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Edition, mode d'emploi

De l'avantage d'être né

par Jérôme Dupuis
Lire, mars 2005

 Vian, Céline, Camus, Léautaud, Cohen, Sartre... C'est souvent post mortem que les œuvres rapportent. Oui, mais à qui? Et combien? Récit de quelques histoires de famille.

Commençons par un petit exercice d'arithmétique. Sachant que Georges Simenon a écrit 400 livres dont 84 Maigret, qu'il est traduit dans plus de 50 pays, qu'il ne cesse d'être adapté sur petit et grand écran et que son œuvre tombera dans le domaine public en 2059, calculez les droits d'auteur générés d'ici là. Réponse: plus de 8 millions d'euros! C'est en tout cas la somme astronomique déboursée en 2001 par la société londonienne Chorion pour acquérir ces droits auprès des héritiers Simenon. Désormais, à chaque fois que vous achetez un Maigret, les royalties vont donc grossir le compte en banque de la fiduciaire britannique (la famille Simenon a juste conservé 15%). Chorion n'en est pas à son coup d'essai: elle détient également en portefeuille les droits d'auteur d'Agatha Christie (prix d'achat: 20 millions d'euros...) et d'Enid Blyton.

Mais Jules Maigret, Hercule Poirot et Oui-Oui sont de monstrueuses exceptions. «En France, il existe des descendants d'écrivains célèbres qui peuvent vivre de leurs rentes, mais ils ne sont pas si nombreux», assure Alban Cerisier, attaché éditorial à la gestion du fonds chez Gallimard, qui concentre pourtant la crème des romanciers du XXe siècle. Font partie de ce club fermé Camus, Saint-Exupéry, Sartre, Prévert... «La France s'est alignée sur une loi européenne de 1997 qui garantit le versement de droits aux héritiers pour une période de soixante-dix ans après le décès de l'auteur, explique l'avocat et éditeur Jean-Claude Zylberstein. A l'issue de cette période, ses œuvres tombent dans le domaine public et n'importe qui peut les rééditer sans avoir à verser de droits.»

«On fantasme beaucoup sur ces royalties, mais on oublie souvent les devoirs qui y sont liés», explique Eugénie Prévert, la petite-fille du poète français le plus populaire du XXe siècle. Agée de 30 ans, l'unique héritière de Jacques Prévert a installé ses bureaux dans le délicieux appartement que son grand-père occupait cité Véron, au-dessus du Moulin-Rouge. Elle y a créé Fatras, une société spécialement chargée de gérer ses droits, de susciter des rééditions ou d'organiser des expositions. Combien Gallimard lui a-t-il versé en 2004? Très exactement 49 700 euros, dont 7 737 pour le seul Paroles en Folio et 5 000 pour les deux tomes de La Pléiade. Le reste des droits provient des éditions brochées, des ventes à l'étranger et d'innombrables citations dans les manuels scolaires (qui rapportent chacune entre 10 et 20 euros). Le monde de la chanson (Henri Salvador...) et le cinéma sont plus généreux avec elle (160 000 euros en 2004). «Mais quand on pense que je ne perçois pas un centime sur Quai des brumes, Drôle de drame et Le jour se lève! soupire Eugénie. Certes, mon grand-père n'était pas très bon en affaires et avait accepté d'être payé au forfait, mais cette situation est-elle normale?»

C'est un fait: les revenus des ayants droit sont largement fonction de l'âpreté au gain de leurs aïeux écrivains. Ce sont les contrats d'époque qui sont toujours appliqués en 2005. Louis-Ferdinand Céline avait ainsi bénéficié du pont d'or offert par Gaston Gallimard lors de son retour d'exil, le 18 juillet 1951: 18% de droits d'auteur sur chaque volume (contre 12% pour un écrivain «normal»). Selon la loi, c'était Colette Destouches, la fille de l'ermite de Meudon, qui aurait dû hériter à sa mort des retombées du Voyage au bout de la nuit et autres chefs-d'œuvre. Mais, effrayée par les dettes supposées de son père - qui, en bon martyr, hurlait à la ruine - et un procès en cours suite à la parution de Nord, elle a tout simplement refusé la succession devant notaire. Sans doute une erreur d'appréciation. C'est donc la veuve de l'écrivain, Lucette Destouches, qui perçoit les droits depuis 1961. Devenu un classique, objet de lucratives publications d'inédits et bientôt d'une adaptation sur grand écran, Louis-Ferdinand Céline assure aujourd'hui une confortable rente à cette danseuse à la retraite de 92 ans.

