PREMIER MINISTRE
Rapport au Premier ministre
2006
Mission interministérielle
de vigilance et de lutte
contre les dérives sectaires
- MIVILUDES -
2
3
TABLE DES MATIĂRES
5
8
PROTECTION DES VICTIMES : Ăvaluation des risques
et des dérives
Lâemprise ou la « mise en Ă©tat de sujĂ©tion » 14
Les victimes collatérales des dérives sectaires : 37
la famille et les proches
La formation professionnelle et le risque sectaire 58
des mouvements Ă caractĂšre sectaire : un facteur
explicatif du risque sectaire
Tradition, famille, propriété
une organisation dĂ©diĂ©e Ă la collecte de dons et Ă
lâobjet non identifiĂ©
4
2Ăšme partie : ANALYSES ET ĂTUDES
Le risque sectaire dans le domaine psychothérapeutique
lâAnalyse
Le risque sectaire liĂ© Ă lâutilisation de certains 160
produits, classés ou non stupéfiants
Le risque sectaire : dispositifs juridique et 169
administratif en Europe et en Amérique du nord
3Ăšme partie : ACTIVITĂS ADMINISTRATIVES 2006
Actions de formation et dâinformation 210
Les cellules de vigilance, une année de transition 216
Intérieur et aménagement du territoire 240
Ăconomie, finances et industrie 255
Ăducation nationale, enseignement supĂ©rieur 257
et recherche
Jeunesse, sports et vie associative 259
Emploi, cohésion sociale et logement, 267
Santé et solidarités
5
LE MOT DU PRĂSIDENT
En 2006, lâĂ©vĂšnement marquant dans le domaine de la
lutte contre les dérives sectaires a été la constitution de la
troisiĂšme Commission dâenquĂȘte parlementaire qui sâest plus
particuliĂšrement penchĂ©e sur les dommages quâĂ©tait
susceptibles de subir la santé morale ou physique des mineurs
exposés à un tel risque. Si toutes les victimes des dérives
sectaires doivent ĂȘtre lâobjet de la sollicitude des pouvoirs
publics, il ne fait pas de doute que les plus faibles dâentre elles,
et tel est le cas des mineurs, doivent pouvoir ĂȘtre assurĂ©es que
tout est mis en Ćuvre pour prĂ©venir le risque et pour leur venir
en aide, lorsque la prĂ©vention nâa pas pu jouer son rĂŽle.
Les pouvoirs propres de la Commission dâenquĂȘte
parlementaire lui ont permis de procéder à une analyse
exhaustive du phĂ©nomĂšne, dâobtenir des informations
difficilement accessibles et de dresser un bilan qui a reçu un
important écho médiatique, concourant ainsi à une meilleure
information du public. Les propositions contenues dans le
rapport de la Commission dâenquĂȘte parlementaire vont dans
ce sens et elles fournissent à la Mission interministérielle de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)
des orientations claires qui devront guider lâaction des services
publics dans les prochains mois.
De son cÎté, la MIVILUDES a poursuivi ses efforts
pour rĂ©pondre Ă lâattente de toutes celles et de tous ceux qui
attendent de lâĂtat une prise de position sans ambiguĂŻtĂ© en
faveur des victimes. Son rapport dâactivitĂ© annuel est aussi
lâoccasion de tirer les enseignements de lâaction passĂ©e, de
mesurer les Ă©volutions du phĂ©nomĂšne et de sâinterroger sans
complaisance sur lâefficacitĂ© des efforts dĂ©ployĂ©s.
Depuis sa création, il y a quatre ans, la MIVILUDES,
héritiÚre de la Mission interministérielle de lutte contre les
6
sectes (MILS), a pu prĂ©ciser son rĂŽle et sa place dans lâaction
gouvernementale en matiÚre de prévention et de lutte contre
les dĂ©rives dâorganisations et de personnes de plus en plus
nombreuses et multiformes. Soutenue dans sa tĂąche par un
Conseil dâorientation composĂ© de membres du Parlement,
dâuniversitaires, de responsables dâassociations de parents
dâĂ©lĂšves, de reprĂ©sentants des familles, victimes ou non du
phénomÚne, de personnalités du monde judiciaire, médical,
administratif et de spécialistes des questions sectaires, elle
sâest rĂ©solument fixĂ© pour obligation de ne jamais sortir de
lâobjet de sa mission dans la RĂ©publique laĂŻque, sâinterdisant
de porter quelque jugement de valeur que ce soit sur les
doctrines, les théories ou les croyances en tant que telles, mais
dénonçant systématiquement les dérapages, les abus et les
infractions quels quâen aient Ă©tĂ© les auteurs ou les origines.
DÚs lors, les critiques étaient prévisibles, et les
tentatives visant Ă la museler ou Ă paralyser son action Ă©taient
inévitables. Il a donc fallu expliquer, notamment sur la scÚne
internationale oĂč les grands mouvements transnationaux
mÚnent des actions effrénées de lobbying, pourquoi la France
entendait poursuivre dans la voie de la vigilance.
Il a fallu encore rappeler que les vraies victimes
nâĂ©taient pas celles qui faisaient lâobjet dâune prĂ©tendue
« chasse aux sorciÚres », mais bien les malheureuses et les
malheureux dont la vie est souvent brisée à jamais par la
spirale de lâengagement sectaire, par la soumission confiante Ă
des individus mus par lâappĂąt du pouvoir ou du gain, ou
seulement dénués de sens moral et de la moindre considération
pour leurs semblables.
Il est devenu de bon ton, pour ces organisations ou ces
responsables, de se poser en victimes et de nier toute
responsabilité dans les malheurs de leurs adeptes. Quand ils ne
peuvent plus faire autrement que de reconnaĂźtre quâil y a un
plaignant, ils nâhĂ©sitent pas Ă en faire une victime Ă©missaire,
un apostat initialement consentant et à présent totalement
responsable de ce qui lui est arrivé.
7
Au surplus, lâimpĂ©trant qui entre dans un mouvement
de ce type, doit en premier lieu Ă©liminer lâhomme ancien
forcément mauvais qui est en lui pour se reconstruire en un
nouvel humain, formaté selon les exigences du groupe et donc
meilleur. Ce qui nâallait pas bien dans la vie prĂ©cĂ©dente du
nouvel adepte Ă©tait de sa faute. Il Ă©tait donc coupable Ă son
arrivĂ©e ; il sera coupable sâil ne se plie pas aux exigences du
groupe pendant son appartenance au mouvement. Il sera
encore plus coupable, de trahison et de tous les pĂȘchĂ©s de la
terre, si jamais il quitte le groupe.
Il nây a pas davantage place pour la mansuĂ©tude ou la
pitiĂ© quâil nây a place pour la considĂ©ration, la fraternitĂ© ou la
gĂ©nĂ©rositĂ© dans un tel systĂšme. Ce nâest mĂȘme pas le cynique
« chacun pour soi » qui prĂ©vaut, câest la nĂ©gation pure et
simple de la dignitĂ© inhĂ©rente Ă tout ĂȘtre humain qui assure la
prédominance du maßtre sur ses adeptes, et ⊠malheur à celui
qui sort du rang !
Il est du devoir de la RĂ©publique de veiller Ă ce que la
tolérance mutuelle que se témoignent les citoyens et les
communautĂ©s de personnes puisse sâexercer sans contrainte et
sans considération des origines, des croyances ou des
différences des uns ou des autres. Mais la République est
Ă©galement comptable, devant la nation, du maintien du ciment
social qui suppose que nul ne sâarroge le droit de porter
atteinte aux droits fondamentaux de chaque femme, de chaque
homme, de chaque enfant.
La protection de tous les citoyens, des plus jeunes aux
plus ùgés, contre les dérives sectaires est à ce titre une
obligation Ă laquelle lâĂtat ne peut pas se soustraire.
Jean-Michel ROULET
Préfet
Président de la MIVILUDES
8
INTRODUCTION
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte
contre les dĂ©rives sectaires doit, aux termes du dĂ©cret qui lâa
instituée, présenter chaque année un rapport au Premier
ministre.
Créée en décembre 2002, la MIVILUDES aura donc
dressé quatre rapports, au cours de la présente législature.
Dans les deux premiers documents, par ordre
chronologique, elle a successivement mis lâaccent sur les
dĂ©rives sectaires puis sur le risque sectaire, sâefforçant de bien
cadrer le champ de ses activitĂ©s et de prĂ©ciser, Ă lâusage du
Parlement qui suit attentivement son action et des citoyens qui
attendent de lâĂtat dâĂȘtre protĂ©gĂ©s contre un danger qui est
ressenti comme particuliÚrement intolérable, la nature des
risques, et la façon dâen apprĂ©hender la rĂ©alitĂ© dans le strict
respect de lâĂtat de droit.
Lâan passĂ©, dans son troisiĂšme rapport, la Mission a
mis en exergue, exemples Ă lâappui, quatre secteurs majeurs
qui justifiaient, compte tenu de la qualité des victimes
potentielles, une vigilance aiguë et une complÚte information
des Ă©lus et de la nation toute entiĂšre : les atteintes visant les
mineurs, les dérives sectaires dans le domaine de la santé au
sens large, le risque de pĂ©nĂ©tration de lâappareil Ă©conomique et
lâinfiltration du secteur porteur quâest, en termes dâimage,
lâaide humanitaire.
Les trois pivots majeurs retenus au cours des trois
exercices antĂ©rieurs restent dâactualitĂ© et il aurait Ă©tĂ© possible
de les développer une nouvelle fois, tout en les actualisant,
afin de bien rappeler à chacun que la défense des libertés
individuelles et de la dignité de la personne humaine contre les
agissements des gourous de toute sorte Ă©tait une Ćuvre de
9
longue haleine et quâaucun relĂąchement dans la garde nâĂ©tait
possible.
Le choix a finalement Ă©tĂ© dâaborder des sujets
nouveaux, reflĂ©tant au plus prĂšs lâĂ©volution du paysage
sectaire, ainsi que la capacitĂ© dâadaptation, au quotidien, des
organisations en question et de leurs dirigeants.
Pour cerner le risque sectaire et mesurer lâampleur des
dommages subis par les victimes de mouvements douteux ou
de théories mal maßtrisées, une étude est consacrée aux
mĂ©canismes dâemprise et Ă leurs consĂ©quences sur les
personnes.
Plusieurs membres du Conseil dâorientation de la
MIVILUDES avaient souhaité que soit traité le problÚme
crucial des victimes collatĂ©rales de lâappartenance sectaire,
c'est-à -dire les conséquences pour les familles, les parents et
les proches de lâengagement en qualitĂ© dâadepte dâun des
leurs. Câest lâobjet dâun dĂ©veloppement abordant le sujet sous
lâaspect humain et sous lâangle juridique.
Le secteur de la formation professionnelle, en pleine
expansion, draine des fonds importants qui ne pouvaient
laisser inactifs des organisations ou des individus toujours Ă la
recherche dâun enrichissement. Les dangers auxquels salariĂ©s,
administrations et entreprises sont ici exposĂ©s, fait lâobjet
dâune analyse novatrice.
Une étude approfondie, seulement esquissée en 2005,
sur le risque de pĂ©nĂ©tration sectaire dans lâentreprise, avec ses
consĂ©quences en termes dâintelligence Ă©conomique, est
présentée dans le présent rapport conjointement avec un
exemple parlant de détournement des circuits économiques.
Enfin, la multiplication des entreprises de paralysie des
services en charge de la vigilance et de la lutte contre les
dérives sectaires par quelques mouvements en particulier est
examinée sous les angles administratif et judiciaire.
10
En complément, un aperçu des techniques de
désinformation employées par ces mouvements, leurs satellites
ou leurs adhérents, est recensé dans un chapitre qui décrit les
manĆuvres dont sont lâobjet aussi bien les administrations que
les médias.
Dans une seconde partie, la MIVILUDES a sélectionné
des études et des documents sur des sujets peu traités
jusquâalors :
Ainsi, une recherche a été effectuée sur le bilan
contrastĂ© dâune mĂ©thode venue dâAmĂ©rique du nord,
« lâAnalyse
Transactionnelle », afin de montrer que
lâutilisation de certaines pratiques par des pseudo-praticiens,
parfois autoproclamĂ©s, Ă©tait susceptible dâavoir des
conséquences dramatiques.
Le problĂšme de lâĂ©mergence de pratiques chamaniques
faisant appel Ă la prise de produits hallucinogĂšnes, ayahuasca
ou iboga, fait lâobjet dâune prĂ©sentation de ce type de risque
qui dépasse le phénomÚne de mode et insiste sur le cortÚge de
dĂ©rives qui lâaccompagne.
JusquâĂ prĂ©sent, aucune comparaison des politiques
publiques mises en Ćuvre, sur ce sujet, par les principaux Ătats
europĂ©ens ou nord-amĂ©ricains nâavait fait lâobjet dâune
synthÚse. Ce sera désormais chose faite avec un chapitre
consacrĂ©, dâune part aux dispositifs lĂ©gislatif, rĂšglementaire et
administratif en vigueur dans une quinzaine de pays, et dâautre
part, à la perception dans ces différents pays de trois grands
groupes transnationaux qui, ici ou là , sont considérés comme
posant problĂšme.
La MIVILUDES ne pouvait Ă©videmment pas reprendre
la totalité des travaux impressionnants de la Commission
dâenquĂȘte parlementaire sur les dommages susceptibles
dâaffecter la santĂ© morale ou physique des mineurs exposĂ©s Ă
des dérives sectaires, mais elle renvoie le lecteur au rapport
11
rendu par cette derniĂšre
1
, ainsi quâaux questions posĂ©es tout au
long de lâannĂ©e par les dĂ©putĂ©s ou par les sĂ©nateurs.
Enfin, chaque administration membre du Comité
exécutif de pilotage opérationnel de la Mission a eu la
possibilité de fournir son propre compte rendu annuel
dâactivitĂ©, afin dâinformer au mieux le lecteur sur le travail
fourni.
Pour sa part la MIVILUDES rend compte de son
activitĂ© dans les champs dâaction dĂ©finis par ses textes
fondateurs
: information, sessions de formation, cellules
départementales de vigilance, démarches internationales,
liaison avec les associations de défense des familles,
rencontres, Ă leur demande, de responsables de mouvements
dĂ©sireux dâentrer en contact avec lâautoritĂ© publique,
publication dâun fascicule consacrĂ© aux dĂ©rives liĂ©es au
satanisme, etc.
LâannĂ©e 2006 aura Ă©tĂ© une annĂ©e de travail et dâefforts,
afin que les victimes et leurs familles puissent ĂȘtre Ă©coutĂ©es,
respectĂ©es et secondĂ©es dans les difficultĂ©s quâelles traversent.
Afin, Ă©galement, que les mouvements sectaires et leurs
responsables nâaient aucun doute sur la dĂ©termination de la
RĂ©publique Ă ne pas reculer dâun pas dans sa mission au
service de ceux qui attendent dâelle sĂ»retĂ© et solidaritĂ©.
1
Le 19 dĂ©cembre 2006, la Commission dâenquĂȘte parlementaire a remis au
prĂ©sident de lâAssemblĂ©e nationale son rapport intitulĂ©
« lâEnfance volĂ©e :
les mineurs victimes des sectes »
(Assemblée nationale, n°3507).
12
13
1
ERE
PARTIE
PROTECTION DES VICTIMES
ĂVALUATION DES RISQUES ET DES DĂRIVES
14
1 - LâEMPRISE OU LA « MISE EN ĂTAT DE SUJETION »
« Lâhomme nâest point cet ĂȘtre dĂ©bonnaire, au cĆur
assoiffĂ© dâamour, dont on dit quâil se dĂ©fend quand on
lâattaque, mais un ĂȘtre qui, au contraire, doit porter au
nombre de ses données instinctives une bonne dose
dâagressivitĂ©. Pour lui, par consĂ©quent, le prochain nâest pas
seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais
aussi un objet de tentation. Lâhomme est, en effet, tentĂ© de
satisfaire son besoin dâagression aux dĂ©pens de son prochain,
dâexploiter son travail sans dĂ©dommagements, de lâutiliser
sexuellement sans son consentement, de sâapproprier ses
biens, de lâhumilier, de lui infliger des souffrances, de le
martyriser et de le tuer ».
Sigmond Freud,
Malaise dans la civilisation
2
La « mise en état de sujétion » définie par la loi About-
Picard du 12 juin 2001, et qui permet lâapplication de lâarticle
du code pĂ©nal sur lâabus de faiblesse pour les victimes de
menées sectaires, semble parfois, pour les praticiens du droit,
difficile à appréhender.
Câest cette interrogation Ă propos des difficultĂ©s
dâutilisation du dispositif de la loi, qui a amenĂ© la
MIVILUDES Ă rĂ©flĂ©chir Ă nouveau sur la notion dâemprise,
terme utilisé plus facilement par les experts auprÚs des
tribunaux, les psychiatres et psychologues, et les spécialistes
de la question sectaire.
2
p. 64-65.
15
La MIVILUDES a donc réuni des groupes de travail :
magistrats ayant eu Ă connaĂźtre dâaffaires sectaires (avant et
aprĂšs la loi About-Picard), experts psychiatres et psychologues
ayant eu Ă rendre des avis dans le cadre des mĂȘmes affaires, et
avocats.
Ce travail, Ă©bauchĂ© cette annĂ©e, devra sâenrichir pour
aboutir, dans le courant de lâannĂ©e 2007 Ă un colloque Ă
destination des magistrats et des experts.
Au préalable, il a paru important de faire le point sur la
notion dâemprise.
M
ECANISMES DE L
â
EMPRISE
3
« Lâemprise sectaire », « la mise en Ă©tat de sujĂ©tion »
ont progressivement remplacé dans le vocabulaire des
associations de victimes et dans le vocabulaire juridique ou
administratif la « manipulation mentale ». Lâexpression sâest
généralisée parce que les psychologues ont beaucoup avancé
sur la notion dâemprise perverse ou de harcĂšlement moral
4
.
Il existe des degrĂ©s dans ce que lâon peut souhaiter
obtenir de quelquâun : un comportement ponctuel, le partage
dâune opinion, son adhĂ©sion, son dĂ©sir, lâacceptation de
sâengager, une soumission volontaire Ă des rĂšgles, une
confiance, une passivité jugée utile. Pour obtenir ces résultats,
commerciaux, Ă©ducateurs, politiques, amoureux et croyants
sâemploient avec plus ou moins de rĂ©ussite. Le problĂšme se
complique si lâon veut obtenir, hors contraintes visibles, une
participation active, des prestations coûteuses et durables,
lâentrĂ©e dans un processus de transformation, une disponibilitĂ©
totale, une soumission sans réserve. Il faut alors obtenir
3
Une grande partie de ce chapitre ressort de lâouvrage de Fournier A. et
Monroy M.,
La dérive sectaire,
PUF, 1999
4
On peut se référer notamment aux travaux de Kaës, Diet, Hirigoyen ou
Monroy.
16
impérativement non seulement un acquiescement initial qui
engagera peu, mais plus encore un enchaĂźnement
dâacquiescements successifs, qui apparaĂźtront au sujet comme
des choix déterminés et conscients
5
. En fait, le sujet donne son
accord à une procédure, mais il a une méconnaissance de la
nature du processus de transformation quâil va connaĂźtre, du
résultat final de cette transformation et aussi des finalités des
maĂźtres du jeu.
Le travail sur les choix
Tous les choix importants de lâĂȘtre humain et une
grande partie de ses choix quotidiens relĂšvent du
raisonnement, du pragmatisme et de lâaffectivitĂ©. Mais ils
sâinscrivent aussi dans tout un jeu de conditions historiques,
contextuelles, contractuelles et Ă©thiques.
Les conditions historiques sont la culture, les valeurs
familiales, les croyances, les attachements, mais aussi les
attentes et les projets. Les conditions contextuelles font que les
choix dépendent en grande partie des liens, des relations
actuelles, de lâadaptation Ă un environnement, du langage
utilisé pour décrire le monde. Les conditions contractuelles
définissent les engagements explicites ou implicites, les
filiÚres vers lesquelles chacun est orienté, les tùches dans la vie
sociale. Les conditions éthiques des choix représentent
lâunivers de valeurs dans le cadre duquel sont prises les
décisions. Ces quatre types de conditions sont précisément les
cibles que vont viser les groupes sectaires pour asseoir leur
emprise.
On retrouve de façon quasiment constante un travail de
relecture du passé personnel avec un objectif de
disqualification. Le discours tenu au futur adepte sâinspire de
la notion bien connue :
« Du passé, faisons table rase »
, ou,
pour paraphraser Dante :
« Toi qui entres ici, renonce à tout ce
5
Boudon R.,
Effets pervers et ordre social,
Paris, PUF, Quadrige, 1993.
17
que tu croyais »
. Le travail sur les reprĂ©sentations de lâavenir
est du mĂȘme ordre. Dans une tonalitĂ© nĂ©gative :
« Si tu
continues dans cette voie, tu es perdu »
ou dans une tonalité
positive :
« Tout peut changer si tu le veux vraiment »
. Le
mĂȘme travail de sape est effectuĂ© sur les autres paramĂštres de
la vie familiale, affective ou sociale, avec une prescription de
rupture ou de prise de distance.
Les liens qui se nouent avec le groupe nouveau sont
renforcés par une demande de participation croissante.
ParallĂšlement, on multiplie les micro-engagements
6
ponctuels
qui peuvent paraĂźtre anodins : pratiques, participations, dons,
démarches, rÚgles de vie quotidienne. Ces consentements
ponctuels, et apparemment innocents, ne sont pas sans
incidence sur des choix plus importants : on peut ainsi citer
lâexemple du mariage. Vous rencontrez un beau jeune homme
(ou une belle jeune fille). Vous acceptez de prendre un verre.
Vous acceptez un second rendez-vous ciné⊠et de petits oui
en petits oui, vous vous retrouvez un jour, un peu surpris,
devant Monsieur le maire. La chaĂźne des oui est dâautant plus
difficile Ă rompre quâelle est trĂšs progressive : on ne rompt pas
sans raison totalement majeure, au quatorziĂšme rendez-vous !
Le mĂȘme type de travail est effectuĂ© sur les
déterminants éthiques de la décision. Les références éthiques
prĂ©alables sont disqualifiĂ©es, dĂ©sacralisĂ©es, et font lâobjet
dâune analyse critique pour ĂȘtre remplacĂ©es peu Ă peu, mais de
maniÚre trÚs structurée, par les valeurs du groupe. Celles-ci
font appel aux mĂȘmes aspirations profondes, mais avec une
rĂ©orientation dans le sens de lâexclusivitĂ©.
Ă cela, sâajoute un contexte affectif et Ă©motionnel
facilitateur, entretenu par la dynamique de groupe. Le
6
Beauvois J.L., Joule R.V,
Petit traitĂ© de manipulation Ă lâusage des
honnĂȘtes gens, Grenoble,
PUG, 1987.
Beauvois J.L., Joule
R.V.,
Soumission et idéologies. Psychosociologie de la
rationalisation.
PUF, 1981.
18
psychosociologue Ăric DĂ©pret
7
lâexprime bien
:
« Les
recherches montrent, en effet, que plus les rituels sont coûteux
et les initiatives sĂ©vĂšres, plus lâattrait pour le groupe devient
fort. Toujours ce principe de lâengagement que Machiavel
avait déjà compris quand il écrivait au Prince :
âLes gens vous
aimeront plus pour ce quâils ont fait pour vous que pour ce
que vous avez fait pour euxâ
.
Lâengagement comportemental
progressif est ainsi une arme dâinfluence redoutablement
efficace : comment ne pas se persuader du bien-fondé de ce
pour quoi on a tant donné, et comment remettre en question ce
qui nous a déjà tant coûté ? Il semble souvent plus aisé
dâajuster ses croyances que de remettre en question ses
comportements ; surtout quand les sacrifices demandés nous
ont dĂ©jĂ fait franchir tant dâĂ©tapes vers lâobjectif visĂ©
(pouvoir, sagesse, salut, santé ou nirvana) qui, pour ne pas
ĂȘtre encore en vue, ne peut plus ĂȘtre trĂšs Ă©loigné⊠»
.
La séduction
Mais tout cela nâexplique pas comment une personne,
par ailleurs adaptĂ©e et lucide, peut se prĂȘter Ă cet entraĂźnement.
Lâimage de « La Secte » reprise par les mĂ©dias aprĂšs les
drames de Waco, du Vercors et autres, est si dévalorisée dans
lâopinion publique que trĂšs peu de gens accepteraient
actuellement dâentrer dans un groupe qui revendiquerait cette
appellation. Aussi le discours dâappel est-il plutĂŽt du style :
« Nous ne sommes pas ce quâon dit de nous, venez voir et
faites-vous une opinion personnelle ».
« Les organisations sectaires déclenchent chez leurs
victimes un processus dâidentification projective. Les adeptes
croient avoir trouvĂ© dans la secte lâorganisation rĂȘvĂ©e, ils
nâont pas conscience quâils ont projetĂ© en elle leur propre
idĂ©al. Dans ce premier temps, les adeptes ont donc lâillusion
que la secte est parfaitement contingente et va répondre à leur
7
Dépret E., « Sectes et influences psychosociales », in
Connexions Les
sectes : emprise et manipulation,
n°73, janvier 2000, p.137 et 138.
19
demande (guĂ©rir, sâĂ©panouir, besoin de spiritualitĂ©, etc.) ; ils
se sentent investis et respectĂ©s comme jamais ils ne lâont Ă©tĂ©.
Dans un deuxiĂšme temps, lâorganisation sectaire inclut puis
« noie » la demande de lâadepte dans le projet collectif
instauré par le leader. Ce projet est plus grandiose et plus
sĂ©duisant : purifier la terre, viser lâĂ©panouissement total de
soi, expĂ©rimenter la relation au divin, atteindre lâimmortalitĂ©,
etc. J-M. Abgrall appelle cette deuxiĂšme phase â la sĂ©duction
rĂ©tentriceâ
8
. En fait, le désir du sujet (sa demande) est
complÚtement dénié au profit de celui du leader. Le sujet
devient objet de désir »
9
.
Dans le cadre de lâidĂ©ologie, lâadhĂ©sion peut
correspondre Ă une rĂ©action Ă lâusure et Ă la perte de crĂ©dibilitĂ©
des appareils sociaux, politiques et religieux. Du
dĂ©senchantement Ă la rĂ©volte, le citoyen rĂ©agit nĂ©gativement Ă
lâafflux dâinformations quâil reçoit sans moyens de les
analyser et encore moins dâagir. DâoĂč la fascination pour ce
qui lui est présenté comme radicalement alternatif - ou au
moins, Ă dĂ©faut de fascination, la curiositĂ©. Ă cela, sâajoute la
sĂ©duction de la cohĂ©rence dâun discours rĂ©ducteur et
lâharmonie apparente des thĂšses universalistes. EugĂšne
Enriquez précise ce que contient le discours tenu par le groupe
sectaire :
« Message qui proclame la culpabilité du monde de
la vie de tous les jours, la nécessité de la Rédemption et
lâengendrement par la seule parole du maĂźtre de la nouvelle
sociĂ©tĂ©. En mĂȘme temps, il formule la forclusion de la mort
(les individus ont une ùme immortelle et seront sauvés), le
caractĂšre obligatoire de la relation duelle entre le maĂźtre et
ses disciples (ce qui exclut le tiers, qui seul peut garantir
contre lâindistinction et la fusion amoureuse ou hypnotique) et
lâinstallation dans un imaginaire oĂč tout est permis et le temps
est aboli. Y a-t-il plus beau message Ă adresser Ă tous ceux qui
craignent le rĂšgne dâune raison critique, sceptique,
destructrice dâidoles ? Ces hommes, qui ont la nostalgie du
8
Abgrall J-M.,
La mécanique des sectes,
Paris, Payot, 1996.
9
Allanic C., «
L'emprise sectaire ou le syndrome d'Ulysse» in
Journal des
psychologues,
n° 206, avril 2003.
20
pĂšre (Freud), qui ont Ă©tĂ© bercĂ©s par lâimage dâun paradis « Ă
portĂ©e de la main », ces hommes qui se sentent des âpetits
hommes [qui nâont] aucune confiance dans leur pensĂ©e mais
qui ont toute confiance en celle des grandsâ
10
, qui se disent au
dessus dâeux (car ils prennent le risque dâune parole neuve),
comment ne seraient-ils pas séduits par un message qui leur
donne tout, alors quâils ont le sentiment de ne rien possĂ©der et
de nâĂȘtre rien. Mais un tel discours pourrait ne pas suffire. Il
est nĂ©cessaire que ceux qui le reçoivent sachent quâils font
partie des sauvés, des élus, donc de ceux qui peuvent
reprendre un tel discours et sâen faire des missionnaires. Ils
ont besoin de goûter eux aussi aux joies de la paranoïa, de
relayer le propos, de se sentir revĂȘtus dâune mission
particuliĂšre, de pouvoir initier les nouveaux, de se voir confier
la traque du mal. Tous paranoĂŻaques ! Quel plaisir ! Les purs,
les parfaits sont dâun cĂŽtĂ©, le mal de lâautre. Chacun a
retrouvé son innocence originelle ».
La dynamique proposĂ©e dans le cadre de lâidĂ©ologie
repose sur lâacquisition progressive et initiatique dâun savoir
réservé, la découverte, grùce à un langage nouveau, de réalités
inconnues. La fascination pour le « nous » fusionnel
11
est plus
répandue que ne voudraient le faire croire tous les discours sur
lâindividualisme contemporain. Le groupe sectaire, Ă©litiste sâil
en est, rĂ©pond apparemment Ă deux besoins : sâimmerger dans
un groupe avec identification aux autres et Ă©merger de la
masse anonyme avec sélection des « meilleurs ».
« Les promesses mégalomaniaques faites aux adeptes
les renvoient aux expériences archaïques de la petite enfance
dont ils gardent des traces mnésiques inconscientes : celles de
la toute-puissance de la pensée et de la fusion avec la mÚre.
Ces promesses ne se présentent pas vertement sous cet aspect
mais sous une forme sublimée. Ainsi, chercher à augmenter
ses capacités intellectuelles dissimule un fantasme de toute-
puissance et rechercher la fusion avec le divin renvoie au
10
Reich W.,
Ăcoute, petit homme,
(1945)
traduction française, Payot, 1970.
11
Maffesoli M.
, Le temps des tribus,
Paris, Klinksieck
,
1988.
21
fantasme de fusion avec la mĂšre. LâĂąge dâor, que ces sujets ont
jadis connu et dont ils ont tout oublié, semble à portée de
main ; la croyance selon laquelle les contraintes de la réalité
peuvent ĂȘtre dĂ©passĂ©es refait surface, comme aux premiers
temps de leur vie »
12
.
La transformation de la personnalité
Ce qui est proposé se présente sous la forme
dâacquisitions (de performances, de pouvoirs, dâĂ©quilibre, de
progrĂšs spirituel), de progression et de promotion, ce qui est
fortement attrayant et peut paraĂźtre sans danger. Lâacceptation
est facilitée par le fait de renvoyer le postulant à ses propres
motivations :
« Si tu veux ĂȘtre des nĂŽtres, tu dois accepter de
participer ou dâapprendre »
ou encore :
« Câest Ă vous de
savoir si vous voulez progresser ».
La procĂ©dure elle-mĂȘme fait appel Ă de trĂšs nombreux
éléments : points de vulnérabilité du sujet, effets de groupe,
utilisation de lâĂ©motionnel, nĂ©o-langage, production dâeffets
visibles à court terme, distanciation des influences extérieures,
prescriptions, progression dans lâenseignement doctrinal,
Ă©tapes dans la promotion et ascension Ă des missions de
responsabilitĂ©. Elle sâĂ©tale sur une longue durĂ©e, une adhĂ©sion
immédiate et totale ayant peu de chances de perdurer si elle
nâest pas suivie dâun travail en profondeur et Ă plusieurs
dimensions.
A propos du nĂ©o langage, Ăric DĂ©pret
13
Ă©crit :
« De par
le rapport étroit entre langage et pensée, redéfinir le
vocabulaire (et associer le bien, le vrai, le positif, le « nous »
aux projets du maĂźtre, le mal, le faux, le nĂ©gatif, le «eux», Ă
tout ce qui les contrecarre) participe certainement au contrĂŽle
12
Allanic C., «
L'emprise sectaire ou le syndrome d'Ulysse » in
Journal des
psychologues
n° 206, avril 2003.
13
Dépret E., « Sectes et influences psychosociales », in
Connexions, Les
sectes : emprise et manipulation,
n°73, janvier 2000, p.140.
22
de la pensĂ©e, au mĂȘme titre que le contrĂŽle de lâinformation et
de la parole, comme lâa fort bien illustrĂ© Georges Orwell dans
1984 ».
Une condition essentielle est de provoquer au départ
une certaine déstabilisation psychologique, période de
flottement, de perplexitĂ© et dâinsĂ©curitĂ© oĂč tous les repĂšres
antĂ©rieurs vont ĂȘtre remis en question. Si lâon veut « jouer le
jeu
», il faut accepter dâabandonner ses certitudes, ses
préjugés, ses interprétations, ses explications, et se rendre
disponible et ouvert pour recevoir ce qui est proposĂ©. Câest
lâĂ©tat du novice, de lâapprenti, de lâĂ©lĂšve qui a tout Ă dĂ©couvrir.
Selon les groupes, on mettra en place un cadre oĂč lâimpĂ©trant
est inexpert, coincé, mis en cause, invalidé dans ses repÚres,
culpabilisĂ© Ă lâoccasion, privĂ© du contrĂŽle de la situation, et
toujours mobilisé émotionnellement.
Les techniques peuvent affecter le corps et la
psychologie, lâintellect et lâaffectivitĂ©. La prescription
dâattitudes posturales particuliĂšres
14
, la répétition de gestes
identiques
15
, une position insolite imposée dans le dialogue,
une gestuelle effectuée rituellement et collectivement, certains
exercices respiratoires ou dâexpression corporelle sont utilisĂ©s
couramment et induisent certains types de réceptivité.
Pour obtenir des modifications de vigilance plus ou
moins accentuĂ©es, assimilables Ă des degrĂ©s dâhypnose
16
,
plusieurs techniques sont possibles. Les substances
psychotropes ont pu ĂȘtre exceptionnellement utilisĂ©es, mais on
sait que le jeĂ»ne, un Ă©tat de fatigue extrĂȘme, certains exercices
modifient le niveau de vigilance. Revivre les traumatismes
passés, réveiller les culpabilités latentes provoquent un
dĂ©sarroi profond accompagnĂ© dâun sentiment dâauthenticitĂ©,
14
Méditations, positions yogiques, incantations bras levés ...
15
« Touche le mur », action rĂ©pĂ©tĂ©e Ă lâinfini dans certaines auditions
scientologiques.
16
Stengers I.,
Lâimportance de lâhypnose,
Les empĂȘcheurs de penser en
rond, 1996. Chertok L.,
Lâhypnose. ThĂ©orie, pratique et technique,
Payot,
nouvelle Ă©dition 1989.
23
de la conviction dâaccĂ©der enfin Ă la vĂ©ritĂ© de son ĂȘtre. La
rĂ©vĂ©lation de nouveaux concepts et dâune autre logique se
retrouve dans la plupart des groupes dâemprise. Le vocabulaire
habituel est récusé. On demande au sujet « volontaire » de
renoncer Ă ses mĂ©thodes dâanalyse et dâinterprĂ©tation
habituelles
17
. Les effets de groupe sâajoutent aux exercices
individuels avec une trĂšs grande efficacitĂ©. On sait quâil est
trÚs difficile de résister à des manifestations émotionnelles
groupales. On imagine lâintensitĂ© de lâeffet produit si on a
dĂ©cidĂ© de participer pleinement et de jouer le jeu, mĂȘme si
câest simplement
« pour voir »
18
.
« Le leader utilise des techniques propres au pervers
narcissique. Il fait entendre Ă lâadepte quâil est indispensable
pour parvenir à la réalisation du projet. La réussite de ce
projet ne dĂ©pend dâailleurs que de lâadepte, puisquâil est un
ĂȘtre Ă part, un ĂȘtre unique, appartenant Ă une Ă©lite (puisquâil
est dĂ©sormais membre de la secte). Lâadepte, Ă tel point
narcissisé et responsabilisé, en oublie sa demande premiÚre
qui peut lui paraĂźtre alors bien modeste ou trop Ă©gocentrique,
et, se sentant hyper investi, se croit effectivement capable de
rĂ©aliser lâimpossible. (âŠ) La dĂ©stabilisation psychologique a
donc pour principale conséquence une régression
infantilisante, dans tous les sens du terme. Cela peut se
manifester par des épisodes régressifs aigus ; Sophie Beal
19
en
donne lâillustration clinique dans sa thĂšse : « [Lâadepte] se
mettait sur sa femme, en sanglotant : âTu es ma maman, je suis
ton petit, jâai envie de redevenir un petitâ »
20
.
