1938

Source : "The New International", volume IV, n° 2, février 1938.
La spéculation sur le prestige révolutionnaire de Cronstadt est un des principaux traits de cette campagne véritablement charlatanesque. Anarchistes, mencheviks, libéraux, réactionnaires, tentent de présenter les choses comme si, au début de 1921, les bolcheviks avaient retourné leurs armes contre ces mêmes marins de Cronstadt qui avaient assuré la victoire de l'insurrection d'Octobre. C'est le point de départ de tout l'édifice de leur mensonge. Qui veut en mesurer la profondeur doit avant tout lire l'article du camarade J. G. Wright dans New International [Trotsky, Beaucoup de bruit autour de Cronstadt, 15 janvier 1938]


Joseph Vanzler alias J. G. Wright

La vérité sur Cronstadt

février 1938


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Plus la politique poursuivie par les anarchistes en Espagne devenait indéfendable et insensée, plus leurs homologues étrangers protestaient à propos de Cronstadt. Durant les années de montée révolutionnaire, les anarchistes, les mencheviks, les SR et consort étaient sur la défensive. Aujourd'hui, le stalinisme leur a fourni un prétexte démagogique pour mener l'offensive contre les principes mêmes qui ont permis Octobre. Ils cherchent à compromettre le bolchevisme en l'identifiant au stalinisme. Ils se saisissent de Cronstadt comme d'un point de départ. Leur théorème est des plus "élémentaires" : Staline tire sur les ouvriers uniquement parce que c'est l'essence du bolchevisme d'abattre des ouvriers ; par exemple, Cronstadt ! Lénine et Staline ne font qu'un. CQFD

Tout leur art consiste à torturer les faits historiques, en exagérant monstrueusement chaque question secondaire sur laquelle les bolcheviks ont pu se tromper, et en jetant un voile pudique sur le soulèvement contre le pouvoir soviétique et sur le programme et les objectifs de l'insurrection. Notre tâche est avant tout de démasquer les falsificateurs et les tricheurs à l'œuvre sur les "faits" historiques qui leur servent de base pour leur acte d'accusation du bolchevisme.

D'abord le contexte de l'insurrection. Loin de survenir à un moment où le pouvoir des soviets était hors de danger (comme les adversaires idéologiques du bolchevisme le sous-entendent), elle advint en 1921, une année cruciale dans la vie de l'état ouvrier. En décembre 1920, les fronts de la guerre civile étaient liquidés. Il n'y avait plus de "fronts" mais le danger subsistait encore. Le pays et son héritage barbare du "tsarisme asiatique" avait littéralement été saigné à blanc par le chaos de la guerre impérialiste, les années de guerre civile puis le blocus impérialiste. La crise des denrées alimentaires fut aggravée par une pénurie de charbon. Des pans entiers de la population devaient faire face à la perspective immédiate de mourir de faim ou d'être gelés à mort. Vraiment, avec l'industrie en ruine, les transports interrompus, des millions d'hommes démobilisés, les masses épuisées, un terrain fertile  était procuré aux intrigues de la contre-révolution.

Loin de se résigner à la défaite, les gardes blancs et leurs alliés impérialistes furent éveillés à un regain d'activité par les difficultés objectives auxquelles étaient confrontés les bolcheviks. Ils menaient tentative sur tentative pour ouvrir une brèche "de l'intérieur", misant largement sur le soutien de la réaction petite-bourgeoise contre les difficultés et privations qui accompagnaient la révolution prolétarienne. [1] L'épisode le plus important de cette série de tentative eut lieu au cœur même de la citadelle révolutionnaire. Dans la forteresse maritime de Cronstadt, une insurrection éclata le 2 mars 1921.

De nos jours, un Dan dit simplement : "Les Cronstadtiens n'ont pas du tout commencé l'insurrection. C'est un mythe diffamatoire." [2] Mais en 1921, les SR se contorsionnaient pour faire la lumière sur l'insurrection et tout ce qu'elle impliquait, tandis que les mencheviks tentaient de minimiser l'événement et l'évacuaient comme une chose n'ayant par elle-même aucune importance réelle. Les SR juraient que "le caractère pacifique du mouvement de Cronstadt était au dessus de tout soupçon". Si des étapes étaient franchies vers l'insurrection, ce n'était que "des mesures de légitime défense". Voici ce qu'écrivaient les mencheviks, non pas en 1937 mais en 1921 quand les événements étaient encore frais :

Le fait que la rupture de Cronstadt avec le pouvoir des soviets a pris la forme d'une insurrection armée et a fini dans une tragédie sanglante est en soi d'importance secondaire, et est jusqu'à un certain point, accidentel. Le pouvoir soviétique eût-il manifesté un peu moins une insensibilité de granit envers Cronstadt, le conflit qui l'opposait aux marins se serait déroulé dans des formes moins graves. Ceci, néanmoins, n'aurait en aucune manière changé sa portée historique... Ce n'est que le 2 mars, en réponse à la répression, aux menaces et aux injonctions d'obéir sans condition que la flotte répondit par "une résolution de non reconnaissance du pouvoir soviétique" et mit deux commissaires aux arrêts. [3]

