Enquête sur l'astrologie

Par Lenoir Frédéric, publié le 22/05/1997

Depuis les pharaons, l'homme cherche dans les astres la signification de ses actes. A tort ou à raison? L'Express rouvre le dossier

L'astrologie est l'un de ces sujets brûlants qu'on ne peut aborder sans susciter adhésion enthousiaste ou répulsion forte - bref, sans exciter les passions. Le débat entre le pour et le contre, le vrai et le faux a longtemps tourné à la polémique violente et stérile. Au coeur de la querelle, le statut épistémologique de cette mystérieuse discipline: science? religion? art? superstition? L'équation du dialogue de sourds était simple: «Ça marche, donc c'est une science!» proclamaient jusqu'il y a peu la plupart des astrologues; «Ce n'est pas une science, donc c'est une superstition», répliquaient en choeur les scientifiques.

Cette polémique a sans doute atteint son apogée en 1975, lorsque plusieurs centaines de scientifiques de renom, dont 18 prix Nobel, publièrent dans la revue américaine The Humanist un manifeste dénonçant l'astrologie, mettant en garde l'opinion «contre le danger d'accepter inconditionnellement des prédictions et des conseils donnés en privé et en public par des astrologues», et rappelant à «ceux qui veulent croire à l'astrologie que ses principes ne reposent sur aucune base scientifique». Il faudra pourtant attendre les années 80 pour qu'une majorité d'astrologues finissent par admettre qu'en effet l'astrologie n'est pas une science.

Il est difficile de comprendre l'ampleur du contentieux entre astrologie et astronomie sans se souvenir que, jusqu'au XVIIe siècle, les deux disciplines étaient en fait indissociables. Le prêtre chaldéen du IIe millénaire avant Jésus-Christ qui notait scrupuleusement sur ses tablettes d'argile les événements célestes (mouvements planétaires, éclipses, comètes...) peut être considéré, par le caractère parfaitement scientifique de cette observation, comme l'ancêtre de nos astronomes modernes. Mais il était avant tout un astrologue, car son travail n'avait pas pour objectif de décrire l'Univers, mais plutôt de prévoir les phénomènes humains par l'observation des phénomènes célestes. C'est pourquoi la distinction entre astrologie et astronomie n'existait pas chez les Anciens, qui se sentaient insérés dans un cosmos sacré.

Les premiers philosophes rationalistes grecs entrouvent la porte à une différenciation, mais c'est surtout à la Renaissance, avec l'avènement de la science occidentale, que l'astronomie s'émancipera de l'astrologie. La révolution copernicienne condamnait en effet le système géocentrique traditionnel et faisait perdre à l'astrologie son fondement théorique. Dès lors, le fossé entre astronomie - comme science d'observation de la mécanique céleste - et astrologie - comme étude des corrélations entre phénomènes célestes et phénomènes humains - ne cessera de se creuser, les astronomes réfutant à juste titre le caractère proprement scientifique de l'astrologie et l'idée d'une influence des astres sur le caractère ou la destinée humaine.

Encore présent en ces termes dans bien des esprits, le débat sur l'astrologie a néanmoins sensiblement évolué au cours de ces dernières années. En effet, les plus grandes voix de l'astrologie contemporaine - celles d'André Barbault, de Jean-Pierre Nicola, de Dane Rudyard, d'Alexander Ruperti ou de Joëlle de Gravelaine - qui proclament depuis des décennies que l'astrologie est non pas une science, mais un langage symbolique, ont fini par se faire entendre, par-dessus le tumulte des invectives. Cette avancée a été rendue possible grâce au développement d'une nouvelle astrologie savante - à mille lieues de l'astrologie populaire véhiculée par les mass media - fondée sur la psychologie des profondeurs.

Pour la plupart de ces astrologues, les astres n'ont aucune influence physique, matérielle, sur les hommes. Ils ne sont pas la cause, mais simplement le signe de ce que nous sommes. Autrement dit, il existerait bien, comme la tradition astrologique l'a toujours affirmé, une correspondance entre l'homme et les planètes, mais ce lien serait purement symbolique. La carte du ciel de naissance d'un individu exprimerait ses potentialités, son caractère, les tendances de sa destinée qui en découlent, et non pas un quelconque déterminisme astral se surimposant au conditionnement biologique. Les astres n'influencent pas l'homme, affirment les théoriciens de cette astrologie psychosymbolique. Ils permettent de lire, par une loi mystérieuse de correspondance entre le microcosme et le macrocosme, les tendances profondes de sa personnalité. Cette conception, qui était déjà celle des Mésopotamiens il y a plus de trois mille ans, a pu être reformulée de manière moderne grâce à la théorie de l'inconscient collectif de Carl Gustav Jung, pour qui l'homme aurait «projeté dans le cosmos les lois de l'ordonnance de sa psyché» (Problèmes de l'âme moderne).

Dans une telle perspective, l'astrologie peut être à la fois appréhendée comme une croyance - selon laquelle chaque individu ne naît pas au hasard, mais à un moment précis, où l'ordre cosmique est le reflet de l'ordonnance de sa psyché; comme une connaissance empirique - l'observation des corrélations entre événements célestes et événements humains; et comme un langage symbolique. Le débat empoisonné sur le prétendu statut scientifique de l'astrologie n'a plus de raison d'être. Aujourd'hui, plus rien ne justifie, en la matière, que l'on interroge le scientifique: on s'adressera à l'historien, au philosophe, au sociologue ou au psychanalyste.

La voie est ainsi ouverte pour une nouvelle approche, sereine et distanciée. Cette approche peut rendre compte de l'astrologie comme pratique et croyance millénaires, de son importance historique dans les sociétés humaines, de sa richesse comme langage symbolique ou de son utilisation magique et superstitieuse. Elle peut aussi relater les raisons de l'attraction que l'astrologie exerce - près de 1 Français sur 2 s'intéresse à son signe zodiacal et 1 sur 10 a déjà consulté l'un des 10 000 astrologues qui exercent au pays de Descartes - et se pencher sur les interrogations que soulève son influence croissante, en l'absence de toute régulation, dans des sphères aussi diverses que la psychothérapie, le recrutement en entreprise, la politique, la médecine ou l'éducation.

C'est avec ce regard neuf que L'Express rouvre le dossier de cette étrange pratique, contemporaine des Pyramides, dont le renouveau et l'impact dans nos cités modernes ne cesse d'intriguer.

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