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Soixante-quinze ans d'histoire

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Zinedine Zidane a de qui tenir. Ressortissants «protégés» de Tunisie ou du Maroc, «indigènes» d'Algérie, pieds-noirs, fils d'émigrés italiens ou espagnols: au temps des protectorats et de la colonisation, déjà, l'Afrique du Nord exportait ses joueurs vers la métropole. Tous recrutés à un moindre coût dans des clubs dont les couleurs ont souvent une connotation communautaire ou religieuse. Les équipes de l'Hexagone choisissent le nom de la Gallia (la Gaule) et le bleu, blanc, rouge. Les clubs indigènes ou musulmans préfèrent la Mouloudia (naissance du prophète Mahomet), le Wydad (Renaissance) ou l'Espérance, en vert, blanc et rouge. En noir, aussi, après les massacres de Sétif. Les clubs juifs - Maccabi, Réveil, Union, Red Star - adoptent le bleu et blanc? En 1926, le «Marocain» Alexandre Villaplane est le premier Nord-Africain à porter le maillot tricolore. Il a été remarqué une année auparavant, à Sète, lors de la victoire de la sélection d'Afrique du Nord sur l'équipe de France (2-1). Le football des colonies est sans complexes devant celui de l'Hexagone. Le Sporting de Bel Abbès vient à Paris infliger une rude leçon au Red Star. Villaplane forme avec l'Oranais Ernest Liberati un milieu de terrain royal pour le premier Mondial, organisé, en 1930, à Montevideo (Uruguay). Mais, quelques années plus tard, au début de la Seconde Guerre mondiale, il devient membre des chemises brunes, ce qui lui vaudra d'être arrêté et fusillé à la Libération dans la région bordelaise. 

Le vrai prédécesseur de Zinedine Zidane chez les Bleus est Saïd Benouna. Originaire d'Orléansville (aujourd'hui El-Chlef Asnam, à 200 kilomètres d'Alger), ce meneur de jeu porte les couleurs de l'équipe de France en 1936 contre la Tchécoslovaquie (3-0), au Parc des Princes. Comme la majorité des joueurs d'Afrique du Nord, il choisit le soleil et signe à Sète. Une année plus tard, Abdelkader Ben Bouali, le défenseur du Racing universitaire d'Alger (RUA) - l'équipe chérie du Prix Nobel Albert Camus - rejoint l'Olympique de Marseille et l'équipe de France. Il n'est pas le seul. Il a comme partenaire l'attaquant oranais Michel Frutuoso, qui a quitté la plus ancienne des associations sportives nord-africaines, fondée en 1884, le Club des joyeusetés (CDJ), pour le Racing Roubaix. 

Terre d'accueil privilégiée pour les joueurs de l'autre rive de la Méditerranée, l'Olympique de Marseille (OM) accueille aussi les internationaux Emmanuel Aznar, Joseph Alcazar, Sauveur Rodriguez, Mario Zatelli, Jean Bastien (sélectionné durant le Mondial de 1938). Et même... Ahmed Ben Bella, qui deviendra le premier président de l'Algérie indépendante. Le club phocéen aligne jusqu'à sept joueurs d'Afrique du Nord. Le plus doué d'entre eux est le Marocain Larbi Ben Barek. Les chroniqueurs des années 1940 le surnomment la «Perle noire». L'un d'eux, Max Urbini, écrit: «Larbi était le poète du football. Il était plus élégant et plus esthétique que Pelé.» Le magicien du dribble est titulaire en équipe de France jusqu'à l'âge de 40 ans. D'autres Marocains portent le maillot frappé du coq, notamment l'attachant joueur puis entraîneur de l'OM Mario Zatelli. C'est lui qui découvre l'un des meilleurs buteurs de tous les temps, le Marrakchi (originaire de la ville de Marrakech) Just Fontaine, qui l'a remplacé à l'USM Casablanca. Son record de 13 buts réalisé lors du Mondial de 1958 tient toujours. Abderrahmane Mahjoub, qui passe de Nice au Racing de Paris, est l'élégance et la gentillesse mêmes sur un terrain. A l'inverse du Nîmois Abdesslam Ben Mohamed. Une agression sur un arbitre mettra prématurément fin à la carrière professionnelle et internationale de cet irascible surdoué. 

