rapporte ses propos à Jacques Chirac. Lundi 30, la discussion entre le président de la République et celui de l'UMP - qui se sont longuement téléphoné la veille - se déroule en deux temps, d'après un fidèle du chef de l'Etat. Sarkozy accepte d'être «ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur» avec? Michèle Alliot-Marie comme chef du gouvernement. Coup de bluff? Chirac enregistre; ce n'est que dans l'après-midi, au cours d'une conversation téléphonique entre les deux hommes, qu'il lui demande si sa proposition vaut dans un autre cas de figure, avec Villepin à Matignon. La réponse est affirmative. «Nicolas m'a expliqué que Chirac était cuit et qu'il allait au gouvernement pour faire l'unité des chiraquiens autour de lui», se rappelle Patrick Devedjian. 

La machine Sarkozy se remet alors en marche. En quittant le gouvernement en 2004, face aux soupçons des chiraquiens, il assurait qu'il se passerait facilement des cortèges, gardes du corps et autres apparats du pouvoir. Six mois plus tard, il est de retour. Mais Beauvau 2 ne ressemblera en rien à Beauvau 1. Là où s'était installé un animal politique se trouve dorénavant un futur - «possible», disait-il dimanche sur Europe 1 - candidat à l'Elysée. Qui bénéficie ainsi de tous les moyens de ce ministère régalien pour entamer sa campagne. Plongée dans la machine Sarkozy, avec ses petits et grands secrets. 

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Place Beauvau, 13 décembre 2005: comme il a l'intention de le faire régulièrement, Sarkozy réunit les membres de son cercle rapproché. Face à lui - il est le seul, ce soir-là, à ne pas porter de cravate - sont présents, outre ses conseillers, une douzaine d'élus, exclusivement masculins, dont Brice Hortefeux, François Fillon, Patrick Devedjian, Gérard Longuet, Eric Woerth, Christian Estrosi ou Jean-Claude Gaudin, passé pour l'apéritif (voir l'article). Au cours du dîner, il définit sa ligne: «Au fond, mon slogan de campagne, je l'ai en tête. Il y a tous les classiques de la droite et de la gauche, et il y a moi.» 

La guerre des people

Un repas avec l'actrice en présence d'un ami commun, un propos inélégant rapporté par Libération («Elle est moins belle qu'on le dit») et une décoration en guise d'hommage: le 18 janvier, Nicolas Sarkozy devait promouvoir Monica Bellucci dans l'ordre des Arts et des Lettres. En petit comité, il a prévenu: «On n'est pas élu grâce aux artistes, mais on ne peut être élu contre eux.»
L'ancien maire de Neuilly en a marié de nombreux. Pour accroître le cercle de ses connaissances, le schéma est clair. Première étape: repérer, dans des propos publics ou lors des dîners mondains auxquels participe son conseiller Pierre Charon, ancien du staff de Canal +, toute personnalité se disant curieuse de rencontrer le futur candidat. Deuxième étape: organiser un repas avec le ministre, où le nouveau venu retrouve des connaissances du milieu pour se sentir immédiatement à l'aise; espérer alors que l'invité reparte en se disant: «Je ne pensais pas qu'il était comme ça!» La troisième étape, idéale, étant qu'il le répète sur les ondes.
Lors d'un déjeuner avec des chanteurs organisé par Pascal Nègre, président d'Universal Music France, le ministre croise ainsi Pascal Sevran. Le lien est maintenu et l'ancien mitterrandiste avoue aujourd'hui fréquemment sa sympathie pour le n° 2 du gouvernement. Un schéma semblable a permis de séduire l'humoriste Jean-Marie Bigard ou le président du club de rugby le Stade français, Max Guazzini, que Sarkozy, tout jeune maire, croisa? chez Dalida.
Toute occasion est bonne à saisir. Gérald Dahan piège le ministre au téléphone en imitant Pierre Palmade? Le voilà invité, le 17 décembre, pour l'accueil du 200 000e adhérent de l'UMP. Ce jour-là, les chanteurs Didier Barbelivien et Faudel sont également présents. Ce dernier, élevé au Val-Fourré, a rencontré un membre du cabinet via une connaissance commune. Avant la fête des jeunes prévue à la veille de l'accession de Sarkozy à la tête de l'UMP, en 2004, les conseillers cherchent des stars à inviter. Faudel sera de la partie. Contact entretenu. Pendant les émeutes, le chanteur appelle Sarkozy pour l'encourager. Suit l'idée de l'inviter à la fête du 200 000e militant. Et, le soir du réveillon, quand Faudel inaugure son nouveau restaurant, le ministre d'Etat lui rend visite à son tour.
Avoir des réseaux hétéroclites sert aussi à éteindre des incendies. Dès qu'Act up imprime des affiches représentant le ministre avec le slogan «Votez Le Pen», Charon multiplie les coups de fil, rend visite à l'un des rois des nuits parisiennes, Tony Gomez, et obtient que la photo soit retirée du site. Alors que les personnalités du show-biz hostiles à Sarkozy sont de plus en plus nombreuses, les amis du président de l'UMP préviennent: en 2007, il aura aussi «sa» liste. 

