Question C5a :
Pourquoi n'essaye-t-on pas de détruire
les cyclones tropicaux en les ensemençant avec
de l'iodure d'argent ?
Rédigé par Chris Landsea
Depuis une vingtaine d'années, la NOAA a essayé d'affaiblir
les ouragans en les ensemençant avec de l'iodure d'argent,
substance qui agit comme un véritable noyau de congélation,
dans les bandes pluvieuses des cyclones. Le projet
STORMFURY,
comme on l'appelait, a émis l'hypothèse que l'iodure
d'argent renforcerait l'activité orageuse des bandes
pluvieuses en permettant la congélation de l'eau surfondue,
libérant ainsi de la chaleur latente de fusion et
provoquant le renforcement de ces bandes nuageuses
au détriment du mur de l'oil. Une convergence affaiblie
au niveau du mur de l'oil devait entraîner un certain
affaiblissement des vents forts au centre. L'idée
était bonne, mais au final, elle présentait un gros
défaut : il n'y a pas énormément d'eau en surfusion
disponible dans la convection associée à un ouragan
: la force ascensionnelle est assez faible et les
courants ascendants de petite échelle comparés à ceux
que l'on peut observer dans les super-cellules ou
les multi-cellules continentales des latitudes moyennes.
Les quelques cyclones ensemencés qui ont vu une réduction
de leur intensité étaient indubitablement ceux qui
possédaient ce qui est maintenant appelé une "structure
de murs de l'oil concentriques ".
Willoughby
et al. (1985).
Les structures de murs
de l'oil concentriques se produisent naturellement
dans les cyclones tropicaux intenses (vent>50 m/s
soit 100kt ou 180 km/h). Quand les cyclones tropicaux
atteignent ce seuil d'intensité, ils ont généralement,
mais pas toujours, un mur de l'oil et un rayon de
vent maximum réduit à une très petite taille, de 10
à 25 km environ. A ce stade, certaines des bandes
pluvieuses extérieures peuvent s'organiser en un anneau
externe d'orages qui se déplace lentement vers le
centre et dérobe au mur de l'oil intérieur l'humidité
et la vitesse dont il a besoin. Pendant cette phase,
le cyclone tropical s'affaiblit (c'est à dire que
les vents maximum se réduisent un peu et que la pression
au centre augmente). Finalement, le mur de l'oil extérieur
remplace complètement le mur de l'oil intérieur et
la tempête peut posséder la même intensité que précédemment
voire dans certains cas être même plus forte. L'ouragan
ANDREW (1992) présentait un mur de l'oil concentrique
avant de toucher les terres près de Miami : il a atteint
une forte intensité, un mur de l'oil extérieur s'est
formé, tout s'est concentré de concert avec un net
affaiblissement de la tempête, et alors que le mur
de l'oil extérieur a complètement remplacé l'original,
le ouragan s'est de nouveau intensifié.
Ainsi, la nature accomplit ce que la NOAA avait espéré
faire artificiellement. Pas étonnant qu'on ait considéré
les premières et rares expériences comme des succès.
Pour en savoir plus sur le projet STORMFURY, lire
Willoughby
et al. (1985). Pour en savoir plus sur les structures
de murs de l'oil concentriques, lire
Willoughby et al. (1982) et Willoughby
(1990).
Question C5b :
Pourquoi n'essaye-t-on pas de détruire les
cyclones tropicaux en épandant une substance sur la
surface de l'océan ?
Rédigé par Chris Landsea
Il y a eu quelques travaux expérimentaux pour tenter
de fabriquer un liquide qui, étalé sur une surface
océanique, empêcherait l'évaporation. Si cela fonctionnait
à proximité du cyclone tropical, cela aurait probablement
un effet limitant sur l'intensité de la tempête car
il a besoin d'énormes quantités d'évaporation pour
maintenir son intensité (Simpson
et Simpson, 1966). Toutefois, trouver une substance
qui serait capable de rester concentrée sur les eaux
agitées d'un cyclone tropical s'est révélé être le
point faible de cette idée.
Il a également été suggéré il y a une vingtaine d'années
(Gray
et al., 1976) que l'utilisation de noir de charbon
(suie) pourrait être un bon moyen de modifier les
cyclones tropicaux. L'idée était qu'on pourrait brûler
une grande quantité de pétrole lourd pour produire
un grand nombre de particules de noir de charbon qui
serait libérées aux limites du cyclone tropical dans
la couche limite. Ces aérosols de noir de charbon
fourniraient une énorme source de chaleur simplement
en absorbant le rayonnement solaire et en transférant
la chaleur directement à l'atmosphère. Cela initierait
de l'activité orageuse en dehors du cour cyclone tropical
et, comme pour STORMFURY, cela affaiblirait la convection
dans le mur de l'oil. Cette idée n'a jamais été mise
à exécution.
|