17
Dans
La Dianétique,
L.R. Hubbard précise que tous les concepts
radicalement nouveaux contenus dans son oeuvre nécessitent un
apprentissage soigneux, et non une analyse. Si un concept nâest pas
compris, il faut y revenir
ad libitum
, jusquâĂ sa comprĂ©hension parfaite.
18
Abgrall J. M.,
La mécanique des sectes,
Payot, 1996.
19
Beal S.,
Les sectes : Clinique et psychopathologie
, CES de Psychiatrie,
Paris VI, 1985-1986, p. 107.
20
Allanic C.,
« L'emprise sectaire ou le syndrome d'Ulysse »
in
Journal des
psychologues
n° 206, avril 2003.
24
La reconstruction
Mais il serait insuffisant de créer des conditions de
dĂ©stabilisation, de dĂ©sarroi et de vulnĂ©rabilitĂ© si nâĂ©taient pas
proposés parallÚlement de nouveaux repÚres, des acquisitions,
un projet différent, en bref une restructuration de la
personnalité selon un modÚle défini. Chacun des éléments de
la remise en question doit trouver son corollaire restructurant.
La satisfaction de lâexpĂ©rience menĂ©e Ă bien, la
détente, la relaxation en milieu rassurant remplacent le
sentiment de malaise et dâĂ©trangetĂ© provoquĂ© par certains
exercices, attitudes et états physiques. La présence
bienveillante du conducteur de lâexpĂ©rience rĂ©pond Ă la
perplexité et au désarroi. Les certitudes inébranlables du chef
remplacent le doute et les interrogations. Le rĂ©confort dâĂȘtre
accepté, de partager un projet commun se substitue à un passé
disqualifié, à la culpabilité. La chaleur fusionnelle du groupe
remplace les liens antérieurs. Et enfin
« Ceci est vrai, puisque
vous lâavez personnellement Ă©prouvĂ©, ressenti profondĂ©ment ».
Cette « vĂ©ritĂ© » a toujours quelque chose dâincommunicable :
nâĂ©tant pas vĂ©rifiable par les voies vulgaires du raisonnement,
elle nâest pas rĂ©futable.
Lâadepte jeune entrant connaĂźt une pĂ©riode de
bonheur
21
. Il se sent mieux, physiquement et
psychologiquement. Câest ce que confirme Denys Ribas :
« La
régression aura donné des satisfactions non négligeables.
Dissolution du surmoi individuel et collectif dans lâaliĂ©nation
au leader, bénéfices masochiques et incestueux de la
possession par un parent idéalisé, abolition du tabou de
lâinceste et libĂ©ration sexuelle assez frĂ©quente, semble-t-il,
mais sur un mode régressif, plus comme un auto-érotisme
fusionnel que comme une relation objectale. Disparition de la
culpabilitĂ©. On peut mĂȘme se demander si lâadepte qui garde
21
Ce que A. Fournier et M. Monroy nomment
« la lune de miel sectaire »
.
25
une conscience des techniques de lavage de cerveau qui
peuvent ĂȘtre utilisĂ©es contre lui nâen a pas une certaine
appétence toxicomaniaque, un certain soulagement
antalgique. Il y a une tentation de la non-pensĂ©e â âPenser fait
malâ, disait Bion â du non-ĂȘtre vers lequel tend la pulsion de
mort de lâindividu »
22
. Au retour Ă la vie normale, lâex-adepte
redeviendra conscient de cet Ă©tat, des transgressions
commises, de son aveuglement. Et la honte quâil en Ă©prouvera
lâempĂȘchera pour un temps de porter plainte ou de recourir Ă
une aide psychothĂ©rapeutique. Il sâen voudra longtemps
(éternellement ?) du pacte de déni qui lui a fait rejeter le
monde extĂ©rieur, et sâunir aux autres adeptes :
« Le groupe
sectaire,
Ă©crit Emmanuel Diet,
ne se contente pas de
diaboliser sauvagement la prĂ©sence et lâĂ©ventuelle dys-
fonctionnalité des pactes présents dans le groupe
dâappartenance primaire [la famille] ; il se constitue lui-
mĂȘme, structurellement
et fonctionnellement, sur des pactes de
déni qui relient et identifient les adeptes entre eux, sur le mode
de la ligature. Câest dans ce dĂ©ni originaire que se fondent la
soumission au chef, lâinvestissement de la doctrine, la
dĂ©pendance mutuelle de tous et de chacun Ă lâĂ©gard de la
figure composite archaĂŻque du gourou. Ce qui fait le lien
paradoxal entre les adeptes, câest le dĂ©ni partagĂ© de la
violence, de la folie, de la perversité et de la faiblesse du
maßtre. Cela les contraint, dans le cadre de la régression
instituĂ©e, Ă se soumettre et Ă sâinterdire de penser pour
maintenir, Ă toute force, lâidĂ©alisation de la figure du chef.
Ayant ainsi projeté sur et dans le gourou toutes les perfections
et toutes les bontĂ©s quâils possĂ©daient en eux, aussi bien
rĂ©ellement que dans lâimaginaire, les adeptes se trouvent
entiĂšrement dĂ©munis face Ă la disqualification, puisquâils sont
eux-mĂȘmes dĂ©munis de toutes leurs qualitĂ©s »
23
.
22
Ribas D.,
« Un sectaire mortifÚre »
, in
DĂ©bats de psychanalyse, Sectes,
PUF, 1999, p.140.
23
Diet E.
« La destructivité sectaire »
, in
Raison Présente,
n° 143, 2
Ăšme
trimestre 2002, p. 119 et 120.
26
Les techniques de renforcement
Lâemprise ne serait pas durable si elle nâincluait pas
des parades au doute et au découragement qui peuvent saisir
nâimporte quel « bĂ©nĂ©ficiaire » lorsque la fascination faiblit.
Interviennent alors ce que les comportementalistes appellent
des «
renforcements
» qui vont relancer la dynamique
dâappartenance et dâemprise.
Dans tous ces groupes, on peut observer la mise en
place dâun encadrement de soutien et de surveillance, chargĂ©
de pallier les défaillances et déviations de chaque sujet. Cette
mission nâest pas lâapanage exclusif de la hiĂ©rarchie ; elle
mobilise les membres du groupe les plus proches du sujet :
encouragements, pressions, promesses et témoignages sont
alors de rigueur. Si le processus est bien engagĂ©, lâargument de
la loyautĂ© au groupe et au chef est lâun des plus puissants :
partir, câest trahir et rejoindre le troupeau mĂ©diocre des non-
initiĂ©s ou des ennemis de la vĂ©ritĂ©. La lassitude, lâĂ©bauche de
critiques, la souffrance des contraintes et des ruptures sont
mises au compte dâun effort insuffisant dans lâapprentissage,
la disponibilitĂ©, lâobĂ©issance et le rejet des anciennes valeurs.
Dans les cas les plus graves, lâisolement et la menace
dâabandon interviennent. Le doute nâest pas interprĂ©tĂ© comme
une marque de lucidité qui permettrait une critique du systÚme
en fonction de critĂšres valables, mais plutĂŽt comme un retard
dans la progression dans une voie pourtant «
librement
choisie ».
Ăric
DĂ©pret
24
souligne :
« Si (âŠ) la rupture des liens
sociaux antĂ©rieurs constitue lâĂ©lĂ©ment essentiel de lâemprise
sectaire, il faut remarquer quâelle est souvent justifiĂ©e par la
diabolisation du monde extĂ©rieur. (âŠ) MenacĂ© par les
ennemis extérieurs, engagé dans une guerre sainte, une lutte
mortelle entre le bien et le mal, le discours sectaire devient
24
Dépret E., « Sectes et influences psychosociales », in
Connexions Les
sectes : emprise et manipulation,
n°73, janvier 2000, p.139.
27
paranoĂŻaque. Comme lâa remarquĂ© Deconchy
25
,
les systĂšmes
sociaux orthodoxes, caractérisés par la vigueur du systÚme de
régulation interne (ou appareil de pouvoir), régulation qui est
non seulement acceptée, mais attendue (dont le bien-fondé fait
partie de la doctrine), sont également caractérisés par la
nĂ©cessitĂ© de lâennemi, de la menace extĂ©rieure. Comme si le
fonctionnement orthodoxe, la minutie du contrĂŽle interne, du
repérage des traßtres, et du rejet des hérétiques, étaient
lĂ©gitimĂ©s par lâexistence dâune menace rĂ©elle ou imaginaire.
(âŠ) La vigueur du systĂšme de contrĂŽle interne est
probablement rendue nécessaire par la fragilité rationnelle
des croyances (puisquâil sâagit de croire ou de ne pas croire,
dâĂȘtre ami ou ennemi, le compromis et le doute sont
impossibles). (âŠ) [Ces groupes] sont caractĂ©risĂ©s par un
puissant systÚme de contrÎle interne (de la pureté des
croyances, de la moralité des conduites), utilisant les principes
dâauto-accusation et de confession, de dĂ©lation et de menace,
qui contribuent, bien entendu, Ă lâobĂ©issance et au
conformisme. (âŠ) Le maĂźtre cumule alors toutes les bases du
pouvoir, tant les bases non coercitives (expertise, légitimité,
référence, information) que les bases coercitives (récompense
et punition) ».
Quoiquâil fasse, en effet, lâadepte est toujours en deçĂ
de lâidĂ©al, jamais atteint, et lâhorizon du souhaitable recule
sans cesse ; il est toujours Ă la merci dâune rĂ©gression, dâune
rĂ©trogradation quâil devra compenser par de nouveaux efforts
sous lâoeil critique des dirigeants et du groupe. Chaque groupe
a son vocabulaire pour désigner ce « déviationnisme » qui
menace la cohésion nécessaire.
RĂ©sultats
Certains ont beaucoup insisté sur la difficulté de
dĂ©finition dâune secte. Par contre, le regard des tĂ©moins,
25
Deconchy J-P.,
Orthodoxie religieuse et sciences humaines,
Mouton,
1980.
28
proches ou occasionnels, discerne facilement les
transformations opérées chez un adepte. Ce qui frappe au
premier chef, câest lâaffirmation de certitudes pĂ©remptoires,
impossibles Ă contester et exclusives, doublĂ©es dâune
inaccessibilitĂ©, dâune impermĂ©abilitĂ© Ă toute remise en
question. La vénération vis-à -vis des dirigeants et du groupe
justifie une docilité, une soumission et une disponibilité sans
rĂ©serves. La revendication dâexclusivitĂ© de la vĂ©ritĂ© dĂ©tenue
gĂ©nĂšre, Ă des degrĂ©s divers, lâintolĂ©rance et la condamnation
de toute analyse divergente, et les valeurs revendiquées sont
toutes subordonnĂ©es au devoir dâallĂ©geance inconditionnelle.
Il ne sâagit pas seulement de convictions acquises et
dâoccupations envahissantes, mais dâune transformation de la
lecture et de lâinterprĂ©tation du monde, comme si un filtre
sélectif avait été mis en place. Toutes les informations reçues
sont alors traitées et sélectionnées en fonction de leur
orthodoxie par rapport Ă la doctrine du groupe.
« [Les sectes] correspondent pour le psychanalyste Ă
la rĂ©alisation et Ă la mise en Ćuvre de procĂ©dures et de
processus qui attaquent à la fois les conditions de la pensée et
du désir singulier, la constitution du lien social et les
modalitĂ©s du vivre ensemble. Entreprises dâaliĂ©nation
programmée, elles visent à créer une soumission totale à un
nouvel ordre »
26
.
C
OMMENT CERNER L
â
EMPRISE
?
Dans la loi About-Picard, ce sont non seulement les
personnes commettant lâinfraction qui sont visĂ©es, mais aussi
le groupe. Ce qui rend lâapplication de cette loi complexe,
câest notamment lâenchevĂȘtrement de deux types de preuves et
divers types dâexpertises diffĂ©rents. On note, cependant, que
câest la vie dans le groupe qui sâavĂšre prĂ©judiciable pour les
personnes, que ce sont les injonctions du groupe qui peuvent
26
Diet Ă., Ibid, p. 111.
29
pousser Ă la commission de lâinfraction, qui nâaurait peut-ĂȘtre
pas eu lieu dans un autre contexte. Câest Ă cette problĂ©matique
complexe que se trouve confrontĂ© lâexpert, en cas de
vulnérabilité pressentie.
Les experts auprÚs des tribunaux consultés par la
MIVILUDES soulignent la complexité des mécanismes
dâemprise. Lâhistoire de la construction profonde de la
personne est importante. Cette expertise de la responsabilité de
lâauteur est la plus facile Ă rĂ©aliser, mais la problĂ©matique
consiste Ă dĂ©montrer la sujĂ©tion de la victime. Lâemprise ne
constitue pas une infraction, sauf si elle conduit cette personne
à un acte ou une abstention qui lui sont préjudiciables. Le
gourou deviendrait obligatoirement responsable, et lâadepte
serait Ă la fois auteur et victime.
Lâemprise tient-elle au terrain psychologique profond
de lâindividu ? Quelle est la diffĂ©rence entre lâemprise et une
composante délirante ? Les personnes mises en cause ont-elles
épousé les convictions du groupe ? Y a-t-il eu aliénation des
liens, câest-Ă -dire dĂ©lĂ©gation des liens Ă une tierce personne
(individu ou groupe) ? Quels Ă©taient les facteurs prĂ©disposant Ă
lâemprise ?
Comme on le voit, lâanalyse de lâemprise ne peut
sâenvisager que sous couvert dâune bonne connaissance de la
personne concernĂ©e, car toute son histoire doit ĂȘtre prise en
compte. Quelles sont ses prédispositions ? La manipulation
serait-elle la consĂ©quence inĂ©luctable dâun terrain favorable et
dâun manipulateur habile ? Il faut souligner, dĂ©jĂ Ă ce stade,
combien ce type de raisonnement peut sâavĂ©rer pernicieux
pour la personne sous emprise, dont la qualité de victime serait
sous-tendue par une forme dâaptitude psychique Ă cet Ă©tat.
Cerner les conditions de lâentrĂ©e dans le groupe
« La clinique montre que les adeptes ont généralement
Ă©tĂ© sujets Ă la sĂ©duction de groupes (ou dâune personne seule)
30
Ă des moments de fragilitĂ© psychologique : dĂ©cĂšs dâun proche,
déménagement, séparation, divorce, chÎmage, période de
crise (adolescence, entrée dans la vie estudiantine ou
professionnelle, crise du milieu de vie), etc. Ces situations,
aussi diverses soient-elles, renvoient Ă la perte et au deuil de
lâobjet (une personne, une situation, un emploi, etc.). Pour se
préserver de cette perte objectale, le sujet est amené à retirer
ses investissements libidinaux de lâobjet perdu pour les
retourner sur le Moi. Il sâopĂšre dĂšs lors une rĂ©gression
narcissique, une régression sur le Moi. Dans tous les cas, cette
régression narcissique reprise par un groupe sectaire se
caractérise :
- au point de vue objectal, par un désinvestissement familial,
amical, professionnel, etc. (séparation, éloignement, démission
par exemple),
- au niveau du moi, par un surinvestissement du Moi qui se
manifeste par de nouvelles revendications narcissiques telles
que : âJe veux ĂȘtre indĂ©pendant(e) et mener ma vieâ,â jâai
trouvĂ© ma voieâ,â âŠdĂ©couvert ma missionâ, etc.
»
27
.
Les experts psychiatres désignés par les tribunaux sont
amenĂ©s Ă sâinterroger sur les modifications du sujet Ă son
entrée dans un groupe sectaire.
Ne pas se contenter de lâhistoire individuelle du sujet
Cependant, se contenter dâune apprĂ©ciation fondĂ©e sur
lâhistoire individuelle du sujet est insuffisante. Si lâadepte
présente des symptÎmes rappelant des allures psychotiques,
ces symptÎmes apparemment psychotiques régressent :
« Le
psychisme des adeptes fonctionnant en partie selon des
processus primaires, leurs symptĂŽmes peuvent prendre des
allures psychotiques
: automatisme de la pensée, idées
délirantes, hallucinations, etc. Comme cet adepte (présentant
une structure nĂ©vrotique une fois sorti) : â il serait temps que
27
Allanic C., « L'emprise sectaire ou le syndrome d'Ulysse » in
Journal des
psychologues,
n° 206, avril 2003.
31
[le leader] prenne conscience des attaques martiennes et aille
sur Mars pour essayer de clarifier cette planĂšteâ
28
. Cependant,
la présence de symptÎmes apparemment psychotiques ne doit
pas amener obligatoirement le clinicien Ă poser le diagnostic
dâune structure du mĂȘme ordre. En effet, le fonctionnement
« psychotique » des adeptes est rĂ©versible et disparaĂźt Ă
mesure que ceux-ci sortent «
psychiquement
» de leur
expérience sectaire »
29
.
Emmanuel Diet
30
montre bien que lâhistoire personnelle
du sujet est insuffisante :
« Il serait tout aussi illusoire de
rĂ©duire la souffrance ou la pathologie psychique dont lâadepte
est le porteur et le sujet, aux seules caractéristiques
idiosyncrasiques de son histoire et de son fonctionnement
personnels. Bien entendu, on trouvera chez lui, comme chez
tout sujet humain, la prĂ©sence dâangoisses et de conflits, de
fantasmes et dâaffects issus aussi bien de lâoriginaire que de
lâoedipien. Souvent le clivage, lâanaphasis et des thĂ©matiques
délirantes singuliÚrement dans un registre paranoïde
sâimposeront comme des Ă©vidences Ă une Ă©coute attentive. Et
lâon pourrait ĂȘtre tentĂ© dâentendre ces Ă©lĂ©ments manifestes
comme les symptĂŽmes dâune structure
borderline ou dâune
entrĂ©e dans la psychose, et de penser lâembrigadement
sectaire comme la consĂ©quence de processus pathologiques Ă
lâĆuvre dans le sujet.
Autrement dit, le groupe sectaire nâaurait Ă©tĂ© que le
prĂ©texte et lâoccasion de la mise en Ćuvre de processus
prĂ©existants, et mĂȘme il aurait pu prendre, pour le sujet,
comme conteneur et référence, une certaine fonctionnalité
psychique, lui Ă©vitant par exemple un effondrement
psychotique majeur. En fait, lâexpĂ©rience clinique montre
quâaussi souffrants et dĂ©truits quâils puissent ĂȘtre Ă la sortie
28
Beal S.,
Les sectes : Clinique et psychopathologie
, CES de Psychiatrie,
Paris VI, 1985-1986, p. 116.
29
Allanic C., « L'emprise sectaire ou le syndrome d'Ulysse » in
Journal des
psychologues,
n° 206, avril 2003.
30
Diet Ă., « Introduction Ă la psychanalyse des sectes », in
Connexions, Les
sectes, emprise et manipulation,
n°73, janvier 2000, p. 125-126 et 128.
32
du groupe, les adeptes nâĂ©taient pas au dĂ©part, dans la
majoritĂ© des cas, inscrits dans une pathologie avĂ©rĂ©e. (âŠ) Il
apparaĂźt nĂ©cessaire que lâanalyse des processus
intrapsychiques prenne radicalement en compte le rĂ©el Ă
lâĆuvre, dans lâexpĂ©rience sectaire (âŠ) Ă comprendre la
destructivitĂ© comme un effet dâaprĂšs-coup, rĂ©activant les
failles et les blessures narcissiques. (âŠ) Les attaques sur les
liens, lâimage du corps, la gĂ©nĂ©alogie et la filiation, le
narcissisme et lâidentitĂ©, le dĂ©sirer et les dĂ©sirs, les imagos
parentales, les objets investis, les valeurs, la langue et le sens
commun, la rationalitĂ© et lâĂȘtre ensemble, les paradoxalitĂ©s,
les dĂ©nis et les disqualifications mises en Ćuvre dans la secte
devront ĂȘtre explorĂ©s, leur rĂ©sonance, leur effet dâaprĂšs-coup
et leur valeur traumatique mise en sens et en lien en fonction
de lâhistoire familiale et personnelle du sujet, de sa
fantasmatique et des conflictualités pulsionnelles qui lui sont
propres. Câest au plus prĂšs du contre-transfert, et lĂ
seulement, que lâon trouvera les ressources permettant
dâidentifier et de nommer la perversitĂ© dont le sujet a Ă©tĂ© la
victime plus ou moins consentante, tout en lui permettant de
reconnaĂźtre dans lâexpĂ©rience vĂ©cue son existence comme
sujet du dĂ©sir, et de sortir dâune position de victime
entiÚrement soumise à des événements extérieurs insensés ».
La « servitude volontaire »
31
Les histoires sectaires sont souvent connues par le
grand public pour leur cÎté totalement transgressif
:
massacres/suicides collectifs, mauvais traitements ou abandon
de ses propres enfants, complicité criminelle, etc. Ce sont pour
des faits trÚs graves que la justice pénale est saisie. Comment
faire comprendre que le gourou arrive mĂȘme Ă faire tomber les
tabous les plus solidement ancrés dans notre société et au
tréfonds des individus, pratiquant au sens strict le viol des
31
La Boëtie E. de,
De la servitude volontaire,
nouvelle Ă©dition
Flammarion, 1993
33
consciences avant mĂȘme le viol physique ou toute autre
atteinte particuliĂšrement choquante, voire inconcevable ?
« La secte suicidaire représente un tel scandale pour
les membres de la société-monde (dont elle semble un désaveu
absolu) quâelle suscite une intense « nĂ©gation de rĂ©alitĂ© ».
Ainsi peut-on vérifier, à chaque nouveau suicide collectif, que
les médias supposent les gourous en fuite aprÚs avoir
massacré leurs adeptes. Le discours change peu quand il
sâavĂšre que ces gourous (aussi crapuleux soient-ils) gisent
parmi les premiĂšres victimes : Jim Jones, David Koresh,
Marshall Applewhite, le gourou de Heavenâs Gate, les deux
chefs de l
âOrdre du temple solaire (OTS)
, Luc Jouret et Jo di
Mambro, trĂšs probablement aussi le gourou ougandais Joseph
Kibwetere, dont le cadavre a été reconnu par un proche
parent. On évoque alors de mystérieux intervenants (la Mafia,
les services secrets), une guerre entre dignitaires, des
« difficultés financiÚres », etc. Quand la secte exécute son
troisiĂšme suicide (comme lâ
OTS
), les médias, plutÎt que de
reconnaĂźtre enfin lâautodestruction inspirĂ©e par la croyance
partagĂ©e..., se tait. Pas plus que nâest admis le dĂ©sespoir des
tribus amazoniennes ou mexicaines qui, par familles entiĂšres,
se pendent ou sâempoisonnent plutĂŽt que de changer leur
mode de vie »
32
.
Quelle est finalement la responsabilitĂ© de lâadepte, dans
cette servitude quâil a, au dĂ©part, librement choisie, mĂȘme si, Ă
lâĂ©vidence, le « contrat » quâil pensait signer a Ă©tĂ© totalement
détourné par le gourou et le groupe sectaire ?
On ne peut nier une forme de jouissance Ă la
transgression :
« Bien des transgressions sont Ă lâintĂ©rieur et Ă
lâextĂ©rieur de la secte, non seulement permises, mais exigĂ©es.
La néantisation des interdits sociaux et culturels permet de
braver lâinterdit et la loi, de donner libre cours Ă la rĂ©alisation
32
Denis Duclos,
De la manipulation mentale Ă la secte globale,
in
Le
Monde Diplomatique
, août 2000.
34
de ses fantasmes, de mettre en Ćuvre tous les agir pulsionnels,
réels ou imaginaires, sexuels ou destructeurs »
33
.
On peut aussi Ă©voquer « lâillusion groupale » telle que
la définit Didier Anzieu
34
. Ce qui menace toujours lâindividu
dans le groupe est une perte de lâidentitĂ© personnelle au profit
de lâidentitĂ© collective. MichĂšle Bertrand
35
sâinterroge :
« La
perte de lâidentitĂ© peut-elle aller jusquâau sacrifice de sa
propre crĂ©ation, sâil sâagit dâun meurtre ordonnĂ© par le
fondateur ? Tout le problĂšme est de savoir comment on peut
en arriver Ă accepter un tel scĂ©nario sacrificiel ou Ă lâimposer
aux autres. Quâil y ait dans le narcissisme primaire quelque
chose qui pousse Ă la dĂ©liaison, et partant, un forme extrĂȘme
de la pulsion de mort, nâĂ©claire que partiellement de telles
issues ».
Denys Ribat propose une hypothĂšse
:
« En
conséquence de la désintrication pulsionnelle liée au
désinvestissement, la pulsion de mort ainsi libérée ne pourra
sâexercer quâĂ lâintĂ©rieur de la secte. (âŠ) Le dernier recours
de lâĂȘtre humain menacĂ© de dĂ©sintrication pulsionnelle
mortifĂšre est dâuser dâun processus pour exporter la
dĂ©sintrication. Ceci me semble Ă lâĆuvre dans la perversion
narcissique. (âŠ) Le dernier recours serait de lâexporter vers
une victime destinée non à une satisfaction
sadique, mais Ă
Ă©prouver la perte radicale de tout espoir jusquâĂ ne plus
souhaiter que la mort. (âŠ) Si ces considĂ©rations ont quelque
vérité, cela veut dire que le maßtre de la secte allant vers le
suicide est trĂšs malade, quâil exporte sa propre dĂ©sintrication
pulsionnelle vers ses faux enfants sacrifiés et leurs propres
enfants, ce qui est doublement inacceptable. Il ne sâagit pas,
en effet, dâun suicide « altruiste » comme on peut en voir chez
le mĂ©lancolique, il sâagit dâune tentative, dâabord rĂ©ussie,
33
Diet Ă., « Pratiques sectaires et processus dâaliĂ©nation », in
DĂ©bats de
psychanalyse, Sectes,
PUF, 1999, p.62.
34
Anzieu D.,
Le groupe et lâinconscient,
Dunod, 1996, p.68.
35
Bertrand M., « La fascination sectaire », in
DĂ©bats de psychanalyse,
Sectes,
PUF, 1999, p.96-97.
35
mais néanmoins
in fine
vouĂ©e Ă lâĂ©chec, dâexporter le chaos, le
suicide qui menace le gourou »
36
.
Paul Denis pense que lâexplication tient plus Ă
lâeffondrement de la structure psychique construite dans le
groupe :
« Dans les sectes, câest sur des croyances fixĂ©es,
inconciliables, axiomatiques, non substituables, confondues
avec lâinvestissement de la personne qui les proclame, que se
construisent des Ă©difices psychiques qui peuvent sâeffondrer si
leur support disparaĂźt. Lorsque la croyance sectaire, aprĂšs
quâelle a dĂ©truit tout autre lien, se dĂ©fait, elle entraĂźne dans sa
chute lâĂ©difice psychique dont elle Ă©tait devenue la clĂ© de
voûte. Le poÚme de Gustav Schwab,
La chevauchée du Lac de
Constance
, nous offre une mĂ©taphore de lâeffondrement qui
peut suivre la levĂ©e dâune illusion, la perte dâune croyance :
un cavalier, un jour dâhiver, veut atteindre la rive du Lac de
Constance avant la nuit. Il traverse au galop une plaine
dĂ©serte et demande aux premiĂšres maisons quâil voit si le lac
est proche. On lui dit quâil vient de le traverser
miraculeusement sur une glace trop faible :
« Ton cheval a
marchĂ© sur lâabĂźme⊠». « Le cavalier reste figĂ© sur sa
monture⊠Il ne voit plus que ce trou noir qui le poursuit. Son
esprit sombre au fond du gouffre et de la nuit »
et il tombe
mort. Les suicides collectifs constatés dans certaines sectes ou
les suicides individuels de sujets engagés dans des sectes
pourraient correspondre Ă lâeffondrement brutal de la
croyance sectaire »
37
.
Plusieurs constats peuvent ĂȘtre faits, et plusieurs
problĂšmes se posent, Ă la suite de cette brĂšve analyse de
lâemprise sectaire.
36
Ribas D., « Un sectaire mortifÚre », in
DĂ©bats de psychanalyse, Sectes,
PUF, 1999, p.140, 144-145.
37
Denis P.,
« Sectes, croyance et vérité »
, in
DĂ©bats de psychanalyse,
Sectes,
PUF, 1999, p.167.
36
Une fois de plus, on constate que les victimes ont
dâobjectives raisons de se plaindre : attirĂ©es par de fausses
promesses â quâelles soient de santĂ© ou de spiritualitĂ© - elles
sont happées et perdent le contrÎle de leur vie. Elles
comprennent trop tard ce que leurs proches avaient trĂšs
rapidement perçu.
On constate aussi la grande difficultĂ©, non pas Ă
comprendre lâemprise sectaire, mais Ă lâexprimer en termes
judiciairement efficaces.
DâoĂč les problĂšmes posĂ©s : quelle mission prĂ©cise un
juge doit-il donner Ă lâexpert psychiatre ou psychologue
mandaté ? Qui peut et doit analyser tout le contexte sectaire
(textes, bandes vidĂ©o, etc.) ? Si lâon veut mettre en place un
corps de « sachants », sur quels critÚres les recruter ? Et enfin,
comment faire un partage entre la responsabilité de celui qui a
commis le dĂ©lit, mĂȘme sous emprise, et la responsabilitĂ© de
celui ou de ceux qui manipulent. La réflexion sur la « mise en
Ă©tat de sujĂ©tion » est loin dâĂȘtre clos.
37
2 - LES VICTIMES COLLATĂRALES DES DĂRIVES
SECTAIRES :
LA FAMILLE ET LES PROCHES
Une jeune femme saisit la MIVILUDES par courriel
pour signaler la situation dâune de ses amies qui, dans une
volonté de changer une vie peu satisfaisante, a trouvé sur
internet et par un prosélytisme au sein de son milieu
professionnel lâopportunitĂ© dâaccomplir un stage nĂ©o
chamanique avec utilisation dâiboga, en Normandie. Avant le
stage, ses deux meilleures amies tentent, sans succĂšs, de lâen
empĂȘcher puis constatent quâaprĂšs le stage, la personnalitĂ© de
leur amie est modifiĂ©e et quâelle leur impose une rupture au
nom de sa liberté de choix de vie.
Une grand-mĂšre voit une vie tranquille et remplie
dâaffection basculer, lorsque lâune de ses deux filles, mariĂ©e,
mĂšre de quatre enfants, entreprend un accompagnement
psycho-spirituel auprĂšs dâun mĂ©decin dâune communautĂ©
pseudo-religieuse et décide de couper les liens avec sa famille
par ces mots
« Maman, il y a un non-dit puissant entre nous, si
je te le disais, tu tâĂ©croulerais ou tu le refuserais. Ă toi de te
remettre en question et de le découvrir ».
Depuis, les contacts
avec ses petits enfants sont pratiquement nuls et la coupure
avec sa fille est totale
38
.
« Tous ces faits prouvent quâils ont enlevĂ© mon droit de
pÚre »,
tels sont les propos dâun pĂšre sĂ©parĂ© de la mĂšre de ses
enfants, elle-mĂȘme
TĂ©moin de JĂ©hovah,
et ayant, de ce fait, des
relations trÚs distendues avec sa fille ùgée de 12 ans et vivant
avec sa mĂšre.
38
Lettre de Mme X. du 12 mars 2003 et courriel du 18 novembre 2006.
38
Ces quelques exemples parmi bien dâautres situations
signalées courant 2006 à la MIVILUDES, permettent de
mettre en lumiĂšre la douleur des familles face Ă lâentrĂ©e de
lâun de leurs membres dans un mouvement sectaire. Sâil
convient naturellement de considĂ©rer lâadepte comme une
victime des dérives sectaires, il ne faut pas pour autant
banaliser, négliger ou méconnaßtre les conséquences presque
toujours dramatiques qui en découlent pour ses proches et tout
particuliĂšrement pour sa famille.
Les familles sont disloquĂ©es, parfois lâun des conjoints
attente Ă ses jours tant la modification de comportement de
lâautre sous emprise est brutale et sans appel. Les expressions :
«
Je me suis soudain trouvé face à un mur »
ou «
Je me suis
alors senti éliminé de la famille »
reviennent trĂšs souvent, et Ă
chaque fois, les mots sont le reflet dâune immense souffrance.
Le groupe Ă dĂ©rive sectaire fait de lâadepte une victime
active et de lâentourage des victimes indirectes.
Mais les effets ne sont pas seulement dâordre moral et
affectif, et les répercussions matérielles ou financiÚres doivent
Ă©galement ĂȘtre prises en compte.
I
â
LES
CONSĂQUENCES
SUR
LES
PERSONNES
DE
LâAPPARTENANCE
DâUN
PROCHE
Ă
UN
GROUPE
SECTAIRE
Les motivations pour entrer dans un groupe sont
souvent une réaction à des aspirations non satisfaites. Le
chemin est initiatique : lâitinĂ©raire est balisĂ© dâĂ©tapes prĂ©cises
et de degrĂ©s que lâadepte devra franchir sâil en est jugĂ©
capable :
â
infantilisation,
â
renoncement aux valeurs antérieures,
â
croyance inconditionnelle comme gage de loyauté,
39
â
certitude dâĂȘtre une partie dâun ensemble indissociable,
â
croyance en lâunitĂ© et en la pĂ©rennitĂ© du groupe,
â
sacrifices importants et acceptation de lâautoritĂ© du maĂźtre,
â
suprématie élitiste,
Cette emprise entraĂźne un Ă©loignement des autres
membres de la famille potentiellement plus critiques Ă
lâĂ©gard du gourou ou Ă lâĂ©gard de sa doctrine.
Lâisolement de lâadepte est pratiquement systĂ©matique
lors de lâentrĂ©e dans un mouvement sectaire, car il permet une
mainmise plus aisĂ©e sur le psychisme de lâadepte. Les
conséquences sur la famille sont donc inévitables.
A - LâĂ©clatement de la cellule « famille »
Le divorce est en soi un événement familial
traumatisant, surtout si lâenfant est lâenjeu de la mĂ©sentente
familiale.
« Les effets les plus nĂ©fastes sâobservent quand le
conflit parental précédant le divorce est intense, surtout
lorsquâil inclut les enfants : ils peuvent ĂȘtre pris comme
tĂ©moins ou otages, comme complices ou confidents de lâun des
parents. Ils sont pris dans un conflit de loyauté inextricable
qui est directement responsable des Ă©volutions pathologiques
éventuelles »
39
.
Cette situation est indĂ©niablement aggravĂ©e lorsquâun
parent est membre dâun mouvement sectaire et lâautre pas.
1 - Lâenfant de lâadepte
Lâenfant adopte les croyances de son ou de ses parents
et dans lâentourage de lâadepte, il est celui qui est le plus
vulnĂ©rable en raison de son Ăąge et de sa soumission Ă son (ou Ă
ses) parent (s).
39
Delfieu Jean-Marc, psychiatre expert prĂšs de la Cour dâappel de NĂźmes,
in
Experts,
n°67, juin 2005.
40
Ÿ
Le prĂ©judice de lâenfant sâanalyse diffĂ©remment selon que :
Â
Sâagissant des parents
:
-
Les deux parents sont adeptes dâun mouvement sectaire
:
lâenfant qui naĂźt dans le mouvement Ă caractĂšre sectaire nâa
pas dâautre modĂšle parental, ni dâautres rĂ©fĂ©rences. La norme,
câest la secte. Il risque de devenir adepte. Cependant, lâenfant
dont les parents sont devenus adeptes plus tard, aura conservé
un vécu du « monde réel ».
-
Un seul des parents est adepte
, lâautre nâa jamais connu le
groupe.
-
Un parent est adepte, lâautre parent est ex-adepte
.
Dans ces deux derniers cas, un conflit apparaĂźtra au
niveau de lâautoritĂ© parentale pour interdire au parent adepte
dâimpliquer lâenfant dans ses croyances non partagĂ©es. Par
contre, le cas du parent ex-adepte est un peu différent car il est
souvent fragilisé par son passé dans le groupe. De plus, il est
moins « crédible » dans sa démarche : «
Vous Ă©tiez dâaccord
au dĂ©part sur âla religionâ Ă donner Ă votre enfant. Câest vous
désormais qui rompez cet accord⊠».
Â
Sâagissant de la famille
:
-
Une grande partie de lâentourage familial de lâenfant
(oncles, tantes, grands-parentsâŠ)
est adepte
: Lâimmersion de
lâenfant est totale. Aucune action ne sera possible. Aucun
signalement familial ne sera donné aux autorités.
-
Une seule lignée parentale est adepte
: Les conséquences
pour lâenfant sont diffĂ©rentes. Lâenfant va apprendre Ă mentir,
Ă se taire, Ă sâadapter Ă chaque situation, dans chaque famille.