Quand les mencheviks présentèrent leur première version  des événements de Cronstadt, ils ne nièrent pas du tout que les Cronstadtiens avaient commencé l'insurrection. Certes, ils essayaient de donner l'impression que c'était plus que justifié par de supposées "répressions, menaces et injonctions". Mais l'on observera que simultanément, ils tentèrent d'évacuer le nœud du problème, l'insurrection elle-même, comme un fait de peu d'importance au fond, secondaire, et même "accidentel". Pourquoi cette contradiction flagrante ? Ils fournissent la réponse eux-mêmes. C'est, de leur propre aveu, que cette insurrection se développa sur la base d'objectifs et d'un programme anti-soviétiques. [4] La vérité étant ce qu'elle est, il n'est guère surprenant que Berkman se soit précipité pour nous jurer solennellement que les insurgés de Cronstadt étaient réellement "de fervents partisans du système soviétique" et "cherchaient avidement, par des moyens amicaux et pacifiques, une solution aux problèmes pressants de l'heure". En tout cas, ces défenseurs de la "vérité" sont tous d'accord sur un point, à savoir que ces "chauds" partisans du pouvoir soviétique ont agi dans le plus amical esprit pacifique pour prendre les armes – sur la base d'une résolution de "non reconnaissance du pouvoir soviétique". Mais ils ne l'ont fait, voyez-vous, "que le 2 mars".

"Que le 2 mars" ! Chaque détail significatif doit être soigneusement relevé , sinon la vérité ne sera pas si savoureuse. Par cette formulation, les mencheviks, ne faisant que répèter les SR, tentent d'évoquer dans l'esprit du lecteur au moins des semaines, si ce n'est des mois ou des années, de "provocations", de "menaces", d'"injonctions", de "répression", etc. Mais ils peuvent étirer leur chronologie comme ils le veulent, ces historiens aussi bien que leurs élèves ne peuvent remonter au-delà du 2 mars, sauf en référence aux événements qui eurent lieu "vers la fin de février". Leur histoire de Cronstadt remonte tout au plus au 22 février et pas plus loin – avec des faits qui ne se déroulent non pas à Cronstadt mais à Petrograd. Pour Cronstadt même, ils ne peuvent  remonter au-delà du 2 mars qu'en faisant référence au 28 février ! Qu'ils comptent comme ils veulent, ils ont à leur disposition : trois jours, et trois résolutions. Le 2 mars, jour de la résolution de "non reconnaissance du pouvoir soviétique" n'est précédé que par le 1er mars, jour avec la résolution de "soviets librement élus". Que s'est-il donc passé dans cet intervalle de moins de 24h pour provoquer ce revirement d'un prétendu point à celui diamétralement opposé ? La seule réponse que nous obtenions de la bouche de nos adversaires est la suivante : Une conférence a eu lieu à Cronstadt. Et que s'y est-il passé ?

Chaque "historien" donne sa propre version. Lawrence [5] en tient pour le fait que la conférence fut tenue dans le but de décider et proclamer une résolution. Berkman insiste sur le fait que c'était davantage un rassemblement "pour se consulter avec les représentants du gouvernement". Les SR jurent que c'était un corps électoral, réuni dans le but spécifique d'élire un nouveau soviet, bien que le soviet en fonction n'était pas encore arrivé au terme de son mandat. A en croire Berkman (et Lawrence), les Cronstadtiens ont été provoqués à l'insurrection par le discours de Kuzmine. Disant cela, ils ne font qu'en rajouter sur les SR qui condamnent Kuzmine et Vassiliev. [6]

Le compte-rendu le plus complet du discours de Kuzmine se trouve dans les Izvestia de Cronstadt, c'est à dire l'organe des témoins oculaires et des principaux participants à la conférence. Le voici :

Au lieu de calmer l'assemblée, le camarade Kuzmine l'irrita. Il parla de la position équivoque de Cronstadt, des patrouilles, du double pouvoir, du danger qui menaçait en Pologne, et du fait que toute l'Europe avait les yeux tournés vers nous ; il nous assura que tout était calme à Petrograd ; il souligna qu'il était entièrement à la merci des délégués et qu'il était en leur pouvoir de le fusiller s'ils le voulaient. Il conclut son discours en déclarant que si les délégués voulaient une lutte armée ouverte, alors elle aurait lieu – les communistes ne renonceraient pas volontairement au pouvoir et se battraient jusqu'au dernier souffle. [7]

Nous laisserons de futurs psychologues déterminer pourquoi les SR choisirent de traiter différemment de Berkman le contenu du discours de Kuzmine, et pourquoi, contrairement à Berkman et Lawrence, ils s'abstinrent de recourir à des guillemets  pour la phrase de conclusion de Kuzmine. Nous ne pouvons pas ici traiter en détail les contradictions flagrantes des différentes versions. Il suffit de dire que plus nous en apprenons sur le discours de Kuzmine, plus la question se pose avec acuité : Qui au juste joua le rôle de provocateur à cette réunion ?