Un agenda qui ménage des plages de liberté

Je n'est pas un autre. Tout un programme, et quinze mois d'ici au premier tour. Sarkozy a un schéma en tête. S'il ne veut pas d'une structure parallèle à celle de l'UMP, qui susciterait des frustrations dans le parti, il composera, d'ici au printemps, une petite cellule. Une dizaine de personnes (dont un ancien directeur de cabinet aujourd'hui dans le privé) seront chargées d'avancer sur les questions fonctionnelles et thématiques de la campagne. Un spécialiste des finances sera désigné, puisque les comptes pour tout candidat à l'Elysée sont légalement rétroactifs à partir d'avril 2006. Déjà, après 21 heures, le directeur du cabinet du ministre d'Etat, Claude Guéant, dont l'importance n'a cessé de croître, réunit parfois, avec la conseillère Emmanuelle Mignon (passée par l'Essec, Sciences po et l'ENA), des groupes de travail pour réfléchir aux sujets de fond. 

«Merci d'être là, je sais que je vous ai pris à vos familles»: le 31 décembre, lors d'un déjeuner, puis le 1er janvier, au cours d'un dîner, Sarkozy évoque sa stratégie avec le noyau dur de ses collaborateurs. Il leur répète qu'il veut avoir plus de temps. Dès septembre, il a exigé que soit aménagé différemment son agenda. Pendant l'été, alors que tout le monde le croit sur le bassin d'Arcachon, il s'échappe huit jours à l'étranger. En semaine, il souhaite disposer d'une heure et demie chaque jour, pour monter dans ses appartements privés, au premier étage du ministère de la place Beauvau. «Lui donner du temps est un luxe que n'a pas un Premier ministre», remarque son chef de cabinet, Laurent Solly. Avant sa cérémonie de v?ux de la semaine dernière, le programme est allégé: trois heures libres le mardi, un après-midi moins chargé le mercredi, rien avant son discours de 11 heures, le jeudi. Quand il était maire de Neuilly, ses journées ressemblaient à une succession de rencontres, du matin jusqu'au soir. A son arrivée place Beauvau, en 2002, il présidait un maximum de réunions. C'est désormais Guéant qui s'y colle. 

Sarkozy travaille par notes: pour la seule gestion de l'UMP, il en reçoit une vingtaine par semaine, sur le nombre des adhésions (celle-ci est quotidienne), le contenu des mails reçus, sous forme de verbatim, la situation d'une fédération défaillante, un élu qui a demandé à le voir, comme, en décembre, le chiraquien Pierre Bédier, avec qui les relations étaient glaciales depuis des mois. Avant ses interviews, il réclame des chiffres très précis, dont il sait qu'ils marquent l'opinion. Il use aussi beaucoup du téléphone. Il a profité de ses vacances de Noël à Maurice pour appeler méthodiquement une petite dizaine de ministres, 85 parlementaires et de multiples relais d'opinion - jusqu'au patron d'un petit journal de province. 