Mais, bien souvent, les royalties sont partagées entre une foultitude d'ayants droit. Ainsi, pour Boris Vian, mort à 39 ans sans laisser de testament, les droits sont répartis entre sa veuve, Ursula (33%), son fils Patrick (40%), la Fondaction (sic) Boris Vian (25%) et sa première épouse. «Heureusement, nous sommes entre gens intelligents qui songent avant tout au rayonnement de l'œuvre, se réjouit Nicole Bertolt, infatigable mandataire d'Ursula Vian. Pensez qu'à sa mort tous les livres de Boris Vian sauf un, L'automne à Pékin, avaient été passés au pilon!» Un long travail d'édition a donc commencé, des mythiques 10/18 aux somptueuses œuvres complètes en 15 tomes chez Fayard. Il se vend aujourd'hui 120 000 volumes de Boris Vian par an. Ses héritiers ont négocié un taux élevé de 6,6% de droits d'auteur sur les éditions en poche, là où l'immense majorité culmine à 5%. Du coup, en 2004, ils se sont partagé 200 000 euros de royalties (dont les deux tiers, néanmoins, proviennent des chansons de l'auteur du Déserteur).

Si Colin et Chloé, les héros de L'écume des jours, sont «cultes», que dire alors du Petit Prince? Antoine de Saint-Exupéry est probablement le romancier français qui génère les plus importants droits d'auteur post mortem. Traduit en 160 langues (bientôt en inuit...), Le petit prince se vend encore à 300 000 exemplaires en France chaque année, toutes éditions confondues. Au point que les quatre neveux et nièces de l'auteur de Vol de nuit, qui sont ses ayants droit directs, ont créé deux sociétés: l'une gère les droits d'auteur, l'autre, les produits dérivés (figurines, poupées et cravates à l'effigie de l'icône...). Cette dernière a réalisé un chiffre d'affaires de 862 000 euros en 2003, mais doit faire face à de nombreux frais. «Nous sommes submergés par la notoriété internationale et les tentatives de piratage», explique Olivier d'Agay, petit-neveu de Saint-Ex. Des expressions comme «le petit prince» ou le célèbre «dessine-moi un mouton!» ont donc été déposées comme marques à l'INPI (Institut national de la propriété industrielle). Pour les utiliser, il faut demander une autorisation à la famille. «L'œuvre de notre aïeul permet à ses quatre ayants droit directs de vivre confortablement», résume sans détour Olivier d'Agay.

Mais quelle responsabilité! Répondre à toutes les communes qui veulent leur rue Saint-Exupéry, lancer un musée contre vents et marées, rémunérer un agent au Japon, gérer deux sites Internet pour les lecteurs du monde entier, traquer les aquarelles originales du Petit prince chez des collectionneurs américains, surveiller les rééditions. Sans compter que, comme dans tout bon roman bourgeois, il y avait une femme dans la vie de Saint-Ex... A sa mort, en 1944, l'auteur de Terre des hommes a légué par testament 50% des droits à la troublante et fantasque Consuelo, son épouse. Qui s'est éteinte en 1979, laissant à son tour le pactole à... son majordome, José Martinez. Ce retraité du sud de la France touche donc à lui seul 50% des royalties. Princier! Autant dire qu'avec la famille ses relations sont assez fraîches et relèvent plus de la chronique judiciaire que de la conversation littéraire au coin du feu.

Que se passe-t-il pour les nombreux auteurs sans descendance? Libre à eux de désigner par testament l'ayant droit de leur choix. Jean-Paul Sartre - dont les démêlés avec le fisc étaient tels que Gallimard payait directement ses impôts... - n'avait pas d'enfant. C'est sa fille adoptive, Arlette Elkaïm-Sartre, par ailleurs spécialiste reconnue de l'œuvre du philosophe, qui détient donc le droit moral (sur d'éventuelles rééditions ou éditions posthumes) et patrimonial. Comme par symétrie, Simone de Beauvoir a fait de même avec sa propre fille adoptive, Sylvie Lebon. Julien Green et Louis Aragon désigneront eux aussi des fils adoptifs.