Tous les comptes-rendus insistent sur le fait que Kuzmine certifia que la ville de Petrograd était calme (et Berkman d'ajouter, d'après qui ?) et que "les ouvriers étaient satisfaits". Pourquoi cela aurait-il dû provoquer quiconque  qui n'aurait pas été auparavant aiguillonné à la provocation ? Kuzmine disait-il la vérité ? Ou bien étaient-ce les Isvestia de Krondstadt qui mentaient lorsque, lors de leur toute première parution, le lendemain, elles affichaient  le titre à sensation : "Insurrection générale à Petrograd" ? De plus, pourquoi les Izvestia continuèrent-elles à mentir sur cette, et d'autres, prétendue insurrection ? Pourquoi même entreprirent-elles  de rééditer les dépêches d'Helsinforg pour soutenir leur campagne de calomnies ? Bref, prenez point par point le discours de Kuzmine, tel que rapporté par les Izvestia, ou n'importe lequel de ses autres prétendus résumés, – oui, avec ou sans les guillemets insidieux de Berkman – et ne nous dites pas si vous êtes "de simples hommes", "des hommes et non de vieilles dames", etc., mais, si vous aviez délégués à cette réunion pour "élire un nouveau soviet", vous y seriez alors resté pour nommer un "comité révolutionnaire provisoire" ? Dites-nous également si vous auriez pris les armes dans une insurrection contre l'Etat soviétique ! Sinon, pourquoi colporter ces insanités SR et chercher à plonger l'avant-garde de la classe ouvrière dans la confusion à propos de ce qui s'est effectivement passé à Cronstadt – et en particulier à cette réunion ?

Un incident bien plus sinistre et révélateur que tout ce que Kuzmine pourrait ou non avoir dit a eu lieu à ce rassemblement, et là-dessus tous les Berkman glissent d'une façon qui veut tout dire. La conférence a été jetée dans la frénésie non par tout ce qui a été indiqué par Kuzmine ou Vassiliev (ou par Kalinine qui n'était pas présent), mais par une intervention à partir du parterre selon laquelle les bolcheviks marchaient, armes à la main, pour attaquer la réunion. C'est cela qui a précipité l'"élection" d'un Comité révolutionnaire provisoire. Nous chercherions en vain dans les écrits des historiens "objectifs" la moindre clarification quant à la source des ces "rumeurs".  Plus encore, ils "oublient" fort commodément, (Berkman entre autres) que le Comité révolutionnaire provisoire a officiellement attribué cette rumeur aux bolcheviks eux-mêmes.  "Cette rumeur a été répandue par les communistes pour briser le meeting."(Izvestia, n° 11) Les Izvestia ont en outre admis que le "rapport" selon lequel les bolcheviks étaient sur le point d'attaquer la réunion avec "quinze pleines voitures de soldats et de communistes, armés de fusils et de mitrailleuses" émanait d'"un délégué du Sévastopol". Même après l'écrasement de la insurrection, les SR ont insisté sur le fait que "selon le témoignage d'un des dirigeants officiels du mouvement de Cronstadt", la rumeur au sujet de Dulkis et de Kursanti était vraie.  Non seulement des rumeurs furent-elles répandues tout au long de la réunion, mais la conclusion du président fut de la même teneur.  Le compte-rendu des Izvestia de Cronstadt nous apprend que : "Au tout dernier moment, le camarade président déclara qu'un détachement de 2 000 hommes marchait pour attaquer la réunion, ce sur quoi l'assemblée se dispersa dans des sentiments mêlés d'effroi, d'émoi et d'indignation. (n° 9, le 11 mars 1921.)

Qui a fait circuler ces rumeurs et pourquoi ? Nous affirmons que les gens qui les ont propagées sont  ceux qui sont à l'origine des mensonges au sujet de l'insurrection à Petrograd ; ceux-là mêmes qui,  au début, ont agité le slogan d'Assemblée constituante puis l'ont changé pour le slogan "plus réaliste" de "A bas la commune en faillite !" (résolution adoptée à Cronstadt le 7 mars) ;  ceux-là même qui ont prétendu que le "régime bolchevik nous a menés à la famine, au froid et au chaos" ;  ceux qui, grimés en sans-parti, dupèrent les masses à Cronstadt ;  ceux qui cherchaient à profiter des difficultés du régime soviétique, et qui prirent la tête du mouvement pour le canaliser au service de la contre-révolution.

Il n'y a pas l'ombre d'un doute que les SR furent les premiers, sinon les seuls, à avoir un rôle moteur dans cette campagne de "rumeurs", qui portait ces fruits ignobles. Toute possibilité d'une solution pacifique à la crise de Cronstadt fut éliminée, dès lors qu'un double pouvoir fut organisé dans la forteresse.  Et le temps pressait en effet, comme nous allons bientôt le prouver. On peut toujours spéculer au sujet des chances qu'il y avait d'éviter le massacre, le fait est qu'il a fallu seulement 72 heures aux chefs de l'insurrection  pour amener leurs partisans (et dupes) à un conflit ouvert avec les Soviets.