Ne jamais rien laisser passer

S'il a moins de rendez-vous qu'avant, il veut plus de diversité. En dehors des amis, comme Martin Bouygues et Jean-Michel Goudard, il voit des patrons, du président du groupe d'assurances Generali, Antoine Bernheim, qu'il estime, au PDG de la marque d'équipements sportifs Airness, Malamine Koné - dans un article, ce dernier avait exprimé le souhait de s'entretenir avec Sarkozy, ce qui n'échappa pas au cabinet. Les économistes Pierre Mariani et Alain Minc sont écoutés depuis longtemps, Nicolas Baverez, depuis peu. Avec Alain Finkielkraut, rencontré après la polémique déclenchée par le philosophe sur la crise des banlieues, il a été question d'éducation. A l'automne, il a réfléchi aux propositions institutionnelles qu'il a annoncées le 12 janvier, en consultant Pierre Avril, Didier Maus, Hugues Portelli, Elisabeth Zoller ou Ferdinand Mélin Soucramanien. Il prend goût à ses discussions avec les responsables religieux, appréciant le pasteur Jean-Arnold de Clermont, les archevêques Jean-Pierre Ricard ou Philippe Barbarin. Des historiens (Hubert Tison, Françoise Chandernagor, Michel Winock, Jean-Pierre Azéma, René Rémond, etc.) le voient le 20 janvier. Des rencontres sont prévues avec Pascal Bruckner, Alain Besançon ou Emmanuel Le Roy Ladurie. 

L'état de l'opinion l'intéresse: il fait régulièrement le tour des présidents d'instituts de sondages, écoutant notamment le directeur général d'Ipsos, Pierre Giacometti, recevant des analyses du député des Hauts-de-Seine Manuel Aeschlimann sur l'influence de la religion dans le vote ou le comportement de l'électorat du FN. Toutes les six semaines, il s'entretient avec le coprésident de l'agence Hémisphère droit, Frank Tapiro, et un ami, qui lui remettent une note intitulée «La Sarko-météo», avec soleil, nuage et pluie. La dernière, en décembre, affirmait que le thème de la rupture avait été légitimé par la crise des banlieues et pointait un nuage: le rendez-vous du ministre avec le patron de la maison d'édition First, aboutissant à la suspension d'une biographie sur Mme Sarkozy (voir l'encadré). 

Un ancien collaborateur se souvient: «Nicolas se pose une question quand il voit quelqu'un: ?A quoi peut-il me servir? ?» C'est une règle d'or: aucun contact ne doit être inutile. Pendant les émeutes, l'avocat Arno Klarsfeld fait savoir à Sarkozy qu'il est choqué de le voir comparé à Jean-Marie Le Pen. Il est reçu par Claude Guéant et le conseiller Frédéric Lefebvre, puis par le ministre. Le cabinet réfléchit à la meilleure manière d'exploiter ce réconfort quand surgit la controverse sur un article de loi évoquant «le rôle positif de la présence française outre-mer». L'idée de confier à l'avocat une mission s'impose. Lors de l'appel d'offres de l'UMP pour rénover le site Internet du parti, l'entreprise d'un acteur important de la blogosphère française, Loïc Le Meur, se porte candidate. Si son nom n'est pas retenu pour cette opération, il le sera pour la suite. Le contact est maintenu jusqu'en décembre, lorsque le cabinet l'appelle pour réaliser une interview - qui entraînera plus de 50 000 visites sur le blog. Sarkozy, qui ne surfe jamais sur le Net, montre ainsi son intérêt pour ce mode d'expression. 