On retrouve le conflit de loyautĂ© vĂ©cu par lâenfant de parents
divorcĂ©s, mais avec cette particularitĂ© quâil est, en plus, fondĂ©
pour lâenfant, sur lâopposition entre le magique et le rĂ©el, entre
le rationnel et lâirrationnel ... Cette particularitĂ© nâest que trĂšs
rarement relevĂ©e dans les enquĂȘtes sociales et psychologiques
ordonnées par le juge.
41
Ÿ
Quelle thĂ©rapie pour lâenfant ?
- Quand lâimmersion de lâenfant est totale
(parents et
entourage familial), il nâest jamais fait appel Ă un thĂ©rapeute
extĂ©rieur. Le thĂ©rapeute, câest le gourou, et la thĂ©rapie, câest
lâapplication de la doctrine.
- Quand lâun des deux parents est toujours adepte
: On assiste
Ă un Ă©chec de toute thĂ©rapie car le parent adepte va sâopposer,
parfois sournoisement, à la thérapie mise en place par une
autoritĂ© et Ă laquelle lâenfant ne pourra adhĂ©rer. Le dĂ©faut
dâalliance thĂ©rapeutique explique lâĂ©chec de toute thĂ©rapie
pour ces enfants.
- Quand les deux parents sont sortants de groupe Ă caractĂšre
sectaire
: la thĂ©rapie pour lâenfant est possible mais elle est
mise en place souvent trÚs tard en raison des difficultés des
parents eux-mĂȘmes Ă comprendre ce quâils ont vĂ©cu.
Ÿ
Le maintien du lien de lâenfant avec lâextĂ©rieur
- Quand lâentourage familial de lâenfant est adepte
, un tiers
peut exceptionnellement demander au juge de maintenir une
relation avec lâenfant. Câest le cas dâun ex concubin, dâun
oncle, dâune tante par alliance, qui peuvent Ă©voquer la rupture
brutale dâune relation affectueuse avec lâenfant, contraire Ă
lâintĂ©rĂȘt de ce dernier. Le maintien ou lâinstauration dâune
relation affectueuse est considéré dans ce cas comme une
« fenĂȘtre sur lâextĂ©rieur ».
Lâenfant est le seul dans lâentourage de lâadepte, qui
subit sans jamais pouvoir agir et ce, quel que soit le niveau
dâemprise quâil subit.
2 - Le conjoint ou ex-conjoint de lâadepte
Il arrive quâau cours de divorces, hors problĂ©matique
sectaire, le parent avec lequel vit lâenfant du couple exerce une
42
manipulation mentale sur ce dernier, générant un syndrome
dâaliĂ©nation parentale. «
Il sâagit dâun Ă©tat de fusion sans
compromis de lâenfant pour lâun de ses parents, pour
celui qui
est le bon et aimé
et avec lequel il vit, et simultanément, de
dĂ©laissement hostile et Ă©galement sans compromis de lâautre
parent,
du prétendu mauvais et détesté
avec lequel il ne vit
plus. Il y a clivage entre bon et mauvais parent⊠En cas de
syndrome dâaliĂ©nation parentale, celui qui met en Ćuvre la
dĂ©saffection soumet lâenfant - sciemment ou inconsciemment â
Ă un endoctrinement ⊠Une telle influence revĂȘt clairement
les caractĂ©ristiques dâun abus et provoque des consĂ©quences
psychiques graves pour lâenfant et pour le parent aliĂ©nĂ© »
40
.
Ce syndrome est dâautant plus important que le
« mauvais parent » est diabolisé pour son mode de vie et que
lâensemble des fonctionnements extĂ©rieurs au mouvement
sectaire est stigmatisé.
En cas de divorce, il est souvent reproché au conjoint
(ou ex-conjoint), c'est-à -dire celui qui partage, ou a partagé, la
vie de lâadepte, de prĂ©texter opportunĂ©ment une appartenance
sectaire pour servir sa cause. Cependant, le conjoint qui
invoque lâappartenance sectaire de lâautre devra
obligatoirement démontrer par des éléments concrets les
conséquences dommageables des croyances et pratiques de
lâautre :
- sur le lien matrimonial, sâil sâagit dâune procĂ©dure en
divorce,
- sur la santĂ© psychologique ou physique des enfants, si câest
un problĂšme dâautoritĂ© parentale.
En tout Ă©tat de cause, ce nâest pas lâappartenance
sectaire qui pourra servir dâargument mais seulement des
éléments concrets
comme, par exemple, des comportements
particuliĂšrement traumatisants pour lâenfant et liĂ©s Ă une
pratique convictionnelle ou une rupture totale du lien
40
Ibid.
43
matrimonial lié à un investissement total dans une pratique
sectaire.
Le conjoint qui invoque lâappartenance sectaire de
lâautre peut ĂȘtre, lui aussi, ex-adepte. Câest le cas lorsque lâun
des conjoints est sorti du mouvement sectaire et nâa pu
entraĂźner son partenaire avec lui. Cette situation est complexe,
car ce conjoint, ex-adepte :
- est renvoyé de maniÚre récurrente à son vécu dans le groupe,
- se sent coupable dâavoir trahi la parole donnĂ©e au gourou,
coupable de ne pas avoir été capable de sortir son conjoint et
ses enfants, coupable de sâĂȘtre laissĂ© abuser par le mouvement.
La culpabilité continue à agir longtemps aprÚs la sortie
et va souvent lâempĂȘcher dâagir. Par exemple, il ne va pas
demander, dÚs la séparation, la fixation de la résidence de son
enfant chez lui, ou il va taire au juge le contexte sectaire de
son dossier par honte et, parfois, par peur de ne pas ĂȘtre cru, ou
par crainte de représailles.
En effet, bien que sorti du mouvement sectaire, il craint
encore parfois les punitions spirituelles, ce qui montre que
lâemprise ne cesse pas totalement au moment oĂč lâadepte
quitte le mouvement.
En outre, il ne faut pas sous-estimer les pressions Ă son
encontre de la part du groupe, surtout lorsquâune procĂ©dure est
en cours (faux témoignages, propagande noire, harcÚlement,
âŠ).
Ÿ
Le conjoint nâa jamais Ă©tĂ© adepte
Trois situations peuvent se présenter :
âą
Il a rencontré son conjoint, qui, lui, était déjà adepte
44
- soit lâadepte a cessĂ© un temps de pratiquer, et la rencontre
avec son conjoint est intervenue pendant cette période, mais le
mouvement va tout faire pour récupérer son adepte. Cette
situation est courante chez les
TĂ©moins de JĂ©hovah
, oĂč
« les
brebis égarées vont rejoindre le troupeau »
aprÚs le début de
la vie commune.
- soit le conjoint non adepte ignorait que la croyance et la
pratique de lâautre Ă©taient sectaires et lâa dĂ©couvert par un
article de presse, une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e, internet, lâassociation
dâaide aux victimes ... Ce conjoint non adepte est inquiet pour
ses enfants, il comprend mieux certains comportements de
lâadepte. Il vit cette rĂ©vĂ©lation comme une tromperie et une
trahison.
âą
Le conjoint est devenu adepte pendant la vie commune
Le conjoint non adepte peut fixer précisément le
moment de la rencontre de lâadepte avec le mouvement
sectaire. Il a suivi lâĂ©volution de la situation, impuissant face
au phĂ©nomĂšne dâemprise subi par son conjoint. Il exprime sa
souffrance : «
Ce nâest plus le mĂȘme (la mĂȘme), son
comportement, son vocabulaire ont changé, ses
préoccupations sont différentes. Il a rompu avec ses parents,
ses amis, ⊠».
La pratique et la croyance du conjoint adepte portent
alors atteinte Ă lâharmonie et Ă lâentente du couple. Elles
peuvent entraĂźner la rupture de lâunion.
Le conjoint non adepte est en général soutenu par sa
propre famille, et parfois par la famille du conjoint devenu
adepte car le changement de comportement de celui-ci a été
constatĂ© par tout lâentourage. Câest, en gĂ©nĂ©ral, une aide
morale et parfois juridique (tĂ©moignages, constats, âŠ) pour le
conjoint non adepte.
45
Le conjoint adepte bĂ©nĂ©ficiera pour sa part de lâappui sans
faille du groupe (avocat, tĂ©moignages, procĂ©dure type, âŠ)
âą
Le conjoint est devenu adepte aprÚs la séparation du
couple
Le conjoint non adepte nâa pas assistĂ© Ă la rencontre de
son ex-conjoint avec le mouvement. Il ne vivait plus avec lui.
Il nâa, alors, aucun Ă©lĂ©ment pour comprendre lâex-conjoint,
dont le changement de comportement lui a été rapporté par
lâentourage, par les enfants ...
Il a rarement le soutien de lâex belle-famille, car les
relations ont été distendues en raison du divorce (ou de la
séparation).
La souffrance de lâex-conjoint sâexprime
principalement au travers de son inquiétude pour les enfants.
B - Lâisolement des proches
1 - Le parent dâun enfant majeur devenu adepte
Le parent dâun enfant majeur devenu adepte est celui
qui, dans lâentourage de lâadepte, est le plus dĂ©muni. Il est
impuissant car il ne peut, lâenfant Ă©tant devenu majeur,
entamer aucune procĂ©dure puisque son prĂ©judice nâest
quâindirect.
Lâadepte nâa plus son libre arbitre, mais ce nâest pas un
aliéné mental. Il ne peut donc pas forcément bénéficier des
disposition protectrices des incapables majeurs.
46
Pour la Cour de cassation,
« lâappartenance Ă un secte
nâest pas une cause dâouverture de curatelle »
41
.
De plus, lâattitude du parent, notamment sâil veut priver
son enfant dâautonomie financiĂšre, peut aggraver la relation
avec son enfant jeune majeur, pouvant aller jusquâĂ la rupture
totale.
Le parent va tenter de le convaincre quâil est victime
dâune escroquerie, il va critiquer le gourou, lâorganisation du
groupe. Il va essayer de faire prendre conscience au jeune
majeur devenu adepte de sa position de victime, mais ce
dernier va sâĂ©loigner. Le parent rejetĂ© est en grande
souffrance. Il se sent coupable de cette situation. Il cherche la
faute dans lâĂ©ducation quâil a donnĂ©e Ă lâenfant. Il ne peut pas
accepter de croire que lâemprise soit plus forte que le lien
filial.
2 - Les proches de lâadepte
Les actions des
grands-parents
sont rares, car ils ont
beaucoup de difficultĂ©s Ă lancer une procĂ©dure Ă lâencontre de
leur enfant adepte pour protĂ©ger les petits-enfants. Ils nâont
généralement recours à la justice que lorsque tous les liens
sont rompus. Ils peuvent demander un droit de visite et
dâhĂ©bergement sur lâenfant, mais leur action doit ĂȘtre dirigĂ©e Ă
lâencontre des deux parents, donc forcĂ©ment aussi Ă lâencontre
de leur propre enfant.
La situation
des frĂšres et sĆurs
de lâadepte
sâapparente Ă celle des parents de lâadepte.
Ÿ
Quel rĂŽle doit jouer lâentourage ?
MĂȘme sâil nâen a pas conscience, lâadepte de fraĂźche
date est déjà victime du groupe sectaire, mais son entourage ne
41
Cour de cassation, 2 octobre 2001.
47
peut que constater les dommages inéluctables de cet
engagement pour la cellule familiale.
Câest pourquoi il faut, dans un premier temps, repĂ©rer
dans le comportement du nouvel adepte les signes de lâentrĂ©e
dans un mouvement sectaire et de la mise sous emprise :
lâadoption dâun langage diffĂ©rent et propre au groupe, la
modification des habitudes alimentaires, le refus de soins, un
engagement exclusif au profit du groupe et, parallĂšlement, un
rejet des proches, une soumission absolue et totale aux
dirigeants, la perte de lâesprit critique, âŠ.
MalgrĂ© les rejets, lâentourage doit Ă©couter lâadepte, ne
pas tenter de le sortir, de lâarracher de force. Il faut garder le
contact en conservant des relations aussi amicales et
chaleureuses que possible, en valorisant ce que la personne
représente pour son entourage familial et social, en évoquant
les souvenirs positifs partagés
42
.
Lâentourage doit, aidĂ© par des associations ou des
professionnels, tenter de comprendre la doctrine Ă laquelle son
proche a adhéré, comprendre le processus de soumission, le
fonctionnement du groupe, décoder le vocabulaire.
Il doit surtout ĂȘtre prĂȘt Ă accueillir cet adepte sâil dĂ©cide
de sortir du groupe.
3 - Les relations et les amis
Un des critÚres retenus pour caractériser la dangerosité
dâun mouvement sectaire est
la rupture avec lâenvironnement
dâorigine,
et de fait, la MIVILUDES est réguliÚrement saisie
de signalements Ă©manant du secteur socio-professionnel ou
amical dâune personne dont le comportement sâest brutalement
42
MIVILUDES,
Guide de lâagent public face aux dĂ©rives sectaires
,
Documentation française, 2004
48
et profondément modifié aprÚs un stage ou une rencontre avec
un «
gourou
».
Il convient dâinsister sur le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant des amis
quand lâadepte de fraĂźche date nâa pas de famille ou vit trĂšs
loin de ses racines familiales. Ce sont eux qui peuvent le
ramener dans le rĂ©el et, en cas dâĂ©chec, signaler la situation
aux associations ou aux institutionnels.
II
â
LES
CONSĂQUENCES
PATRIMONIALES
ET
LES
ATTEINTES
AUX
BIENS
POUR
LES
TIERS
DE
LâAPPARTENANCE
Ă
UN
GROUPE
SECTAIRE
Un des moteurs principaux des mouvements sectaires
est lâargent car il sert Ă la fois Ă asseoir la puissance du
mouvement, Ă enrichir ses responsables et enfin, parfois, Ă
financer lâorganisation nationale ou internationale sur laquelle
le mouvement sectaire sâappuie.
Deux principales sources alimentent les caisses des
mouvements sectaires : les dons et le produit de leurs activités.
« Les sectes bénéficient de financements publics qui, dans
quelques cas, peuvent présenter une troisiÚme source de
financement »
43
.
Cela illustre la capacité des mouvements
sectaires Ă agir sous couvert de structures Ă©cran ou de prĂȘte-
noms, détournant ainsi le fondement réel des aides mises en
place.
Pour leur deux premiĂšres sources dâapprovisionnement,
câest lâadepte qui participe directement Ă lâenrichissement du
mouvement et va parfois jusquâĂ compromettre gravement
lâĂ©quilibre budgĂ©taire de sa famille pour ne pas ĂȘtre rejetĂ© par
le groupe ou pour atteindre les promesses qui lui ont été faites.
43
Rapport parlementaire,
Les sectes et lâargent,
n°1687, 10 juin 1999.
49
Pour la troisiĂšme source, câest la sociĂ©tĂ© entiĂšre qui
sâappauvrit pour un but dissimulĂ© et non conforme Ă lâintĂ©rĂȘt
général.
A - Un appauvrissement important de la famille de lâadepte
Selon le rapport de la commission parlementaire «
Les
sectes et lâargent »
de 1999
, « beaucoup de sectes ont acquis
un vĂ©ritable poids financier et lâargent qui circule dans la
mouvance sectaire atteint un niveau que la commission
dâenquĂȘte ne soupçonnait pas, (âŠ) MalgrĂ© leurs diffĂ©rences
dâinspiration, les sectes ont les mĂȘmes sources de revenu et les
mĂȘmes maniĂšres de les utiliser. En dâautres termes, si toutes
les sectes nâont pas la mĂȘme richesse, elles recourent Ă des
mĂ©thodes comparables et montrent le mĂȘme intĂ©rĂȘt pour
lâargent »
44
.
1 - Une contribution exorbitante
Les dons représentent le principal mode
dâenrichissement des mouvements sectaires et les mouvements
les plus riches le sont devenus grĂące aux contributions de leurs
adeptes. Les proportions et les méthodes de collecte peuvent
varier, mais une constance subsiste, câest lâappauvrissement
des adeptes et de leurs familles. Selon ce mĂȘme rapport,
« les
instances nationales des
TĂ©moins de JĂ©hovah
ont déclaré
avoir recueilli au cours de lâexercice 1997/1998, un total de
dons reprĂ©sentant 85,6 millions de francs, auxquels sâajoutent
les offrandes consenties aux associations locales qui sont
estimées à 70 millions de francs par an »
45
.
Les parlementaires
ont précisé que cela ne prenait pas en compte les dons
consentis sous forme de prĂȘt ni les offrandes remises en
échange des publications, par ailleurs « gratuites », du
mouvement sectaire. Certains mouvements sectaires fixent le
44
Ibid.
45
Ibid.
50
montant des dons en fonction et en proportion des revenus des
adeptes, dâautres adoptent une stratĂ©gie dâincitation au don et Ă
la générosité.
Ainsi, plusieurs caractéristiques retenues par la
premiÚre commission parlementaire présidée par M. Alain
Gest, dont le rapport a Ă©tĂ© remis au PrĂ©sident de lâAssemblĂ©e
nationale le 20 décembre 1995, pour déterminer le risque
sectaire, sont ici réunies :
- le caractĂšre exorbitant des exigences financiĂšres,
- lâĂ©ventuel dĂ©tournement des circuits Ă©conomiques traditionnels,
- des dĂ©mĂȘlĂ©s judiciaires.
Pour la famille de lâadepte, ces versements rĂ©pĂ©tĂ©s et
réguliers au profit du mouvement sectaire entraßnent une
baisse proportionnelle du niveau de vie, voire une mise en
danger de lâĂ©quilibre budgĂ©taire familial.
Le Tribunal de grande instance de Lyon, dans un
jugement du 22 novembre 1996, puis la 4
Ăšme
chambre de la
Cour dâappel de Lyon, le 28 juillet 1997, constataient
« que le
Centre de dianétique
et lâ
Ăglise de Scientologie
usaient des
mĂȘmes procĂ©dĂ©s frauduleux pour recruter leurs futurs adeptes,
promesses dâemploi et tests de personnalitĂ© pouvant Ă
lâoccasion se combiner »,
que la manipulation mentale mise en
place
« était de nature à faciliter la spoliation des sujets qui en
Ă©taient victimes (âŠ), les associations dispensant, moyennant
des paiements croissants, des cours, des sĂ©ances dâaudition,
des cures de purification, qui constituaient des entreprises
ayant pour objet essentiel, la captation de la fortune des
adeptes ».
Les juridictions constatent que telle partie civile a
englouti des sommes considérables dans la
Scientologie
et
quâune des victimes ayant mis fin Ă ses jours avait envisagĂ© de
contracter un prĂȘt pour financer une cure de purification.
On voit bien ainsi que, pour financer lâappartenance
sectaire, les adeptes sont prĂȘts Ă dilapider les ressources et les
Ă©conomies de la famille et mĂȘme Ă emprunter ; de mĂȘme les
personnes les plus susceptibles de fragilités sociales, comme
51
les personnes en recherche dâemploi, se voient abusĂ©es par de
fausses propositions de contrat à durée indéterminée (CDI).
Lâimpact sur lâensemble de la famille, quâelle soit adepte ou
non, et surtout si elle ne lâest pas, est considĂ©rable.
2 â Des stages de formation onĂ©reux
Dans le domaine de la santé, la recherche de méthodes
alternatives de guérison, le plus souvent holistiques, ainsi que
lâessor de mĂ©thodes prĂ©conisant le dĂ©veloppement personnel
représentent des enjeux financiers importants. La santé est
devenue un marchĂ© en plein essor, notamment grĂące Ă
lâaugmentation de lâespĂ©rance de vie et Ă lâidĂ©al de jeunesse et
de beauté véhiculé par les médias.
Les mouvements sectaires opérant dans le domaine de
la santé se sont diversifiés dans la formation professionnelle
tant la manne financiĂšre potentielle y est importante.
Pour lâadepte, plusieurs cas de figure se prĂ©sentent :
- la situation de lassitude Ă lâĂ©gard de la profession exercĂ©e qui
amĂšne Ă souhaiter une reconversion volontaire,
- la perte de son emploi et lâinvestissement de lâindemnitĂ© de
licenciement ou de départ ainsi que des indemnités de
chĂŽmage dans ces formations devant conduire Ă de nouveaux
métiers, notamment « thérapeutes de pratiques alternatives ».
- sans emploi, lâadepte va investir ses maigres ressources, par
exemple son RMI, dans un ultime espoir de réinsertion sociale.
Le risque existe Ă©galement de former en quelques semaines
des «
dérapeutes
»
46
sans formation, sans assurance et sans
validation de diplĂŽme. Câest faire croire Ă lâadepte quâil peut
atteindre un niveau professionnel que son cursus ne lui permet
pas dâespĂ©rer, avec le risque Ă©vident dâeffondrement en cas
dâĂ©chec du projet.
46
www.PsyVig.com
52
Le retour Ă la rĂ©alitĂ© est dâautant plus difficile Ă
assumer que ces formations conduisent Ă des certifications non
reconnues et qui ne sont pas susceptibles de validation par les
pouvoirs publics. De plus, la tendance du marché des
formations porte sur des modules de plus en plus longs, en tout
Ă©tat de cause dâune durĂ©e pluriannuelle, avec une forte
incitation à acquérir les différents niveaux en trois, quatre ou
cinq ans.
Le contenu de ces formations a souvent pour objectif la
re-programmation globale de lâindividu afin de crĂ©er un
homme nouveau et dégagé de ses contraintes antérieures. Les
risques de mise sous emprise sont alors majeurs et
lâinvestissement financier est exorbitant. Les dĂ©gĂąts
collatĂ©raux sur lâenvironnement privĂ© seront tant dâordre
affectif que financier.
3 - Dans le domaine du crédit
Certains adeptes sont poussés à acquérir les différents
niveaux pour progresser au sein du mouvement et, Ă cette fin,
sont amenés à consacrer des sommes trÚs importantes à cette
progression qui est tarifée de maniÚre intangible.
Cette pression peut amener lâadepte, comme dans le
cas des procĂšs de Lyon, Ă emprunter, et cela jusquâau
surendettement, pour financer les différentes étapes du
processus initiatique.
Certains mouvements poussent mĂȘme leurs adeptes Ă
commettre des escroqueries aux organismes bancaires :
lâintĂ©ressĂ©, Ă son entrĂ©e dans le mouvement, exerce une
profession qui lui permet dâemprunter auprĂšs de divers
organismes de crédit, puis il quitte son travail pour se
consacrer entiĂšrement Ă la secte et devient ainsi insolvable. Le
préjudice est alors subi par les organismes financiers. Il en va
de mĂȘme pour les prĂȘts Ă©tudiants, dans un groupe, en
particulier.
53
B - Un appauvrissement dâautant plus important que la cible
est fragile
Les personnes qui animent les organisations sectaires
cĂšdent souvent Ă la facilitĂ© et se tournent dĂšs quâelles le
peuvent vers un public en situation de faiblesse, momentanée
ou durable, un public qui traverse des difficultés familiales,
professionnelles ou de santé. Elles ciblent deux populations
particuliÚrement sensibles : celle des personnes ùgées ou en fin
de vie et celle des mineurs.
Le rapport dâactivitĂ© 2005 de la MIVILUDES
consacrait une large place aux mineurs et la commission
dâenquĂȘte parlementaire relative Ă lâinfluence des mouvements
à caractÚre sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur
la santé physique et mentale des mineurs vient de rendre sa
conclusion sur le sujet.
Les atteintes aux personnes ùgées, notamment en fin de
vie, sont particuliÚrement odieuses car elles sont dirigées
contre ceux qui nâont plus la force de se dĂ©fendre.
1 - Dans le champ de la prise en charge des personnes ùgées
Plusieurs entrées sont possibles pour abuser de la
faiblesse particuliÚre des personnes ùgées.
Ÿ
Les tutelles
Aujourdâhui, 1% de la population fait lâobjet dâune
protection et 2 millions et demi dâindividus ont plus de 80 ans.
En 2040, ils seront 7 millions. Le ministre de la Justice a
annoncé au congrÚs des notaires tenu en 2006 que la réforme
des tutelles et des curatelles devrait voir le jour avant lâĂ©lection
présidentielle de 2007. Le constat est une augmentation
constante du nombre de personnes faisant lâobjet dâune
protection consécutive au vieillissement de la population. Le
54
droit des incapables majeurs, tel quâil devrait ĂȘtre modifiĂ©,
pourrait supprimer le critÚre de prodigalité pour un placement
sous tutelle ou curatelle. Selon les associations de défense de
victimes et leurs avocats, les familles craignent de rencontrer
dâautant plus de difficultĂ©s pour mettre en place une protection
efficace afin dâĂ©viter la dilapidation du patrimoine ainsi que la
fragilisation de la situation matérielle de la personne ùgée. La
mĂȘme inquiĂ©tude se dessine derriĂšre la possibilitĂ© pour la
personne ùgée de choisir un mandataire judiciaire.
Ÿ
Les successions
Des signalements nombreux font Ă©tat de personnes
ùgées que leurs enfants sollicitent financiÚrement de façon de
plus en plus importante, en proportion de leur dépendance au
groupe sectaire. De mĂȘme, des parents ĂągĂ©s ayant plusieurs
enfants dont lâun est adepte dâun mouvement sectaire,
signalent leur inquiétude de voir leur patrimoine revenir en
bout de course Ă ce mouvement. Il est insupportable pour eux,
aprÚs avoir « perdu » un enfant, de penser que le fruit de leur
labeur sera attribué, à leur mort, à la raison de leur malheur.
Ÿ
les soins palliatifs
Il ne faut pas sous estimer les risques spécifiques
inhérents aux maisons de retraite médicalisées ; en effet, la
prĂ©sence dâauxiliaires bĂ©nĂ©voles dâaccompagnement en fin de
vie ouvre la porte Ă de potentielles extorsions de dons et Ă une
spoliation des héritiers naturels.
Les mouvements guérisseurs peuvent en effet par ce
biais sâinfiltrer dans des Ă©tablissements hospitaliers publics ou
privés ou dans des maisons de retraite, se positionnant ainsi
auprĂšs des patients en fin de vie, en en faisant une cible
privilégiée.
Le rapport 2001 de la MILS soulignait déjà les dérives
sectaires sur ces personnes particuliÚrement vulnérables :
«
Dans le domaine des soins palliatifs, les adeptes de la méthode
Hamer, du groupe
Invitation Ă la vie intense (IVI),
mouvement
fondé par Mme Yvonne Trubert, ont été signalés dans les
services dâoncologie et de neurologie auprĂšs de patients
cĂ©rĂ©bro lĂ©sĂ©s (âŠ).
55
Si le Code civil fait obstacle Ă ce quâun mourant
effectue une donation au profit dâun mĂ©decin, dâun
pharmacien, dâun officier de santĂ©, c'est-Ă -dire dâun soignant,
il en va diffĂ©remment pour les associations, qui peuvent tout Ă
fait bénéficier de donations »
47
.
à cÎté de ce risque de captation de patrimoine par abus
de faiblesse, il ne faut pas mésestimer les approches de
lâentourage de la personne malade ou mourante, affectĂ© par le
deuil qui constitue un vivier de recrutement potentiel pour les
mouvements sectaires, toujours Ă la recherche dâadeptes
payants.
2 - Dans le domaine des aides de lâĂtat aux personnes les plus
fragiles
Si les mouvements sectaires privilégient les individus
ayant des ressources confortables, les personnes Ă faibles
revenus et bĂ©nĂ©ficiant dâallocations comme lâAllocation
Adulte HandicapĂ© (AAH) ou le Revenu minimum dâinsertion
(RMI) peuvent néanmoins les intéresser car leur nombre peut
alors compenser la faiblesse des ressources.
Il nâexiste pas dans le dispositif relatif au RMI de
disposition particuliĂšre Ă lâendroit du phĂ©nomĂšne sectaire.
Cependant la circulaire DSS/DIRMI n°93-05 du 26 mars 1993
relative Ă la dĂ©termination de lâallocation du RMI fait
référence explicitement aux membres des organisations
communautaires pour indiquer que :
- le calcul des ressources doit obligatoirement inclure le forfait
logement.
- de plus, le préfet doit évaluer le montant des ressources
correspondant aux autres avantages procurĂ©s Ă lâintĂ©ressĂ©,
repas notamment.
- lorsquâil est constatĂ© que les personnes y exercent une
activité, non ou partiellement rémunérée, le préfet peut, aprÚs
47
MILS, rapport 2001
56
avis conforme de la commission locale dâinsertion, tenir
compte des rémunérations, revenus ou avantages auxquels
elles seraient en mesure de prétendre du fait de leur activité au
sein de la communauté.
Ce dispositif ne peut-ĂȘtre efficace que sous rĂ©serve de
contrÎles de la situation réelle du bénéficiaire.
Par contre, pour les « sortants » de ces communautés, il
convient de rappeler lâimportance de ce dispositif pour
poursuivre une aide Ă lâautonomie et Ă la rĂ©insertion sociale.
Sâagissant des aides spĂ©cifiques allouĂ©es par lâĂtat aux
personnes atteintes de handicap, il convient dâĂȘtre tout
particuliÚrement vigilant tant la possibilité est forte pour les
mouvements sectaires de ponctionner tout ou partie de lâAAH
« pour services rendus ».
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
ont lancé en 2001 une vaste
opération en direction des sourds en apprenant intensivement
leur langage et en créant des groupes pratiquant la langue des
signes
48
. Ils ont conçu une version de leur DVD
« Ce que
Dieu attend de nous »
. Ă Poitiers en avril 2006, quatre jeunes
enfants sourds de moins de 10 ans ont été abordés par deux
adultes parlant la langue des signes qui leur ont remis ce DVD,
en langue des signes, ni traduit, ni sous-titré.
« Si les parents
ne connaissent pas la langue des signes, les enfants sourds
sont une proie facile »
, sâest insurgĂ©e la mĂšre dâun des
enfants
49
.
La famille et les proches sont des victimes collatérales
des dĂ©rives sectaires et ils se sentent souvent impuissants Ă
aider efficacement le membre devenu adepte : les contacts
avec les associations de défense des victimes ne peuvent que
briser leur isolement et leur impuissance car lâassociation est
un lieu dâĂ©coute et un lieu dâinformation. Câest aussi un lieu de
48
www.catholique95.com/actualités/présentation=sourds
.
49
La Nouvelle RĂ©publique
, 22 avril 2006, article de JM Gouin.
57
parole oĂč la victime peut raconter son histoire, mĂȘme la plus
incroyable (extra terrestres, transferts dâĂ©nergies,
lĂ©muriensâŠ.) en trouvant toujours soutien et comprĂ©hension.
58
3 - LA FORMATION PROFESSIONNELLE
ET LE RISQUE SECTAIRE
Les rapides évolutions des sociétés occidentales au
cours des derniÚres décennies, marquées notamment par la
montée du chÎmage, le recul des activités traditionnelles et
lâĂ©mergence de secteurs de production et de services
innovants, ont placĂ© la formation professionnelle au cĆur des
solutions susceptibles de rĂ©soudre les problĂšmes dâadĂ©quation
entre une main dâĆuvre ne disposant pas toujours des
compétences recherchées et les exigences des entreprises.
Le droit à la formation érigé en obligation légale dans
la loi du 16 juillet 1971, est réaffirmé par la loi du 4 mai 2004 :
« La formation tout au long de la vie constitue une obligation
nationale ».
Elle a tout particuliĂšrement pour objet de
« favoriser lâinsertion et la rĂ©insertion professionnelle des
travailleurs, de permettre leur maintien dans lâemploi,
[en lien
avec son Ă©volution]
de favoriser le développement de leurs
compĂ©tences et lâaccĂšs aux diffĂ©rents niveaux de la
qualification professionnelle, de contribuer au développement
économique et culturel et à leur promotion sociale ».
Le Conseil européen des chefs de gouvernement, réuni
en mars 2000 Ă Lisbonne, insistait
« sur le principe
dâĂ©ducation et de formation tout au long de la vie comme clĂ©
dâun objectif stratĂ©gique de cohĂ©sion sociale, de citoyennetĂ©
active,
dâĂ©panouissement
personnel
et
professionnel,
dâadaptabilitĂ© et dâemployabilitĂ© »
au sein de lâespace
communautaire. Ces politiques nationales et communautaires
sont accompagnées de la mobilisation de fonds importants
(Fonds structurels européens, dont le Fonds social européen).
59
DĂšs 1999, la Commission dâenquĂȘte parlementaire sur
« les Sectes et lâargent »
50
, conduite par M. Jacques Guyard et
M. Jean-Pierre Brard, constatait lâintĂ©rĂȘt portĂ© au dispositif de
la formation professionnelle par des groupes susceptibles de
dérives sectaires ou sanctionnés notamment à ce titre, pour des
faits avĂ©rĂ©s. Elle pointait notamment lâexistence de ces risques
et les détournements des finalités, rÚgles et aides du dispositif
de dĂ©veloppement de la formation et de lâemploi. La
Commission alertait ainsi sur
« âŠlâinfluence que certaines
sectes ont acquise dans des réseaux de formation et les
perturbations quâelles ont apportĂ©es dans le fonctionnement
de plusieurs entreprises⊠»
et elle préconisait une réaction
dĂ©terminĂ©e de lâensemble des acteurs concernĂ©s.
Ainsi, dĂšs lâannĂ©e 2000, le ministĂšre de lâEmploi
adressait à ses services déconcentrés (directions régionales et
dĂ©partementales du travail, de lâemploi et de la formation
professionnelle) des instructions sur la nĂ©cessitĂ© dâune plus
grande vigilance sur des pratiques induisant des risques ou des
dĂ©rives de caractĂšre sectaire. Lâaccent Ă©tait mis notamment sur
les risques pouvant dĂ©couler de lâambiguĂŻtĂ© de la notion de
développement personnel au regard de la formation
professionnelle. Cette vigilance accrue, notamment des
services de contrĂŽle de la formation, conduit aujourdâhui Ă
sensibiliser les entreprises et les salariés face au
dĂ©veloppement dâorganisations ou de rĂ©seaux qui, sous
couvert de vente de prestations de formation, source
importante de revenus, leur permet de diffuser des dogmes et
méthodes, de recruter de nouveaux adeptes qui, à leur tour,
peuvent infiltrer le monde de lâentreprise et/ou devenir acteurs
de ces réseaux de vente qui comportent de plus en plus la
commercialisation de produits annexes (tests, ouvrages,
voyages, matĂ©riel dâaccompagnement, aide Ă lâinstallationâŠ).
La quĂȘte de la performance, du bien-ĂȘtre, le dĂ©ni de la
maladie et lâangoisse que font naĂźtre ces dĂ©fis pour lâindividu,
créent, en effet, sur le marché de la formation, une offre
50
Rapport parlementaire, n°1687, 10 juin 1999.
60
croissante et diversifiée de divers concepts et méthodes
empruntant aux domaines de la santé et de la psychologie ainsi
quâĂ celui des sciences de lâĂ©ducation et de la communication.
Dans un certain nombre de cas, leur application dévoyée et
exclusive au sein de lâentreprise mais aussi de plus en plus
frĂ©quemment dans un cadre individuel, sâĂ©loigne des finalitĂ©s
assignées à la formation continue pour aboutir à des pratiques
générant des dérives sectaires.
1 - Un contexte favorable : la personne, objet de toutes les
attentions
On constate, depuis plusieurs annĂ©es, lâaugmentation
croissante de prestations visant au développement de la
personne, de ses capacités comportementales, relationnelles,
de son bien-ĂȘtre, de son Ă©panouissement et mĂȘme de
son
intelligence Ă©motionnelle,
dans une quĂȘte de sens Ă la vie et
dâadaptation Ă une sociĂ©tĂ© en mutation.
Ces prestations investissent de plus en plus lâintimitĂ©
des personnes (détermination de profils, caractérisation de
potentiels) en vue dâune amĂ©lioration des performances
individuelles et collectives. Ces prestations dépassent ainsi les
offres de formation liées aux seules compétences
professionnelles (savoir, savoir-faire et savoir-ĂȘtre). Le
dĂ©veloppement de nouvelles thĂ©rapies, lâengouement pour les
thĂ©rapies alternatives ou encore lâattrait pour le «
coaching »
ou
« team-building
» symbolisent cette tendance souvent
exclusive et excluante des pratiques plus traditionnelles. La
vitalitĂ© de ce marchĂ© est illustrĂ©e par lâĂ©mergence de nouvelles
appellations, de nouveaux labels, de nouveaux « métiers » et
par la publicitĂ© concernant lâattractivitĂ© de ces nouvelles
possibilités professionnelles.
Au titre de la vigilance Ă lâĂ©gard des offres de
formation à risque de dérive, les pouvoirs publics concernés
(Ătat, collectivitĂ©s locales) mais aussi lâensemble des
institutionnels (partenaires sociaux, prescripteurs, financeurs et
61
acheteurs de formation) doivent accorder une attention
particuliÚre à un ensemble de critÚres de dangerosité.
