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Ettore Bugatti à Molsheim PDF Imprimer Envoyer

Pour toujours « le patron » !

Actifs dans le monde entier, les « bugattistes » ont leur club alsacien, clairement dénommé : Enthousiastes Bugatti Alsace. Cette amicale de passionnés actualise en ligne un site très structuré, dont la page d’accueil dit la magie d’une marque et la vision d’un homme. Gérard Burck, son président, rappelle d’emblée ce qui est évidence pour ceux qui dénomment encore « le Patron » un  industriel visionnaire entré dans la légende de l’auto: « Une Bugatti est bien plus que l'une des plus belles automobiles au monde. C'est un œuvre d'art issue du génie créateur d'Ettore Bugatti et de son fils aîné Jean. Puis réalisée, dans ses moindres détails comme un objet de luxe, par les mains habiles des compagnons de l'Usine de Molsheim, berceau alsacien de la Marque. »

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La Marque, avec un M majuscule… Il n’en est qu’une pour les « bugattistes » revendiquant un surnom lancé avant la dernière guerre mondiale. Son histoire, celle d’Ettore Bugatti et de Jean, son fils aîné, est inlassablement contée, avec d’innombrables précisions et illustrations, dans quantité d’ouvrages, certains hautement documentés. Elle l’est aussi, avec beaucoup de soin, sur le site internet racé www.bugatti.com de Bugatti Automobiles AG (cette filiale de Volkswagen France peaufine la Veyron « du Centenaire » dans l’atelier ultra-contemporain édifié il y a dix ans sur le site « historique » : Volkswagen avait acquis l’ensemble des droits liés à la marque en 1998). Cela nous permet d’être succincts !

Il y a cent ans…

Molsheim, l’Alsace… et le monde  célèbrent cette année le centenaire de la marque. Qui pérennise pour l’éternité automobile le nom de l’entrepreneur-inventeur éponyme. Ettore Bugatti  naquit en 1881 à Milan, dans une famille aisée, cultivée, moderne (son père Carlo, qui finit sa vie à Molsheim, était architecte, designer, comme on ne disait pas à l’époque, créateur de mobilier). Ettore Arco Isidoro, pour lui donner tous ses prénoms, se passionna tôt pour la mécanique.  Entré à 17 ans chez Prinetti & Stucchi, une fabrique de cycles et tricycles milanaise, il y fabriqua un tricycle équipé de moteurs De-Dion. Peu après, il monta sa première automobile, qui lui valut un prix lors d’une importante exposition à Milan.

Bénéficiant d’une petite notoriété, le jeune Italien fut engagé, par le baron De Dietrich, qui s’était lancé en Alsace dans la construction automobile (Émile Matthis et l’ingénieux Émile Bolle travaillèrent pour lui). Ettore, étant encore mineur, selon la législation de l’époque, son père signa le contrat d’embauche, en 1902. Le jeune homme, en charge d’importantes responsabilités techniques, s’installa à Niederbronn, y développa aussitôt de nouveaux modèles, des « De Dietrich-Bugatti », participa à diverses courses automobiles.

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De Dietrich se désintéressant bientôt de l'industrie automobile, Ettore s'associa à Émile Mathis pour travailler, à Graffenstaden, au sud de Strasbourg, sur des modèles voulus de grande série. Bientôt brouillés, les deux hommes se séparèrent en 1906. Ettore rejoignit la firme Deutz de Cologne, en préservant la possibilité de recherches personnelles, dont résulta en 1908 le premier "Pur-sang" : la type 10, surnommée familièrement " la baignoire ", destinée à la compétition automobile. Ayant quitté quitte Deutz en 1909, avec une indemnité, Ettore Bugatti prit à bail à Molsheim les locaux laissés vides par une teinturerie. La production du modèle préalablement conçu fut alors lancée, parallèlement au développement, pour le compte de Peugeot, de la « Bébé-Peugeot ».

Au début de la Grande Guerre, la famille Bugatti retrouva Milan, puis séjourna à Paris où Ettore Bugatti travailla à la mise au point de moteurs d’avion, dont l’armée américaine acheta la license. L’Alsace redevenue française, il revint à Molsheim et créa une fabrique sur son ancien site, où il produisit d’autres modèles sportifs légers. Il allait bientôt célébrer ses victoires aux 24 heures du Mans, à Brescia. Un période glorieuse commençait. Avec les voitures maintenant « de légende », les victoires se multiplièrent. Comme les innovations techniques et les inventions : Ettore Bugatti et son fils Jean, devenu son collaborateur, déposèrent d’innombrables brevets. La firme Bugatti, rien de trop beau, rien de trop cher, lança continuellement de nouveaux modèles, aujourd’hui pièces de collection entretenues avec un soin jaloux par les « enthousiastes » du monde entier. La Bugatti type 35, présentée en 1924 au Grand prix automobile de Lyon, devait remporter plus de 2000 compétitions !

Moteur royaux pour un autorail

Certains modèles, admirables de conception et d’esthétique, furent des insuccès sur le plan financier. Telle l'extraordinaire Bugatti Type 41, la somptueuse  « Royale » aux 300 chevaux. Construite pour l'élite des monarques et chefs d'état de la planète… qui ne l’achetèrent pas, souffrant de sa démesure et de quelques problèmes de mise au point, elle connut un cuisant échec commercial. Sur les six exemplaires fabriqués, trois seulement furent vendus, les trois autres, dont le coupé Napoléon personnel d'Ettore, restant à Molshem.