Le retour «discret» de Cécilia

© T. Dudoit/L'Express

Dans les appartements privés du ministère, début 2004.
Discrétion: caractère de ce qui n'attire pas l'attention.» Jusqu'à présent, le terme n'était pas spontanément associé au couple Sarkozy. Entre 2002 et 2005, celui-ci n'avait pas toujours échappé aux flashs. Le 10 janvier encore, le ministre d'Etat, précédé de gardes du corps, entrait dans l'un des restaurants favoris du microcosme parisien, en plein VIIe arrondissement, pour partager un café avec son épouse, qui déjeunait en compagnie d'une amie. Une caméra de télévision ne tardait pas à saisir la scène. Le soir, il déclarait, dans ses v?ux au conseil général des Hauts-de-Seine, qu'il préside: «La vie est la même pour tous, les difficultés sont les mêmes pour tout le monde, quand on se retrouve seul, le soir, dans sa chambre.» Et le lendemain, un ami, le député Patrick Balkany, une semaine après avoir dîné avec Nicolas et Cécilia Sarkozy, livrait un long récit circonstancié de leurs retrouvailles dans Le Parisien.
«Discrétion: aptitude à garder un secret.» Avec ses conseillers, réunis le 31 décembre et le 1er janvier, le n° 2 du gouvernement a été plus que discret: muet. Pas un mot sur le sujet. Au ministère, la nouvelle du retour de Cécilia ne s'est répandue que lorsque la demande d'une mise à disposition d'une voiture Vel Satis intérieur cuir a circulé - l'information est fermement démentie par le cabinet, qui n'a pas oublié la controverse née de l'achat d'écrans plasma, révélé par Le Canard enchaîné, lors de l'arrivée des Sarkozy à Bercy, en avril 2004.
«Discrétion: tact, réserve.» Ces derniers mois, elle était déjà de mise. Lui rendant compte avant comme après ses rendez-vous, un conseiller du ministre de l'Intérieur a rencontré des responsables de journaux qui envisageaient de publier des photos de sa nouvelle vie. Sarkozy ne souhaitait plus mélanger politique et vie privée. Mais la présence de celle qui, avant son départ, était considérée comme l'une des clefs du système - dans les deux sens du terme: un rouage capital et un élément stratégique qui commande l'accès - influe forcément sur le dispositif autour du futur candidat. Même si son nom n'apparaît plus officiellement dans les organigrammes, la femme du ministre a recommencé à s'informer du programme des prochains mois.
Le 12 janvier, Nicolas Sarkozy a indiqué à propos de sa vie privée que, «désormais», il observerait la «discrétion». 

Cela le conduit aussi à vite se singulariser, lors du débat parlementaire sur le droit d'auteur. Dès que des personnalités s'inquiètent auprès de lui d'un amendement permettant le téléchargement sur Internet, Sarkozy, pas concerné comme ministre de l'Intérieur, met sa casquette de l'UMP. Son conseiller parlementaire, Frédéric Lefebvre, mobilise des députés, absents au moment du vote, pour qu'ils se démarquent: Françoise de Panafieu, élue parisienne chargée de la culture dans le parti, et Thierry Mariani, qui a l'avantage d'être identifié comme «sarkozyste», viennent s'exprimer en séance. En pleine nuit, un communiqué signé Sarkozy indique son hostilité à la licence globale. Le lendemain, quelque 250 courriers (avec l'intervention des élus et le texte du président de l'UMP) sont adressés aux artistes et aux professionnels concernés. 

Ne jamais rien laisser passer - autre règle de base. A peine Chirac évoque-t-il les violences «inacceptables» dans le train Nice-Lyon que Sarkozy s'invite au 20 Heures de TF 1. Il applique cette tactique chaque fois, misant sur l'immédiateté de sa réaction, au risque de voir certains de ses propos démentis par la suite des événements. Quand la polémique sur les termes «Kärcher» et «racaille» bat son plein, il convoque ses proches, juste avant de participer à une émission sur France 2, le 10 novembre. «Expliquer et répéter sont les deux principes de base», souligne le conseiller pour la presse et la communication, Franck Louvrier. Si le ministre ne répète pas les expressions, il les assume. En revanche, il cherche toujours, avec ses collaborateurs et des communicants, un terme autre que «discrimination positive», mal perçu par son électorat. 