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A la fin des années 1950, le Fassi (originaire de la ville de Fès) Hassan Akesbi, un garçon tout en finesse, qui joue à Nîmes, traite d'égal à égal avec les Kopa et les Piantoni. Nîmes est alors dirigé par l'Oranais Kader Firoud. Il a été le premier Nord-Africain «indigène» à fouler le temple de Wembley. Un accident de voiture au retour du Mondial de 1954, en Suisse, va interrompre sa carrière. Il réussit néanmoins une brillante reconversion à la tête des Crocodiles nîmois. Il fera d'eux, malgré de faibles moyens, les éternels seconds du Stade de Reims, le must du football français. Sous sa coupe, deux Blidéens font le spectacle. Bernard Rahis, un ailier gauche de talent, concurrence sérieusement Jean Vincent sur le flanc gauche de l'attaque tricolore et Abdelkader Mazouz dispute la finale de la Coupe de France contre Reims, une chéchia rivée sur la tête. A l'instar de Marseille ou de Nîmes, le public parisien a aussi les yeux de Chimène pour les footballeurs basanés. En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Racing affrète un avion spécial pour permettre à l'entraîneur Paul Baron de ramener d'Alger cinq joueurs talentueux: Marcel Salva, Jean-Claude Samuel, Pierre Ponsetti, André Philippot et Lucien Jasseron (qui entraînera plus tard Lyon) afin que le club dispute et gagne la finale de la Coupe de France devant Lille (3-0). Une initiative inédite. Ils rejoignent dans l'histoire du club Roger Couard, un autre Algérois, qui avait remporté huit ans auparavant le trophée. Des cinq joueurs, seul Marcel Salva reste fidèle aux «bleu et blanc» et à Paris. «Il y avait mon pote Marcel Cerdan, donc le soleil ne me manquait pas beaucoup. Et puis le couscous était à la mode», dit-il. 

Même aujourd'hui, les footballeurs tunisiens n'aiment pas s'expatrier. Ceux qui l'ont fait se comptent sur les doigts d'une main. Le défenseur Mokhtar Ben Nacef entre dans la légende grâce à un ciseau acrobatique qui sauve Nice - à la suite d'un lob de Ben Barek - et lui permet de remporter la Coupe de France de 1954 contre Marseille (2-1). La photo de l'exploit a fait le tour des rédactions des journaux de France et d'Afrique du Nord. Un autre défenseur bizertin, Kacem Hassouna, bien plus athlétique mais moins technique, allait s'affirmer avec Le Havre. 

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En Algérie, durant l'été de 1956, le FLN ordonne aux clubs musulmans de se retirer de toutes les compétitions sportives. Une année plus tard, un député algérien, Ali Chekal, est abattu à la sortie du stade de Colombes, qui accueillait la finale Toulouse-Angers (6-3). Le message est reçu cinq sur cinq. Une douzaine de professionnels désertent leur club et rejoignent le FLN à Tunis. Parmi eux, les internationaux Brahim Saïd (Toulouse), Abdelaziz Bentifour, Mustapha Zitouni (Monaco) et Rachid Mekhloufi (Saint-Etienne). Ce dernier, originaire de Sétif, est pourtant, déjà, l'un des meilleurs joueurs d'Europe. Cinq ans plus tard, le football a repris ses droits. Ayant regagné la France et Saint-Etienne, il inscrit les deux buts qui permettent aux Verts de gagner la Coupe de France devant Bordeaux (2-1), en 1968. «Mekhloufi a été l'un des footballeurs qui m'ont le plus marqué de par son intelligence de jeu et son sens du but», dit aujourd'hui Aimé Jacquet, qui fut son coéquipier. 

Opinions

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Chronique
Le président français Emmanuel Macron (g) et le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, lors de leur conférence de presse commune au sommet européen à Bruxelles, le 17 décembre 2021Par Jean-Maurice Ripert, Ambassadeur de France, Vice-président de l'Association Française pour les Nations Unies
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