Économie 24/05/2010 à 00h00
Un cégétiste bradé par Toshiba et l’Etat
Social . Contesté par la Direction du travail, le renvoi d’un syndicaliste est validé par le ministère.
Manif devant le siège de Toshiba, quartier de La Défense, fin avril. La Fédération CGT de la métallurgie dénonce une cabale montée par le fabricant de photocopieurs pour se débarrasser d’un délégué syndical, «en falsifiant la réalité» et avec la complicité du ministre du Travail.
Bruno Troulet, cadre de Toshiba, est délégué du personnel depuis 2007. Un an plus tard, il prend l’étiquette CGT car il sent qu’il aura besoin d’un soutien externe pour soutenir son combat : créer une union économique et sociale (UES) au sein du groupe Toshiba, éclaté en une douzaine de filiales. C’est en constatant ici ou là des vagues de départs plus ou moins négociés que Bruno Troulet subodore un plan social qui ne dirait pas son nom.
Versions. Fâcheux pour un groupe qui vit largement de commandes publiques : dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a conditionné son soutien (subventions ou marchés publics) au maintien de l’emploi. La mise en place d’une UES permettrait d’y voir un peu plus clair. Sur la suite des événements, les versions divergent. Selon le syndicaliste, un dirigeant le convoque pour lui faire miroiter un confortable départ négocié : «Ce n’est pas juridique ou disciplinaire, c’est juste que tu joues au trublion.» Selon Toshiba, c’est au contraire Troulet qui aurait provoqué la discussion avec des «prétentions indemnitaires totalement démesurées». Quoi qu’il en soit, une négociation s’engage fin 2008 par avocats interposés.
Pendant ce temps, le cégétiste poursuit son boulot de syndicaliste. Au printemps 2009, il envisage d’évoquer le contrat liant Toshiba à l’Etat (via l’Ugap, sa centrale d’achats publics) devant le comité d’entreprise puis le conseil d’administration de Toshiba. La direction le licencie alors pour chantage, mais sans vraiment oser le présenter ainsi : «Les éléments donnés par Toshiba pour justifier le licenciement oscillent contradictoirement entre le motif disciplinaire et personnel», soulève la Direction départementale du travail (DDT)des Hauts-de-Seine.
Comme toujours en matière de salarié protégé, il faut l’accord de l’administration. En avril 2009, l’inspecteur du travail refuse d’autoriser le licenciement du délégué CGT : «Absence de chantage, absence de faute», relève-t-il. «Si les faits interviennent dans le contexte d’une négociation relative à son départ, celui-ci indique ne pas souhaiter, dans l’absolu, quitter l’entreprise.» En novembre, la DDT rend compte de sa propre enquête auprès du ministère. Elle aussi s’oppose au licenciement : «Les versions des parties sont diamétralement opposées, mais la société Toshiba n’apporte pas d’élément probant. Pis, elle évoque un chantage de M. Troulet qui a débuté en décembre 2008 mais ne lance la procédure qu’en mars.»
Avis. L’employeur aurait-il tendu un piège à son syndicaliste ? La DDT se contente de souligner : «Le chantage est une infraction pénale d’une particulière gravité. Il convient de noter que la société n’a pas déposé plainte contre son salarié.» Xavier Darcos, encore ministre du Travail, passe outre l’avis de ses services, et avant même que l’ultime rapport d’enquête lui soit remis, autorise le licenciement. D’où l’indignation de la CGT. Un des responsables de la DRH de Toshiba est élu de l’UMP. On n’oserait croire que là réside l’explication.
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