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À quelque chose malheur fut cependant bon : les moteurs de la T 41 furent utilisés pour propulser l’autorail dont plus de 80 exemplaires furent fabriqués par l’usine Bugatti à partir de 1932. Accouplés par paire, quatre de ces 8 cylindres, assuraient à ces trains d’un nouveau genre de belles performances : 116 km/h sur la ligne Paris-Deauville dés la mise en service (1933). Précurseur du TGV, un autorail Bugatti atteignit 192 km/h en 1934. Les automoteurs fabriqués à Molsheim, dont certains circulèrent longtemps en Alsace, restèrent en service jusqu’en 1958.

Le drame de Duppigheim

Jean Bugatti, fils aîné d’Ettore, était né en 1909, l’année de l’installation à Molsheim. Il collabora tôt avec son père au bureau d'étude de l'usine, prouva rapidement des dons d'artiste supertechnicien en dessinant les carrosseries les plus élégantes dont s’habillèrent les châssis Bugatti : la Royale, la « petite Royale » T 46, le roadster T 55, les coupés Aérolithe et Atlantic. Se voyant confier de plus en plus de responsabilités par Ettore, il contribua considérablement à la constante modernisation de l’entreprise. Dont il pilotait souvent les bolides.

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Peu de temps après une nouvelle victoire de Bugatti au Mans, Jean se tua à Duppigheim le 11 août 1939, lors d’un ultime essai du modèle T 576. (Une stèle dénommée « le Rocher de l’Éclipse » par les Bugattistes a été dressée sur les lieux de l’accident en 2000, l’année où se soleil disparut un instant en plein jour). La guerre allait éclater, interrompant la fabrication à Molsheim. Ettore Bugatti récupéra l’usine après la Libération (elle avait été un moment saisie par l’administration fançaise) et tenta de redémarrer. Mais les temps n’étaient pas propices. Les études de nouveaux modèles n’avaient pas abouti quand il mourut d’une congestion cérébrale à Paris, en 1947.

Roland, le frère cadet de Jean, tenta vainement de maintenir l’entreprise. Elle fut vendue à Hispano-Suiza, firme d’ancienne et grande réputation fabriquant notamment des moteurs d’avion. Un autre aventure commençait, qui inscrit le nom de Molsheim… dans le ciel.

Le Rembrandt des animaux

Le collège de Molsheim porte le nom de Rembrandt Bugatti, fils d’Ettore, frère cadet de Jean : ce sculpteur de grand talent, relativement méconnu du grand public, malgré l’envol récent des enchères, est succinctement, mais bien présenté sur le site www.col-bugatti-molsheim.fr.

Né en 1884 à Milan, Rembrandt doit son prénom à son parrain sculpteur, Ercole Rosa, ou à un oncle peintre, Giovanni Segantini, mi-symboliste, mi-impressionniste. Il fit preuve, très jeune, d’un talent affirmé pour la sculpture, qu’il affina sous l’égide du prince artiste russe Paul Troubetzkoy et à l’École des Beaux-Arts de sa ville natale. Son thème de prédilection, dès l’adolescence : les animaux.

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Après un séjour à Paris, il s’installa à Anvers, où se trouve la plus importante école des Beaux Arts de Belgique… et un important zoo, l’un des plus riches de l’époque en animaux exotiques – fauves et pachydermes notamment, dont il venait souvent s’inspirer, qu’il eut le droit de soigner et de nourrir. De cette époque date la sculpture de l’éléphant dressé qui devait orner la calandre de la Bugatti Royale.

Rembrandt Bugatti, dont les statuettes devinrent plus géométriques, plus structurées, d’angles plus vifs, frôla le cubisme avec une certaine géométrisation, resta proche de « l’art-déco ». Il  connut un succès rapide au début du siècle dernier : ses œuvres furent achetées par Philippe de Rothschild et le décorateur Jansen, ses bronzes superbement fondus par Adrien Hébrard (par ailleurs galeriste et propriétaire du journal Le Temps, qui lui assura un salaire régulier). , Peut-être malheureux dans sa vie privée, dont ne sait presque rien, sensible à une mévente de ses œuvres lorsque commença le premier conflit mondial, dépressif, il se suicida au gaz, à Paris, en janvier 1916.

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Les deux Bugatti du musée d’Orsay


Le musée d’Orsay possède 79 pièces de Rembrandt Bugatti, grâce aux dons de l’Ebé Bugatti, fille d’Ettore, puis de Jean-Marie Desbordes, son héritier (le sculpteur animalier partage avec Pompon une salle inaugurée en 2009). Encore plus étrange que Rembrandt, le prénom de l’Ebé ? pour comprendre, il suffit de prononcer les célèbres initiales E.B… Le musée parisien est également riche d’un fonds d’archives Carlo Bugatti, comprenant des centaines de photos, des maquettes de meubles et d’édifices, des dessins, des plâtres. Le père d’Ettore et de Rembrandt, comme déjà précisé, était architecte de formation… et artiste touche à tout. Sa « chambre-escargot » mêlant les formes courbes fut l’une des curiosités applaudies de l’exposition de Milan en 1902. Il se fixa à Paris et finit sa vie à Pierrefonds, gardant toujours le contact avec Ettore. Celui-ci s’inspira de ses recherches sur les formes, notamment ovoïdes, lorsqu’il dessina la calandre « en forme de poire » de plusieurs modèles.

La monographie du galeriste Edward Horswell, Rembrandt Bugatti : A Life in Sculpture, a été éditée en français sous le titre : Une vie pour la sculpture (éditions Sladmore et de l’Amateur). À un moment où le sculpteur un moment oublié a la cote dans les ventes publiques.

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