Il n'est nullement exclu que les autorités locales de Cronstadt aient tout gâché par leur gestion de la situation.  Le fait qu'il y avait un besoin urgent des meilleurs révolutionnaires et combattants  dans les centres vitaux tendrait à appuyer la thèse que ceux affectés à un secteur relativement "tranquille" comme Cronstadt n'étaient pas des hommes d'une qualification exceptionnelle.  Ce n'est un secret pour personne, Kalinine, et moins encore le commissaire Kuzmine, ni l'un ni l'autre n'était tenu en très haute estime par Lénine et ses camarades. La concordance entre les "erreurs" commises et des individus tels que Kalinine est en effet prodigieuse  mais elle ne peut pas remplacer l'analyse politique. Dans la mesure où les autorités locales restèrent aveugles à l'ampleur du danger et ne surent prendre  des décisions adaptées et efficaces pour faire face à la crise, dans cette mesure leurs bévues ont-elles joué un rôle dans le développement des événements, c'est-à-dire facilitèrent la tâche des contre-révolutionnaires, laquelle consistait à utiliser les difficultés objectives pour atteindre leurs fins.

Comment fut-il possible que ses dirigeants politiques transforment aussi rapidement Cronstadt en un camp armé contre la Révolution d'Octobre ? Quel était le but des insurgés ? La supposition selon laquelle les soldats et les marins se lancèrent dans l'aventure d'une insurrection avec simplement pour motivation le slogan "des Soviets libres" est absurde en soi.  Elle est doublement absurde si l'on prend en compte le fait que le reste de la garnison de Cronstadt était composée des gens passifs de l'arrière qui ne pouvaient pas être employés dans la guerre civile.  Ces personnes n'avaient pu être conduites à l'insurrection que par des besoins et des intérêts économiques profonds.  Il s'agissait des besoins et des intérêts des pères et frères de ces marins et soldats – c'est-à-dire des paysans – en tant que vendeurs de produits alimentaires et de matières premières.  En d'autres termes, sous-jacente à l'insurrection, c'était la réaction petite-bourgeoise contre les difficultés et les privations imposées par les conditions de la révolution prolétarienne qui s'exprimaient.  Personne ne peut nier ce caractère de classe des deux camps.  Toute autre question n'est que d'importance secondaire.  Que les bolcheviks aient pu commettre des erreurs sur le plan général ou pratique, ne retire rien au fait qu'ils défendaient les acquis de la révolution  prolétarienne contre la réaction bourgeoise (et petite-bourgeoise).  C'est pourquoi toute personne qui critique doit elle-même être jugée à partir de ce point de vue selon le côté de la ligne de feu où elle se trouve.  Si elle ferme les yeux sur le contenu social et historique de l'insurrection de Cronstadt, c'est alors elle-même un élément de la réaction petite-bourgeoise contre la révolution prolétarienne. (C'est le cas d'Alexandre Berkman, des mencheviks russes, et consorts...) Un syndicat, disons, de travailleurs agricoles peut commettre des erreurs dans une grève contre des propriétaires fermiers.  On peut le critiquer mais notre critique devra être basée sur une solidarité fondamentale avec le syndicat ouvrier et sur notre opposition à ceux qui exploitent les ouvriers même s'il se trouve que ces exploiteurs sont parfois des petits fermiers.

Les bolcheviks n'ont jamais prétendu que leur politique était infaillible.  C'est un credo stalinien.  Victor Serge, en affirmant que la NEP (c'est-à-dire une concession limitée à des exigences bourgeoises illimitées) fut introduite avec retard, ne fait que répéter de façon adoucie la critique d'une erreur politique importante que Lénine a lui-même formulée avec sévérité au printemps 1921. Nous sommes prêts à reconnaître l'erreur.  Mais comment cela pourrait-il modifier notre position fondamentale ? L'insurrection elle-même et la déclaration catégorique des Izvestia de Cronstadt, selon laquelle les insurgés exigeaient "non pas la liberté du commerce mais un vrai régime des soviets" (n° 12, 14 mars 1921), sont de plus de poids que les spéculations de Serge et de quelques autres qui prétendent que la révolte aurait pu être évitée si seulement les bolcheviks avaient accordé à Cronstadt la concession de la NEP.