2 â DĂ©voiement des repĂšres traditionnels dans une formation Ă
visée thérapeutique
Le détournement des objectifs de la formation
professionnelle (insertion et réinsertion professionnelle,
maintien dans lâemploi en lien avec son activitĂ©,
développement des compétences et accÚs aux différents
niveaux de la formation professionnelle) peut conduire,
notamment par des procédés de séduction (publicité
mensongĂšre ou trompeuse au sens des codes du travail et de la
consommation), Ă des actes ou des pratiques illicites au regard
du code de la santé en particulier et à des sanctions pénales
dâautant que le risque de porter atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© physique
et psychique de la personne est réel.
Devenir guérisseur à mains nues
Cette offre se rattache «
au biomagnétisme humain
présenté comme le «
prodigieux systĂšme vital qui anime
lâhomme, lequel peut lâutiliser, en thĂ©rapeute au profit de la
santĂ© dâautrui »
ou encore comme
« une science énergétique
biologique »
. Cette profession revendique lâexistence dâun
ordre professionnel, celui des
biomagnétiseurs
51
Ă lâinstar des
ordres professionnels réglementés tels ceux des médecins, des
notaires, des sages-femmes, des architectesâŠ
Ainsi est-il proposé à tout public, sans pré-requis
obligatoire, de devenir «
Guérisseur à mains nues
» et de
bĂ©nĂ©ficier dâune formation qualifiĂ©e de «
renommée
internationale
», permettant de créer des «
cabinets
spécialisés
», garantissant
« une situation dâavenir lucrative
pour :
51
www.ordre-biomagnetiseurs.com
62
-
Les jeunes rĂȘvant dâune belle carriĂšre libĂ©rale,
-
Ceux qui veulent rebondir dans un métier indépendant,
-
Les praticiens médicaux, paramédicaux, infirmiers,
ostéopathes, kinésithérapeutes, esthéticiennes, etc. voulant se
doter de moyens performants,
-
Les retraités cherchant à occuper leur temps utilement
-
Tous ceux qui désirent apprendre, sans en faire un métier,
pour soigner leur entourage ».
Ce type dâoffre dâaide Ă la guĂ©rison se dĂ©veloppe aux
confins, voire en confusion avec les prestations des
professions réglementées (médecins, pharmaciens,
kinĂ©sithĂ©rapeutesâŠ.). Il expose les acteurs Ă des poursuites
pour exercice illégal de la médecine et pratiques
charlatanesques pouvant influer de maniÚre préjudiciable sur
les personnes.
3 - La surabondance des exigences financiĂšres
Ce critĂšre est dâautant plus important que lâoffre de
formation va sâaccompagner dâune incitation forte, voire dâune
quasi contrainte, à enchaßner les stages pour accéder aux
grades plus Ă©levĂ©s ou pour ĂȘtre initiĂ©s Ă des concepts ou Ă des
mĂ©thodes connexes. Il peut sâagir Ă©galement de recourir Ă
dâautres produits tels que lâacquisition dâoutils pĂ©dagogiques
(ouvrages, CD-ROMS, cours à télécharger, voyages, tests),
lâachat de matĂ©riels (exemple :
les filtres archétypaux
) et
lâacquittement de cotisations, de franchises ou dâabonnements.
Effectuer une reconversion professionnelle
Un mĂ©decin, conseiller dâun recteur, signale le cas dâun
enseignant en difficulté avec ses élÚves et qui souscrit un
contrat individuel de formation professionnelle dans le but de
faire une reconversion professionnelle de psychothérapeute.
Plus précisément, le contrat est conclu avec une personne se
présentant comme thérapeute et formateur.
63
Lâanalyse du contrat montre que lâaction proposĂ©e Ă cet
enseignant vise une «
formation à la guérison du passé
» en
vue de devenir lui-mĂȘme «
praticien en guérison du passé »
52
.
Lâaction proposĂ©e comprend une annĂ©e de cours par
correspondance, suivie de stages pratiques et dâune
supervision obligatoire portant sur 200 séances
dâaccompagnement thĂ©rapeutique, soit 400 heures au
minimum. Il est également conseillé de faire précéder cette
formation de séances de guérison du passé avec des praticiens
ayant terminé leur formation. Enfin le stagiaire est tenu de se
soumettre Ă la supervision et Ă la participation aux rencontres
de formation continue obligatoires. Ă dĂ©faut, il pourrait ĂȘtre Ă
tout moment radié de la liste des praticiens en guérison.
Outre le coĂ»t principal de lâaction proposĂ©e, sâajoutent
pendant la durĂ©e de la formation des frais relatifs Ă
lâacquisition de supports (livres, cours, enregistrementsâŠ).
Certaines acquisitions sont rendues obligatoires ou
fortement conseillées comme :
-
Le mouvement, clef de lâapprentissage
, Brain Gym
(kinésiologie éducative),
-
Le
Cancer apprivoisé
de LĂ©on Renard, la
GenĂšse du
cancer et médecine nouvelle
,
La quintessence
du Docteur
Hamer,
-
Origine et prévention des maladies
de Salomon Selam,
-
Encyclopédie de décodage biologique
de Paul et Gail
Dennison
53
.
Le programme joint Ă lâappui du contrat prĂ©sente la
guérison du passé comme «
une synthÚse de méthodes
puissantes et novatrices conduisant à la réharmonisation des
quatre plans physique, émotionnel, mental, spirituel », suivant
deux Ă©tapes :
52
www.laguerisondupasse.com
53
Ăditions du Souffle dâOr.
64
-
un travail dans le passé à travers une puissante démarche
de régression (retour dans ses mémoires émotionnelles, depuis
lâinstant de la conception jusquâĂ lâĂąge adulte et,
éventuellement, dans les vies antérieures si le patient y est
ouvert, permettant de guérir les traumatismes passés,
conscients ou occultés, responsables de troubles physiques ou
psychologiques,
-
un travail dans le présent permettant à la personne, libérée
de ses handicaps psychologiques, de faire enfin de sa vie ce
quâelle souhaite au lieu de rejouer indĂ©finiment des scĂ©narios
périmés.
« La coupe vidée de ses poisons grùce au travail dans
le passĂ© permet le travail dans le prĂ©sent, câest Ă dire de
pouvoir remplir la coupe dâeau pure, de libĂ©rer la personne de
ses croyances erronées et de restructurer son présent : quitter
ou trouver un emploi, mettre fin Ă une relation inharmonieuse,
adopter un nouveau mode dâalimentation. Lâobjectif est de
donner un grand coup de balai Ă la vie afin que celle-ci soit
prĂȘte Ă recevoir lâĂȘtre neuf que la personne est en train de
devenir ».
DiffĂ©rents exemples viennent Ă lâappui des contentieux
émotionnels accumulés par la personne, voire par ses
ascendants :
-
Je suis bĂšgue pour ne pas trahir le secret familial,
- Jâexprime par lâasthme la souffrance de mes aĂŻeuls gazĂ©s
par les nazis,
- Jâexprime par des douleurs au cou le fait que mes aĂŻeules
ont eu la tĂȘte tranchĂ©e par les Turcs.
Ce projet de reconversion professionnelle dans une
activité de psychothérapeute induit de toute évidence un
sĂ©rieux risque de manipulation du stagiaire et de dĂ©rive Ă
caractÚre sectaire au regard de plusieurs critÚres de dangerosité
(rupture avec lâenvironnement dâorigine, dĂ©stabilisation, voire
emprise mentale, captation de ressourcesâŠ). La formation
longue a pour objectif une «
reprogrammation »
de lâĂȘtre
conditionnée par un rejet en bloc de son passé et de son
65
prĂ©sent, de ses ancĂȘtres et de son entourage, responsables de
son mal ĂȘtre.
Les fondements mĂ©thodologiques empruntent Ă
plusieurs sources toutes aussi inquiétantes en raison de leur
implication dans des affaires sanctionnées par la justice :
méthode Hamer, faux souvenirs, «
rebirth
», décodage
biologique âŠ
4 â Les professionnels de santĂ© : cible privilĂ©giĂ©e
Praticien en Analyse et RĂ©information cellulaire
Il sâagit dâune formation dâun minimum de deux ans en
Analyse et RĂ©information Cellulaire
54
,
dont le promoteur est
un docteur en médecine formé à diverses méthodologies
énergétiques. La formation proposée est organisée en trois
niveaux appelés « degrés ». Chaque degré est constitué de
plusieurs modules. Ă titre dâexemple, le premier degrĂ© est
constitué de six modules de base (staturologie énergétique,
foyers, zones réflexes, chakras, méridiens, substances), un
module «
Symbolisme de lâĂtre Humain
», deux super
modules relatifs dâune part Ă la thĂ©orie et Ă la pratique
dâAnalyse et de RĂ©information Cellulaire et dâautre part Ă
lâusage des filtres archĂ©typaux.
à la fin de chaque degré, un examen conditionne
lâobtention dâun certificat indispensable pour le passage au
degré suivant qui a cependant toujours pour objet la théorie et
la
pratique dâAnalyse et de RĂ©information cellulaire
et ce
jusquâau passage de lâexamen final sanctionnĂ© par un diplĂŽme
« maison ».
54
www.arc-energie.com.fr
66
ConformĂ©ment aux indications mĂȘmes de son
promoteur, cette formation a pour objectifs :
- une modélisation intégrant et harmonisant toutes les
approches de lâĂtre Humain,
- une investigation complÚte, capable de déterminer
lâorigine profonde, premiĂšre, qui, au dĂ©part, a dĂ©sĂ©quilibrĂ© ou
fragilisé le terrain, induisant les faiblesses qui ont permis aux
maladies dâapparaĂźtre et de sâinstaller,
- une description précise de la cause et des incidents
déstabilisants,
- une correction rapide des blocages énergétiques témoins
de cette cause et de ces incidents,
-
une indication de la thérapeutique la mieux adaptée au cas
examiné,
- une indication de la conduite Ă tenir pour le balayage
définitif de ces blocages,
- une prise en charge totale du patient par lui-mĂȘme dans
une collaboration Ă©troite avec le praticien,
- lâoutil majeur au service de ce que vous savez dĂ©jĂ faire et
désirez approfondir.
Cette méthode est définie par son fondateur comme
« une technique transdisciplinaire dĂ©veloppĂ©e, destinĂ©e Ă
toutes les professions de santé, orientation médecine,
psychothérapie, naturopathie ou médecines complémentaires.
Elle Ă©volue progressivement grĂące Ă des contacts multiples :
physiciens, biophysiciens, biologistes sont de la partie, et la
qualité globale en bénéficie. Plus de deux cents praticiens de
toutes orientations sont déjà qualifiés en
Analyse et
RĂ©information Cellulaire
principalement en FranceâŠ
Elle est
un fantastique outil, dans le cadre du développement
personnel, basé sur la lecture de la mémoire cellulaire
personnelle et sur le principe de la résonance vibratoire. Elle
permet de rĂ©tablir lâĂ©quilibre, de trouver sa vraie place, ainsi
que lâharmonie entre le corps, lâesprit et son environnement ».
Cette offre sâadresse indiffĂ©remment Ă des thĂ©rapeutes,
par exemple les naturopathes, et aux professions réglementées
de type infirmier.
67
Par décision du préfet de la région Aquitaine, la
SARL, support de cette Ă©cole, sâest vue refuser
lâenregistrement de sa dĂ©claration en qualitĂ© dâorganisme de
formation, en application du livre IX du Code du travail. Le
ministre en charge de la formation professionnelle a confirmé
cette dĂ©cision Ă la suite dâun recours hiĂ©rarchique des
intéressés.
5 - Accompagner autrement la naissance
La formation de Doula
Ekopédia
55
, encyclopédie virtuelle des techniques
alternatives de vie, donne cette définition de la «
profession de
doula »
56
dont le terme, dâorigine grecque, signifie
« esclave »
: Câest «
une femme qui accompagne, soutient,
informe le couple et la femme au moment de la naissance. Elle
est disponible dĂšs la grossesse, pendant lâaccouchement et
aprÚs la naissance. Elle est formée à tout ce qui concerne la
périnatalité, la psychologie et peut avoir certaines
compétences propres comme la relaxation, le portage,
lâallaitement⊠».
Cette « nouvelle profession » dont lâobjectif principal
peut ĂȘtre rapprochĂ© de lâaccompagnement familial traditionnel
de jadis, encore observable dans certaines communautés dont
celles du continent africain, est née, il y a environ une
vingtaine dâannĂ©es, outre-Atlantique. Elle est apparue
récemment en France et se développe généralement dans les
milieux hostiles à la médicalisation de la maternité. Ces
groupes sont souvent enclins à soutenir des réseaux
dâopposition Ă la mĂ©decine conventionnelle, dont le rejet de la
vaccination obligatoire, recourent volontiers aux thérapies
55
fr.ekopedia.org/Doula-14K
56
www.doulas.info
68
alternatives et sont séduits par des méthodes éducatives
originales pour leurs enfants.
Une poignée de petites associations en lien avec les
organisations nord américaines réunissent les femmes exerçant
« cette nouvelle profession » avec lâobjectif de dĂ©velopper ce
réseau sur le territoire national. Les formations initiales
dispensées par les organismes, sont
a priori
diverses et un
projet dâĂ©laboration dâun programme commun serait Ă lâĂ©tude.
Lâune de ces formations est assurĂ©e par une praticienne
en
rebirth
sur la base dâune prise de contact suivie de neuf
séances correspondant symboliquement aux neuf mois de
gestation. Le dĂ©roulement dâune sĂ©ance comprend les phases
suivantes :
- Analyse de scénario de naissance et des maladies induites,
- Respiration connectée (environ 45 minutes),
- Débriefing sur les liens repérés entre les émotions ressenties
et les conditions de naissance,
-Reprogrammation par des exercices de pensée créatrice.
« Un cycle de
rebirth
favorise les prises de conscience
de notre vision déformée de la vie. Et si toutes nos limitations
et nos peurs nâĂ©taient en rĂ©alitĂ© que des pensĂ©es nĂ©gatives
liées aux circonstances de la gestation et de la naissance ?
GrĂące au
rebirth
, reprendre notre responsabilité sur les
évÚnements de notre vie est à notre portée. Nous pouvons
ensuite librement choisir de retrouver plaisir, légÚreté, amour,
prospérité⊠».
Les formations complémentaires proposées portent, en
fonction des aspirations des doulas en exercice ou en
formation, sur lâapprentissage de diverses mĂ©thodes comme,
par exemple, la psychophanie, lâhaptonomie, lâhypnonatal et
les massages.
En lâabsence de tout encadrement, ce nouveau mĂ©tier
dâaccompagnement Ă la naissance sur le registre de lâaide Ă la
relation, pose un certain nombre de questions. Il peut
69
concerner des publics vulnĂ©rables, quâil sâagisse des doulas,
Ă©ventuellement initiĂ©es Ă lâapprentissage de mĂ©thodes « psy »,
ou des futurs parents confrontés à des difficultés de toute
nature. Leur formation, notamment lorsquâelle inclut des
stages complémentaires, est coûteuse,
dâautant que les tarifs
de ces futures professionnelles seraient infĂ©rieurs Ă cent âŹ
pour une prestation dâune annĂ©e
.
Leur fonction peut les conduire à empiéter sur les
compétences de professions de santé, en particulier sur celles
des sages-femmes, et les exposer Ă des poursuites pour
exercice illégal de la médecine. Leurs interventions peuvent se
rĂ©vĂ©ler dangereuses pour la mĂšre et lâenfant Ă divers Ă©gards.
Enfin, au sein dâassociations ou en statut libĂ©ral, les
doulas seraient passĂ©es, dâaprĂšs les dĂ©clarations de leurs
organismes, dâune trentaine en 2005, Ă environ cent cinquante,
un an plus tard. Certaines dâentre elles interviendraient dans
des maternités.
6 â Eduquer autrement les jeunes prodiges
EMF Balancing Technique
est une marque déposée par
la société
Energy Extension
pour assurer le soutien logistique
des activités de la thérapeute internationale de nationalité
américaine Peggy Dubro. Cette technique, objet de la note
publique de mai 2004 du Centre belge dâinformation et dâavis
sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) viserait un
certain Ă©quilibre de lâhomme : «
lâharmonisation
EMF
ouvre
la voie Ă notre Ă©volution. Elle nettoie, fortifie et Ă©quilibre notre
propre structure électromagnétique afin que nous puissions
nous brancher complĂštement Ă lâĂ©nergie universelle, la
recevoir et lâutiliser. Cette harmonisation permet dâamĂ©liorer
notre état de santé ».
Cette méthode et ses applications dérivées sont
diffusées en France auprÚs de thérapeutes dispensant des
70
formations en bien-ĂȘtre, dĂ©veloppement personnel, et
conduisent au changement dans lâentreprise.
Sur le plan de la santé, sa dangerosité a été signalée
dans la mesure oĂč ses applications peuvent se substituer Ă des
traitements médicaux classiques.
Une structure accréditée
EMF Balancing
57
, localisée en
Ile de France, fait figurer parmi ses actions de formation
(croissance personnelle, accompagnement individuel,
relaxologie énergétique) un atelier (I
ntegrated Energy
Therapy
) destinĂ© aux enfants ĂągĂ©s de 7 Ă 12 ans. Lâobjectif de
cet atelier dâune demi journĂ©e facturĂ© 45 ⏠est de «
leur
permettre sur la base des concepts utilisés pour les adultes
dâexpĂ©rimenter leur perception des Ă©nergies angĂ©liques,
utiliser un pendule pour mesurer les Ă©nergies, apprendre Ă se
connecter avec leur ange personnel et dégager des blocages
dâĂ©nergie, pour eux ou pour aider les autres ».
Les activités
proposées portent sur :
- des jeux pratiques sur la question : quâest-ce que lâĂ©nergie,
- la fabrication dâun pendule et son utilisation pour mesurer
lâĂ©nergie,
- lâalignement Ă©nergĂ©tique et sa pratique,
- les anges, dessin de son ange et comment se connecter Ă lui,
- pratique dâexercices marrants pour Ă©quilibrer sa propre
Ă©nergie,
- quels sont les bons sentiments et les mauvais sentiments que
chacun peut vivre,
- comment changer un mauvais sentiment en un bon sentiment,
- la douche angélique, un jeu pour nettoyer tous les blocages
dâĂ©nergie du corps en une seule fois,
- cérémonie de remise des « diplÎmes ».
Sachant que la fondatrice dâ
EMF Balancing
est
membre de la
Kryeon International Seminar team
, il
semblerait que cette formation ludique soit largement inspirée
par les concepts du mouvement de lâange Kryeon et concerne
57
www.evolutionfc.com
71
les
enfants indigos
présentés comme des enfants divins en
relation avec lâau-delĂ et dotĂ©s dâune aura particuliĂšre.
Ce type dâoffre est inquiĂ©tant Ă plusieurs titres.
LâadhĂ©sion dâun parent ou des deux parents Ă ce type de
mouvement fait courir Ă lâenfant des risques sanitaires dans la
mesure oĂč les thĂ©rapies alternatives se substitueraient Ă la
médecine conventionnelle. Son éducation repose sur des
concepts particuliers quâils peuvent induire une
marginalisation du mineur dont lâidentification indigo peut se
rapporter Ă un comportement difficile de type hyper actif.
7 - Identifier les risques dans lâoffre de formation
Les stages prĂ©sentĂ©s, sâils ne donnent pas une vision
exhaustive de la diversité des offres douteuses du marché de la
formation, rĂ©pondent Ă lâun, voire Ă plusieurs des critĂšres
dâidentification du risque ou de la dĂ©rive sectaire
58
, Ă savoir :
-
la déstabilisation mentale,
-
le caractĂšre exorbitant des exigences financiĂšres,
-
la rupture avec lâenvironnement dâorigine,
-
lâexistence dâatteintes Ă lâintĂ©gritĂ© physique,
-
lâembrigadement des enfants,
-
le discours anti-social,
-
les troubles Ă lâordre public,
-
lâimportance des dĂ©mĂȘlĂ©s judiciaires,
-
les tentatives dâinfiltration des organisations.
Exceptionnellement, la période de formation
correspond Ă une situation dâemprise avĂ©rĂ©e. Elle peut
engendrer une déstabilisation du stagiaire et entraßner
rapidement pour celui-ci un profond mal-ĂȘtre. Elle se situe
plutĂŽt dans la phase de sĂ©duction du processus dâemprise de
nature sectaire. Elle est le temps dâacquisition dâautres valeurs,
dâautres rĂšgles de vie, dâautres orientations, notamment
58
Rapport parlementaire n°2468 du 22 décembre 1995,
Les Sectes en France
.
72
professionnelles, dâautres convictions et peut, dĂšs ce stade,
inquiéter son entourage, voire le couper de son environnement
initial. Les témoignages et les interrogations des familles au
sujet de leur proche, adressés aux services publics ou aux
associations de dĂ©fense des individus, attestent dâinquiĂ©tudes
sur des méthodes et des pratiques, de forts doutes sur des
organismes de formation. Ils font parfois déjà le constat de
changements inquiétants du comportement pendant ou à la
suite de formations.
La large diffusion des techniques Ă caractĂšre
psychologique, notamment dans les champs sanitaire, social et
Ă©ducatif, banalise leur utilisation dans les actions de formation
professionnelle. Si elles Ă©manent dâorganismes non rĂ©pertoriĂ©s
Ă ce titre par les services de lâĂtat, elles peuvent se manifester
dans dâautres secteurs.
La banalisation du recours Ă des techniques et Ă des
mĂ©thodes de cette nature peut entraĂźner, en raison dâune
accoutumance, une moindre vigilance Ă lâoccasion dâune
dĂ©marche de formation ou dâaide Ă la relation individuelle. En
tout Ă©tat de cause, leur mise en application favorise la prise
dâascendant du formateur sur le stagiaire, dâautant que ce
dernier, en quĂȘte dâaide ou de solution, est, de ce fait, dĂ©jĂ
fragilisé.
La prĂ©vention de lâescroquerie, du risque
charlatanesque, voire sectaire, passe obligatoirement, quâil
sâagisse dâorganisations professionnelles ou de particuliers,
par une Ă©valuation rigoureuse des contenus de formation,
avant de les acheter.
Dans une entité professionnelle publique ou privée,
lâĂ©tablissement dâun cahier des charges dĂ©finira les critĂšres du
choix de la formation : la compréhension de la demande, la
cohĂ©rence des principes dâaction avec ceux de lâentreprise, la
prĂ©cision, lâadĂ©quation et le rĂ©alisme des objectifs de
formation, la cohérence de la démarche pédagogique,
lâexistence et la prĂ©cision des modalitĂ©s dâĂ©valuation, la
73
prĂ©cision des propositions financiĂšres (coĂ»t de lâingĂ©nierie, de
lâanimation, coĂ»t horaireâŠ), lâadĂ©quation des moyens
humains, matĂ©riels et pĂ©dagogiques, le respect de lâexercice
légal dans le cas de professions réglementées, la durée du
stage âŠ
Le
Journal du management
59
dans un article titré
«
choisir une formation sans risque de manipulation
»
suggĂ©rait, sur la base dâinformations recueillies auprĂšs de la
MIVILUDES et de lâUNADFI, le questionnaire suivant :
-
Depuis combien de temps lâorganisme existe-t-il ?
-
Quelle est sa solidité financiÚre ?
-
A-t-il des labels ou certifications ?
-
Quelles sont ses références ?
-
Qui sont les associés ? Qui sont les formateurs ?
-
Quel est le programme de formation ?
-
Quelles sont les méthodes pédagogiques ?
-
Qui seront les autres participants ?
-
OĂč et quand la formation a-t-elle lieu ?
-
Impose-t-on des degrés de progression ?
-
Quels sont les retours ?
Cette approche critique doit bien Ă©videmment
concerner le déroulement des sessions de formations mais
aussi leur Ă©valuation
a posteriori
.
8 â Les sanctions administratives et judiciaires
Outre les décisions préfectorales de refus ou
dâannulation dâenregistrement des dĂ©clarations prĂ©sentĂ©es par
de prétendus organismes de formation fondées sur un motif de
non-conformité aux dispositions légales régissant la formation
continue, le plus souvent confirmées par la jurisprudence
administrative, des sanctions judiciaires ont été également
prononcées. Celles-ci avaient notamment trait à des infractions
59
2 novembre 2005
74
pour non respect des rĂšgles de publicitĂ©, dâobligations
comptables, de non remise de documents légaux aux
bĂ©nĂ©ficiaires, dâexigences financiĂšres mĂ©connaissant les rĂšgles
de contractualisation des actions de formation professionnelle.
Dâautres jugements ont, dans le cadre dâaffaires de
licenciements sans cause réelle et sérieuse, établi le droit des
salariĂ©s Ă bĂ©nĂ©ficier dâune information prĂ©cise sur les objectifs
de formation issus du plan de formation proposĂ© Ă lâinitiative
de lâemployeur et lĂ©gitimĂ© le refus de participation, en
lâabsence de rĂ©ponse appropriĂ©e, alors mĂȘme quâun risque
identifié de dérive sectaire était constaté.
Conclusion
Le marché de la formation est marqué par une
augmentation dâoffres Ă©manant de rĂ©seaux proposant aux
bĂ©nĂ©ficiaires de sâinsĂ©rer tout Ă la fois dans des organisations
privilégiant le recours au statut libéral ou indépendant, à titre
principal ou en complément de leurs activités professionnelles
exercĂ©es, par exemple au sein de lâentreprise, afin dâassurer la
diffusion des concepts ou méthodes phares élaborés et souvent
protégés par les premiers auteurs ou fondateurs.
Ces offres, parfois difficiles à détecter ou à apprécier
car elles empruntent aux effets de mode (coaching à géométrie
variable) et visent à répondre de maniÚre globale aux multiples
attentes des individus (emploi, performance, famille, santé,
bien-ĂȘtre, quĂȘte de sensâŠ), modifient les repĂšres habituels des
acteurs concernĂ©s et lâexercice de leurs responsabilitĂ©s dans
lâutilisation conforme et optimale des financements dĂ©diĂ©s Ă la
formation.
Ces offres abordent lâindividu aussi bien dans sa
dimension professionnelle que privée en privilégiant des
réponses prometteuses faites en termes de transformation et/ou
de développement de la personne, de sa performance et de
lâamĂ©lioration de ses rĂ©sultats (professionnels et personnels),
gages de son Ă©panouissement global.
75
Elles trouvent ainsi un champ illimité appliqué à la
santé physique et psychique, voire à la guérison des
pathologies de ceux qui y recourent. Elles proposent une
réponse aux souffrances physiques et morales induites par les
difficultĂ©s ou vulnĂ©rabilitĂ©s, Ă la fois dâordre professionnel
(recherche dâun emploi, usure au poste de travail, quĂȘte de
changement, dâĂ©volution, de reconnaissance ou de
reconversion) ou dâordre privĂ© (couple, famille, sens et valeurs
de la vie).
Enfin, ces offres se caractérisent par la promesse de
«
renaissance
» faite aux individus pour une société en
«
renouveau
»
: nouvelle médecine, nouvelle éducation,
nouvelles spiritualitĂ©s, nouveau lien social et mĂȘme ordre
nouveau.
Face Ă ces risques Ă©mergents dâatteintes aux droits et
libertés de la personne, mais aussi en raison des vulnérabilités
des entreprises et des organisations, il est aujourdâhui
nĂ©cessaire, dans un souci dâefficacitĂ© des politiques de
prévention et de lutte contre les dérives, notamment celles de
nature sectaire, de renforcer prioritairement les dispositifs
dâinformation Ă destination du public et les actions de veille
par lâadaptation et lâapplication des lĂ©gislations (codes de la
santĂ©, de la consommation, du travail, de la formation âŠ),
mais aussi par la mise en place de clauses de protection
juridiques et de principes Ă©thiques.
Le dispositif juridique, dans son Ă©tat actuel et dans ses
Ă©volutions souhaitables, et sur un autre plan, la formalisation
de bonnes pratiques, devraient concourir au renforcement du
contrĂŽle des champs et des objectifs de la formation
professionnelle.
76
4 - LâAPPROCHE ĂCONOMIQUE DES MOUVEMENTS
Ă CARACTĂRE SECTAIRE
A - LâANALYSE
DU FONCTIONNEMENT ĂCONOMIQUE
DES MOUVEMENTS Ă CARACTĂRE SECTAIRE :
UN FACTEUR EXPLICATIF DU RISQUE SECTAIRE
Lâanalyse du fonctionnement Ă©conomique et financier
des mouvements et réseaux à caractÚre sectaire est de plus en
plus pertinente et nécessaire pour les services compétents
chargĂ©s du recueil et de lâanalyse du renseignement, de mĂȘme
que pour les services de contrĂŽle.
Les observations récentes de ces évolutions ont permis
de révéler une implication volontariste et agressive des
organismes sectaires dans de multiples domaines du droit
Ă©conomique, comme en attestent les quelques exemples ci-
aprĂšs :
- Mise Ă profit de la modification de la loi relative Ă la
protection des données à caractÚre personnel et risque de
détournement de celle-ci au bénéfice de mouvements ;
- Contestation dâun passage de la loi dâorientation agricole
relatif Ă
lâinterdiction de toute publicitĂ© commerciale et toute
recommandation pour les produits phytopharmaceutiques
destinés au traitement des végétaux, dÚs lors que ces produits
ne bĂ©nĂ©ficient pas dâune autorisation de mise sur le marchĂ© ou
dâune autorisation de distribution pour expĂ©rimentation
;
- Détournement des législations et rÚglementations portant sur
la protection de la propriété intellectuelle.
Deux questions principales se posent. La premiĂšre tient
aux motifs et aux intentions des initiateurs de ces actions. La
77
seconde a trait aux conséquences concrÚtes de ces stratégies de
contestation dâun cadre lĂ©gal strictement national ou dĂ©coulant
de dispositions européennes.
En ce qui concerne la premiĂšre question, plusieurs
niveaux dâintentions doivent ĂȘtre distinguĂ©s :
- démontrer que la logique économique des groupes
industriels, des laboratoires pharmaceutiques et des grands
distributeurs de produits et de services notamment, est
destructrice de libertĂ©s et sâinscrit dans un schĂ©ma de « pensĂ©e
économique unique » ;
- procéder à cette démonstration par la contestation externe
(lobbying) ou par lâintrusion dans lâentreprise (prestations de
formation professionnelle, dâaide au management, de conseil
en recrutement, de sécurité physique et informatique) au
prĂ©texte de lâobjectif dâamĂ©lioration de la gouvernance ;
- constituer pour ce faire des réseaux permettant de recruter
dans un contexte de contestation allant au-delĂ de la mouvance
sectaire et de sâinstaller durablement au cĆur des lieux de
décision économique ;
- développer des liens entre sociétés dirigées ou inspirées par
des organismes à caractÚre sectaire et fondant leur activité sur
les enjeux précités.
La seconde question est le corollaire de la premiĂšre. La
tendance est Ă la mise en Ćuvre dâune vĂ©ritable stratĂ©gie de
contestation du cadre légal qui fonde, encadre et favorise
lâactivitĂ© Ă©conomique, et des rouages institutionnels qui
viennent en appui de la vie Ă©conomique.
Deux types dâacteurs viennent mettre en Ćuvre cette
stratégie : des entreprises en lien avec les mouvements et des
groupes dâinfluence constituĂ©s par ceux-ci, mais usant de
moyens propres.
Les exemples qui suivent permettent dâillustrer la
rĂ©alitĂ© de cette rĂ©partition des rĂŽles dans la conduite dâune
véritable stratégie de soutien au développement du phénomÚne
sectaire. Ils prennent leur source dans la contestation du droit
78
de la protection de la propriété intellectuelle et de celui visant
Ă protĂ©ger lâusage des donnĂ©es Ă caractĂšre personnel.
Ces exemples sont le fait de deux groupes dâinfluence
qui, au nom de la défense de la liberté de conscience ou de la
liberté religieuse, soutiennent en fait des thÚses favorables ou
empruntées aux organismes à caractÚre sectaire, le
CICNS
(
Centre dâinformation et de conseil sur les nouvelles
spiritualités
) et la
CAPLC
(
Coordination des associations et
particuliers pour la liberté de conscience
).
Cela peut paraĂźtre curieux Ă certains que soient
associĂ©es lâapparente vocation de dĂ©fense de la libertĂ© de
conviction et la lutte contre des législations à vocation
protectrice des mécanismes économiques.
LĂ est en effet le fond du problĂšme et lâindication des
véritables intentions de ces mouvements. Par là , passe
Ă©galement, et ce de plus en plus, le risque de fragilisation des
personnes
via
des pratiques professionnelles développées par
des membres de mouvements dans lâintĂ©rĂȘt financier et
dâexpansion de ceux-ci.
Le
CICNS
mĂšne campagne depuis quelques mois pour
la libéralisation du droit de propriété intellectuelle. Citons-le :
« La propriété intellectuelle se défend sur la base des brevets,
copyrights, marques dĂ©posĂ©es, et sâapproprie mĂȘme des textes
législatifs concernant le secret économique, la publicité et la
concurrence déloyale. Ainsi les auteurs finissent-ils par se
battre avec le soutien des avocats, comme sâils dĂ©fendaient des
propriétés physiques »
.
Sa cible principale est le droit dâauteur, mais la critique
vaut aussi pour dâautres formes de protection comme, par
exemple, dans un article faisant la promotion du
« fair use »
.
Cet organisme considĂšre que le droit dâauteur nâest plus adaptĂ©
Ă la sociĂ©tĂ© de lâinformation.
79
Lâargument du
CICNS
est le suivant
: Le
dĂ©veloppement de la dĂ©fense acharnĂ©e de ces droits conduit Ă
un appauvrissement de la créativité et à une réduction de la
diffusion de lâinformation.
Face Ă ce raisonnement tenu par un groupe dâinfluence
favorable aux mouvements présentant des risques de dérives
sectaires aux yeux des pouvoirs publics, comment sâĂ©tonner de
lâintĂ©rĂȘt croissant des entreprises pour lâaction de la
MIVILUDES, et de la prise en compte du risque sectaire dans
la mise en Ćuvre des pratiques dâIntelligence Ă©conomique ?
Le vĂ©ritable enjeu est la confrontation dâintĂ©rĂȘts entre
les mouvements Ă caractĂšre et Ă risques sectaires et le tissu
Ă©conomique, avec, en arriĂšre plan, les menaces de
désinformation, de captation de données « stratégiques » et de
pressions psychologiques sur les personnels.
La
CAPLC
ne fait que confirmer cette Ă©volution et la
concrétisation de ce rapport de force. Dans un article publié
sur son site en septembre 2006, elle dénonce la
« systématisation des autorisations de mise sur le marché »
Ă
propos de la parution dâun dĂ©cret pris en application de la loi
dâorientation agricole de janvier 2006. Lâincident peut paraĂźtre
banal et mineur en soi puisquâil a pour origine un contrĂŽle
effectuĂ© le 31 aoĂ»t 2006 dans le dĂ©partement de lâAin
conjointement par la direction nationale des enquĂȘtes de
concurrence, consommation et répression des fraudes et par le
service régional de la protection des végétaux chez un
entrepreneur-paysagiste produisant et diffusant un produit
phytosanitaire « naturel » dĂ©nommĂ© « purin dâortie ». Cette
action de contrÎle est en réalité un prétexte pour dénoncer une
supposĂ©e menace de constitution dâun outil juridique de
rétorsion ciblé contre les filiÚres naturelles, bio et bio-
dynamiques, contre la presse environnementale et de santé,
contre les chercheurs et les associations des usagers de santé
et, enfin, contre les stages permettant aux jardiniers et aux
agriculteurs de devenir plus indépendants des grands
producteurs phytosanitaires. La contestation du bien-fondé de
80
lâaction administrative se prolonge par lâaffirmation :
« on voit
se profiler une démarche similaire en ce qui concerne les
produits de santé humains et les pratiques thérapeutiques
physiques et/ou mentales
»
60
.
Cette offensive contre le droit de la propriété
intellectuelle ne doit rien au hasard mĂȘme si les sujets abordĂ©s
peuvent paraßtre dérisoires au premier abord et si, de surcroßt,
un dĂ©bat Ă leur propos peut ĂȘtre lĂ©gitime.
Elle révÚle une attitude constamment paradoxale des
mouvements Ă caractĂšre sectaire vis-Ă -vis du droit
Ă©conomique.
Leur prĂ©tention Ă ĂȘtre reconnus comme « minoritĂ©s de
conviction
» ou «
minorités spirituelles
» les amÚne
rĂ©guliĂšrement Ă prĂ©ciser ce quâil faut entendre par lĂ . La
CAPLC
mĂ©rite dâĂȘtre citĂ©e ici encore
:
« Quâentend-on
exactement par minorité de conviction
? Ce sont des
mouvements, des Ă©coles, des groupes de personnes qui
appliquent une technique ou se réfÚrent à un enseignement
original, différent et trÚs souvent complémentaire qui implique
gĂ©nĂ©ralement une vision globale de lâĂȘtre humain et de ses
rapports avec ses semblables et lâunivers, que cette vision soit
thérapeutique, philosophique, spirituelle ou tout cela à la
fois »
61
.