Toutes ces stars du roman français sont confrontées à ce que l'on pourrait appeler le «paradoxe du succès»: leurs œuvres étant disponibles en poche, elles ne rapportent «que» 5% de droits à leurs héritiers. Et lorsque, consécration, elles entrent dans La Pléiade, les taux descendent à 4% en raison des frais de fabrication et de la rémunération des auteurs de notes et de préfaces! Du coup, leurs romans se vendent moins en collection originale, où les taux flirtent souvent avec les 15%. Et quand on sait que Camus a vendu plus de 5 millions d'Etranger en Folio et Saint-Exupéry 340 000 volumes de La Pléiade en dix ans...

Albert Cohen avait résolu le problème en refusant obstinément que Belle du Seigneur sorte en poche. Résultat: il est le recordman absolu dans la prestigieuse collection Blanche de Gallimard, avec 520 000 exemplaires vendus depuis 1968. Sous cette seule forme, ce chef-d'œuvre a donc, selon nos calculs, généré en moyenne 30 000 euros de droits par an depuis sa sortie. En 1998, Bella, la veuve d'Albert Cohen, a accepté avec joie que le roman soit édité en Folio afin de le faire découvrir à une nouvelle génération de lecteurs. C'est aujourd'hui leur fille qui veille sur la destinée littéraire de l'auteur de Solal. «Chez Gallimard, nous travaillons en étroite collaboration avec les héritiers des auteurs, confirme Alban Cerisier. Au-delà des considérations financières, ils sont ravis lorsque nous sortons un beau cahier de la NRF sur leur aïeul, même s'il n'est tiré qu'à quelques milliers d'exemplaires.»

Et puis il y a le cas des écrivains qui préfèrent offrir leurs droits à des œuvres ou des associations. On ne sera pas étonné que Paul Léautaud, qui vivait au milieu de sa «ménagerie» de chats avec sa guenon Guénette, ait fait don de ses royalties à la SPA. L'auteur du jouissif Journal littéraire aura ainsi contribué, en 2004, pour 7 534 euros à la protection de ses amies les bêtes.

De même, les droits d'auteur posthumes de Marguerite Yourcenar sont gérés par un trustee du Maine, aux Etats-Unis, qui les redistribue à des associations écologiques. Joseph Kessel a, lui, demandé que ses droits soient intégralement reversés après sa mort à la Croix-Rouge irlandaise. On peut encore citer l'oraculaire Cioran, qui a souhaité honorer le Centre national des lettres (CNL), lui permettant ainsi de percevoir 14 000 euros en 2004, ou Valery Larbaud, qui a choisi sa ville natale, Vichy. La commune touche ainsi entre 3 600 et 6 900 euros chaque année, somme qui permet de financer en partie le prix Valery-Larbaud (doté de 7 625 euros).

Enfin, il y a les cas baroques. Ne parvenant pas à vendre à bon prix sa maison de banlieue, la veuve de Georges Darien a proposé aux acheteurs d'y joindre les droits d'auteur de son époux décédé et alors bien oublié. C'est ainsi que, lorsqu'il a réédité Le voleur, l'éditeur Jean-Jacques Pauvert a été stupéfait de devoir verser les droits à «des ferrailleurs de banlieue, au demeurant fort urbains*». Quelques années plus tard, Louis Malle adaptait le roman au cinéma avec Jean-Paul Belmondo... Les ferrailleurs ont sablé le champagne.

Mais, les meilleures choses ayant une fin, les auteurs tombent tous dans le domaine public un jour ou l'autre. Les éditeurs sont à l'affût, prêts à intégrer - enfin! - Proust à leurs collections de poche. Il existe cependant quelques «trucs» pour prolonger la protection des droits. Lorsque Proust est tombé dans le domaine public, Gallimard a sorti une nouvelle édition de La Pléiade, truffée d'esquisses et de chapitres inédits. En vertu de la loi, cette œuvre originale posthume bénéficie d'une nouvelle protection de cinquante ans. Parfois les ficelles sont un peu grosses. James Matthew Barrie, l'auteur - méconnu en France - de Peter Pan, a légué ses droits au Great Ormond Street, un hôpital pour enfants de Londres. Les droits audiovisuels, on s'en doute, sont une manne pour l'institution, qui dispose d'une «aile Spielberg» grâce aux retombées du film Hook. Seulement voilà, James Matthew Barrie est mort en 1937, et la source va brusquement se tarir en 2007. Que faire? L'hôpital a eu une (riche?) idée: lancer un appel officiel aux écrivains britanniques pour qu'ils imaginent une suite à Peter Pan. Le meilleur projet sera publié. Ainsi, on devrait être tranquille jusqu'en, disons, 2078...

* Raconté dans ses Mémoires, La traversée du livre, Viviane Hamy.


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