Culture 20/03/1995 à 01h59

Céline Dion en VF

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HAZERA Hélène

Quand la Québécoise star anglo-saxonne du moment enregistre en

français avec la vedette J.-J. Goldman: album et un entretien croisés.

Céline Dion en VF CÉLINE DION, album «D'eux», à paraître chez Columbia.

DEPUIS L'AGE de 12 ans, Céline Dion prospère dans la variété québécoise. Après avoir réussi à s'imposer sur le marché anglophone, elle monte aujourd'hui à l'assaut du marché français via un album réalisé en collaboration avec le champion local incontestable du variété-rock, Jean-Jacques Goldman. Ce dernier profite d'une interview à trois chez Angelina (spécialité, le mont-blanc: crème de marron-meringue-chantilly) pour poser des questions à sa chanteuse. Quand elle s'échauffe, l'accent canadien remonte en flèche.

Céline Dion: Je connaissais un peu les chansons de Jean-Jacques, il voulait travailler avec moi.

Jean-Jacques Goldman: Nous avons déjeuné au mois de février, j'étais très intéressé par une collaboration avec celle que je considère comme une des seules grandes voix francophones.

C.D.: Je suis venue en France la première fois à 14 ans avec D'amour ou d'amitié, et les gens me parlent encore de ça. A un moment donné, ça devient ben frustant, ben fâchant, parce que s'il y a un endroit où j'ai rêvé que ça marche, c'est ici! Ça marche au Québec, en Angleterre, aux Etats-Unis... et ici, ça marche pas! Il aura fallu que j'aie du succès aux Etats-Unis pour que ça fonctionne en France?!

J.-J.G.: J'ai travaillé pendant huit mois à peu près, entre-temps ma vision de sa voix a évolué. J'avais une impression très «chanson française traditionnelle», et je me suis rendu compte qu'elle avait un registre rhythm' n'blues. Fin septembre, je lui ai fait écouter neuf chansons, et à la fin il y en a eu douze.

Libération.: Comment c'est, d'écrire pour les autres?

J.-J.G.: Certaines chansons que j'ai écrites pour Hallyday sont trop impudiques pour moi, je n'ai jamais dit «j'aime» ou «je t'aime» dans une de mes chansons. La chanson pour Patricia Kaas, c'est un aspect des femmes qui m'émeut beaucoup, la non-importance du vécu et du réel...

C.D.: J'ai aussi chanté des chansons de femmes, de Diane Waren. Avec les femmes, c'est toujours très mélancolique. Les hommes c'est plus sensuel, beaucoup plus en rêve.

J.-J.G.: Je me demandais: que peut-elle dire, Céline Dion? Que veut-elle dire? J'essayais de me mettre à sa place...

C.D.: Il a pas essayé, il a réussi! Je ne me pose pas de question, j'attends, je reçois, je prends. C'est tellement ben de sentir que la personne a pris le temps de vous connaître, de vous étudier...

J.-J.G.: Je n'ai jamais travaillé avec des gens d'un tel niveau technique. Pas de problème de justesse, de tempo, elle se chauffe toute seule, quand on lui donne une ligne mélodique, elle en improvise deux, quatre, toutes crédibles.

Libération.: Les chanteuses québécoises ont tendance à mettre le volume à fond tout le temps...

C.D.: Je mets le volume à fond parce que je fais tout à fond! Je ne pense jamais à pousser, à impressionner, je ne me demande pas jusqu'à quel niveau j'envoie les aiguilles dans le rouge de la console...

J.-J.G.: Au Québec, Jane Birkin ou Mylène Farmer feraient un autre métier.

C.D.: J'ai vu Ella Fitzgerald en spectacle, elle a commencé sa chanson et à un moment donné, pfff, elle perd tous les mots de sa chanson... Elle a continué en inventant des mots qu'avaient pas de sens, des notes, du n'importe quoi... Tu peux pas applaudir, tu crois pas ce que t'entends!

Libération.: Vous êtes influencée par les voix noires?

C.D.: J'ai voulu un gospel choirs pour mon marriage, le prêtre à côté de moi me félicitait et moi, avec ma robe de mariée, «whouaaaï» (elle tape dans les mains, se remue). J'aime pas quand on me dit: «Tu me fais penser à elle ou à lui ou à j'sais pas qui», mais ça j'adore.

J.-J.G.: Tu vois une différence entre les voix blanches et les voix noires?

C.D.: Tu m'poses des questions et j'vais m'faire tuer! Ça (Elle chante haut, posé, linéaire), c'est pas noir. Noir c'est... (elle chante plus tendu, saccadé), plus rauque plus (voix rauque). J'sais pas. Les Noirs, on dirait que leur son est sauvage, wild. Je ne cherche pas à imiter cette façon de chanter, je me laisse emporter par les émotions.

J.-J.G.: Tu as chanté avec des chanteurs classiques?

C.D.: J'ai chanté pour Pavarotti. Pas avec lui. Nous avons le même prof de chant. Je fais un quart d'heure d'exercice tous les jours. J'avais perdu la voix en plein concert, des nodules sur les cordes vocales. Un spécialiste à New York m'a mis des caméras dans la gorge et dit: «C'est de la fatigue, il faut arrêter de parler pendant quinze jours, pas chuchoter, pas un mot.» Je suis restée muette trois semaines, j'écrivais ce que je voulais. J'aurais fait n'importe quoi pour retrouver la voix. J'étais avec ma famille, rien n'était pareil, ç'a été de vraies vacances.

Propos recueillis par Hélène HAZERA

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