Or, les formes dâorganisation de ces « mouvements,
écoles et groupes » les conduisent naturellement à se structurer
en prenant appui sur des statuts permettant Ă leurs promoteurs
de dĂ©velopper un maillage dâassociations et de sociĂ©tĂ©s dans
lequel les liens juridiques sont déterminants. Ces liens
sâĂ©tablissent essentiellement sur la base de copyrights, de
dépÎts de déclarations de marques et tous autres instruments
de protection de la propriété intellectuelle.
60
CAPLC
, septembre 2006, document intitulé «
Breveter la vie
».
61
CAPLC
,
« Lâapport des minoritĂ©s de conviction Ă la sociĂ©tĂ© mondiale »
,
décembre 2005.
81
Lâusage de ces droits de propriĂ©tĂ© dĂ©termine des
rapports de dépendance humains et financiers. Leur défense
appelle la création de services spécialisés, de bureaux de
renseignements internes, dâoffices de rĂ©gulation et de
coercition. Ainsi, on peut comprendre aisément que des
sociĂ©tĂ©s filiales dâun mĂȘme groupe pourvoyant au financement
dâun mouvement Ă caractĂšre sectaire aient, dans lâensemble,
des dirigeants, eux-mĂȘmes membres du mouvement et
pourvoyant aux ressources de lâorganisation Ă la fois au titre
de leur statut professionnel et Ă titre personnel.
Deux exemples permettent de décrire cette réalité des
modes dâorganisation des mouvements lorsquâils atteignent
une taille transnationale.
Le premier est un rappel et concerne la société de
services informatiques
Panda Software
. Cette société
commercialise des logiciels de sécurité informatique,
notamment des antivirus. En avril 2001, un article de
lâExpress
rĂ©vĂ©lait quâun antivirus commercialisĂ© par une sociĂ©tĂ© de droit
espagnol disposant de filiales dans de nombreux pays, dont la
France, avait été acquis par un client institutionnel pour
Ă©quiper 12% de son parc informatique. Et le magazine de
sâinterroger
: au-delĂ du financement, les mises Ă jour
rĂ©guliĂšres du logiciel nâauraient elles pas permis de pĂ©nĂ©trer
des bases de donnĂ©es confidentielles ?âŠ
Le 16 mai 2001, un communiqué de presse émanant du
« syndicat européen contre la discrimination dans le travail »
(SEDT),
«
crĂ©Ă© par des chefs dâentreprises Ă lâĂ©chelle
européenne »
62
, était diffusé à Paris. Ce communiqué rendait
compte de la création de ce lobby dédié à la défense des
« entreprises scientologues ».
Ainsi voyait le jour le premier paravent destinĂ© Ă
dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de sociĂ©tĂ©s directement liĂ©es Ă un
62
Déclaration de création.
82
mouvement à caractÚre sectaire. En effet, la premiÚre société
prise en charge et dĂ©fendue par ce « syndicat » nâĂ©tait autre
que
Panda Software
. Lâargumentaire Ă©tait le suivant
:
« L
âaffaire du lynchage mĂ©diatique de la sociĂ©tĂ©
Panda
Software,
soutenu par certaines instances gouvernementales
est le premier dossier traité par le SEDT.
Pour mémoire,
Panda Software
est spécialisée dans le domaine de la sécurité
informatique. Le groupe implanté dans plus de 35 pays est le
4
Ăšme
Ă©diteur mondial dâantivirus et tient la position de leader
européen. Symptomatique du climat anti-religieux qui rÚgne
en France, une campagne mĂ©diatique pernicieuse Ă lâencontre
de la filiale française a engendré nombre de dénonciations de
contrats et la perte de son réseau de distribution. Les
conséquences de cet acharnement sont considérables pour
cette entreprise »
. Il faut le rappeler : lâobjet de la sociĂ©tĂ© Ă©tait
et est toujours lâĂ©dition de logiciels anti-virus et la mise en
Ćuvre de
«
tous les services attenants : installation,
déploiement, support technique, dépannage, etc »
.
Le 11 juillet 2001, le président de
Panda Software
pour
les Ătats-Unis, mentionnĂ© en tant que tel et connu, tout comme
le président international de
Panda Software,
pour son
appartenance Ă la
Scientologie
et au
World Institute of
Scientology Enterprises (WISE),
témoignait devant la
Chambre des Représentants (
« Subcommitee on international
operations and human rights »
) dans le cadre de lâexamen de
faits supposés de discrimination religieuse en Europe de
lâouest Ă propos des dĂ©boires commerciaux de
Panda Software
en France.
En avril 2002, la direction des relations avec la presse
de la
Church of Scientology International
publiait un
communiqué titré :
« Le rapport du secrétariat au Commerce
extérieur américain sur les barriÚres commerciales extérieures
critique le gouvernement français pour avoir refusé de passer
contrat avec une sociĂ©tĂ© informatique, propriĂ©tĂ© dâun
scientologue ».
Ă lâĂ©poque dĂ©jĂ , lâanalyse du rĂ©seau de filiales
permettait de sâassurer que nombre dâentre elles prĂ©sentaient
ce type de liens, ce qui tendait Ă prouver que lâappartenance
83
dâune personne Ă un mouvement nâĂ©tait pas en cause et que la
vigilance de lâadministration Ă©tait fondĂ©e sur dâautres motifs.
Le 31 mars 2003, le rapport du dĂ©partement dâĂtat
amĂ©ricain sur les pratiques en matiĂšre des droits de lâhomme
mentionnait :
« les scientologues continuent de rapporter des
cas de discrimination sociĂ©tale. Une entreprise dâinformatique
internationale
Panda Software
se plaint que des articles de
presse parus en 2001 et des déclarations critiques provenant
dâautoritĂ©s gouvernementales continuent de lui porter
prĂ©judice en faisant un lien entre elle et lâĂglise de
Scientologie »
63
.
Lâ«
U.S. Annual Estimate Report on Foreign Trade
Barriers
» pour 2003 ne faisait, quant à lui, que mentionner
dans son chapitre «
Union européenne
» en page 119
:
« France : une entreprise dâinformatique U.S. prĂ©tend que des
administrations françaises ont refusé de passer contrat avec la
sociĂ©tĂ© en question en raison de lâappartenance de son
dirigeant Ă
lâĂglise de
Scientologie. Les Ătats-Unis ont
soulevé la question auprÚs des autorités françaises ».
Le
mĂȘme rapport pour lâannĂ©e 2004 ne mentionne plus ce cas.
Le SEDT est présidé depuis sa fondation par un
membre de
WISE
Belgique, Ă la tĂȘte dâune entreprise de
consulting
de dimension internationale, filialisée comme
Panda Software
et révélant, comme pour cette derniÚre, une
appartenance Ă la
Scientologie
de plusieurs dirigeants de
filiales.
En mai 2006, se tenait Ă AthĂšnes le 5
Ăšme
sommet
européen de
WISE
auquel le président du SEDT participait en
tant que conférencier. Parmi les thÚmes abordés au cours des
quatre jours de sĂ©minaire, il est utile pour la suite de lâanalyse
dâen relever trois.
63
U.S. department of State,
Country Reports on Human Rights Practices,
2002
, 31 mars 2003.
84
- Le premier :
« Comment prendre le contrÎle international de
lâindustrie de la formation »
64
, présentée par le fondateur de la
société actuellement dirigée par le président du SEDT ;
- Le second :
« Comment Sauvegarder la technologie de
management LRH
65
dans chaque société »
66
, sous entendu :
dans laquelle celle-ci a été implantée ;
- Le troisiĂšme
:
«
Comment mettre en application la
technologie de management LRH et la technologie PR au
sommet dâun pays. Ătude de cas : la « XXX »
[est indiqué le
nom du pays européen].
67
Il apparaĂźt donc que la rationalisation du
développement du phénomÚne sectaire passe par la mise en
Ćuvre dâinstruments de propriĂ©tĂ© intellectuelle, par la
structuration de liens de dépendance des utilisateurs de ces
instruments (câest le but essentiel de
WISE
), par lâorganisation
de la promotion de ces utilisateurs en intervenant Ă la fois sur
les contraintes dâutilisation dĂ©terminĂ©es par un accord
« commercial »), les exigences dâobtention dâun chiffre
dâaffaires dĂ©terminant automatiquement lâacquittement des
droits liĂ©s Ă lâutilisation des « tech » et le versement de dons Ă
lâorganisation, par les dirigeants de ces sociĂ©tĂ©s Ă titre
individuel.
Ces obligations sont en grande partie définies dans un
« Code des membres de
WISE
»
68
dont le lecteur trouvera
quelques exemples ci-aprĂšs :
-
Je promets de mâimpliquer en responsabilitĂ© dans la mise en
Ćuvre et la promotion des technologies LRH de management,
dâĂ©thique et de justice
69
.
64
âHow to take control of the international training industry with sourceâ.
65
LRH : Lafayette Ron Hubbard, fondateur de la
Scientologie
.
66
âSafepointing for LRH administration tech in any companyâ.
67
âHow to apply LRH admin and PR. Tech at the top of a country : case
analysis
, [nom du pays]â.
68
Code of
WISE
members.
69
âI promise to take responsability to forward and to promote the standard
application of L. Ron Hubbardâs administrative, ethics and justice
technologiesâ.
85
- Je promets de mâimpliquer en responsabilitĂ© dans la
protection des marques et droits dâauteur de «
la Dianétique
»,
« la Scientologie »
et
« WISE »,
et dans la promotion de leur
usage dans la sphĂšre Ă©conomique
70
.
- Je promets dâassumer toutes les obligations financiĂšres
auxquelles jâai souscrit
71
.
- Je promets de mâimpliquer en responsabilitĂ© pour protĂ©ger
les
Ăglises de Scientologie
contre toute provocation, tout acte
perturbateur ou de détournement de leurs objectifs ou de leurs
personnels par le moyen dâactivitĂ©s commerciales
72
.
La
Scientologie
est Ă maints Ă©gards instructive. Elle est
un exemple de stratégie de développement fondée sur le
dynamisme dâun rĂ©seau commercial. Ce rĂ©seau commercial est
pleinement intĂ©grĂ© dans la dĂ©marche globale de lâorganisation
internationale et de ses filiales nationales. Les sociétés jouent
un rĂŽle moteur dans lâexpansion de lâorganisation et ont la
prétention de viser des objectifs stratégiques, des lieux de
dĂ©cision, dâinfluence et de pouvoir. Le management des
entreprises et des institutions est devenu une finalité
professionnelle et le moyen dâatteindre ces objectifs. La
dimension internationale du réseau facilite le maintien du
rattachement Ă celui-ci des sociĂ©tĂ©s qui peuvent faire lâobjet
dâune attention particuliĂšre dans des pays comme la France et
qui nâapparaissent plus officiellement comme membres du
rĂ©seau. Lâexemple qui suit dĂ©montre le maintien du lien Ă
WISE
et, donc, le maintien des obligations faites aux sociétés
dirigées et encadrées par des scientologues en France.
LâĂ©volution des modes opĂ©ratoires mis en Ćuvre par
des sociétés à objets communs ou complémentaires, toutes
70
âI promise to take responsability to protect the trademarks and
copyrights of Dianetics, Scientology and WISE and their use in the
business worldâ.
71
âI promise to fullfill all financial obligations as agreedâ.
72
âI promise to take responsability to protect Scientology churches from
distraction, disruption or misuse of their lines or personnel by commercial
activitiesâ.
86
dirigées par des membres de la
Scientologie,
implique
plusieurs sociétés basées à Paris et à GenÚve.
Un cabinet de management français
Keypartners
et
trois cabinets de conseil suisses
Settlenext, CommonTrend et
Lightech,
sont associés et interviennent sur le marché du
management et de la direction de projets informatiques. Leur
clientÚle de prédilection est le secteur bancaire.
Keypartners
se présente comme
« cabinet de conseil en
Knowledge Management »
. Son domaine dâintervention est
composĂ© dâune activitĂ© de conseil, dâune activitĂ© de
sĂ©minaires, dâune activitĂ© de veille technologique et dâune
activité de direction de projets. Elle revendique des clients de
premier rang dans le secteur bancaire et dans le secteur
institutionnel des chambres consulaires.
Settlenext
, créée en janvier 2002 à GenÚve, se définit
comme société de conseil et direction de projets en
informatique et automatisation bancaire. Elle fait du conseil
opérationnel pour institutions financiÚres.
CommonTrend,
autre société genevoise, a été créée en
octobre 2002 par le fondateur de
Settlenext.
Elle a son siĂšge Ă
la mĂȘme adresse que celle-ci et a pour objet lâorganisation de
séminaires pour cadres dans les domaines des affaires et de
lâinformatique. Elle consacre une partie notable de son activitĂ©
Ă lâanalyse de lâimpact des lĂ©gislations anti-blanchiment sur
les systĂšmes informatiques.
Enfin,
Lightech,
société la plus ancienne (1987), joue
un rÎle pivot en développant des activités de
management,
consulting, training, business brokerage
et
de
financing
acquisition and merging.
Ce rĂ©seau, par son maillage dâactivitĂ©s, montre
clairement son ambition de maĂźtriser Ă la fois le champ des
ressources humaines et celui des systĂšmes informatiques de
ses clients. La relecture des rĂšgles du code des membres de
87
WISE
facilite la compréhension des objectifs et finalités
annoncĂ©s ou non de cet ensemble dâentreprises dĂ©diĂ©es Ă la
« fourniture de services » au secteur bancaire.
Settlenext
en
révÚle un aspect en mentionnant sur son site
« les compétences
cumulées de
Keypartners
et de
Settlenext
qui permettent
dâoffrir un ensemble de sĂ©minaires de haut niveau pour la
population bancaire »
.
Cet exemple apporte un Ă©clairage essentiel Ă la
compréhension des mutations les plus novatrices de
lâorganisation des mouvements Ă caractĂšre sectaire :
- la structuration en rĂ©seau Ă partir dâune dĂ©pendance juridique
commune, que celle-ci soit apparente (internet, catalogues de
prestationsâŠ) ou non. En effet, le rattachement Ă
WISE
nâest
plus visible pour
Keypartners
comme cela est devenu la rĂšgle
en France pour les sociétés dirigées par des scientologues et
créées au cours de ces derniÚres années,
- lâintĂ©rĂȘt pour les mouvements de renforcer leur structuration
en dĂ©veloppant dâune part les instruments de protection de
leurs produits, mĂ©thodes et pratiques et dâautre part, en prenant
appui sur la promotion et la diffusion de ces produits,
méthodes et pratiques pour établir et enrichir leurs fichiers
clients et leurs fichiers distributeurs,
- Lâusage de questionnaires dans le cadre des prestations
fournies par les sociétés, fortement inspirées de questionnaires
standard des mouvements Ă caractĂšre sectaire et faisant eux-
mĂȘmes lâobjet de dĂ©clarations de propriĂ©tĂ© intellectuelle.
Lâun des enjeux de cette rĂ©alitĂ© systĂ©mique est bien la
protection des citoyens contre des actes commis en opposition
aux dispositions de la loi relative Ă la protection des personnes
physiques Ă lâĂ©gard des traitements de donnĂ©es Ă caractĂšre
personnel. La loi 2004-801 du 6 août 2004 est venue modifier
la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative Ă lâinformatique, aux
fichiers et aux libertés, également appelée loi CNIL
73
. Lâune
des Ă©volutions essentielles de la loi porte sur la crĂ©ation dâune
nouvelle fonction, celle de correspondant CNIL.
73
CNIL : Commission nationale informatique et libertés.
88
En décembre 2005, un hÎtel parisien accueille une
journĂ©e dâĂ©tudes dont le thĂšme est :
« Correspondant CNIL :
faut-il et comment créer la fonction ? »
. Cette journĂ©e dâĂ©tudes
vendue 1300 ⏠est organisée en partenariat avec une SSII créée
en mars 2004 dont le directeur-fondateur et le responsable
méthodes sont deux membres connus de la
Scientologie
,
comme il peut en ĂȘtre attestĂ© par la simple interrogation
dâinternet. Lâune des missions de cette sociĂ©tĂ© est de
déterminer les objectifs et le contenu de la journée et de
composer un panel dâorateurs reprĂ©sentatifs. Ce panel de huit
intervenants regroupe, en plus de la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme, des
représentants de grands groupes industriels stratégiques et un
représentant de la CNIL.
Compte tenu des développements ci-dessus sur les
engagements internes des chefs dâentreprises (code des
membres de
WISE
), du renforcement apparent de lâopacitĂ© des
sociétés ayant un lien avec la
Scientologie
en France, et des
conflits répétés de la
Scientologie
avec les pouvoirs publics Ă
propos de la constitution et de la gestion de fichiers
informatiques relatifs aux personnes, quelques rappels peuvent
ĂȘtre utiles pour confirmer la sensibilitĂ© de la question au regard
des enjeux Ă©conomiques.
En novembre 2004, plusieurs scientologues obtenaient,
Ă lâissue dâune trĂšs longue bataille juridique, de pouvoir
consulter les informations recueillies sur eux par les
Renseignements généraux (RG). Un décret de 1991 définit
strictement le cadre de travail des RG. Ils sont habilitĂ©s Ă
collecter des informations sur des individus risquant de porter
atteinte Ă la sĂ»retĂ© de lâĂtat ou de troubler la sĂ©curitĂ© publique
par la violence. Ils peuvent Ă©galement sâintĂ©resser au passĂ© de
personnes sollicitant lâaccĂšs Ă des informations protĂ©gĂ©es,
ainsi quâĂ celles qui jouent un rĂŽle politique, Ă©conomique,
social ou religieux significatif. En contrepartie, chaque citoyen
peut exiger de savoir si son nom figure dans un fichier de
police et, le cas échéant, demander à consulter les informations
qui sây trouvent.
89
Enfin, il convient de prĂ©ciser que, selon un arrĂȘt du
Conseil dâĂtat, lâadministration doit, lorsquâelle refuse toute
communication aux intĂ©ressĂ©s, justifier dâun risque pour
« la
sĂ»retĂ© de lâĂtat, la dĂ©fense ou la sĂ©curitĂ© publique »
. La notion
de défense, rappelons-le, intÚgre certains enjeux de nature
Ă©conomique.
ParallÚlement à cette décision administrative et
singuliĂšrement, dans la mĂȘme pĂ©riode, le 28 septembre 2004
trĂšs exactement, la Cour de cassation confirmait la
condamnation prononcĂ©e par la Cour dâappel de Paris contre
lâ
Association spirituelle de lâEglise de Scientologie dâIle de
France (ASESIF)
et son président pour des délits liés à leur
fichier informatique. Ă lâorigine de ce dossier, se trouve la
CNIL qui avait dĂ©noncĂ© au parquet lâ
ASESIF
pour avoir
conservĂ© dans ses fichiers les coordonnĂ©es dâune personne qui
avait expressément demandé à ne plus y figurer. La saisine de
la CNIL par cette personne remontait Ă 1997. Lâ
ASESIF
avait
affirmé avoir radié cette personne par la suite, mais, en mars
2000, la mĂȘme personne continuait de recevoir des courriers
de la mĂȘme organisation.
La journĂ©e dâĂ©tudes du 13 dĂ©cembre 2005 dont il est
question ci-dessus visait un public de praticiens institutionnels
et dâentreprises. Lâargument de cette journĂ©e Ă©tait la crĂ©ation,
par la loi 2004-801, du « métier » ou plus exactement de la
fonction de
« correspondant Ă la protection des donnĂ©es Ă
caractĂšre personnel (CPDCP)
»
, loi dont un décret
dâapplication Ă©tait encore attendu Ă lâĂ©poque, et qui devait en
prĂ©ciser les conditions dâexercice.
Au regard de la chronologie, il est intéressant
dâexaminer le programme de la journĂ©e :
- dĂ©veloppement dâun argumentaire en faveur de la crĂ©ation de
cette fonction au sein dâune entreprise ou dâune institution ;
- prĂ©sentation dâexposĂ©s sur le positionnement hiĂ©rarchique
optimal de la fonction et lâhypothĂšse dâun correspondant
extĂ©rieur Ă lâentreprise (hypothĂšse pouvant ĂȘtre
a priori
90
retenue par les PMI/PME dont les besoins dâexternalisation
sont grands) ;
- dĂ©monstration de la valeur ajoutĂ©e qui pourrait ĂȘtre produite
par la crĂ©ation dâun tel poste ou dâune prestation de cette
nature pour lâentreprise ou lâinstitution par rapport Ă la
situation antérieure caractérisée par une procédure
essentiellement déclarative.
Compte tenu de la sensibilité du sujet, de la qualité des
organisateurs, de lâintention de ceux-ci de sâaffirmer trĂšs tĂŽt
sur ce marchĂ© futur et de la jurisprudence, il est utile dâavoir
lâensemble de ces Ă©lĂ©ments Ă lâesprit.
Informés sur ce contexte, les panélistes sollicités ont pu
prendre leurs dispositions.
Au-delĂ
, les entreprises manifestent
un intĂ©rĂȘt croissant Ă lâĂ©gard du risque sectaire. Elles
reconnaissent bien souvent ne pas savoir lâapprĂ©hender et
craindre Ă la fois lâintrusion et la propagation de rumeurs. Les
PMI-PME sont considérées par les observateurs avertis
comme particuliÚrement vulnérables.
Il est manifeste que les entreprises relevant de
mouvements Ă caractĂšre sectaire ayant acquis une certaine
dimension Ă©conomique ont inscrit un double processus dans
leur stratégie de développement en direction des institutions et
des milieux Ă©conomiques. Le premier vise Ă pouvoir
revendiquer dans leurs références-clients des grands noms de
sociĂ©tĂ©s rĂ©putĂ©es, si possible stratĂ©giques. NâĂ©tait-ce pas
lâobjectif de la journĂ©e dâĂ©tudes afin de pouvoir, par la suite,
utiliser ces références pour développer leur clientÚle PMI-
PME.
Fin septembre 2006, le Conseil Ă©conomique et social
publiait un rapport intitulé
« Intelligence économique, risques
financiers et stratégies des entreprises ».
Ce rapport issu des
travaux de la section des finances de cette institution relevait
notamment que lâIntelligence Ă©conomique Ă©tait un instrument
intéressant pour la prise en compte du risque sectaire. Dans
son analyse des besoins dâoutils dĂ©fensifs, elle notait sous le
91
titre
« Protection contre la désinformation et les dérives
sectaires
»
: «
Savoir décrypter et gérer les procédés
informationnels capables dâaffecter lâimage, le comportement
ou la stratĂ©gie de lâentreprise est devenu essentiel. Les risques
(rumeurs, manipulations, campagnes de presse, pĂ©titions, âŠ)
doivent ĂȘtre identifiĂ©s. Il faut se donner les moyens de
comprendre les stratĂ©gies dâinfluence mises en Ćuvre par
divers acteurs publics et privés »
. Et plus loin :
« Lâexistence
de dĂ©rives sectaires ne doit pas non plus ĂȘtre ignorĂ©e. Les
sectes sont désormais des organisations internationales
puissantes qui cherchent Ă Ă©tendre leur influence et ont besoin
de financements importants. Le risque dâinfiltration des
entreprises dans des points stratĂ©giques doit ĂȘtre pris au
sérieux »
.
Rappelons, pour mémoire, la crise vécue en 2004 par
un grand groupe pharmaceutique qui avait passé contrat dans
le cadre de son plan de formation professionnelle avec un
organisme dont la majeure partie des dirigeants et intervenants
salariĂ©s Ă©taient membres de lâorganisation
Elan Vital.
Cet
organisme faisait usage dâune mĂ©thode, la mĂ©thode
Success
Insight,
fondĂ©e sur lâexploitation des rĂ©ponses Ă un
questionnaire, fournies par les bénéficiaires des actions de
formation conduites dans le but dâĂ©tablir leur profil
74
. Sans que
la mĂ©thode puisse ĂȘtre incriminĂ©e en tant que telle, lâusage fait
dâinformations recueillies, pouvait poser problĂšme, de mĂȘme
que lâinfluence des intervenants sur les centaines de salariĂ©s
concernés.
LâactualitĂ© du sujet rend de plus en plus nĂ©cessaire la
dĂ©tection de rĂ©seaux de professionnels organisĂ©s autour dâune
mise en dépendance commerciale et éventuellement
psychologique vis-à -vis de sociétés détentrices de droits de
propriété intellectuelle sur des méthodes de formation, de
management et de conseil.
74
Revue
Management
, septembre 2004
92
Les mouvements Ă caractĂšre sectaire historiques ont
fait Ă©cole. Ă lâavenir, les groupes dâinfluence pourraient
également avoir pour vocation de réguler les relations entre
« anciens » et « modernes » sur le terrain de la conquĂȘte des
marchés de prestations de service.
La disparition progressive des anciennes références
dâappartenance dans le but dâĂ©chapper Ă la vigilance des
pouvoirs publics, la constitution dâune multitude de nouvelles
sociétés prestataires de services rendent plus délicate la tùche
de ceux qui sont en charge de la vigilance dans ce domaine. Le
rapport du Conseil économique et social note que « si certains
secteurs (agriculture, finances, santĂ©, entreprises publiques Ă
enjeux stratĂ©giques) semblent plus menacĂ©s que dâautres, le
risque ne doit jamais ĂȘtre nĂ©gligĂ©. Lâindustrie de la dĂ©fense et
celle du nucléaire méritent une vigilance particuliÚre en la
matiĂšre. Il nâest quâĂ se reporter encore une fois au panel
constitué par la SSII citée à propos de la création de la
fonction « correspondant CNIL ». Les chambres consulaires,
les Ă©coles de commerce et de management et les institutions Ă
vocation Ă©conomique pourraient Ă©galement ĂȘtre Ă lâavenir des
cibles privilĂ©giĂ©es parce quâelles sont des vecteurs dâinfluence
et que les mouvements sectaires ne dissimulent plus leurs
prĂ©tentions Ă lâĂ©gard des milieux Ă©conomiques.
93
4 - LâAPPROCHE ĂCONOMIQUE DES MOUVEMENTS
Ă CARACTĂRE SECTAIRE
B - LâEXEMPLE DE « TRADITION, FAMILLE,
PROPRIĂTà »
UNE ORGANISATION DĂDIĂE
Ă LA COLLECTE DE DONS
ET Ă LâOBJET NON IDENTIFIĂ
Les pouvoirs publics et, de maniÚre à peine voilée, la
MIVILUDES, font lâobjet depuis quelques mois dâune
campagne active de la part de lâassociation communĂ©ment
appelée
« Tradition, Famille, Propriété » (TFP)
.
Ceci peut sâexpliquer par lâengagement de plusieurs
actions administratives et judiciaires Ă lâencontre de la branche
française de cette organisation internationale, dans le
prolongement de lâactivitĂ© dâun groupe de travail
interministériel constitué en janvier 2005 par la MIVILUDES,
aprĂšs quâait Ă©tĂ© conduite en son sein une analyse approfondie
qui lâa amenĂ©e Ă conclure que le risque de dĂ©rives sectaires
existait réellement du fait du mode de fonctionnement trÚs
caractéristique de cette organisation.
La Mission interministĂ©rielle se doit dâĂ©clairer le
Premier ministre sur les tenants et les aboutissants de lâactivitĂ©
de cette structure.
La
Société française pour la défense de la tradition, de
la famille et de la propriété
est la branche française dâune
organisation internationale fondée en 1960 par un Brésilien,
Plinio Correa de Oliveira, Ă partir de lâ
Associaçao dos
Fundatores da TFP (Brazil).
Elle a été fondée en 1975 sous la
94
dénomination
Jeunes Français pour une civilisation
chrétienne
et porte son nom actuel depuis 1977.
Lâorganisation internationale
TFP
est constituée de
délégations nationales fortement liées entre elles, implantées
dans vingt pays environ, ainsi que dâun grand nombre dâentitĂ©s
distinctes, de serveurs internet et de revues thématiques
corrĂ©lĂ©es Ă
TFP
dans chacun des pays dâimplantation.
La branche française, qui ne reconnaßt pas toujours ses
liens avec les associations partenaires, indique pourtant elle-
mĂȘme dans ses statuts (article 2) :
« Lâassociation pourra
promouvoir le dĂ©veloppement de relations et dâaides mutuelles
par tout moyen légal avec les associations françaises,
Ă©trangĂšres et internationales poursuivant des objectifs
désintéressés dans les domaines visés au présent article ; le
groupement europĂ©en dâintĂ©rĂȘt Ă©conomique
lâEuropĂ©enne des
MĂ©dias
est une sociĂ©tĂ© dâimprimerie et de publipostage qui
imprime et gĂšre la diffusion et lâenvoi du bulletin
« Flash »
dâ
« Avenir et Culture »,
du bulletin «
Aperçu
» de la
Société
de défense TFP
, de
Droit de NaĂźtre
».
Une derniĂšre
association,
LumiĂšres de lâEst
, bien quâayant un rĂŽle
particulier dans la stratĂ©gie dâensemble mĂ©rite dâĂȘtre
mentionnée pour information.
Les associations
Avenir de la Culture
, lâ
Européenne
des MĂ©dias
et
Volontaires pour une civilisation chrétienne
et
le groupement europĂ©en dâintĂ©rĂȘt Ă©conomique (GEIE) sont
implantées à Chateauneuf-en-Thimerais (Eure) dans un
chùteau qui héberge imprimerie et atelier de publipostage.
Droit de NaĂźtre
est publipostĂ© Ă partir du mĂȘme lieu.
Le publipostage est lâactivitĂ© fondamentale et centrale
de lâensemble
TFP
. Des dizaines de milliers de personnes sont
en France destinataires ciblĂ©s de courriers les appelant Ă
soutenir diverses campagnes thématiques par des dons.
La MIVILUDES a été trÚs réguliÚrement interrogée sur
les pratiques de cette organisation par des personnes recevant
95
des appels aux dons insistants par courriers puis par
prospection tĂ©lĂ©phonique ou mĂȘme par visite chez les
personnes intégrées dans les fichiers depuis plusieurs
campagnes et ayant donné une suite favorable à certaines
dâentre elles. Il sâagit de la pratique du
« fund-raising »
décrite
plus loin.
La MIVILUDES a été également sollicitée par nombre
de parlementaires et par lâAssociation des maires de France,
les élus étant fréquemment interrogés sur la nature exacte de
cette organisation et sur les risques que pouvaient encourir les
personnes en contact avec elle.
Lâanalyse du fonctionnement dâensemble et des
modalités de collecte de dons et de legs permet de mettre en
lumiĂšre un certain nombre de critĂšres dâapprĂ©ciation du risque
de dérives sectaires :
- croissance des exigences vis-à -vis des personnes associées
aux campagnes thématiques,
- opacité des structures, forte hiérarchisation et implication de
quelques personnages clefs dans le management de
lâensemble,
- conditions incertaines dâemploi au sein de lâimprimerie et au
niveau des tùches matérielles de publipostage,
- forte rĂ©activitĂ© Ă lâĂ©gard des pouvoirs publics en cas de
contrĂŽle ou dâengagement dâune procĂ©dure judiciaire,
- absence de transparence dans la destination des fonds
collectés,
- distorsion entre objet annoncé des campagnes et destination
réelle des sommes recueillies,
- tromperie des personnes sollicitées par publipostage puis,
Ă©ventuellement, par contact direct.
Le terme de publipostage désigne un ensemble de
techniques utilisĂ©es dans le cadre dâopĂ©rations dâenvoi de
publicité par la poste. Les dirigeants de
TFP
-
Avenir de la
Culture
â
Droit de NaĂźtre
ont hérité de ce savoir-faire élaboré
aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 70.
96
Lâexploitation de la technique du publipostage par le
réseau «
TFP
» se déroule en plusieurs étapes : la prospection,
les
« envois au fichier de la maison »
, la mise Ă disposition des
fichiers aux autres associations du réseau, la demande de dons
Ă domicile. Si lâon parvient Ă reconstituer lâensemble de ces
Ă©tapes pour un fichier dâadresses donnĂ©, il est possible
dâĂ©tablir un bilan global de lâopĂ©ration faisant ressortir le
niveau de ressources dégagé par chacune des opérations de
publipostage.
Les campagnes de publipostage paraissent donc avoir
pour finalitĂ© premiĂšre le dĂ©gagement de bĂ©nĂ©fices (Ă
lâexception de celles organisĂ©es sous couvert de la
dénomination
LumiĂšres de lâEst,
visant Ă soutenir lâactivitĂ© de
TFP
dans les pays ex-communistes dâEurope centrale).
La destination des sommes recueillies nâest connue que
pour une petite partie : acquisition dâimmeubles et ouverture
de lignes de crédit dans certains établissements bancaires,
lesquelles seraient garanties par des hypothĂšques sur les
immeubles possédés en France.
Au-delĂ de cet aspect Ă©conomique et financier du
fonctionnement du réseau constitué autour de la
Société
française de défense,
qui révÚle des modes opératoires assez
peu transparents et une intégration financiÚre qui ne peut
quâĂȘtre ignorĂ©e par les dizaines de milliers de donateurs
recensĂ©s, dâautres critĂšres dâapprĂ©ciation permettent de penser
que lâorganisation et les finalitĂ©s du rĂ©seau
TFP
correspondent
dâavantage Ă un fonctionnement de type sectaire quâĂ celui
dâun mouvement politique ou dâun mouvement religieux.
Une premiĂšre observation porte sur le nombre
dâactions en justice engagĂ©es depuis 1982 et la mise en
lumiÚre de la difficulté à déterminer précisément dans le cadre
de ces actions en justice, les finalités de ce réseau. Celui-ci est
constituĂ© dâune multitude dâorganismes dont certains ont une
vocation de prosĂ©lytisme, dâautres un objectif de collecte de
fonds ayant pour support le publipostage et lâappel aux dons
97
liĂ© Ă lâenvoi gracieux dâune
« médaille miraculeuse »
, dâautres
encore, ont pour raison dâĂȘtre la contestation des rĂ©gimes
démocratiques et la mise en cause personnelle de dirigeants
politiques de pays rĂ©gis selon les principes dâun Ătat de droit.
Cette mise en cause sâaccompagne de temps Ă autre de
recherche de légitimité auprÚs des élus, dont les
parlementaires.
En second lieu, il convient de noter lâexistence dâune
opacité à peine dissimulée dans le fonctionnement du réseau et
donc, également, sur les motivations réelles du « mouvement »
international, comme en atteste la rĂ©daction dâun renvoi au bas
du courrier explicatif dâune campagne comportant un « coupon
de participation financiÚre » et faisant référence à la loi
Informatique et LibertĂ©. Ce texte de renvoi sâachĂšve par la
mention dâun autre renvoi qui nâexiste pas :
«
Les réponses ont un caractÚre facultatif et sont
destinĂ©es Ă
Tradition, Famille, Propriété
et Ă tous les
organismes agréés par elle, sauf opposition par écrit. Le droit
dâaccĂšs et de rectification est assurĂ© par ses soins. Je laisse
Tradition, Famille, Propriété
seule juge de lâutilisation de mon
don pour cette campagne ou pour la réalisation de ses buts
statuaires
».
En troisiĂšme lieu, il est utile dâanalyser le dispositif de
recueil de fonds, essentiellement par le moyen dâappels aux
dons et aux legs : cloisonnement des campagnes de collecte,
forte centralisation de la conduite des opérations, management
trÚs hiérarchisé des équipes de f
und-raising
.
Le publipostage Ă©tant le moteur essentiel de
lâorganisation, il convient dâen dĂ©crire les principes et
modalités en distinguant quatre phases :
La premiĂšre phase, celle de prospection, consiste Ă
cibler les personnes les plus aptes Ă devenir donateurs dâune
cause déterminée puis à choisir le fichier correspondant le
98
mieux Ă ce ciblage. Il peut ĂȘtre procĂ©dĂ© Ă la recomposition
dâun fichier Ă partir de plusieurs de ceux qui sont dĂ©tenus par
lâune ou lâautre composante du rĂ©seau.
La demande dâargent apparaĂźtra de façon insistante et
répétitive dans le message.
Quelques rĂšgles simples sont suivies de maniĂšre
stricte :
- ne pas ĂȘtre en fin de campagne en dessous dâun seuil
raisonnable de rentabilité
- choisir le fichier le plus adéquat et tirer profit des campagnes
précédentes
- cibler les personnes ayant déjà fait un don dans le passé à la
TFP,
les personnes ayant fait un don Ă un organisme similaire,
les abonnés à des publications de sensibilité voisine, les
donateurs dâĆuvres en gĂ©nĂ©ral.
La deuxiĂšme phase est celle des
« envois au fichier de
la maison »
. Lâexpression tirĂ©e de lâanglais dĂ©signe lâensemble
des personnes ayant dĂ©jĂ versĂ© une contribution financiĂšre Ă
lâorganisation propriĂ©taire du fichier.