Que pouvait bien signifier ce "vrai régime des soviets" ? Nous avons déjà entendu de la part des SR et des mencheviks leur avis sur les causes de l'insurrection.  Les SR et les mencheviks ont toujours affirmé que leurs objectifs étaient identiques à ceux des bolcheviks mais qu'ils voulaient seulement les atteindre par des moyens "différents". Nous connaissons le contenu de classe de cette "différence". Lénine et Trotsky combattaient le slogan "des Soviets libres" en disant qu'il signifiait, matériellement et en pratique, dans le principe aussi bien que par essence, la suppression de la dictature du prolétariat instituée et représentée par le parti bolchevik.  Ceci ne peut être nié que par ceux qui nieront que malgré toutes leurs erreurs partielles la politique des bolcheviks a toujours été la défense de la révolution prolétarienne.  Serge niera-t-il cela ?  Serge oublie cependant que le devoir élémentaire d'une analyse scientifique n'est pas de considérer les slogans abstraits des différents groupes mais de découvrir leur contenu social réel. [8] Dans le cas qui nous occupe, une telle analyse ne présente pas de grandes difficultés.

Écoutons le porte-parole le plus autorisé de la contre-révolution russe donner son avis sur le programme de Cronstadt.  Le 11 mars 1921, dans le feu même du soulèvement, Milioukov écrivait :

Ce programme peut être exprimé dans le bref slogan : "A bas les Bolcheviks !  Longue vie aux Soviets !"...  "vivent les Soviets" signifie en ce moment très probablement que le pouvoir passera des bolcheviks aux socialistes modérés, qui prendront la majorité dans les soviets...  Nous avons beaucoup d'autres raisons pour ne pas protester contre le slogan de Cronstadt... Il va de soi pour nous, qu'à part une brutale prise du pouvoir de la droite ou de la gauche, cette sanction [du nouveau régime – J.V.]  qui est bien sûr temporaire, ne peut advenir qu'à travers des institutions de type soviétique. Il n'y a que de cette façon que le passage du pouvoir pourrait s'effectuer sans douleur et être reconnu par le pays dans son ensemble. [9]

Dans un numéro suivant, l'organe de Milioukov, Poslednya Novosti, a insisté sur le fait que le régime bolchevik ne pourrait être remplacé que par des Soviets "libérés" des bolcheviks. [10]

Dans leur défense de l'insurrection de Cronstadt, les mencheviks en tant que chauds partisans de la restauration capitaliste ont développé essentiellement le même point de vue que Miloukov. Avec lui, les mencheviks défendirent en Cronstadt un pas vers la restauration du capitalisme. [11] Dans les années qui suivirent, il ne purent s'empêcher de féliciter Staline (conseillé par Abramovich et autres en 1921) pour l'essentiel de "sa rupture décisive avec tous les plans aventuristes visant à répandre la "révolution mondiale"", et pour avoir entrepris à la place la construction du socialisme dans un seul pays. Malgré une réserve ici et un bêlement là, ils sont aujourd'hui assez en accord avec l'évangile de Staline, le "socialisme dans un seul pays". En cela, et en restant fidèles à la bannière de l'insurrection de Cronstadt, ils restent seulement fidèles à eux-mêmes – comme relais de tout ce qui peut tendre de façon ouverte ou voilée vers la restauration capitaliste en Russie et le renforcement du capitalisme dans le reste du monde.

La liaison entre contre-révolution et Cronstadt peut être établie non seulement de la bouche même des adversaires du bolchevisme mais encore sur la base de faits irréfutables. Au début de février, quand il n'y avait aucun signe d'agitation ni à Petrograd ni près de Cronstadt, la presse capitaliste à l'étranger publia des dépêches prétendument relatives à de sérieux troubles à Cronstadt, donnant les détails d'une émeute dans la flotte et de l'arrestation du commissaire de la Baltique. [12] Ces dépêches, bien que fausses à l'époque, se matérialisèrent avec une étonnante précision quelques semaines plus tard.

Se référant à cette "coïncidence", Lénine, dans son rapport au dixième Congrès le 8 mars 21, eut les mots suivants :

"Nous avons vécu le passage du pouvoir des bolcheviks à une sorte de conglomérat indéfini ou d'alliance d'éléments divers, probablement seulement un peu à droite ou peut-être même à "gauche" des bolcheviks – tant la masse de groupes politiques qui ont tenté de prendre le pouvoir à Cronstadt est indéfinissable. Il est en même temps tout à fait certain, comme vous le savez tous, que le Général de la Garde Blanche a joué un rôle majeur dans tout ça. C'est maintenant prouvé noir sur blanc. Deux semaines avant les événements de Cronstadt, la presse parisienne colportait déjà la nouvelle d'une insurrection à Cronstadt. (Oeuvres, vol. XXVI)"

C'est un fait bien établi que quand ces dépêches attirèrent l'attention de Trotsky, avant le moindre soulèvement à Cronstadt, il communiqua immédiatement avec le Commissaire de la flotte baltique pour le prévenir de prendre ses précautions parce que l'apparition de dépêches similaires dans la presse bourgeoise, se référant à d'autres soulèvements, avait été rapidement suivie par des tentatives contre-révolutionnaires dans les régions en question. Il va sans dire que tous les historiens "objectifs" préfèrent passer sous silence cette "coïncidence", de même que la presse capitaliste se saisit de l'insurrection pour mener une "campagne hystérique sans précédent" (Lénine) [13]. Les articles de presse de cette campagne furent innombrables, mais aucune liste ne serait complète sans les rapports sur le sujet qui apparurent dans les Izvestia de Cronstadt :

Première édition 3 mars : "INSURRECTION GENERALE A PETROGRAD"

7 mars : Titre "Nouvelles de dernière minute de Petrograd" – "Les arrestations massives et les exécutions d'ouvriers et de marins continuent. La situation est très tendue. Toutes les masses travailleuses s'attendent à une insurrection à chaque moment."