Même si elle n'émane pas du chef de l'Etat, toute critique mérite réponse. Le footballeur Lilian Thuram, sévère sur sa gestion des banlieues, est immédiatement sollicité par le cabinet pour un rendez-vous. Pendant l'entretien, le ministre aurait, selon un proche, fait allusion à la controverse sur le montant réel de la prime versée par les Bleus pour le match entre France et Costa Rica, par solidarité avec les victimes martiniquaises d'un crash aérien: «On ne fait pas toujours ce qu'on dit!» Quand les écrivains Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant s'attaquent à Sarkozy avant sa visite, finalement annulée, aux Antilles, quand Samuel Benchetrit lâche, un matin de la semaine dernière à la télévision, que le ministre n'a rien compris à la banlieue, c'est le même scénario: coup de fil d'un collaborateur de Beauvau. Mais les personnalités ne donnent pas forcément suite. Des munitions sont toujours prêtes pour riposter. En décembre, Le Canard enchaîné révèle que Paris Match a coupé une phrase d'une interview de Yannick Noah: «Une chose est sûre: si jamais Sarkozy passe, je me casse!» Aussitôt, les conseillers se penchent sur l'ancien tennisman, pour retrouver une déclaration datant de 1983, l'année de sa victoire à Roland-Garros, dans laquelle il indique? «pourquoi il a décidé de partir, de quitter, au moins provisoirement, la France». Des propos qui serviront, si jamais Noah répète ses intentions. Tous les people, qu'ils soient favorables ou hostiles, font l'objet d'un traitement particulier (voir l'encadré). 

Le parti, lui, mobilise l'attention permanente de Sarkozy. Ayant organisé des dizaines de meetings pour les autres, il est très sourcilleux sur ses entrées sur scène, la composition de la tribune ou le taux de remplissage de la salle. Dès son élection à la présidence, il a lui-même demandé que tous ses discours importants soient reliés et il a chargé deux de ses conseillers, Jérôme Peyrat, directeur général de l'UMP, et Frédéric Lefebvre, son directeur de cabinet rue de La Boétie, de rassembler au moins une fois par semaine les salariés du siège national pour un briefing sur la vie du mouvement et l'actualité politique. «Il a occupé toutes les fonctions dans un parti, et, pourtant, il continue de s'intéresser aux moindres détails», note Peyrat, élu de la Dordogne. 

Il arrive évidemment que la machine s'emballe et dérape. Le discours du 14 juillet 2005, avec ses attaques contre le président de la République lors de la garden-party du ministère, est critiqué jusque par ses proches: il n'aurait pas été relu correctement. Une visite ratée sur les Champs-Elysées, qui se termine en bousculade, donne lieu à une réprimande immédiate de responsables policiers. Les troupes parlementaires restent d'une qualité inégale et se concentrent dans deux régions, l'Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte-d'Azur - «Il faudra qu'il apprenne à rassembler autrement que par la peur qu'il inspire», observe un député. Sarkozy lui-même, tout à son objectif, déçoit quelques-uns de ses visiteurs: «C'était un récepteur, c'est maintenant un émetteur, estime un grand patron. Il parle et n'écoute plus. Il est devenu rigide.» 

Une cellule pour travailler la diplomatie

Puisqu'il n'est pas ancien ministre des Affaires étrangères, il doit travailler les dossiers internationaux. Tout événement important est résumé par son conseiller diplomatique, David Martinon, dans une note de une à deux pages: la création de Kadima en Israël, les changements chez les conservateurs britanniques - il voit leur nouveau président, David Cameron, le 6 janvier. «Il ne veut pas laisser passer de futurs dirigeants; il connaît ainsi depuis un certain temps Angela Merkel, quand Villepin, au Quai d'Orsay, la faisait recevoir par son ministre des Affaires européennes», assure un collaborateur. 

Pour étoffer les réflexions diplomatiques du président de l'UMP, un groupe de spécialistes des relations internationales, avec, notamment, Hélène Carrère d'Encausse, est en train d'être constitué. «Il est difficile de trouver les bonnes personnes en la matière», constate un proche. Et rien ne remplace les déplacements: après l'Afrique, un voyage sur la côte Ouest des Etats-Unis est envisagé - une photo avec le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, serait la bienvenue dans l'album du candidat. 

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Une machine ne fait pas une élection présidentielle. Elle peut seulement y contribuer. Il faut aussi une volonté, une vision, un projet. Il y a une dizaine d'années, Sarkozy confia à un ami: «Le jour où je serai certain de ne pas être président de la République, j'arrêterai la politique.» Il ne semble pas qu'il veuille arrêter tout de suite. 

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