Affaire Ratsimandrava
.... le meurtre d’un chef d’Etat toujours non élucidé
Chaque année, la double date de commémoration du regretté Colonel Ratsimandrava entretient les interrogations sans réponses sur la mort tragique de cet officier de la gendarmerie qui a été à la tête de l’Etat durant moins d’une semaine, en février 1975. Les malgaches auront gardé dans leur mémoire, un ministre de l’intérieur qui apportait une nouvelle vision de la société, notamment rurale, et qui, le moment venu, n’a pas tourné le dos face au plus haut devoir envers la nation.
A son accession au pouvoir, Richard Ratsimandrava n’avait pas d’opposants politiques déclarés. Ce qui est tout à fait normal vu que le pays vient de traverser trois années de gouvernement dirigé par un militaire. Le Colonel de la gendarmerie a eu tout de même un adversaire qui était lui aussi un aspirant au pouvoir et issue de la marine. Bref, son « mandat » l’a été. Le colonel a été abattu par balles à Ambohijatovo, le 11 février 1975, à 20 heures. Un projectile l’a atteint en plein cœur. Richard Ratsimandrava venait de conduire un conseil de ministres à Anosy, qu’il quittait avant la fin, et rejoignait son domicile à Anjohy à bord de sa voiture de fonction, une Peugeot 404.
Ses deux gardes de corps ont péri avec le président lors de l’embuscade, sous des rafales de mitraillettes. Il s’agit du gendarme principal de 2ème classe Rabotovao et du gendarme principal de 2ème classe Rakotoarisoa Bernard. Le fait que les assassins de Ratsimandrava étaient des éléments du groupe mobile de la police, anciennement FRS, a conforté la thèse de l’assassinat politique. Les soupçons étaient portés sur les anciens ténors de la première République. L’ancien président Philibert Tsiranana a lui-même fait l’objet d’une enquête. Le procès de l’affaire Ratsimandrava a été arrêté dans le but de sauvegarder l’unité nationale.
Trente ans après, le meurtre du Colonel Ratsimandrava n’est pas encore résolu. La thèse de l’assassinat motivé par un enjeu économique semble désormais privilégiée. La réforme économique fondée sur le « fokonolona » faisait peur. Non seulement, la production allait être nationalisée, elle sera confiée et redistribuée à la communauté de base. Ratsimandrava était devenu une menace contre certains intérêts financiers. Il voulait enlever la production de richesse de la main des étrangers. Il n’avait pas eu le temps de réformer la structure économique de Madagascar.
Le Colonel Ratsimandrava se savait en danger, suite notamment à la mort mystérieuse du Docteur Kamphausen, celui à qui il a confié la stratégie pour mettre en place ses réformes. Certaines personnalités qui évoluaient pour la plupart dans la haute sphère du pouvoir connaîtraient le nom du commanditaire de l’assassinat du Chef de l’Etat en 1975. Malheureusement, la loi du silence a régné dès le départ, compromettant l’aboutissement du procès.
« Tsy hiamboho adidy aho mon général ». Cette seule phrase a fait entrer le Colonel Ratsimandrava dans la postérité. Le 5 février 1975, le Général Ramanantsoa, qui dirigeait le gouvernement trois années durant a confié la conduite des affaires de l’Etat à son ministre de la défense. Richard Ratsimandrava devenait alors chef de l’Etat, chef du gouvernement, ministre de la Défense nationale et ministre du Plan, disposant des pleins pouvoirs. Il comptait mettre en pratique sa vision, voire sa doctrine, pour le développement de Madagascar.
Ratsimandrava a fait du « fokonolona », une base du développement de l’économie sans inégalité et celle de la décentralisation du pouvoir. Le président Ratsiraka a repris certaines bonnes idées de Ratsimandrava et les a mises dans son livre rouge. Cela ne l’a pas mis en danger comme cela a été le cas pour son furtif prédécesseur. Par ailleurs, la thèse du mobile économique dans l’assassinat du président Ratsimandrava ne fait pas l’unanimité. Quoiqu’il en soit, le nationalisme redéfini par le socialisme n’a pas fonctionné. Un quart de siècle plus tard, le Zimbabwe et son président Robert Mugabe auront montré que la redistribution des systèmes de production, aussi légitime qu’elle soit, n’est pas forcément bénéfique pour le pays.
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Madagascar, Février 2006
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