8 mars : "Le journal d'Helsingfors Hufvudstadsbladet … envoie les nouvelles suivantes de Petrograd … Les ouvriers de Petrograd sont en grève et sortent des usines en manifestant, les foules portant des drapeaux rouges exigent un changement de gouvernement et le renversement des communistes." [14]

11 mars : "La panique du Gouvernement." "Notre cri a été entendu. Les marins révolutionnaires, les hommes de l'armée Rouge et les ouvriers de Petrograd viennent déjà à notre secours… Le pouvoir bolchevik sent le sol se dérober sous ses pieds et a émis l'ordre à Petrograd d'ouvrir le feu sur tout groupe de cinq ou plus se promenant dans les rues…"

Il n'est guère étonnant que la presse de la Garde Blanche à l'étranger lançât une collecte intensive pour rassembler des fonds, des vêtements, de la nourriture, etc. sous le slogan "Pour Cronstadt !"

Comment refuser d'expliquer ce faisceau de faits et de preuves irréfutables ? Très simplement : En accusant les bolcheviks de calomnies ! Personne ne surpasse Berkman dans ses dénégations éhontées de toute liaison entre la contre-révolution et l'insurrection. Il va jusqu'à déclarer sans vergogne que le général tsariste Kozlovsky "ne joua pas le moindre rôle dans les événements de Cronstadt". Les aveux des SR eux-mêmes, et les déclarations de Kozlovksy dans une interview qu'il donna à la presse, établissent sans le moindre doute que Kozlovksy et ses officiers s'associèrent ouvertement à l'insurrection dès son origine. Kozlovsky lui-même fut "élu" au "Conseil de Défense". Voici comment les mencheviks rapportèrent les propos de Kozlovksy :

"Le premier jour de l'insurrection, le Conseil des spécialistes militaires avait élaboré un plan pour l'assaut imminent d'Oranienbaum, avec toute chance de succès à l'époque, car le gouvernement était pris de court et n'aurait pas pu rappeler à temps des troupes fiables... Les dirigeants politiques de l'insurrection ne furent pas d'accord pour prendre l'offensive et on laissa passer cette opportunité." [15]

Si le plan échoua, ce fut seulement parce que Kozlovsky et ses collègues furent incapables de convaincre les "dirigeants politiques", c'est-à-dire leurs alliés SR, que le moment était propice pour présenter ouvertement leur vrai visage et leur vrai programme. Les SR pensèrent qu'il valait mieux conserver le masque de la "défensive" et temporiser. Quand Berkman écrivit sa brochure, il connaissait ces faits. En fait, il reproduisit l'interview de Kozlovsky presque mot pour mot dans ses pages, ajoutant, comme à son habitude, quelques retouches significatives, et cachant la véritable source de ce qui apparut alors comme son appréciation personnelle.

Ca n'est pas un hasard si les Berkman et ses partisans ont dû plagier tous les Kozlovsky, SR et mencheviks. Le rejet de l'analyse marxiste de l'Etat par les anarchistes les mène inexorablement à adopter n'importe quel autre point de vue, jusque et y compris la participation au gouvernement d'un état bourgeois.

Combien de temps restait-il pour "négocier" ? Les insurgés contrôlaient la forteresse le 2 mars. Kozlovsky comme Berkman se portaient garants du fait que les bolcheviks auraient été "pris par surprise". Trotsky ne parvint à Léningrad que le 5 mars. La première attaque contre Cronstadt fut lancée le 8 mars. Les bolcheviks auraient-ils pu attendre plus longtemps ?

Bien des experts militaires considérèrent que l'échec de l'insurrection fut en grande partie dû au fait que la glace n'avait pas fondu. Si les flots s'étaient mis à couler librement entre Cronstadt et Léningrad, les troupes terrestres n'auraient pu être alignées par le gouvernement soviétique, tandis que des renforts maritimes auraient pu être envoyés aux insurgés qui contrôlaient déjà une forteresse maritime de première classe, avec des navires de guerre, de l'artillerie lourde, des mitrailleuses, etc. à leur disposition. Le danger de cette éventualité n'est ni un "mythe" ni une "calomnie bolchévique".

Dans les rues de Cronstadt, la glace fondait déjà. Le 15 mars, trois jours avant la conquête de la forteresse part l'assaut héroïque auquel participèrent 300 délégués au dixième Congrès, le nº 13 des Izvestia de Cronstadt titrait en page une un ordre de dégager les rues "en prévision du dégel". Si les bolcheviks avaient temporisé, cela aurait précipité une situation qui aurait coûté infiniment plus de vies et de sacrifices, sans compter que cela aurait rendu le sort même de la révolution très hasardeux.