Lâexemple suivant permet dâimaginer la rentabilitĂ© de
ce procĂ©dĂ©. Ă partir dâun Ă©chantillon de 1000 personnes dont
les adresses ont été obtenues grùce aux techniques de
prospection dĂ©crites prĂ©cĂ©demment, lâassociation pour laquelle
elles ont déjà contribué financiÚrement leur envoie un appel de
fonds soigneusement préparé. Le rapport coût/bénéfice est trÚs
favorable. Une estimation de la rentabilité de cette technique
suffit pour rĂ©aliser Ă quel point une Ćuvre qui sâengage dans le
publipostage, risque de déraper vers une activité de plus en
plus commerciale. Ce risque est dâautant plus grand que le
style dâaction proposĂ© par des messages comme ceux dâ
Avenir
de la Culture
ou de
Droit de NaĂźtre
nâa pas pour consĂ©quence
le financement dâun projet associatif.
Autrement dit, si les Ćuvres de charitĂ© sont obligĂ©es de
dépenser un fort pourcentage du bénéfice net obtenu dans une
99
opĂ©ration de publipostage dans la rĂ©alisation effective dâun
projet concret (lâenvoi de lâaide humanitaire Ă un pays sinistrĂ©,
la recherche médicale, etc.), dans le cas de campagnes par
correspondance du type
Avenir de la Culture
ou
Droit de
NaĂźtre
, le but de lâopĂ©ration ne va pas au-delĂ de lâenvoi lui-
mĂȘme (une pĂ©tition contre une chaĂźne de tĂ©lĂ©vision, par
exemple, nâentraĂźne aucune autre dĂ©pense, car le but poursuivi
est atteint par la rĂ©ception des signatures dans le mĂȘme
courrier que celui qui contient les dons). Ce genre dâenvoi peut
ĂȘtre postĂ© huit fois par an, avec la mĂȘme espĂ©rance de rĂ©sultat
pour chaque campagne.
La troisiĂšme phase a trait Ă lâutilisation des adresses
par les autres associations membres du réseau. En effet, la
production dâexcĂ©dents de ressources ne sâarrĂȘte pas lĂ . Il est
encore possible dâexploiter ce mĂȘme millier dâadresses pour en
faire sortir de nouveaux bénéfices en créant de nouvelles
associations. Le transfert de sommes recueillies vers un fond
commun se fera par un mécanisme bien rÎdé. De nouveaux
appels de fonds Ă des mĂȘmes personnes, portant un message de
sensibilité voisine à celle du premier message, au nom de
chacune des associations membres du réseau, permettent le
lancement dâune sĂ©rie de nouvelles opĂ©rations rapportant de
nouveaux bĂ©nĂ©fices. Ătant donnĂ© que lâintĂ©rĂȘt potentiel du
public touché pour les causes voisines est moins direct, les
résultats ne seront pas aussi élevés que pour un envoi conçu
spécialement pour le
« fichier de la maison »
, mais resteront
toujours suffisamment significatifs et intéressants
financiĂšrement. Ce genre dâenvoi ne peut ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ© que trois
fois par an, car la motivation pour le message envoyĂ© nâest pas
la mĂȘme que pour les envois spĂ©cifiquement prĂ©parĂ©s pour le
« fichier de la maison ».
Enfin, la quatriĂšme phase concerne la demande de dons
mensuels à domicile. Avec les données obtenues dans les
phases précédentes et grùce à une série de critÚres de sélection
assez complexes, il est possible de dresser une liste de
candidats Ă devenir
« donateurs mensuels »
de chacune des
associations. La demande est personnalisée. Ce sont les
fund
100
raisers
qui en sont chargés à domicile, suite à une prise de
rendez-vous établie par téléphone. Le planning est optimisé
aussi bien au point de vue des horaires que du parcours routier,
grĂące Ă un programme informatique pointu. Chaque
représentant visite une moyenne de quatre personnes par jour.
Lâengagement du donateur mensuel se fait par la signature
dâun accord de prĂ©lĂšvement automatique sur compte bancaire.
Les résultats de cette opération de prélÚvements automatiques
peuvent ĂȘtre estimĂ©s Ă environ 10% du fichier de dĂ©part.
Ă la suite de lâanalyse menĂ©e et de multiples rĂ©unions
du groupe de travail et dâĂ©changes entre la MIVILUDES et
diverses administrations, des actions ont été engagées. Pour sa
part, la MIVILUDES interrogeait en 2005 le ministre de
lâĂconomie, des Finances et de lâIndustrie Ă propos de
mentions portées sur les courriers publipostés, laissant
entendre aux destinataires quâils pouvaient faire usage dâun
reçu fiscal délivré par
TFP
Ă la suite dâun don
; la
MIVILUDES faisait part au ministre de lâimprĂ©cision sur les
buts réels des associations en question et de la mention
« Je
laisse
TFP
seul juge de lâutilisation de mon don pour cette
campagne ou pour la réalisation de ses buts statutaires »
.
Le 14 avril de cette année, le Ministre adresse la
réponse suivante :
« Pour bĂ©nĂ©ficier dâun avantage fiscal, les
dons et versements doivent ĂȘtre effectuĂ©s au profit dâĆuvres ou
dâorganismes dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ayant un caractĂšre
philanthropique, Ă©ducatif, scientifique, social, humanitaire,
sportif familial, culturel ou concourrant Ă la mise en valeur du
patrimoine artistique, Ă la dĂ©fense de lâenvironnement naturel
ou Ă la diffusion de la culture, de la langue et des
connaissances scientifiques françaises. (âŠ) La condition
dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral implique que lâactivitĂ© de lâĆuvre ou de
lâorganisme ne soit pas lucrative, que sa gestion soit
désintéressée et que son fonctionnement ne profite pas à un
nombre restreint de personnes. (âŠ) De plus, le don doit ĂȘtre
effectué à titre gratuit sans contrepartie directe ou indirecte
au profit de son auteur ». Le ministre poursuivait en indiquant
quâ«
au regard de ces considĂ©rants, lâapprĂ©ciation de
101
lâactivitĂ© de lâorganisme est dĂ©terminante » et que « au cas
particulier, lâactivitĂ© de lâassociation qui consiste Ă diffuser
une médaille ne répond à aucun des objets prévus par la loi »
.
En conséquence, les versements effectués au profit de
lâassociation
Tradition, Famille, Propriété
ne peuvent
bĂ©nĂ©ficier de la rĂ©duction dâimpĂŽts prĂ©vue Ă lâarticle 200 du
Code général des impÎts.
Au demeurant, lâactivisme de
TFP
Ă lâĂ©gard de lâĂtat
semble indiquer que les procédures en cours qui appellent
lâaudition de son ou ses dirigeants pourraient mettre en
difficultĂ© lâarchitecture dâensemble.
Il peut enfin ĂȘtre fait rĂ©fĂ©rence aux questions
parlementaires de Mme Claude Darciaux, députée de la CÎte
dâOr et de M. Jean-Claude Lefort, dĂ©putĂ© du Val-de-Marne, et
aux réponses qui leur a été apporté par le ministre de
lâEconomie, des Finances et de lâEconomie
75
.
LâexpĂ©rience acquise dans le traitement de ce dossier
met assurĂ©ment en valeur lâintĂ©rĂȘt du travail pluridisciplinaire
et lâutilitĂ© dâune coordination des moyens de lâĂtat face Ă des
mouvements marquĂ©s par lâopacitĂ© de leur fonctionnement et
lâincertitude sur leurs finalitĂ©s.
75
Voir Annexe n°2 : Activité parlementaire / Questions écrites : Fiscalité.
102
5 - STRATĂGIES DâINFLUENCE MISES EN PLACE
PAR LES MOUVEMENTS SECTAIRES EN 2006
Les conditions de lâinfluence des mouvements sectaires
passent par la mise en place dâune stratĂ©gie visant dâune part Ă
user de tous les moyens Ă leur disposition pour infuser leur
doctrine et leurs messages dans le paysage, dâautre part Ă
affaiblir ceux qui les combattent.
A cet effet, ils utilisent « lâarme juridique » pour
entraver lâaction des administrations, des associations de
dĂ©fense des victimes ou des mĂ©dias qui sâopposent Ă eux,
dĂ©montrant au passage combien lâemploi astucieux de la lettre
de la loi peut en pervertir lâesprit.
Dans un mĂȘme temps et plus subtilement, certains
instrumentalisent habilement lâespace mĂ©diatique pour diffuser
discrÚtement leurs idées, voire pour recruter. Trois événements
récents ici relatés illustrent cette attitude.
Enfin, ils savent dĂ©ployer tout lâarsenal du lobbying,
avec des comportements et des arguments rĂ©currents visant Ă
décrédibiliser ceux qui les dérangent, comme par exemple les
parlementaires qui ont siégé, au deuxiÚme semestre 2006, au
sein de la commission dâenquĂȘte relative Ă lâinfluence des
mouvements à caractÚre sectaire et aux conséquences de leurs
pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.
Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque
chose
âŠ
103
AU
PLAN
JURIDIQUE
Dans les prĂ©cĂ©dents rapports, lâaccent a toujours Ă©tĂ©
mis sur le fait que lâaction de lâĂtat Ă lâĂ©gard des mouvements
sectaires ne pouvait se concevoir que dans un cadre
rigoureusement légal et dans une totale transparence.
Câest un principe Ă©vident en dĂ©mocratie, mais
lâexigence est encore plus forte quand il sâagit pour lâAutoritĂ©
Publique de pointer des agissements contraires aux droits de
lâhomme ou Ă la dignitĂ© des personnes.
La fin ne saurait jamais justifier les moyens. Ces
libertés, ces garanties citoyennes, chÚrement acquises ou
reconquises lorsquâelles Ă©taient bafouĂ©es, doivent non
seulement ĂȘtre prĂ©servĂ©es, mais depuis deux dĂ©cennies, pour
répondre à une attente toujours plus forte de nos concitoyens,
plusieurs textes de nature législative ou réglementaire sont
venus renforcer lâobligation de transparence de la puissance
publique.
Ces mesures positives ont une contrepartie quâil faut
savoir accepter : câest la porte quâelles peuvent ouvrir Ă toutes
sortes de manĆuvres de la part dâorganisations ou de
personnes conscientes de lâintĂ©rĂȘt que peut revĂȘtir lâemploi de
« lâarme juridique » dans leur combat contre lâautoritĂ© de
lâĂtat. Ă la limite, peu importe de gagner, lâessentiel est de se
poser en victime dâune rĂ©pression sauvage, de paralyser
lâaction des services, de gagner du temps.
A - les demandes faites au titre de lâaccĂšs aux documents
administratifs (CADA)
Lâun des chantiers de la rĂ©forme de lâĂtat a consistĂ© en
un renforcement de la transparence des procédures et de
lâexĂ©cution des actes de lâadministration. Le principe directeur
est que lâadministration nâa pas de secret pour le citoyen : ce
dernier a un vĂ©ritable droit Ă lâinformation sur lâactivitĂ© de
104
lâadministration, sans condition de nationalitĂ© et sans besoin
de justifier dâun intĂ©rĂȘt Ă agir.
Le droit positif pose le principe de la communicabilité
Sont communicables, quelque soit leur support, les
dossiers, rapports, Ă©tudes, comptes rendus, procĂšs-verbaux,
statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et
réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et
dĂ©cisions Ă©laborĂ©s ou dĂ©tenus par lâĂtat, les collectivitĂ©s
territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public
ou les personnes de droit privĂ© chargĂ©es de la gestion dâun
service public.
Ÿ
Les actes exclus de cette obligation de communication
Dans les cas qui nous concernent, ne sont pas
communicables :
- les documents préparatoires à une décision administrative
tant quâelle est en cours,
- les documents faisant lâobjet dâune diffusion publique,
- les documents non administratifs comme les demandes de
renseignement ou demandes de motivation,
- les documents lorsque les demandes sont abusives, en
particulier par leur nombre, leur caractÚre répétitif ou
systématique,
- les documents dont la divulgation serait de nature Ă porter
atteinte Ă la sĂ»retĂ© de lâĂtat, la sĂ©curitĂ© publique ou Ă la
sécurité des personnes,
- les documents dont la divulgation porterait atteinte au
déroulement des procédures engagées devant les juridictions,
ou aux opérations préliminaires à de telles procédures sauf
autorisation donnĂ©e par lâautoritĂ© compĂ©tente.
Ÿ
Ne sont communicables quâĂ lâintĂ©ressĂ© les documents
administratifs
- dont la communication porterait atteinte au secret de la vie
privée, ainsi que les dossiers personnels,
105
- portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une
personne physique nommément désignée ou facilement
identifiable,
- faisant apparaĂźtre le comportement dâune personne dĂšs lors
que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter
préjudice.
Mais on se trouve confronté à un vrai problÚme quand
ces lois protectrices des droits des citoyens sont utilisées de
façon abusive par des associations ou des particuliers liés à des
mouvements sectaires.
Les raisons de ces demandes
Il faut bien comprendre que le but de ces demandes
nâest pas la dĂ©fense dâun droit individuel mais bien la mise en
difficultĂ© des administrations ou associations dont lâobjectif
est de lutter contre les dérives des mouvements sectaires. Le
but rĂ©el de ceux-ci est de ralentir lâaction mise en place par
lâĂtat et dâimpressionner ceux qui veulent prĂ©venir ou
dénoncer les atteintes aux libertés.
La multiplication des demandes vise Ă permettre aux
mouvements sectaires de savoir de quels documents les
concernant disposent les administrations, mais aussi dâaccĂ©der
aux documents administratifs relatifs aux associations de
dĂ©fense des familles contre les dĂ©rives sectaires ainsi quâĂ
leurs relations avec les services de lâĂtat (subventions
allouĂ©es, courriers Ă©changĂ©s âŠ).
Cela permet aux mouvements sectaires, en fait
quasi
exclusivement la
Scientologie
, ses filiales et ses adeptes, de
connaĂźtre les objectifs et les moyens mis en Ćuvre par les
autorités administratives dans le domaine de la lutte contre les
dérives sectaires.
Cette transparence imposée par les textes aux services
de lâĂtat prĂ©sente des risques pour lâexercice mĂȘme de la
106
vigilance et la lutte contre les dérives sectaires ; ce faisant, le
risque qui en découle est de porter gravement atteinte à la
sĂ©curitĂ© de lâaction de lâĂtat, mais aussi Ă la sĂ©curitĂ© des
personnes.
Il nâest pas aisĂ© pour une administration de savoir si
dâautres services de lâĂtat ont reçus la mĂȘme demande, ce qui
pourrait caractériser la « demande abusive ». En outre, celle-ci
dĂ©stabilise parfois matĂ©riellement lâorganisation des services
administratifs par lâimportance des recherches qui doivent ĂȘtre
entreprises, parfois par diffĂ©rents ministĂšres, sur la mĂȘme
demande. Dans le cadre de la mise en Ćuvre de la LOLF, une
Ă©tude du rapport coĂ»t/intĂ©rĂȘt objectif pourrait utilement ĂȘtre
effectuée.
Les difficultĂ©s dâapplication relatives aux demandes
dâassociations ou de particuliers liĂ©s Ă des mouvements sectaires
Ÿ
Lâanalyse des demandes adressĂ©es aux administrations
courant 2006
Lâexamen des quarante demandes adressĂ©es aux
différents ministÚres au titre de la CADA (dont neuf à la
MIVILUDES) montre que, souvent, les mĂȘmes personnes
privĂ©es ou les mĂȘmes associations, souvent liĂ©es Ă la
Scientologie,
ont utilisĂ© ces textes pour tenter dâobtenir des
documents sur les Ă©changes de courriers entre les ministĂšres,
ou entre les associations de défense des familles et les
administrations, et entre ces mĂȘmes associations et la
MIVILUDES.
Il a été ainsi observé des demandes multiples à la
MIVILUDES ou Ă divers ministĂšres, de diverses filiales de la
Scientologie
comme
« Ăthique et libertĂ© »
,
« Non à la drogue,
oui à la vie »
,
« le Comité français des scientologues contre la
discrimination »
ou de particuliers adeptes identifiés par leur
site internet vantant le bonheur dâĂȘtre scientologue.
107
Pour lâannĂ©e Ă©coulĂ©e, les demandes portent
principalement sur les aspects budgétaires : budget de la
MIVILUDES, subventions versées aux associations de défense
des familles, frais de dĂ©placements Ă lâĂ©tranger de la
MIVILUDES, courriers échangés entre les associations de
dĂ©fense des familles (principalement lâUNADFI et le CCMM)
et les ministĂšres ou la MIVILUDES.
Ÿ
Cas particulier des Ă©tablissements hospitaliers psychiatriques
Câest essentiellement lâassociation filiale de la
Scientologie,
la
Commission des citoyens pour les droits de
lâhomme,
qui sollicite les registres des visites dâinternements
psychiatriques, le rÚglement intérieur des Centres hospitaliers
spĂ©cialisĂ©s (CHS), les demandes dâhabilitations prĂ©fectorales,
le budget et les comptes financiers des Ă©tablissements.
Le double danger dans ce domaine précis est de
communiquer les identitĂ©s des personnels des CHS, qui sâen
trouvent ainsi fragilisés, mais aussi des personnes prises en
charge dans ces hÎpitaux, qui sont, par leur fragilité initiale,
des cibles idéales pour les mouvements sectaires, et cela, de
surcroßt, au mépris du secret médical.
Les effets pervers sur lâaction de lâĂtat
Sur le plan collectif
Le principal risque est la communication aux
associations sectaires de la ligne dâaction des services de lâĂtat
et de leur fournir ainsi les arguments « sur mesure », en
réponse aux médias ou devant les tribunaux. La conséquence
la plus grave est bien de vider lâaction des administrations de
son sens en la rendant inefficace, et ce nâest pas un hasard.
A titre dâexemple, la
Coordination des associations et
particuliers pour la liberté de conscience (CAPLC)
a mis en
place des blogs sur la critique de lâUNADFI et de la
108
MIVILUDES, contenant toutes les informations notamment
budgĂ©taires obtenues au titre de lâaccĂšs aux documents
administratifs.
Sur le plan individuel
Câest la stigmatisation dans les organes de
communication des mouvements sectaires dans un but
dâintimidation des personnes dont le nom figure sur les
documents administratifs communiqués.
Cette « guerre dâusure » est encore plus difficile Ă gĂ©rer
pour les victimes des sectes et leurs familles ainsi que pour les
associations qui les soutiennent, car elles ont parfois Ă subir
des procédures judiciaires coûteuses.
B - Les actions judiciaires Ă lâencontre des associations de
défense des victimes
Au début des années 90, la
Scientologie
aurait
orchestrĂ© le dĂ©pĂŽt dâune quarantaine de poursuites en justice
contre le C.A.N., (Cult Awareness Network), centre
dâinformation sur les sectes, basĂ© Ă Chicago. En 1995, le
C.A.N. était condamné sur une plainte de Jason Scott, lui-
mĂȘme conseillĂ© par la
Scientologie
, Ă verser des dommages et
intĂ©rĂȘts trĂšs importants. Le C.A.N. fut dĂ©clarĂ© en faillite. La
Scientologie
en a pris alors le contrĂŽle et sâest emparĂ© du fond
documentaire, du fichier des membres et de la ligne
téléphonique
76
. En 1997, la Cour suprĂȘme de lâIllinois
dĂ©clarait que ce jugement Ă©tait la consĂ©quence dâune
conspiration
77
.
Cette conclusion dramatique ne pourrait pas, sans doute
pour lâheure, arriver en France, mais il ne faut pas pour autant
76
Kent StĂ©phan, dĂ©partement de sociologie de lâUniversitĂ© dâAlberta
(Canada).
77
Bulles
n°91, p.6, 3
Ăšme
trimestre 2006.
109
sous-estimer les capacités de nuisance que constituent les
actions judiciaires sur le fondement de la diffamation le plus
souvent, et intentĂ©es par les mouvements sectaires Ă lâencontre
des associations de dĂ©fense des familles ou dâun de leurs
membres ayant produit un Ă©crit.
Ÿ
Des actions sont menĂ©es Ă lâencontre des associations de
défense des victimes par les principaux mouvements sectaires
M. BĂ©court, porte parole de la
Coordination des
associations et particuliers pour la liberté de conscience
(CAPLC),
ainsi que MM. Raoust et Dubreuil,
ont assigné
lâADFI du Nord et lâUNADFI aux fins de dissolution de ces
deux associations, jugées par eux comme poursuivant des buts
et activités illicites. Par jugement du 13 décembre 2005, le
Tribunal de grande instance de Paris, aprĂšs avoir affirmĂ© quâil
ne saurait ĂȘtre sĂ©rieusement soutenu que lesdites associations
ont un objet contraire aux lois de la République, déclare mal
fondées toutes ces demandes, et, constatant la mauvaise foi des
demandeurs, alloue des dommages intĂ©rĂȘts Ă lâADFI du Nord-
Pas-de-Calais et Ă lâUNADFI.
Cette dĂ©cision est Ă rapprocher de lâarrĂȘtĂ© du 22
novembre 2005 du ministre de lâIntĂ©rieur reconnaissant
lâUNADFI, association dâutilitĂ© publique.
De la mĂȘme façon, le Tribunal de grande instance
dâĂvreux a relaxĂ© le 26 octobre 2006, Mme Catherine Picard,
prĂ©sidente de lâUNADFI, qui Ă©tait poursuivie pour diffamation
Ă lâĂ©gard des
TĂ©moins de JĂ©hovah
. Selon son avocat, M
e
Bosselut,
« cette procédure engagée par les
TĂ©moins de
JĂ©hovah
sâinscrivait en rĂ©alitĂ© dans une action globale et
systĂ©matique de guĂ©rilla permanente quâils mĂšnent contre les
actions des associations de victimes de sectes, comme
lâUNADFI »
78
.
78
AFP
â HH52, 26 octobre 2006.
110
Les ADFI locales sont Ă©galement mises en cause. Tel
est le cas de la prĂ©sidente de lâADFI Savoie-IsĂšre qui a Ă©tĂ©
assignée en diffamation par la
Fraternité Blanche Universelle
.
De la mĂȘme maniĂšre, M. Didier Pachoud est assignĂ© en
diffamation à deux reprises, es-qualité de président du
GEMPPI
79
, en novembre et décembre 2006. Cela a été le cas
Ă©galement pour MM. Mathieu Cossu et Roger Gonnet qui
animent des sites internet dont lâefficacitĂ© nâest plus Ă
démontrer et qui ont eu à subir de nombreuses procédures et
les frais en résultant.
La
Coordination des associations et particuliers pour
la liberté de conscience (CAPLC)
a également assigné le
prĂ©sident du Centre de documentation, dâĂ©ducation et dâaction
contre les manipulations mentales (CCMM-Centre Roger Ikor)
en diffamation pour des propos rapportés sur le site internet du
CCMM.
Ÿ
Des actions individuelles sont également intentées contre
les acteurs de la lutte contre les dérives sectaires
M. Claude Vorilhon, prĂ©sident de lâassociation
Religion Raélienne Internationale,
a assigné en diffamation
notamment M. Xavier Martin-Dupont pour la diffusion sur son
portail internet
www.zelohim.org
de lâĂ©mission
Spécial secte
diffusée par la chaßne de télévision
M6,
le 10 avril 2005.
Le 8 novembre 2006, la 11
Ăšme
chambre de la Cour
dâappel de Paris a confirmĂ© le jugement du 14 mars 2005 qui,
notamment, dĂ©clarait lâaction de M. Claude Vorilhon
irrecevable car prescrite.
Mmes Catherine Picard et Anne Fournier, auteurs de
Sectes, démocratie et mondialisation
paru en 2002 aux Presses
79
Groupe dâĂ©tude des mouvements de pensĂ©e en vue de la prĂ©vention de
lâindividu.
111
universitaires de France, ont été assignées en diffamation par
lâassociation
Ordre de la rose croix AMORC
. Une premiĂšre
décision du Tribunal correctionnel de Paris rendue le 7 avril
2004, déboute
lâOrdre de la rose croix AMORC
de toutes ses
demandes. Un arrĂȘt de la Cour dâappel du 22 mars 2006
confirme ce jugement aux motifs
«
que lâouvrage des
dĂ©fenderesses sâappuie sur un rapport parlementaire paru en
juin 1999 intitulé
Les sectes et lâargent
⊠; que ce rapport
parlementaire, le troisiĂšme en date, mentionne lâassociation
AMORC comme un mouvement sectaire en indiquant les
raisons lâayant conduit Ă lâinclure dans la liste des nouvelles
organisations retenues (p.20), la plaçant mĂȘme parmi les
grandes sectes au vu de son poids financier, (p.164), note la
similitude de ses structures avec celles dâautres mouvements
sectaires (p.28 et 29), la cite Ă de nombreuses reprises et
relĂšve que cette association a fait lâobjet de nombreux
redressements fiscaux ; que les dĂ©fenderesses qui sâintĂ©ressent
depuis longtemps au phĂ©nomĂšne sectaire (âŠ) produisent de
nombreuses piĂšces sur le fonctionnement de lâassociation qui
rĂ©vĂšlent un fonctionnement opaque de lâorganisation et le
caractĂšre Ă©litiste de ses thĂšses (âŠ) ; quâau vu des Ă©lĂ©ments
dâenquĂȘte quâelles avaient recueillis, de leur travail qui est le
résultat de nombreux recoupements, et alors que leur ouvrage
était destiné à porter à la connaissance du public les travaux
dâune commission dâenquĂȘte parlementaire, qui reste trop
souvent Ă la seule disposition dâun cercle dâinitiĂ©s, les auteurs
ont fait preuve dâune suffisante prudence dans lâexpression et
nâont pas dĂ©passĂ© les limites admissibles de la libertĂ©
dâexpression garantie par lâarticle 10 de la Cour europĂ©enne
des droits de lâhomme »
. Cette dĂ©cision est frappĂ©e dâun
pourvoi en cassation.
Quâelles aboutissent ou non, ces actions sont positives
pour les mouvements sectaires. En effet, pour les individus et
les associations visĂ©s, ces actions entraĂźnent des frais dâavocat
et, donc, lâutilisation de moyens financiers, non pour informer
ou lutter contre les dérives commises par les mouvements
sectaires, mais pour se défendre contre des attaques, sans
fondement juridique la plupart du temps.
112
La mĂȘme analyse vaut Ă©galement pour le temps et
lâĂ©nergie consacrĂ©s Ă se dĂ©fendre, qui sont autant de manques
pour la défense des victimes des dérives sectaires et la lutte
contre ces derniĂšres.
Enfin, ces mouvements instrumentalisent la justice et
profitent du projecteur braqué sur certaines affaires pour se
poser en victimes et sâen faire un tremplin mĂ©diatique.
C â De lâutilisation du droit de rĂ©ponse dans la presse
La pratique sectaire repose sur une adaptation
permanente de la réalité aux impératifs du gourou ou de
lâorganisation. Le travestissement des faits constitue donc la
seconde nature des mouvements sectaires. Leurs relations avec
les mĂ©dias, dont la raison dâĂȘtre (lâinformation du public) et la
déontologie (une information objective et recoupée)
impliquent quâils soient toujours en quĂȘte de la vĂ©ritĂ©, ne
peuvent revĂȘtir quâun caractĂšre difficile, voire conflictuel.
Ă cette fĂącheuse rĂ©putation quâont ces mouvements de
nier en permanence mĂȘme les Ă©vidences sâajoute leur
propension à brandir la procédure ou la menace de procédure
comme une Ă©pĂ©e de DamoclĂšs, dĂšs lors quâun journaliste
sâintĂ©resse Ă eux.
Afin de faire le point sur cette question de lâattitude
agressive et procéduriÚre des mouvements à caractÚre sectaire
Ă lâĂ©gard de la presse, la MIVILUDES a interrogĂ© les services
juridiques de quelques médias nationaux de la presse écrite ou
audiovisuelle. Tous nâont pas rĂ©pondu mais les rĂ©ponses
obtenues quant Ă la nature et au nombre de litiges engagĂ©s Ă
leur encontre par les mouvements sectaires ou par leurs
responsables, depuis quelques années, ont permis de dégager
certaines tendances sur la question.
113
- Depuis dix ans, époque à laquelle les médias se sont
intéressés au sujet sectaire, aprÚs la publication du premier
rapport parlementaire, le nombre de procĂšs en diffamation et
de demandes de référés en ce qui concerne strictement
lâaudiovisuel semble avoir diminuĂ©. Une premiĂšre raison
réside certainement dans le fait que les mouvements,
davantage préoccupés par leur image que dans le passé, sont
soucieux de ne plus apparaĂźtre comme des « empĂȘcheurs de
tourner en rond », adoptant dÚs lors une attitude moins
agressive, donc moins procéduriÚre. Un second fait à prendre
en compte est la prudence des mĂ©dias, plus forte quâil y a dix
ans, certains ayant été échaudés par les attaques dont ils
avaient fait lâobjet, dâoĂč une vigilance toute particuliĂšre des
responsables de services juridiques qui anticipent au maximum
le risque de procédure en analysant minutieusement les articles
ou les reportages avant toute publication ou diffusion,
suggérant au besoin quelques aménagements.
- En contrepartie, les mĂȘmes mouvements ont expĂ©rimentĂ© une
autre voie, moins coûteuse pour eux et tout aussi efficace,
sinon plus, en termes de communication. Il sâagit du recours
de plus en plus systématique au droit de réponse. «
Le droit de
réponse du
[nom du mouvement]
lui permet de trouver ici,
bien malgrĂ© nous, une tribune âŠ
», notait le journaliste dâun
grand hebdomadaire, commentant ainsi le texte publié par le
mouvement quâil avait critiquĂ© dans un dossier « spĂ©cial
sectes ». Certains mouvements usent effectivement de ce droit
comme dâune vĂ©ritable tribune pour exposer largement leur
philosophie ou leur doctrine, leurs propos dépassant alors le
strict cadre juridique requis de la rĂ©ponse Ă lâarticle ou au
commentaire incriminés. Il arrive aussi que certaines
publications qui nâont pas toujours les moyens de risquer une
procédure, celles de la presse spécialisée notamment,
pratiquent lâautocensure. Dans ce cas, soit elles Ă©vitent de citer
les mouvements, soit elles abandonnent tout Ă fait lâangle dâun
sujet dont elles savent quâil risque dâĂȘtre contestĂ©. Des
journalistes interrogent assez souvent le service de presse de la
MIVILUDES pour rechercher la formule ou les références qui
leur épargneront des désagréments.
114
- Cela Ă©tant, nombreux sont les responsables de services
juridiques qui, refusant de céder aux menaces, récusent
systématiquement le droit de réponse demandé, prenant
dĂ©libĂ©rĂ©ment le risque dâaller devant les tribunaux. Cette
attitude est guidĂ©e dâune part, par la conscience de dĂ©fendre le
droit Ă lâinformation dont il est bien Ă©vident que des
mouvements aux doctrines totalisantes ne se soucient
nullement, et dâautre part, par une apprĂ©ciation du risque de
procĂ©dure qui nâapparaĂźt pas toujours comme Ă©tabli, dans la
mesure oĂč nombreuses sont les demandes qui ne respectent
pas les conditions juridiques requises pour ĂȘtre validĂ©es par les
tribunaux.
On constate donc que les médias, dans la mission
dâinformation qui est la leur, nâont pas une tĂąche aisĂ©e. Ou ils
ne parlent pas du phénomÚne et ils ne remplissent pas leur
mission de sensibilisation, alors quâils nâont aucune intention
de couvrir des agissements attentatoires aux libertĂ©s quâils
souhaitent, au contraire, manifestement faire connaĂźtre au
public. Ou bien, ils accomplissent leur travail et dans ce cas, si
le propos est plus nuancĂ© quâils ne le souhaitent, ou sâil aboutit
à accorder une tribune au titre du droit de réponse, ils se
trouvent instrumentalisés en participant, à leur corps
dĂ©fendant, au prosĂ©lytisme du groupe en question. Enfin, sâils
attaquent Ă©tendard au vent, ils encourent des poursuites et des
condamnations qui constituent un risque incompatible avec les
Ă©quilibres Ă©conomiques prĂ©caires qui prĂ©valent aujourdâhui
dans la presse.
Tout cela, les mouvements sectaires le savent. Ils en
usent et en abusent, car leurs valeurs ne sont pas celles que
défend une presse libre dans un pays démocratique.
115
AU
PLAN
MĂDIATIQUE
Lâannonce spectaculaire de la naissance dâun bĂ©bĂ©
cloné
80
par les
Raéliens
Ă la veille de NoĂ«l 2002, lâachat dâune
pleine page dans
France Soir
en 2000
81
pour demander la
dissolution de la MILS, la présence insistante, devant les
caméras de
CNN
et des télévisions du monde entier, de
quelques « gilets jaunes » des ministres volontaires de la
Scientologie
sur les sites ravagés par le tsunami en 2005
82
,
constituent quelques exemples, parmi dâautres et notamment
ceux rapportĂ©s dans les dĂ©veloppements ci-aprĂšs, de lâaptitude
des mouvements sectaires et de leurs amis Ă exploiter Ă leur
profit, voire à instrumentaliser les médias pourtant
généralement peu complaisants à leur égard.
Ils en administrent Ă nouveau la preuve Ă trois reprises
en 2006 : à la télévision
via
une publicité et dans la presse
Ă©crite, Ă travers le courrier des lecteurs ou les petites annonces.
En y regardant plus attentivement, ces trois opérations sont le
fait dâune association ou dâindividus isolĂ©s qui ne servent au
final quâun seul mouvement :
la Scientologie
. Une fois encore,
cette organisation dont les moyens sont sans commune mesure
avec ceux de ses concurrents ou alliĂ©s, sâillustre donc par son
savoir-faire, jouant de toutes les ambiguïtés, afin de leurrer un
public non averti. Peu importe si cette pratique persistante,
maintes fois dénoncée au fil des années, se retourne parfois
contre elle, le but semble atteint dÚs lors que sa présence dans
le paysage se trouve ainsi banalisée.
80
La naissance nâa jamais Ă©tĂ© prouvĂ©e depuis cette date.
81
« Lettre ouverte au prĂ©sident de la RĂ©publique », Ă lâinitiative de
lâOmnium des LibertĂ©s
in
France Soir,
20 avril 2000. La diffusion de cette
publicité avait été finalement suspendue, aprÚs réprobation unanime de la
rédaction.
82
MIVILUDES, Rapport 2005 in
« Humanitaire et dérives sectaires »
,
Documentation française, pp. 71-80.
116
Quand la Scientologie sâinvite Ă la tĂ©lĂ©vision
Surfer sur de grandes causes pour gagner en
respectabilité
83
tout en leurrant parfois les partenaires ou les
cibles potentiels, le temps quâils se fassent piĂ©ger, câest le
registre sur lequel sâinscrit lâhistoire suivante qui met en scĂšne,
une fois de plus, la
Scientologie
, coutumiĂšre du fait.
Le 18 avril 2006, le Conseil supĂ©rieur de lâaudiovisuel
(CSA)
84
publiait sur son site internet une alerte aux médias
« au sujet de messages provenant de lâ
Ăglise de Scientologie
».
Cette décision faisait suite à un courrier que lui avait adressé la
MIVILUDES le 22 fĂ©vrier pour lâinformer de la diffusion, sur
une chaĂźne de tĂ©lĂ©vision locale, dâun clip Ă©manant dâune
officine scientologue, lâ
Association internationale des jeunes
pour les droits de lâhomme
, dont le nom est, Ă lui seul, dĂ©jĂ
susceptible dâinduire en erreur le plus mĂ©fiant des destinataires
des messages.
La chaßne en question avait reçu par la poste un DVD
qui présentait trois clips mettant en scÚne des enfants sur les
thĂšmes de la dĂ©claration universelle des droits de lâHomme, de
la discrimination raciale, et de la liberté de pensée et
dâexpression. Cet envoi sâaccompagnait dâune lettre dans
laquelle la reprĂ©sentante française de lâ
Association
internationale des jeunes pour les droits de lâhomme
reliait
cette initiative Ă des cĂ©lĂ©brations Ă venir, la JournĂ©e de lâenfant
organisĂ©e par lâUNICEF et la JournĂ©e internationale des droits
de lâHomme. Elle proposait la diffusion gratuite des messages.
Un contenu honorable, techniquement sans reproche, au
service dâune grande cause. AprĂšs visionnage, la ChaĂźne
dĂ©cidait de les diffuser, ignorant le lien entre lâassociation en
question et la
Scientologie
. Le directeur de la chaĂźne confessait
plus tard Ă la presse locale :
« câest un pĂ©chĂ© de jeunesse. DĂšs
83
MIVILUDES, Rapport 2005 in
« Humanitaire et dérives sectaires »
,
Documentation française, pp. 71-80.
84
www.csa.fr/actualite/decisions
117
quâon lâa su, on a alertĂ© les autres chaĂźnes en France »
85
.