Quand tous ces historiens citent les noms de la forteresse et les noms des navires de guerre Petropavlovks [Pierre-et-Paul] et Sevastopol – les navires qui en 1917 avaient été les soutiens essentiels des bolcheviks – [16] ils oublient soigneusement de préciser que le personnel de la forteresse aussi bien que des navires de guerre ne pouvait tout simplement pas être resté le même entre 1917 et 1921. Tandis que la forteresse et les navires étaient restés presque parfaitement intacts à l'extérieur, bien des choses étaient arrivées aux marins révolutionnaires pendant la période de la Guerre Civile, dans laquelle ils jouèrent un rôle héroïque dans pratiquement toutes les domaines d'activité. Il est bien sûr impossible de nous peindre un tableau idyllique, où les marins de Cronstadt auraient participé à la révolution d'Octobre 1917 pour ensuite rester ensuite simplement barricadés derrière leur forteresse et leurs navires tandis que leurs camarades d'armes combattaient les Wrangel, les Kolchak, les Denikine, les Yudenitch etc.

Mais c'est pourtant, dans les faits, ce que les opposants au bolchevisme essaient de sous-entendre quand ils martèlent les mots de "Cronstadt", de "marins révolutionnaires" et ainsi de suite. Le procédé est vraiment trop gros. La réponse récente de Trotsky à Wendelin Thomas qui crève cette bulle n'a fait que provoquer leur fureur. Comble de l'hypocrisie, ils s'élèvent tous dans une feinte indignation contre la prétendue insulte que Trotsky ferait aux "masses". Pourtant dans sa réponse à Thomas, Trotsky reformulait tout simplement les constats qu'il avait faits en 1921 : "La grande majorité des marins révolutionnaires, qui joua un rôle crucial dans la révolution d'Octobre 1917, a été dans l'intervalle affectée à d'autres domaines d'activité. Ils furent remplacés dans une large mesure  un peu au hasard, notamment par beaucoup de marins lituaniens, estoniens et finlandais, dont la conscience se réduisait à vouloir conserver un travail temporaire et dont la grande majorité n'avait aucunement participé à la lutte révolutionnaire."

Il n'y a pas de spectacle plus révoltant que de voir ces gens, tels les anarchistes et les mencheviks, qui furent entre autres partenaires de Staline dans sa politique de front populaire, qui portent la responsabilité du massacre de la fine fleur du prolétariat espagnol, montrer d'un doigt accusateur les dirigeants de la révolution d'Octobre pour avoir vaincu une insurrection contre cette même révolution. C'est la faute des bolcheviks, ils provoquèrent les Cronstadtiens, etc. etc.

Nul ne peut le nier : les SR et les Mencheviks sont des experts, sinon les maîtres absolus, en matière de provocation. Rien de ce que firent Kerensky et Cie ne les provoqua ne serait-ce qu'à admettre la prise des armes contre le gouvernement provisoire. Au contraire, les mencheviks exigeaient avec emphase, en 1917, que la Crondstadt révolutionnaire, et les bolcheviks en général, soient "maîtrisés". Quant aux SR, ils n'hésitèrent pas longtemps avant de prendre les armes contre Octobre. Le bolchevisme a toujours "provoqué" ces messieurs qui ont toujours pris position de l'autre côté de la barricade.

Ce sont les faits et ils sont incontestables. Les marins formaient le gros des forces insurgées. La garnison et la population restèrent passives. Pris de court par l'insurrection, le commandement de l'Armée Rouge chercha d'abord à temporiser, espérant que les insurgés aient un sursaut de conscience. Le temps pressait. Quand il devint clair qu'il était impossible d'arracher la masse anonyme à la direction des SR et à ses sbires, Crondstadt fut prise d'assaut. En agissant ainsi les bolcheviks ne faisaient que leur devoir. Ils défendaient les conquêtes de la révolution contre les complots de la contre-révolution. C'est là le seul verdict que l'histoire peut rendre, et elle le rendra.


Notes de l'auteur

[1] En Janvier-Mars 1921, s'est produite la révolte de Tumensk dans la région de Tobolsk en Sibérie. Les insurgés étaient au nombre de 20.000 hommes.  En mai 1921, les gardes blancs aidés par les japonais sont allés jusqu'à Vladivostok, qu'ils ont tenu pendant une courte période.  Après la signature du traité de Riga (18 mars 1921), quelques milliers de gardes blancs ont envahi l'Ukraine, et d'autres endroits du territoire soviétique furent pénétrés par seulement quelques poignées d'entre eux. Une autre série d'incursions ont suivi en Karelie à partir du 23 octobre 1921, et n'ont été liquidées qu'en février 1922. Jusqu'en octobre 1922, le territoire soviétique a été parcouru par des bandes de guérilleros contre-révolutionnaires.

[2] Sotsialisticheski Vestnik, 25 Août 1937.

[3] Sotsialisticheski Vestnik, 5 Avril 1921.