Quelques dizaines de DVD auraient Ă©tĂ© envoyĂ©s sans que lâon
en connaisse le nombre exact ni les destinataires. Selon des
informations recoupées, deux chaßnes au moins se sont fait
piéger.
AlertĂ©s par leurs confrĂšres et aprĂšs avoir pris lâattache
du CSA et de la MIVILUDES, les journalistes des rédactions
des grandes chaßnes nationales de télévision se sont emparés
du sujet. Lâun dâentre eux, qui sâĂ©tait procurĂ© la lettre et le
DVD adressĂ©s Ă son confrĂšre, constatait, preuves Ă lâappui,
lâabsence de toute mention concernant la
Scientologie
sur ces
documents. Il prenait alors en flagrant délit de mensonge
grossier lâun des responsables français de la
Scientologie
,
ignorant la capacitĂ© quâavait le reporter de faire une
comparaison facile. En effet, ce scientologue prétendait avec
force devant les caméras que la référence à la
Scientologie
figurait en bonne place sur les piÚces, présentant
ostensiblement des supports de mĂȘme type que ceux
incriminĂ©s, bien marquĂ©s mais qui, bien entendu, nâĂ©taient pas
identiques à ceux reçus antérieurement par les chaßnes locales,
lesquelles, dans ce cas là , ne se seraient pas laissé piéger.
Dans le mĂȘme temps, un communiquĂ© de lâorganisation
dénonçait la démarche de la MIVILUDES auprÚs du CSA
comme une obstruction Ă
« la libertĂ© dâexpression des groupes
religieux et spirituels minoritaires en France »
86
, déplaçant
comme à son habitude le débat sur le terrain de la liberté
religieuse, sans aucun lien avec lâaffaire prĂ©sente.
Lâ
Association internationale des jeunes pour les droits
de lâHomme
a été fondée en 2001 à " «
en coordination avec le
dĂ©partement des droits de lâHomme de lâ
Ăglise de
Scientologie internationale
».
Elle sâest par ailleurs fait
connaßtre en France en 2005 avec la création de deux clubs de
jeunes dans les 17
Ăšme
et 12
Ăšme
arrondissements de Paris et le
85
« La lettre à Lulu », avril 2006.
86
Communiqué du 21 avril 2006.
118
lancement dâune pĂ©tition au PrĂ©sident de la RĂ©publique en
faveur de lâapplication de la DĂ©claration universelle des droits
de lâHomme en France, et de son enseignement dans les
Ă©coles.
La Ligue des droits de l'Homme française rĂ©agissait Ă
cette campagne dans un communiqué du 7 juillet 2006
rappelant que
« la liberté d'expression qui (prévaut) dans ce
pays implique que mĂȘme la Scientologie puisse s'approprier le
thÚme des droits de l'Homme en direction des jeunes »
, mais
qu'elle entendait
« simplement souligner qu'il ne suffit pas de
faire référence aux droits de l'Homme pour les défendre dans
la réalité »
.
Pour conclure, on notera que cette incursion dans
lâaudiovisuel ne constitue pas une premiĂšre pour la
Scientologie
. Serge Faubert en narre les premiĂšres tentatives
dans le livre «
Une secte contre la RĂ©publique
»
87
.
En 1987, une publicité sur
RTL
pour le livre de Ron
Hubbard, «
La
Dianétique
», amÚne des auditeurs à saisir le
Bureau de vérification de la publicité » (BVP), lequel précise
alors dans son bulletin de juin 1987 : «
(âŠ) Ces messages, en
majorité, ne visent pas à recruter directement des adeptes,
mais proposent des produits comme des livres, des revues,
etc., vendus Ă lâinstigation de la secte elle-mĂȘme. Il nây a
pratiquement jamais de problÚmes quant à la conformité de
leur rĂ©daction aux dispositions lĂ©gales ou dĂ©ontologiques (âŠ)
Dans ces conditions, il est fort difficile de trouver un motif de
sâopposer Ă la diffusion de ces publicitĂ©s ⊠Cependant, il est
du devoir du BVP dâinformer ses adhĂ©rents de ce que ces
messages sont le fait de sectes, au cas oĂč ils ne lâauraient pas
soupçonnĂ© et de leur rappeler quâils peuvent toujours refuser
des messages quâils estimeraient ne pas convenir Ă leur
audience
»
88
. LâannĂ©e suivante,
Radio Nostalgie
commence Ă
87
Ed. Calmann-LĂ©vy, 1993.
88
Serge Faubert ajoute une information éclairante sur les velléités
dâinfiltration de la
Scientologie
: «
En 1989 et 1990, le BVP comptera
119
diffuser une série radiophonique intitulée
« La vie
extraordinaire de Ron Hubbard
», avec jeu-concours sur la
dianétique
, avant de la suspendre sous la pression des
protestations de nombreux auditeurs.
Quand la Scientologie sâinvite au « Courrier des Lecteurs »
En mai 2004, sous le titre
« La
Scientologie
⊠à la
lettre »
, lâhebdomadaire
La Vie
révélait une pratique habituelle
du mouvement qui consiste à utiliser la rubrique du « Courrier
des Lecteurs » des grands journaux, hebdos ou quotidiens,
pour diffuser insidieusement ses idées. Le magazine avait alors
reçu, par erreur, un courriel interne adressé par le responsable
du
Comité français des scientologues contre la discrimination
(CFSD) Ă certains de ses membres. Celui-ci se plaignait de la
chute du nombre des publications dans les médias et dressait
un « hit parade » des bons et des mauvais élÚves en fonction
du nombre des lettres publiées, se glorifiant au passage comme
Ă©tant lâĂ©lĂšve le plus performant. Il rappelait combien ces
courriers qui véhiculent les « lignes » scientologues étaient
importants.
Dans le mĂȘme temps, dans une publication interne de
lâ
Association spirituelle de la Scientologie dâIle-de-France
, ce
mĂȘme responsable annonçait quâen 2003, sur 6.783 lettres
adressées aux médias, soixante-trois avaient été publiées
« dans des journaux de toutes couleurs politiques allant de
lâHumanitĂ©
au
Figaro
». Plus loin, on pouvait lire que leur
nombre avait été
« multiplié par 4,5 »
par rapport Ă lâannĂ©e
précédente et que
« lâannĂ©e 2004 (sâannonçait) encore plus
grandiose »
.
cependant parmi ses membres la maison dâĂ©dition scientologue New Era
au titre de régie publicitaire. La tonalité par trop scientologue de ses
argumentaires entraĂźnera son Ă©viction par la suite
».
120
La MIVILUDES a voulu vérifier si cette pratique
perdurait avec quelque succÚs ou si, au contraire, sa révélation
médiatique en 2004 lui avait porté le coup de grùce. Pour ce
faire, dâoctobre 2005 Ă la mi-novembre 2006, les rubriques
« Courrier des Lecteurs » des principaux quotidiens et
hebdomadaires nationaux ont fait lâobjet dâun examen attentif.
Rapidement une conclusion sâimpose : tout comme en
2003, la « ligne scientologue » continue de sâimmiscer avec
succÚs dans la rubrique « Courrier des Lecteurs ».
Soixante-trois lettres étaient publiées en 2003. Une
soixantaine ont été repérées en 2006 dans la presse nationale.
Ce chiffre est probablement largement inférieur à la réalité
dans la mesure oĂč lâenquĂȘte de la MIVILUDES sâapparente
davantage Ă une Ă©tude rapide quâĂ une analyse exhaustive. Si
attentive que fĂ»t la vigilance, elle nâa pas la prĂ©tention dâavoir
Ă©tĂ© sans faille puisquâelle nâa portĂ© que sur quelques titres et
que la presse régionale, dont on sait que certains titres
reçoivent eux aussi la prose scientologue, nâa fait lâobjet
dâaucune vĂ©rification. On doit souligner que ce rĂ©sultat est
dâautant plus performant que, lorsquâon le rapporte Ă la faible
proportion de lâespace habituellement rĂ©servĂ© Ă la rubrique du
« Courrier des Lecteurs » dans les quotidiens dont il est
question, la
Scientologie
a réussi une percée significative et
réussit à traduire une « pseudo opinion publique » totalement
déformée.
Le nombre des publications nâa donc pas faibli et le
responsable du CFSD peut ĂȘtre satisfait. Mais aurait-il renoncĂ©
à rester le « meilleur élÚve » de la classe ? En effet, depuis la
pĂ©riode oĂč la presse lâa dĂ©signĂ© nommĂ©ment comme leader
dans ce domaine, son nom nâapparaĂźt plus au nombre de la
douzaine de signataires concernĂ©s ; mais lâusage dâun pseudo
nâest pas rĂ©servĂ© aux acadĂ©miciens ...
Les caractéristiques de ces lettres déjà relevées par
La
Vie
demeurent, tant en ce qui concerne la nature de leur
contenu que le choix des publications les hébergeant :
121
1 - Leurs signataires ne se réclament jamais de la
Scientologie
: sur une soixantaine de courriers repérés, un seul
dénote, citant les mérites de
« Criminon »
, programme
scientologue de rĂ©habilitation des prisonniers. Pour lâanecdote,
on est loin du panĂ©gyrique contenu dans la longue lettre dâun
Français vivant au Danemark («
centre nerveux
» de la
Scientologie
en Europe), publiée dans
France Soir,
le 19 août
2002. Ce courrier vantait le succÚs de la méthode de
désintoxication des drogués prÎnée par Ron Hubbard,
fondateur de la
Scientologie
. Il nâest pas certain, aujourdâhui,
quâun nombre aussi Ă©levĂ© de courriers fussent publiĂ©s si leurs
auteurs affichaient Ă chaque fois ouvertement leur casquette
scientologue.
2 - Elles portent sur les sujets de prédilection du mouvement,
que lâon peut regrouper sous les thĂ©matiques suivantes (par
ordre décroissant selon leur fréquence) :
. condamnation des psychiatres et des psychologues,
. méfaits des psychotropes et de la drogue,
. réhabilitation des prisonniers, condition pénitentiaire,
. droits de lâhomme (libertĂ© de religion, libertĂ© de la presse,
droits du justiciableâŠ),
. sujets divers : laïcité, accÚs aux documents administratifs,
critique des hommes politiques, etc.
3 - Si la moitié des lettres environ entre dans les deux
premiÚres thématiques, le propos est amené néanmoins en
« surfant » sur lâactualitĂ© : la mĂ©thode de lecture globale, les
dispositions du projet de loi sur la dĂ©linquance visant Ă
détecter les futurs délinquants dÚs leur plus jeune ùge, la
question de la dépénalisation du cannabis, la loi de 1905, le
déremboursement de certains médicaments, la prescription de
« ritaline » aux enfants hyperactifs, le plan santé mentale, le
procĂšs dâOutreau⊠Tous ces sujets sont Ă©voquĂ©s et servent de
prétexte pour rebondir et rappeler, sans jamais la nommer, la
« ligne scientologue ».
122
4 - On notera quâun des courriers sâattaque directement Ă un
élu trÚs impliqué dans les travaux de la récente Commission
dâenquĂȘte parlementaire. Sa tonalitĂ© rappelle ce que des
observateurs des pratiques scientologues nomment
« la
propagande noire
»,
une méthode visant à déstabiliser
« lâadversaire » en diffusant Ă son propos des informations
diffamatoires.
5 - Trois supports principalement sont concernés : un « news
magazine
» hebdomadaire (28 parutions), un quotidien
national (14 parutions) et son supplément hebdomadaire (12
parutions).
Quels bénéfices la
Scientologie
tire-t-elle de ces traces
« anonymes » dans les rubriques « Courrier des lecteurs » ?
Lâinstrumentalisation du phĂ©nomĂšne est probablement un
bonus sur le plan de la communication interne de
lâorganisation tout entiĂšre : il peut alors ĂȘtre proclamĂ© que la
ligne scientologue a pignon sur rue dans des publications
importantes de la presse française.
Câest aussi une preuve de ce que se plaĂźt Ă expliquer
une responsable française de la
Scientologie
, Ă savoir que le
mouvement sâinscrit lentement mais sĂ»rement dans un paysage
de moins en moins hostile. Lâimpression discrĂšte mais
réguliÚre de la marque scientologue dans la presse est un
moyen, parmi dâautres, de parvenir Ă cette banalisation de son
image.
Les fléaux dénoncés dans ces courriers sont nobles en
soi et nul ne saurait sâĂ©lever contre lâhonorabilitĂ© des causes
soutenues : la lutte contre la drogue, la santé des enfants, les
conditions de vie en prison, etc. Mais ils ne sont quâun
prétexte pour mieux leur opposer à terme les remÚdes
discutables et les méthodes lucratives de la
Scientologie
.
Il est bien du ressort de la MIVILUDES, en charge
dâune mission de prĂ©vention et dâincitation Ă la vigilance,
dâinformer sur les rĂ©elles motivations dâune organisation dont
123
les combats instrumentalisent de nobles causes pour nâen
servir au final quâune seule, la cause scientologue. LâintĂ©rĂȘt de
la
Scientologie
pour le « Courrier des Lecteurs » en est une des
illustrations car il déjoue la vigilance de la presse,
habituellement peu disposée à soutenir telle ou telle
organisation, comme il trompe le lecteur qui ignore lâorigine et
la motivation réelle de ces écrits.
Quand la Scientologie sâinvite Ă la rubrique des « Petites
Annonces »
« Vous aimez aider les autres. Rejoignez notre équipe,
formation assurée »,
tel est le texte de lâannonce, suivi dâun
seul prĂ©nom et dâun numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone, publiĂ© le 12 janvier
2006 dans le journal gratuit
« Paru Vendu »
. Sur le site
internet du journal, le mĂȘme texte est assorti dâune promesse
de CDI (contrat à durée indéterminée). Altruisme requis,
formation à la clef et emploi assuré : trois bonnes raisons pour
un demandeur dâemploi de rĂ©pondre Ă une telle proposition,
quand bien mĂȘme lâidentitĂ© de lâannonceur nâest pas dĂ©clinĂ©e.
Il fut cependant aisĂ© dâĂ©tablir que le tĂ©lĂ©phone Ă©tait
celui de lâ
Association spirituelle de lâĂglise de Scientologie
dâIle-de-France
et que ce qui était en fait proposé aux
personnes intéressées, était de distribuer, à titre bénévole, des
brochures de lâorganisation dans la capitale et en banlieue.
Lâassociation trouvait ainsi le moyen dâattirer dans ses
locaux des personnes sans travail, donc particuliĂšrement
vulnérables, pour ensuite les convaincre de rejoindre son
personnel bénévole à qui elle a coutume de confier des actions
de prosélytisme ou des tùches administratives.
La
Scientologie
nâen est pas lĂ Ă son coup dâessai.
DĂ©jĂ , dans le passĂ©, elle a usĂ© du mĂȘme procĂ©dĂ© trompeur. Des
attendus du jugement de la Cour dâappel de Lyon du 28 juillet
1987 lâattestent en des termes qui se passent de commentaires
tant ils pourraient sâappliquer quasiment Ă lâidentique Ă
124
lâaffaire prĂ©citĂ©e :
« (âŠ) attendu que la rĂ©daction de certaines
annonces libellées dans les termes suivants :
âvous voulez
aider les autres Ă ĂȘtre mieux dans leur peau. Devenez auditeur
dianĂ©tique â formation possible. TĂ©lâŠâ,
Ă©tait de nature Ă
induire le lecteur en erreur et Ă le persuader de lâexistence
dâune offre dâemploi, dâautant plus que le message litigieux
était précisément classé dans la rubrique
âOffres dâemploi â
diversâ
des journaux supports de la publicité ; attendu que
dâautres annonces Ă©taient, elles, indiscutablement
mensongĂšres (âŠ) puisquâelles sâanalysaient en vĂ©ritables
offres dâemplois, alors quâen rĂ©alitĂ© lâannonce ne visait quâĂ
attirer au
Centre de dianétique
de futurs Ă©ventuels adeptes ;
attendu que lâexamen des plaintes dĂ©montre que de
nombreuses personnes, trompées par ces fausses offres
dâemploi, se sont rendues au
Centre de dianétique
oĂč un stage
payant et lâachat de livres, prĂ©alables Ă toute embauche leur
ont Ă©tĂ© imposĂ©s (âŠ) ».
Alertée, la MIVILUDES a signalé cette dérive tant à la
Chancellerie quâau ministĂšre du Travail et de lâEmploi.
AU
PLAN
PARLEMENTAIRE
De la permanence du lobbying prosectaire :
lâexemple du contexte des travaux de la Commission
dâenquĂȘte parlementaire
La mise en place et les travaux dâune nouvelle
Commission dâenquĂȘte parlementaire en juin 2006 ont
provoquĂ©, comme câĂ©tait prĂ©visible, la mobilisation du lobby
prosectaire. Câest lâoccasion pour la MIVILUDES de faire le
point sur quelques unes des caractéristiques de cet activisme.
Ă ce titre, lâanalyse de lâagitation provoquĂ©e par les travaux
des députés portant sur
« lâinfluence des dĂ©rives sectaires sur
la santé physique et mentale des mineurs
»
est riche
dâenseignements.
125
Nous avons pour ce faire porté notre attention sur des
documents Ă©manant ou concernant des organisations actives
dans la critique de cette initiative parlementaire
: la
Coordination des associations et particuliers pour la liberté de
conscience (CAPLC
), le
Centre dâinformation et de conseil des
nouvelles spiritualités (CICNS
), la
Scientologie
, les
TĂ©moins
de JĂ©hovah
et les
Raéliens
.
Les mouvements sectaires remettent en cause
systématiquement la légitimité des initiatives - quelle que soit
leur origine, gouvernementale, parlementaire ou associative -
destinées à dénoncer leurs excÚs ou à lutter contre leurs
dĂ©rives. Ă cet effet, leur stratĂ©gie ne fait pas preuve dâune
grande originalitĂ©. Quâil sâagisse de la nature de leurs critiques
et la méthodologie employée (1°), ou du profil des lobbyistes
« donneurs dâordre » (2°), les caractĂ©ristiques restent, peu ou
prou, toujours les mĂȘmes au fil du temps.
1 - Arguments critiques et méthodologie
a - Lâatteinte Ă la libertĂ© religieuse
DĂšs lors quâils flairent le risque dâĂȘtre mis en cause et
lorsquâils sont effectivement attaquĂ©s, les mouvements Ă
caractÚre sectaire aiment à porter le débat sur le terrain des
atteintes à la liberté de conscience pour mieux se présenter
comme des nouveaux mouvements religieux, ou comme des
minorités, spirituelles, de croyance ou de conviction, victimes
dâune discrimination. ils procĂšdent alors sans vergogne aux
pires amalgames :
« (âŠ) Les dĂ©s sont-ils jetĂ©s avant mĂȘme le
début des travaux de la Commission ? Nous irions alors vers
lâadoption dâune nouvelle loi rĂ©pressive qui restreindra un peu
plus la libertĂ© de conscience en France, et que dâautres pays,
comme lâIran ou la Chine lâont fait aprĂšs le vote de la fameuse
loi About-Picard, brandiront fiĂšrement pour justifier la
126
rĂ©pression de leurs minoritĂ©s religieuses (âŠ) »
89
.
« (âŠ) Une
fois de plus une poignée de parlementaires tente de focaliser
lâattention sur les minoritĂ©s de convictions ou les minoritĂ©s
religieuses ou spirituelles. Le résultat avec les commissions
précédentes a été invariable : une mise en cause du fait
religieux ne visant pas uniquement les minorités de conviction,
mais tout engagement profond et sincÚre dans une démarche
religieuse ou spirituelle (âŠ)
»
90
. AprÚs avoir énuméré les
travaux parlementaires précédents sur les sectes, le
CICNS
écrit dans une lettre au président de la Commission des lois de
lâAssemblĂ©e nationale :
« (âŠ) Cette chronologie montre le
rĂŽle prĂ©dominant du Parlement dans la mise en place dâune
politique de discrimination dans notre RĂ©publique laĂŻque.
(âŠ) »
91
. DĂšs la mise en place de la Commission, la
Scientologie
dĂ©nonce, de son cĂŽtĂ©, la « lutte acharnĂ©e (âŠ)
contre âles nouvelles religionsâ »
92
et, plus tard, la
CAPLC
demande quâil soit mis fin à « cette chasse aux sorciĂšres »
93
.
b - Le déni de tout sectarisme
Selon le lobby prosectaire, tous les travaux menés sur
le sectarisme, hormis ceux de certains sociologues, souvent
célébrés, reposeraient sur des rumeurs et des approximations.
La
Scientologie
sâindigne du
« gaspillage de lâargent
du contribuable »
et demande que cessent ces
« commissions
dâenquĂȘte bidon qui ne sâappuient sur aucun fait, seulement
sur des rumeurs
»
94
.
Dâautres parlent de
« vacuité du
89
CAPLC
in
«
Les anomalies dâune commission dâenquĂȘte
parlementaire »
, septembre 2006 (document notamment diffusé aux
parlementaires, préfets et mis, dans sa version anglaise, à la disposition des
participants Ă la confĂ©rence annuelle du Bureau des droits de lâhomme de
lâOSCE Ă Varsovie en octobre 2006).
90
CAPLC
, communiqué du 28 juin 2006.
91
Lettre du 19 juin 2006 à M. Philippe Houillon, publiée sur le site du
CICNS
.
92
AFP,
18 juillet 2006.
93
Lettres aux préfets, octobre 2006
94
AFP
, 18 juillet 2006.
127
phénomÚne
» ou de «
phobie collective
»
.⊠Le
CICNS
dénonce une politique qui fait croire
« dans lâopinion publique
Ă lâexistence dâun flĂ©au social quâil conviendrait de traiter en
prioritĂ© (âŠ). AprĂšs vingt annĂ©es de lutte, il nâexiste aucune
preuve tant sociologique que juridique dâune dĂ©linquance
significative des minorités spirituelles. Certains sociologues et
juristes renommĂ©s que nous avons rencontrĂ©s, nâhĂ©sitent pas Ă
dire que le problĂšme des sectes, tel quâil est apprĂ©hendĂ© en
France, nâexiste pas ».
Les lobbyistes se rejoignent aussi pour
contester les chiffres concernant les mineurs en danger
avancés par les parlementaires, les associations et la
MIVILUDES, et pour minimiser le phénomÚne en expliquant
que les vrais problÚmes sont ailleurs, espérant au passage
dĂ©tourner lâattention
:
«
Il existe dâautres situations trĂšs
préoccupantes pour les jeunes qui justifieraient amplement la
crĂ©ation dâune commission dâenquĂȘte parlementaire »
95
.
c - La décrédibilisation de ceux qui combattent le sectarisme
Il est un autre lieu commun de lâargumentation pro-
sectaire : la remise en cause systématique de la crédibilité des
personnes ou des organismes qui témoignent des dérives
sectaires. Dans le cas prĂ©sent, on sâefforcera de dĂ©crĂ©dibiliser
les parlementaires eux-mĂȘmes (une infinie minoritĂ© et toujours
les mĂȘmes) et les personnes qui sont entendues par la
commission dâenquĂȘte. La
« dépopularisation »
de
« lâennemi » figure dâailleurs au premier rang des consignes
quâun cĂ©lĂšbre gourou dâune grande secte internationale
donnait Ă ses adeptes.
La validité des travaux est contestée car, selon les
lobbyistes, ils sont le fait dâune minoritĂ© dâĂ©lus « militants » et
ils reposent soit sur les témoignages de personnes étrangÚres
aux organisations, donc qui parlent de choses quâelles nâont pu
vĂ©rifier, soit sur les signalements dâapostats considĂ©rĂ©s dĂšs
lors comme des renégats partiaux et peu fiables.
95
CAPLC
, communiqué du 28 juin 2006.
128
La
Scientologie
stigmatise ainsi
« une poignée de
parlementaires militants »
96
et la critique est reprise par le
CICNS
et la
CAPLC
. Ces derniers considĂšrent par ailleurs
comme une «
anomalie
» le fait que cette commission
dâenquĂȘte ait Ă©tĂ© votĂ©e dans la « prĂ©cipitation ».
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
se plaignent dâĂȘtre
la « âcible
obsessionnelleâ dâune commission dâenquĂȘte parlementaire
sur les sectes Ă laquelle ils reprochent des âdĂ©rapages au
caractĂšre iniqueâ et se voient contraints dâĂ©lever une
protestation légitime et de rétablir les faits »
97
.
Quant aux apostats, ces anciens adeptes qualifiés
souvent de «
pseudo victimes
», ils sont réguliÚrement
fustigés, notamment par la
Scientologie
98
dont les critiques
sont ici relayées par le
CICNS
:
« Viennent également les
apostats que lâon compte sur les doigts dâune main mais qui
sont omniprésents dans ce genre de débat et ont acquis une
notoriété sur la base de dénonciations tous azimuts de leurs
anciennes croyances »
99.
.
d - La dĂ©nonciation du refus du dĂ©bat contradictoire et lâappel
Ă la caution universitaire de sociologues, juristes, philosophes
et historiens des religions.
Cette constante de la critique du lobby sectaire est
naturellement au programme.
« Les sociologues et experts ont
Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s du contradictoire. (âŠ) Il est indispensable que les
conditions de participation de toutes les parties â
universitaires, juridiques, associatives â soient assurĂ©es avant
96
AFP
, 18 juillet 2006.
97
AFP
, 28 novembre 2006.
98
Cf. « La fiabilitĂ© du tĂ©moignage dâun apostat Ă propos des nouveaux
mouvements religieux », étude du Professeur Lonnie D. Kliever publiée par
la
Scientologie
(Freedom Publishing) et «
Apostates and religious
organizations : why their statements should not be taken at face value » by
Bryan Ryan Wilson : documents transmis Ă la MIVILUDES par les avocats
de la
Scientologie.
99
CICNS
, communiqué du 3 novembre 2006.
129
dâinitier un tel projet (la commission dâenquĂȘte) »
100
.
« LĂ oĂč
les universitaires (sociologues, ethnologues, historiens) et tous
les mouvements spirituels minoritaires demandent, depuis de
nombreuses annĂ©es, la possibilitĂ© dâun dĂ©bat contradictoire
dans lâenceinte du Parlement, nos Ă©lus au suffrage universel se
vantent de lâabsence totale de contradiction et de lâunanimitĂ©
imposée au débat »
101
. Les propos de sociologues, parfois
habilement tronqués, sont aussi réguliÚrement utilisés pour
nier le problĂšme sectaire (cf.
supra
: b).
e - Le dĂ©tournement de lâattention vers dâautres sujets
Les vrais problĂšmes seraient Ă©videmment ailleurs
puisquâon est dans le dĂ©ni permanent de la dĂ©rive sectaire. Il
sâagit toujours de dĂ©tourner lâattention pour mieux la
mobiliser, si possible, sur une cause et un combat qui sont « le
fonds de commerce » de quelques organisations sectaires
102
.
Sâagissant de la santĂ© des mineurs par exemple,
« il
existe dâautres situations trĂšs prĂ©occupantes pour les jeunes
qui justifieraient amplement la crĂ©ation dâune commission
dâenquĂȘte parlementaire
»
103
. Aux cÎtés de la pédo-
pornographie et de la violence Ă lâĂ©cole, il est fait mention de
la consommation de drogues et du suicide dâenfants dĂ©primĂ©s
qui prennent des somnifĂšres
; justement des sujets de
prédilection de la
Scientologie
.
Depuis plusieurs années, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
,
quant Ă eux, ne sâassocient plus aux revendications des autres
mouvements sectaires
104
. Conscients malgré tout de figurer au
100
Lettre du 19 juin 2006 du
CICNS
Ă M. Philippe Houillon.
101
CICNS
, communiqué du 4 juillet 2006.
102
cf supra,
« la
Scientologie
sâinvite au Courrier des Lecteurs »
et «
la
Scientologie
sâinvite Ă la tĂ©lĂ©vision
».
103
CAPLC, i
n
«
Les anomalies dâune commission dâenquĂȘte
parlementaire »
, septembre 2006.
104
En 1992, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
adhéraient cependant à la
FIREPHIM
(
Fédération internationale des religions et des philosophies minoritaires
),
crĂ©Ă©e Ă lâinitiative de la
Scientologi
e, de
Moon
et de
Raël
.
130
nombre des principaux groupes dont les dérives sont pointées
par les travaux de la Commission dâenquĂȘte, plutĂŽt que de se
défendre sur les agissements qui leur sont reprochés, ils ont pu
bénéficier de concours heureux, répercutés par les médias, qui
ont eu lâavantage de placer le dĂ©bat sur un autre terrain. Ainsi
a-t-il pu ĂȘtre question de lâhonorabilitĂ© et de la lĂ©gitimitĂ© qui
leur sont conférées par le statut cultuel, souvent attribué
localement Ă leurs associations par les prĂ©fets. Dans le mĂȘme
temps, les discriminations dont ils feraient lâobjet Ă©taient
dénoncées avec force, et leurs auteurs supposés désignés,
notamment les membres de la Commission dâenquĂȘte
parlementaire et les associations de défense des victimes qui
contestent le statut cultuel des associations jéhovistes en raison
de dérives observées et considérées par ces observateurs
comme autant de troubles Ă lâordre public
105
.
f â La mise en avant dâune caution internationale
Le recours aux critiques faites Ă la France dans le
rapport annuel du dĂ©partement dâĂtat amĂ©ricain sur la libertĂ©
religieuse dans le monde est désormais un réflexe. La
Commission dâenquĂȘte parlementaire est annoncĂ©e dans le
rapport paru le 15 septembre 2006
106
. Gageons que ses
conclusions feront lâobjet dâun commentaire critique dans la
prochaine Ă©dition et quâil sera utilisĂ© Ă bon escient par les
lobbyistes dĂ©jĂ citĂ©s. Dans cette attente, câest le rapport de
Madame Jahangir, rapporteuse spéciale sur la liberté de
religion ou de conviction Ă la Commission des droits de
lâHomme de lâONU, auquel on se rĂ©fĂšre pour expliquer que la
France est sévÚrement critiquée pour
« la politique suivie et les
mesures adoptées par les autorités françaises [qui] ont
provoquĂ© des situations oĂč le droit Ă la libertĂ© de religion ou
de conscience de membres de ces groupes a été indûment
restreint »
107
, laissant ainsi prĂ©sager quâil en sera de mĂȘme
aprĂšs la publication du rapport de la Commission dâenquĂȘte.
105
Le Monde
, 20 et 27 octobre 2005.
106
http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2006/71380.htm
.
107
CAPLC
, communiqué du 28 juin 2006.
131
Par ailleurs, il est souvent fait référence à des ONG
dont lâappellation peut prĂȘter Ă confusion. Dans sa lettre
dâaccompagnement de la brochure
« Les anomalies dâune
commission dâenquĂȘte parlementaire »
adressée aux préfets, la
CAPLC
a cru judicieux de prĂ©ciser que son association sâĂ©tait
constituée
« sous lâĂ©gide dâIrving Sarnoff, prĂ©sident de lâONG
âFriends of the United nationsâ ». Sur son site internet, cette
organisation se présente comme
« associée au Département de
lâinformation publique des Nations Unies »
108
en affichant un
logo dont le visuel plagie sans le moindre complexe celui de
lâONU. Quant Ă son prĂ©sident, il est surtout connu en France
pour avoir participé, aux cÎtés de la
Scientologie
, aux attaques
virulentes contre la politique française Ă lâĂ©gard des dĂ©rives
sectaires, en signant notamment un manifeste réclamant la
dissolution de la Mission interministérielle de lutte contre les
sectes (MILS)
109
.
2 â Les acteurs du lobbying : le changement dans la continuitĂ©
En premiÚre ligne, on trouve un habitué, la
CAPLC
et
un nouveau venu, le
CICNS
110
. Outre la similitude de leurs
critiques Ă lâencontre de la Commission dâenquĂȘte
parlementaire, ils ont dâautres points en commun :
- leur action se fonde sur la défense de la liberté de conscience,
en faveur du respect des droits des minorités religieuses, - ou
spirituelles ou de conviction, en fonction du contexte -, et elles
108
Ă ne pas confondre avec le statut officiel dâONG accrĂ©ditĂ©e auprĂšs de
lâONU. Ce statut lui permet seulement dâaccĂ©der aux locaux et de recevoir
des informations mais ne lâautorise pas Ă participer aux confĂ©rences.
109
Signataire de lettres ouvertes Ă Jacques Chirac et Lionel Jospin (
France
Soir,
le
20 avril 2000 ;
Herald Tribune
, le 14 juin 2000) ; prĂ©sident dâune
« commission dâenquĂȘte » initiĂ©e par les lobbys prosectaires, un « pseudo-
tribunal » destiné à recueillir les doléances des victimes des « antisectes » ;
récompensé par la
Scientologie
pour son action en faveur des droits de
lâhomme, ardent supporter de lâofficine scientologue âYouth for human
rights internationalâ, etc.
110
Voir
supra
.
132
nient lâexistence de victimes ou plutĂŽt, pour elles, les victimes
ne sont pas celles que lâon croit,
- ils sont spĂ©cialistes des « commissions dâenquĂȘte » auto-
proclamées :
la
CAPLC
sâest constituĂ©e en 2000
« spontanĂ©ment suite Ă la Commission dâenquĂȘte sur la
violation des droits de lâHomme concernant les minoritĂ©s
thérapeutiques, spirituelles et religieuses réunie à Paris, le 3
mars 2000 (âŠ) »
111
. Quant au
CICNS
, créé plus récemment
112
,
il a pris lâinitiative de lancer sur internet
« une commission
dâenquĂȘte citoyenne sur la libertĂ© spirituelle en France »
.
Depuis 2000, la
CAPLC
a été de tous les combats
contre la MILS puis la MIVILUDES, contre les parlementaires
et les associations de défense de victimes, réagissant sans délai
aux initiatives des uns et des autres comme par exemple la loi
About-Picard, la publication de rapports ou des dĂ©clarations Ă
la presse.
Raël
, comme toujours, se «
raccroche
» aux
locomotives qui passent, quâil sâagisse hier de la
FIREPHIM
,
de lâ
Omnium des Libertés
, aujourdâhui de la
CAPLC
, peu
importe, pourvu que ce soit des associations fédératrices. Les
Raéliens
qui, dans le passĂ©, se sont souvent associĂ©s Ă
certaines de ces initiatives, ont mené cette fois-ci « une action
Ă©clair », quatre dâentre eux sâĂ©tant rendus Ă lâAssemblĂ©e
nationale pour distribuer la plaquette de la
CAPLC
113
aux
dĂ©putĂ©s de la Commission dâenquĂȘte, alors en sĂ©ance, et aux
journalistes. Ils ont ainsi commenté la réussite de leur « OPA »
:
« DâaprĂšs un ami scientologue qui a vu les dĂ©bats en lĂ©ger
différé, les dossiers ont été effectivement distribués pendant la
sĂ©ance (âŠ). Mission rĂ©ussie »
114
. On notera cependant, quâen
111
Cf courriers adressés aux préfets en octobre 2006 au sujet de la
Commission dâenquĂȘte parlementaire.
112
Le
CICNS
, apparu en juin 2004, est en fait la nouvelle dénomination de
la
CAPLC Sud-Ouest
déclarée en mars 2003 à la préfecture du Tarn-et-
Garonne.
113
CAPLC,
« Les anomalies dâune commission dâenquĂȘte parlementaire »,
septembre 2006.
114
http://www.raelianews.org/request.php?165
133
dâautres temps, les
Raéliens
se montraient plus actifs et plus
originaux, comme lors des débats parlementaires autour de la
loi About-Picard oĂč ils avaient lancĂ© leurs adeptes Ă lâassaut
des Ă©lus, munis dâun vade-mecum du bon lobbyiste,
personnalisé en fonction de la tendance politique des
intéressés.
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
continuent dâagir plus
discrĂštement, faisant un peu cavalier seul en coulisses, mais
soutenus par dâĂ©minents juristes et des universitaires.
Quant Ă la
Scientologie
, longtemps en premiĂšre ligne
pour dénoncer la politique française contre le sectarisme, la
combattant avec des méthodes parfois contestables et
contestĂ©es, elle semble sâĂȘtre mise en retrait. En aurait-elle
réellement terminé avec le déploiement frontal de son
agressivitĂ©, auquel elle sâest longtemps livrĂ©e dans sa
publication
« Ethique et Liberté »
ou
via
quelques déclarations
ou communiqués de presse guerriers comme au temps des
discussions de la loi About-Picard ?
Selon toute apparence, elle sâest limitĂ©e Ă un unique
communiquĂ© de presse, repris par lâ
AFP
. Il nâen reste pas
moins quâelle fut lâune des premiĂšres Ă monter au crĂ©neau, dĂšs
le 31 mars 2006, lors du colloque organisé à Saint-Priest dans
le dĂ©partement du RhĂŽne, par le Groupe dâĂ©tudes sur les sectes
de lâAssemblĂ©e nationale. En effet, alors que les
parlementaires confirmaient ce jour-lĂ leur dĂ©termination Ă
constituer une commission dâenquĂȘte sur les sectes et la santĂ©
des enfants, des scientologues présents dans le public
interpellaient lâorateur en avançant en guise dâargument le
faible nombre dâenfants concernĂ©s par le sujet, argument repris
dans la foulée par la
CAPLC
.