[4] Les SR étaient un peu moins précis sur le côté politique sordide de la révolte.  Ils ont dit: "les organisations ouvrières ont exigé un changement complet de régime :  certains sous forme de Soviets librement élus, d'autres sous forme de la convocation d'une Assemblée constituante." (La vérité au sujet de la Russie, "Volya Rossii", Prague, 1921).  En éditant ce livre les SR à l'étranger n'ont fait que reconnaître tardivement leur participation politique à la révolte, quoique leurs porte-parole en Russie se soient alors cachés derrière un masque non-partisan.  Ce livre a servi comme principale, sinon seule, source utilisée par tous les critiques passées et présentes du bolchevisme.  La brochure de Berkman "la rébellion de Cronstadt" (1922) est simplement une répétition des alléguations et interprétations SR, avec peu de changements significatifs.

[5] Vanguard, février-mars 1937.

[6] Victor Serge croit que c'était un défaut spécifique à Kalinine. "le Comité central a commis l'énorme erreur d'envoyer Kalinine..." (La Révolution Prolétarienne, Septembre 1937).

[7] Izvestia de Kronstadt, n° 11, 13 mars 1921.

[8] Dans ses commentaires récents sur Cronstadt, Victor Serge concède que les bolcheviks une fois confronté à la révolte n'ont eu aucun autre recours que de l'écraser. En cela il se distingue des diverses variétés d'anarcho-menchevisme. Mais dans sa contribution à la discussion il déplore les expériences de l'histoire au lieu de chercher à les comprendre en tant que marxiste.  Serge insiste sur le fait qu'il aurait été "facile" d'éviter la révolte – si seulement le Comité central n'avait pas envoyé Kalinine pour s'adresser aux marins !  Et une fois que la révolte avait éclaté, il aurait été "facile" d'éviter le pire – Ah, si seulement Berkman avait parlé aux marins !  Adopter une telle approche des événements de Cronstadt c'est avoir un point de vue superficiel :  "Ah, si seulement l'histoire nous avait épargné Cronstadt !"  Elle mène seulement à l'éclectisme et à la perte de tous les repères politiques.

[9] Poslednya Novosti, 11 Mars 1921.

[10] Idem., 18 mars 1921.

[11] Dans les thèses programmatiques sur la Russie proposées par le Comité central des mencheviks en 1921, nous trouvons ce qui suit : "puisque dans l'immédiat les structures capitalistes maintiendront leur emprise sur l'économie mondiale, le système économique de la République ne être qu'en conformité avec les formes capitalistes des pays avançés de l'Europe et de l'Amérique..." (Sotsialisticheski Vestnik, 2 déc. 1921)

[12] La révolte de la flotte de la Baltique contre le gouvernement soviétique – un article signé dans l'Echo De Paris, 14 fév. 1921.  Le même jour le "Matin", un autre journal parisien, a publié une dépêche sous le titre : "Moscou prend des mesures contre les insurgés de Kronstadt". La presse des gardes blancs russes a publié des dépêches semblables. L'origine indiquée était Helsingfors d'où les dépêches furent expédiées le 11 février 1921.

[13] Dans son discours de conclusion du 16 mars, Lénine a lu au congrès un rapport sur la campagne de presse.  Voici quelques des titres cités par Lénine :

"On nous signale un soulèvement à Moscou.  Combats à Petrograd."   (London Times, 2 mars 1921)

"L´agitation antibolchévique : Petrograd et Moscou seraient aux mains des insurgés qui ont formé un gouvernement provisoire"
(Matin, 7 mars)

"Cronstadt contre Petrograd, arrestation de Zinoviev"
(Berliner Tageblatt, 7 mars)

"A Petrograd, les marins révoltés débarquent."
(Matin, 8 mars)

"Soulèvement en Russie"
(Vossische Zeitung, 10 mars)

"Combats à Petrograd. Manœuvres des rouges en échec."
(London Times, 9 mars)

[14] Les mencheviks ne disposent pas de leur propre presse en Russie, et n'ont pu donc que participer clandestinement à la campagne des impérialistes à l'étranger, et à celle de leurs alliés SR à Cronstadt.  Voici le premier paragraphe d'un de leurs tracts, daté du 8 mars 1921, et publié au nom du "Comité de Petersbourg du SDLPD" :

"La dictature bolchevique se délite. Soulèvements ruraux en Ukraine, en Sibérie, dans le sud-ouest de la Russie... Grèves et agitation parmi les ouvriers de Petersbourg et à Moscou... Les marins de Cronstadt se sont soulevés... Famine, froid, misère répandent une amertume sans précédent parmi la population dans le reste de la Russie...  Telle est l'image repoussante de la République soviétique trois ans après la prise de pouvoir par les bolcheviks. La dictature bolchevique se délite... " (Sotsialisticheski Vestnik, 20 avril 1921)

[15] Sotsialisticheski Vestnik, 5 avril 1921, souligné par nous.

[16] A. Berkman, La rébellion de Cronstadt.


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