Maintenant que la
Scientologie
se dit
« inscrite dans le
paysage »
, sans doute a-t-elle choisi de sâen remettre Ă
dâautres, comme la
CAPLC
et le
CICNS
, pour remplir le rĂŽle
134
peu glorieux « dâempĂȘcheur officiel de tourner en rond ». Elle
prĂ©fĂšre le « politiquement correct », consacrant son Ă©nergie Ă
des causes susceptibles de se révéler plus rentables en termes
dâimage (lutte contre la drogue, droits de lâHomme,
humanitaireâŠ) par le biais dâassociations plus ou moins
affichées comme officiellement liées à son activité, telles que
la
Commission des citoyens pour les droits de lâHomme
(
CCDH)
, «
Non Ă la drogue, oui Ă la vie
», lâ«
Association
internationale des jeunes pour les droits de lâHomme
», «
Les
ministres volontaires
» et «
Criminon
». Sous le titre
« La
Scientologie
fait sa promo
»
115
, lâhebdomadaire
Marianne
dĂ©crivait une nouvelle campagne lancĂ©e par lâorganisation,
avec distribution du premier volet dâune sĂ©rie de trois tracts Ă
sa gloire, tirĂ©s chacun Ă un million dâexemplaires. Le
journaliste notait que la date de lancement de cette opération
coïncidait avec celle du démarrage des travaux de la
Commission dâenquĂȘte parlementaire, et il concluait en
sâinterrogeant :
« Aurait-elle (la
Scientologie
) quelque chose Ă
se reprocher ? »
Certes, la
Scientologie
nâapparaĂźt pas en premiĂšre
ligne, mais lâanalyse attentive des arguments utilisĂ©s et des
méthodes déployées aux avant-postes par la
CAPLC
et le
CICNS
contre la Commission dâenquĂȘte parlementaire, laisse Ă
penser quâelle les a beaucoup inspirĂ©s ⊠et plus si affinitĂ©s.
115
Marianne
, 29 juillet 2004.
135
2
ĂME
PARTIE
ANALYSES ET ĂTUDES
136
1 - LE RISQUE SECTAIRE
DANS LE DOMAINE PSYCHOTHĂRAPEUTIQUE
« Jamais un mot pour les victimes, pour leurs
familles, pas une évaluation de la théorie »
.
Patricia Crossman
«âŠHeureusement, nous pouvons apprendre des
erreurs du passé. Cependant, certaines de nos
pratiques, mĂȘme celles basĂ©es sur des thĂ©ories
douteuses, peuvent encore ĂȘtre utiles ⊠».
Jim Allen
116
La pratique de lâAnalyse Transactionnelle, nĂ©e il y a
plus de quarante ans aux Ătats-Unis, sâest Ă©galement
dĂ©veloppĂ©e en Europe et en France, oĂč elle connaĂźt
aujourdâhui un succĂšs certain. Alors que de graves dĂ©rives
constatĂ©es aux Ătats-Unis ont valu lĂ -bas de sĂ©vĂšres critiques Ă
la doctrine, et des interdictions dâexercice Ă quelques
praticiens, la France ne semble pas avoir pris conscience des
risques que cette méthode, quand elle est mal appliquée ou
quand elle est mise en Ćuvre par des personnes
insuffisamment formées, peut faire courir aux patients-clients.
Dâautre part, il a Ă©tĂ© constatĂ© que certains praticiens
organisaient leurs prestations selon un schéma ou un cursus
susceptibles dâengendrer de vĂ©ritables dĂ©rives sectaires.
Sâil nâest pas dans le propos de la prĂ©sente Ă©tude de
prendre parti sur la philosophie de la doctrine ou sur le
contenu de ses méthodes induites, la MIVILUDES estime
nĂ©anmoins indispensable dâalerter le public, une nouvelle fois,
116
Crossman P.,
Keeping Transactional Analysis an Open system
, in « The
Script », Vol 35, n°5 juillet 2005, page 5, et réponse de Jim Allen,
prĂ©sident de lâ
ITAA.
137
sur les dangers quâune pratique inappropriĂ©e de lâAnalyse
Transactionnelle
117
est susceptible dâengendrer, ce que
viennent, hélas, confirmer les témoignages de victimes
118
. Les
récits de ces personnes illustrent les dérapages commis en
application dâune doctrine et au moyen de pratiques qui
qualifient la dérive sectaire.
Les victimes et leurs familles nâexpriment
gĂ©nĂ©ralement pas de critique Ă lâĂ©gard de la mĂ©thode ni mĂȘme
envers les dérives auxquelles sa pratique mal maßtrisée a pu
conduire, mais elles nâacceptent ni le refus obstinĂ© dâadmettre
la rĂ©alitĂ© du risque en tant que tel, ni le dĂ©ni de lâexistence de
ces dérives quand elles sont avérées, et elles déplorent
lâabsence totale de comprĂ©hension et de compassion Ă
lâendroit de celles et de ceux qui ont fait les frais
dâexpĂ©riences conduites sans prudence et sans contrĂŽle.
1 - Quâest-ce que lâAnalyse Transactionnelle ?
Selon Ăric Berne, le fondateur, la personnalitĂ© humaine
consiste en trois stades du moi : le parent que vous avez eu,
lâenfant que vous avez Ă©tĂ© un jour, et lâadulte que vous ĂȘtes. Le
parent et lâenfant sont Ă©motionnellement fixĂ©s dans le temps,
lâadulte est rationnel et sans Ă©motion. Quand ces trois stades
du moi entrent en conflit, un dysfonctionnement de la
communication apparaĂźt. Il faut alors harmoniser les trois
stades au moyen de « transactions », transactions croisées qui
forment la base des jeux à scénarios que jouent les hommes les
uns avec les autres. Ces scénarios nous sont donnés par nos
parents par des injonctions négatives, incorporées dans notre
moi parent. Faites ressortir ces injonctions négatives, apprenez
lâAnalyse Transactionnelle, et tout deviendra « OK ». Ces
117
Ce texte a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© principalement Ă lâaide des articles rĂ©cents de P.
Crossman, thĂ©oricienne de lâAnalyse Transactionnelle, du livre de Michel
Tougne,
Ni prince, ni crapaud : lâAnalyse Transactionnelle, savoir ou
mystification ?,
Publications CFP, 1996, des articles du Dr P. Nicot et de
M. Maurer, psychologue.
118
Voir document 1, témoignages.
138
injonctions négatives expliqueraient la plupart des problÚmes
humains, de lâalcoolisme aux troubles de la sexualitĂ©.
Les états du moi seraient en fait trÚs compliqués.
Chaque Ă©tat du moi contient son propre jeu de stade du moi.
En plus, le stade de moi parent est divisé en deux parties « le
[bon] parent nourricier » et « le [mauvais] parent critique ».
Les Ă©tats du moi enfant sont de mĂȘme divisĂ©s en deux parties
« le [bon] enfant naturel » et « lâenfant adaptĂ© » (mauvais ou
abßmé).
Ainsi, une multitude de sous-personnalités sont créées,
toutes participant au mĂȘme systĂšme Ă©nergique. LâĂ©nergie reste
constante tout le temps. LâĂ©nergie devrait ĂȘtre
harmonieusement distribuée entre les stades du moi, mais, le
plus souvent, câest un seul stade du moi qui la monopolise.
Le malheur humain et la maladie mentale résultent de
lâintĂ©riorisation dâinjonctions parentales nĂ©gatives, pourquoi
alors ne pas réaliser une ablation du « parent » ? Cela en
dégonflant le stade du moi parent pour transférer son énergie
dans un moi enfant plus satisfaisant, qui, aprĂšs, est
« reparenté »
119
. Le problĂšme pathogĂšne majeur, toujours
selon cette thĂ©orie, concernerait lâentitĂ© dĂ©nommĂ©e « la mĂšre
sorciÚre », assistée du « pÚre ogre », qui représentent le pÚre et
la mÚre intériorisés. Bien sûr, tous deux haïssent leur
progéniture.
« La mĂšre sorciĂšre peut ĂȘtre dĂ©crite comme le
démon. Elle est identique au concept original du
ça
. Câest
lâimpulsion dâun
ça
expérimentée comme une voix intérieure,
la voix du parent actuel, et plus précisément, le démon dans le
parent, lâenfant mauvais, implantĂ© dans lâenfant, activĂ© et
119
Herbert C. Modlin, un psychiatre expérimenté de la trÚs respectée
Menninger Clinique de Topeka, à propos du « reparenting » a déclaré :
«
LâidĂ©e que quelquâun peut refaire et remplacer le parentage [lâĂ©ducation
parentale] dĂ©fectueux des vingt ou trente annĂ©es prĂ©cĂ©dentes nâa
strictement aucune crédibilité »
, cité par Tom Jackman,
Kansas City Star
, 8
octobre 1988.
139
amené à la vie comme avec une électrode »
120
. En fait,
LĂ©onard Campos, un collĂšgue dâĂric Berne, dit que
« le
thérapeute neutralise les injonctions parentales négatives de
lâenfant du parent, exactement comme un sorcier des temps
primitifs ou médiévaux, écartant de soi-disant esprits
diaboliques. Une fois libéré du message ensorcelé, le client est
libre dâemployer sa puissance dâAdulte dans le futur pour
laisser croßtre sa propre autonomie »
121
. De son cÎté, Patricia
Crossman écrit, dans un article qui reçut le Prix Berne :
« Tant
de gens sont malheureux, autodestructeurs ou mentalement
malades parce quâils sont conditionnĂ©s et quâils nâont rien Ă
faire contre cela Ă moins quâun Analyste Transactionnel formĂ©
soit capable dâenlever la formule magique en maĂźtrisant la
mÚre sorciÚre »
122
.
2 - Les théoriciens
Le fondateur, Ăric Berne
Le fondateur, Ăric Berne est nĂ© au Canada en 1910. Il
sert comme psychiatre dans lâarmĂ©e durant la seconde Guerre
mondiale, puis de retour à la vie civile, passe des années en
analyse. AprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©cartĂ© par lâAssociation amĂ©ricaine de
Psychanalyse, il dĂ©cide de fonder son propre systĂšme, quâil
décrit alors comme
« un modÚle Ford T, un modÚle plus
maniable et moins onéreux pour la compréhension des
comportements humains »
123
.
En 1961, il publie son ouvrage
Analyse Trans-actionnelle en Psychothérapie
. Quelques
120
Berne Ă.,
What Do You Say After You Say Hello?
1972, p. 135. ĂditĂ©
par Claude Steiner, ce livre est une compilation posthume des articles
dâĂric Berne.
121
Campos L.,
The Transactional Analysis of Witch Messages
,
Transactional Analysis Bulletin, 1976, p. 108-112.
122
P. Crossman,
Permission and Protection
, TA Bulletin, 1966. Le prix
reçu en 1976 fut renvoyĂ© par Mme Crossman en 1979, aprĂšs quâelle eut
«
rĂ©alisĂ© tardivement que lâAnalyse Transactionnelle Ă©tait une maison
construite sur du sable ».
123
Jorgenson E. et H., Berne Ă.:
Master Gamesman
, Grove Press, 1984.
140
personnes sont alors attirées par la simplicité et la fantaisie de
son langage familier, éloigné des jargons habituels. Il
rassemble ainsi un petite groupe de fidĂšles, dont quelques
EuropĂ©ens, et en 1964, il lance lâ
ITAA (International
Transactional Analysis Association).
En 1966, il fait Ă©diter son
livre
Games People Play
: The Psychology of Human
Relationships
(Des jeux et des hommes : la psychologie des
relations humaines), qui fonde rĂ©ellement lâAnalyse
Transactionnelle. Cet ouvrage devient rapidement un best-
seller et le succÚs du livre assure la réputation de Berne.
Lâ
ITAA
se développa, offrant des «
groupes de
formation/thĂ©rapie », permettant de faire dâune pierre deux
coups, puisquâen qualitĂ© de membre perfectionnĂ© de lâ
ITAA
(praticien clinique et/ou praticien formateur), il Ă©tait possible,
tout en poursuivant sa propre thérapie, de pratiquer comme
clinicien et Ă©galement de monter son propre institut
dâenseignement. En travaillant sur ses propres problĂšmes, le
patient /client bĂątissait en mĂȘme temps sa future carriĂšre.
Berne perdit le contrĂŽle de son mouvement et mourut dâune
attaque cardiaque Ă lâĂąge de 60 ans, en juillet 1970.
AprĂšs sa mort, la langue de lâAnalyse Transactionnelle
se réduisit à un vocabulaire pauvre et à des phrases toutes
faites
124
. La seule position OK - témoignant du bonheur et de
la bonne relation avec les autres â sâexprimait par
« Je suis OK
et tu es OK »
, alors que
« ne pas ĂȘtre «OK »
devenait
littéralement
« Pas OK »
et Ă©tait constitutif dâun Ă©tat
inacceptable.
La praticienne Jacqui Schiff
Parmi les pionniers de la mĂ©thode Berne, une place Ă
part doit ĂȘtre rĂ©servĂ©e Ă Jacqui Schiff, qui la premiĂšre a
affirmé que tout le « mal venait de la sorciÚre ». Jacqui Schiff,
travailleuse sociale psychiatrique et disciple de Berne, se
124
Ellis J.,
TA TALK : Terms and References in Transactional Analysis
,
1975.
141
présentait comme une « faiseuse de miracles », guérissant les
schizophrĂšnes grĂące Ă lâAnalyse Transactionnelle en les
faisant régresser puis en les « reparentant », solution
Ă©conomique miracle dans une AmĂ©rique oĂč lâhospitalisation
publique Ă©tait en crise financiĂšre permanente.
Elle considérait en effet que la schizophrénie venait de
la « mÚre sorciÚre », les états du moi enfant de la mÚre étant
intégrés dans le stade du moi parent du patient. La solution
était de faire régresser le sujet et de le faire retourner au stade
de bĂ©bĂ©. Toutefois cette « mĂšre sorciĂšre » pouvait sâĂȘtre
endormie et ressortir dans une colÚre meurtriÚre : la régression
devait ĂȘtre menĂ©e soigneusement. Peu aprĂšs la mort de Berne,
Jacqui Schiff publiait un livre intitulé
« All my children »
(Ils
sont devenus mes enfants). Ce livre se prétend la « bible » du
reparentage.
En 1974, lâ
ITAA
accorda Ă Jacqui et Aaron Schiff le
plus prestigieux de ses prix,
The Eric Berne Scientific
Memorial Award.
Lâ
ITAA
Ă©tait Ă la recherche dâune nouvelle
génération de théoriciens. J. Schiff publia un deuxiÚme livre
en 1975,
The Cathexis Reader : Transactional Analysis in the
Treatment of Psychosis
. Cette philosophie de contrĂŽle coercitif
et de traitement de J. Schiff devint le livre de référence des
membres de lâ
ITAA
qui cherchaient Ă progresser dans
lâorganisation, soit comme praticien, soit comme formateur, et
qui Ă cette fin, devaient se soumettre Ă la
« thérapie/formation » de J. Schiff, incluant une régression
partielle et un « reparentage ». Cela assurait une obéissance
loyale des supporters qui voulaient se référer à elle pour leurs
patients. Cela leur permettait aussi de construire leur carriĂšre
sur la base des enseignements de J. Schiff.
Pourtant, Jacqui Schiff Ă©tait dĂ©jĂ contestĂ©e aux Ătats-
Unis, Ă la suite de la mort, en 1972, de John Hartwell
125
, ses
méthodes de reparentage ayant été sérieusement mises en
cause.
125
Voir document 4 : La mort de John Hartwell
142
En 1978 le conseil dâadministration de lâ
ITAA
lança
une enquĂȘte sur les activitĂ©s de Jacqui Schiff
126
. Bien que les
investigations de lâ
ITAA
aient révélé de multiples témoignages
dâatroces sĂ©vices, et bien que la majoritĂ© des enquĂȘteurs du
comité fussent décidés à censurer Jacqui Schiff, cette derniÚre
menaça de les attaquer en justice. Elle fut sommée de remettre
un manuel complet de ses techniques de « reparentage » pour
obtenir lâapprobation de ses pairs. Son refus entraĂźna
de facto
son Ă©viction de lâ
ITAA
.
Au début des années 1980, elle arrive à Bangalore en
Inde, oĂč elle fonde lâĂcole pour la Force de la SpiritualitĂ©.
Mais des rumeurs de la mort dâun enfant de 6 ans font surface,
et en 1985, on retrouve J. Schiff en Angleterre, oĂč elle monte
une clinique résidentielle de Cathexis à Birmingham. Elle
continue Ă se rendre annuellement aux
« SĂ©minaires dâĂric
Berne
», oĂč, en 1981, elle justifie lâutilisation de la violence.
En 1995, elle assiste Ă une confĂ©rence de lâ
ITAA
Ă San
Francisco. Plus de cent personnes, lui rendent un hommage
vibrant. Elle meurt en 2002.
Son Ă©cole reste active, car mĂȘme aprĂšs lâexclusion de J.
Schiff, ses théories ne furent pas pour autant abandonnées. Le
nom de « reparenting » fut changé en « Parentage correctif ».
La thĂšse de doctorat de Susan Smith, membre praticien
clinique de lâ
ITAA
, construite autour dâune observation de 267
thérapeutes connus pour avoir une pratique « régressive »,
releva que
« 22% donnaient des fessées à leurs patients mis en
régression, 82% punissaient leurs clients en les envoyant au
coin, et 7% donnaient le sein à leurs clients »
127
.
126
Marlin T.,
A Most Dangerous Method
, Chicago Reader, August 11,
2000.
127
Smith S.,
Regressive Work : Definition, Description and Clinical
Application
, Doctoral Dissertation, Sierra University, 1987. Information
reprise in Singer M.T. and Lalich J.,
Crazy Therapies : What Are They ?
Do They Work ?
, 1996.
143
Les héritiers historiques
En 1972, le prĂ©sident de lâ
ITAA
Ă©crivit un article pour
une revue psychiatrique, dans lequel il chantait les louanges de
Werner Erhart, le créateur de
E.S.T
, devenu
le Forum
, puis
Landmark Education
128
.
Aussi bien lâAnalyse Transactionnelle
que les groupes successifs créés par W. Erhart mettent en
application la théorie du « racket », sentiment parasite qui
remplace un sentiment authentique : « jâai peur, je ne dois pas
le montrer, donc je me mets en colĂšre
». Le concept
«
dâinjonctions nĂ©gatives incorporĂ©es
» qui appartient Ă
lâAnalyse Transactionnelle se retrouve aussi dans la mĂ©thode
de
Landmark Education
, ainsi que dans certains Ă©crits de la
Scientologie
129
.
En 1994, Alan Jacobs, formé en partie par J. Schiff,
obtint lâautorisation de publier un article dans la revue de
lâ
ITAA,
le
Transactional Analysis Journal
. Son article
hautement critique analysait les méthodes et les théories de J.
Schiff Ă lâaune des huit critĂšres de R. J. Lifton, qui servent aux
Ătats-Unis Ă Ă©valuer le totalitarisme idĂ©ologique et lâemprise
sectaire. Jacobs concluait que
« la théorie du reparentage
schiffien, et en particulier les concepts de passivité et de
confrontation, Ă©taient des exemples qui montraient comment
des théories non validées pouvaient devenir des idéologies
servant de support au totalitarisme, en sâappuyant notamment
sur le reformatage de la pensée, le mésusage de principes et
lâabus de pouvoir »
130
.
Dâautres dĂ©rives Ă©taient apparues aux Ătats-Unis,
autour du reparentage. Ce sont les dĂ©rives de lâ
Attachment
128
Selon sa biographie officielle, lâun des formateurs de Wernard Erhardt
est Leonard Orr, lâun des fondateurs du
Rebirth.
http://www.polachurchill.com/biographychaptertwo.html
129
engrammes de la
Scientologie.
130
Jacobs A., â
Theory as Ideology: Reparenting and Thought Reformâ,
Transactional Analysis Journal, 24(1), january, 1994, pp. 39-56.
144
Therapy
et du
rebirth
, aboutissant Ă lâinterdiction de ces
méthodes aprÚs la mort de la petite Candace
131
.
En 1999, lâ
ITAA
aborda la totalité du problÚme du
reparentage au cours dâune Ă©dition complĂšte du « Journal »,
avec des articles Ă propos dâun couple dâenfants reparentĂ©s
heureux, et quelques suggestions sur le risque de manifestation
de sadisme survenant au cours dâune situation contre-
transférentielle
132
.
3 - LâAnalyse Transactionnelle en France aujourdâhui
Si lâAnalyse Transactionnelle fait aujourdâhui lâobjet,
aux Ătats-Unis, dâavis nuancĂ©s, la mĂ©thode nâa pas pour autant
été abandonnée et les disciples de Berne se développent
maintenant en Europe (EATA,
European Association of
Transactional Analysis
) ainsi quâen France, oĂč lâInstitut
français dâAnalyse Transactionnelle (IFAT) certifie des
praticiens cliniques et des formateurs.
Il est Ă©vident que ce nâest pas lâoutil qui doit ĂȘtre
critiqué et
a fortiori
condamné. Mais la façon dont certains en
ont usé ou en usent encore devrait donner lieu à un
encadrement plus attentif et plus rigoureux, pour tenir compte
des drames du passĂ©, et pour quâil apparaisse clairement que
les abus sont critiqués et leurs responsables désavoués par la
communautĂ© elle-mĂȘme. A ce prix, les apprentis-sorciers ne
pourraient plus se recommander des structures de lâAnalyse
Transactionnelle pour justifier leurs dérapages.
Les familles de victimes, unanimes, déplorent que les
condamnations américaines soient ignorées, voire niées et que,
par exemple, le livre de Margaret Singer et Janja Lalich,
« Crazy Therapies »
, nâait pas reçu lâĂ©cho quâil aurait dĂ» avoir.
131
Voir en annexe :
Attachment Thrapy, Rebirth
et la mort de Candace
Newmaker.
132
Transactional Analysis Journal
, 29(2), april 1999.
145
La MIVILUDES est dans son rĂŽle de vigilance quand
elle met en garde les praticiens, les structures dâencadrement,
les patients tentĂ©s par la mĂ©thode, contre les risques quâune
pratique hasardeuse est de nature Ă faire courir Ă lâensemble
des acteurs. Les rapports de pouvoir induits par cette méthode
ne peuvent sâexercer sans prudence ou sans contrĂŽle.
Cette inquiétude est clairement exprimée dans deux
articles de Patricia Crossman, parus dans
The Script
de mai-
juin 2002, puis dans le numĂ©ro dâaoĂ»t 2002. Elle explique en
quoi permission et protection sont dangereuses, par la gestion
impossible du transfert et du contre-transfert qui ouvrent la
voie aux mĂ©canismes dâemprise. Ces arguments ont Ă©tĂ© repris
dans
Actualités en Analyse Transactionnelle
133
:
« Je pensais
quâil Ă©tait de notoriĂ©tĂ© publique quâen 1979, jâavais renvoyĂ© le
prix Ă. Berne qui mâavait Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© pour cet article
(Permission et Protection), parce que celui-ci nâĂ©tait pas
scientifique et, comme tel, il pouvait ĂȘtre potentiellement
dangereux. (âŠ) Le plus important est que je nây mets pas en
garde contre les risques potentiels associés à la procédure
dâintervention dĂ©crite, qui peuvent ĂȘtre sĂ©rieux, et qui
comportent tout un champ de mines au niveau du transfert et
du contre-transfert. Nâimporte quel tribunal appellerait cela
une « nĂ©gligence grave ». Jâai conscience que cela pourrait
occasionner quelques problĂšmes avec les trois P (Permission,
Protection, Puissance), mais peut-ĂȘtre est-il temps de faire une
révision générale ! ».
Un tel
« mea culpa »
doit donner à réfléchir.
Formation des analystes transactionnels
Le modĂšle de formation professionnelle en Analyse
Transactionnelle est particulier
: le candidat prend la
responsabilité de son cheminement, choisit sa sphÚre de
spécialisation (psychothérapie, éducation, travail social,
133
n°104, vol 26, n°181, octobre 2002.
146
management) et engage lui-mĂȘme un formateur/superviseur
agréé (du champ de spécialisation approprié) avec lequel il
Ă©tablit un contrat. ParallĂšlement Ă cette formation, il doit
assister à des conférences et à des séminaires. L'organisme de
certification gĂšre ensuite les examens oraux et Ă©crits. Il est
demandé au candidat de s'engager dans un processus de
thérapie ou de développement personnel en Analyse
Transactionnelle. Entre trois et six ans de stages sont en
général nécessaires pour devenir analyste transactionnel
certifié. Mais on constate que de nombreux sites de
thĂ©rapeutes ou de coachs, font Ă©tat dâune « certification en
cours », ce qui laisse supposer que ces personnes nâattendent
pas la certification pour pratiquer en Analyse
Transactionnelle
134
.
Le constat est inquiĂ©tant, car si lâon additionne une
formation minimale parfois fragmentaire Ă des bases
théoriques contestables au double plan éthique et scientifique,
on est en prĂ©sence de situations qui peuvent ouvrir la porte Ă
toutes les dĂ©rives individuelles, quâelles soient dâordre
technique ou sectaire.
Depuis le vote, en 2006, par lâAssemblĂ©e nationale de
la loi visant à réglementer le titre de psychothérapeute
(Amendement Accoyer), la prudence semble de mise, et le
niveau dâexigence affichĂ© sur les sites dâAnalyse
Transactionnelle est désormais précisé (trois années de
psycho-pathologie, pour un site rhonalpin). Mais les « dĂ©jĂ
praticiens », ou autres « certifiĂ©s en cours » nâont pas ce cursus
et veulent sâaccrocher Ă la « clause du grand pĂšre », privant
ainsi leurs clients-patients des garanties que la loi entend leur
apporter.
134
LâI.T.A.A a publiĂ© un article expliquant comment sâinstaller sans
licence dâexercice, dit le journaliste Tom Jackman,
Kansas City Star
, 8
octobre 1988.
147
LâAnalyse Transactionnelle comme vecteur de formation et de
coaching
Le coaching français est trÚs imprégné par la culture
des Analystes Transactionnels ; son fondateur qui a lui-mĂȘme
formé plus de 1000 coachs en France
135
, ayant suivi les
enseignements de Shea Schiff et de Georges Kohlrieser.
Certains professionnels mettent en pratique les théories de
Jacqui Schiff dans leur enseignement
136
, cela ne peut pas
laisser indifférent et doit conduire à une grande attention dans
le choix des formateurs, qui doivent présenter de solides
références.
Conclusion
LâAnalyse Transactionnelle repose en partie sur une
technique de « jeux », qui, par dĂ©finition, sâappuient sur les
fragilités du patient et le conduisent dans un triangle de tous
les dangers : Persécuteur, Sauveur, Victime
137
dont ils ne
peuvent sortir.
Quand ces techniques sont mal comprises, ou quand
elles sont mises en application par des personnes mal formées,
ou dénuées de prudence et de scrupules, le pire est à craindre
et les signalements recensĂ©s, hĂ©las nombreux sur lâensemble
du territoire national, font Ă©tat de dysfonctionnements
particuliĂšrement graves : confession en grand groupe oĂč les
participants sont renvoyĂ©s Ă dâhypothĂ©tiques problĂšmes
personnels et finissent par craquer ; régression, culpabilisation,
interprĂ©tation sauvage, destruction des dĂ©fenses. Lorsquâun
problĂšme surgit, il y a obligatoirement un responsable et ce ne
peut ĂȘtre que le patient. La contestation, la discussion, ne sont
135
Gori R. et Le Coz P.,
Lâempire des coachs
, Paris, Albin Michel, 2006.
136
http://www.academie-coaching.fr/pdf/programme.pdf
137
In
Concepts Fondamentaux de L'Analyse Transactionnelle
, 2000, élaborés
par le groupe de travail sur les concepts fondamentaux de l'Analyse
Transactionnelle du comité de développement de l'
ITAA
, sous la présidence de
Claude Steiner.
148
pas admises et la menace dâexclusion, synonyme dâĂ©chec voire
de chÎmage, conduit le patient à accepter un séminaire de
formation obligatoire au « développement personnel », qui
ajoute la précarité aux problÚmes précédemment rencontrés.
Le témoignage ci-aprÚs devrait donner à réfléchir :
« ⊠CâĂ©tait une sĂ©ance trĂšs intense. Nous Ă©tions
Ă©puisĂ©s tous les deux, flottant dans une espĂšce de rĂȘve apaisĂ©,
un silence tranquille que nous partagions comme un moment
devant l'ocĂ©an. AprĂšs cette sĂ©ance-lĂ , Patrick s'est mis Ă
vraiment chercher un job. C'était en octobre. Fin décembre, il
avait deux propositions de directions commerciales, Ă des
salaires correspondant à son ùge et à ses compétences, dans
des sociétés reconnues, avec des équipes à diriger. Je suis
parti en Martinique fĂȘter lâan 2000. Et Patrick sâest
pendu. »
138
Et pourtant, les théoriciens pensaient avoir écarté le
risque du suicide par les contrats de prévention du suicide. Ces
contrats dont lâutilisation sâest largement rĂ©pandue au point
dâĂȘtre considĂ©rĂ©e par les thĂ©rapeutes comme un remĂšde
magique, qui, Ă la maniĂšre dâun talisman, rassurait patient et
soignant, sĂ»rs que le suicide ne serait pas une issueâŠ.
« Un
mythe dangereux ! »,
dit en conclusion le Docteur Marcia
Goin
139
, présidente de la réputée Association Américaine de
Psychiatrie (APA), lors de la publication en 2003 de la
recommandation sur la prise en charge des patients présentant
des comportements suicidaires.
De telles dérives à forte connotation sectaire, non
validées scientifiquement, sérieusement contestées par des
universitaires réputés, condamnées outre-Atlantique par les
médecins et par la justice, ne peuvent laisser indifférents ceux
qui ont la charge de lâinformation et de la mise en garde du
138
Blanc-Sahnoun P.,
Lâart de coacher - MĂ©thode, cas pratiques et outils
,
Interéditions, 2006.
PremiÚre partie, chapitre 1 : Comment se déroule un
coaching ? RĂ©cit dâune mission extrĂȘme
. Extraits
.
139
http://pn.psychiatryonline.org/cgi/content/full/38/14/3
149
public contre les dangers de pratiques dont lâissue sera le plus
souvent dramatique pour les personnes et leurs familles.
150
Document 1 : Quelques témoignages de victimes françaises
sur les dérives de certains « thérapeutes »
Plusieurs récits témoignent des obligations faites aux
patients dâaccepter des rĂšgles particuliĂšrement contraignantes,
traduisant la volonté de domination (présentée comme de la
protection) et de contrĂŽle sur lâindividu, le non-respect de
lâune de ces rĂšgles aboutissant, pour le
participant/client/patient, Ă la sanction dâexclusion. La
premiĂšre rĂšgle concerne le respect du secret de ce qui se passe
en thérapie. Une deuxiÚme rÚgle ordonne à chaque patient de
demander lâautorisation au « thĂ©rapeute/formateur » avant de
consulter un médecin, ou de prendre des médicaments.
Dâautres rĂšgles ont trait Ă lâengagement du participant Ă signer
des contrats de « non-suicide » et de « non-homicide » et
parfois mĂȘme de « non-maladie ». Ces contrats ont aussi un
corollaire connu sous le nom de « fermeture des issues
dramatiques », et, telle une priÚre, le patient va ressasser la
phrase suivante :
« Quoiquâil arrive, je ne me tuerai pas, ni
intentionnellement, ni accidentellement, à aucun moment ».
Plusieurs témoignages indiquent que la vie de tous les
jours est elle aussi sous surveillance. Ainsi les participants ont
lâobligation de restituer tout ce qui sâest passĂ© de significatif
dans leur vie entre les sĂ©ances, au cours dâune sorte de
confession publique obligatoire. AprĂšs cette confession, le
patient est « confronté » aux « thérapeutes/ formateurs » et aux
membres du groupe, pour analyser sa vie en fonction des
grilles de lâAnalyse Transactionnelle. Ainsi, petit Ă petit, est
remis en cause tout ce qui constituait lâacquis du patient : ses
croyances, ses valeurs, son Ă©ducation parentale, son mode de
relation avec la famille et les amis, et parfois son travail. Câest
le «
thérapeute/formateur
» qui donne ensuite des
« permissions », des consignes de vie conformes aux normes
de lâAnalyse Transactionnelle, formulĂ©es comme «
la
possibilitĂ© de vivre le changement de sa vie et de sâappuyer sur
les autres participants du groupe de thĂ©rapie pour lâobtenir ».
Ces permissions peuvent prendre la forme de transgressions.
En groupe de thérapie, les participants sont parfois hébergés
151
chez le « formateur/ thérapeute », qui peut organiser chez lui
des séances festives, créant de la sorte une grave confusion des
cadres (soins et vie).
Ces témoignages évoquent également la destruction des
couples et des familles, car le conjoint, comme les parents,
sont subtilement prĂ©sentĂ©s comme des empĂȘcheurs de vivre
librement. Il en résulte divorces, doubles vies, déchirements
familiaux que les victimes imputent
a posteriori
, dans la
plupart des cas, à une « décision » prise de maniÚre unilatérale
et autoritaire, par le « thérapeute/formateur ».
Un autre exemple concerne des personnes qui, en
participant à des formations à la sexothérapie, se trouvÚrent
contraintes dâassister nues Ă des sĂ©ances, avec parfois passage
Ă lâacte obligatoire entre stagiaires. La rĂ©clamation dĂ©posĂ©e
auprĂšs du comitĂ© dâĂ©thique de lâInstitut Français dâAnalyse
Transactionnelle (IFAT), fut rejetée au bénéfice des
«
formateurs
». Il sâensuivit de nombreuses annĂ©es de
procĂ©dures judiciaires oĂč lâune des plaignantes fut accusĂ©e de
diffamation. Le comitĂ© dâĂ©thique europĂ©en attesta mĂȘme que
les pratiques dans la nuditĂ© avec passage Ă lâacte constituaient
une bonne application de lâAnalyse Transactionnelle, alors
mĂȘme que ce type de passage Ă lâacte est interdit dans toutes
les autres thérapies.
Câest le « thĂ©rapeute/formateur » qui dĂ©cide de la fin de
la thĂ©rapie. Le dĂ©sir dâarrĂȘter doit ĂȘtre annoncĂ© trois Ă neuf
séances avant la date « choisie ». Quand un patient tente de
quitter les sĂ©ances dâAnalyse Transactionnelle conduites par
des personnes sans rĂ©elle qualification, il va faire lâobjet de
relances, dâun vĂ©ritable harcĂšlement, lâinvitant Ă suivre des
thérapies/ formations complémentaires, et cela pendant de
nombreuses annĂ©es. Il lui sera mĂȘme proposĂ© de devenir lui
aussi thérapeute ou formateur en Analyse Transactionnelle.
Les participants sont en effet fréquemment sollicités
pour suivre des formations Ă lâAnalyse Transactionnelle, la
premiĂšre Ă©tant connue sous le terme de « 101 ». Il sâagit lĂ
152
dâune confusion des missions puisque, de sujet en thĂ©rapie, le
client devient stagiaire en formation, puis analyste
transactionnel, praticien certifiĂ©, et enfin sâil est douĂ©,
didacticien.
Les contraintes financiÚres ne sont pas négligeables et
sont gĂ©nĂ©ralement de lâordre de 10% des revenus. Les groupes
de thérapie ont lieu en soirée ou les week-end. Ils occupent
entre 20 et 25% de ce temps libre.
Document 2 : Quelques définitions extraites du site internet de
lâIFAT
- «
L'AT marque aussi sa spécificité par son caractÚre
Ă©minemment explicite
: la transparence en est une
manifestation constante dans la transmission des concepts au
patient comme dans l'attitude du thérapeute, considéré
davantage comme une personne que comme un Ă©cran de
projection. L'A.T. permet l'intĂ©gration d'outils empruntĂ©s Ă
d'autres approches telles que la Psychanalyse, l'Analyse
Systémique, la Gestalt-thérapie, l'Analyse Bioénergétique,
etc. »
- « L'écoIe du reparentage
« Cathexis Institute »
met l'accent
sur le traitement et la réparation de l'état du moi parent du
client, sur ce qui s'y trouve de toxique, d'inadéquat, et sur ce
qui lui manque (ces techniques de travail ont été élaborées
dans un but de traitement de jeunes schizophrĂšnes). Pour cette
Ă©cole, c'est dans l'Ă©tat du moi enfant que se situe la souffrance
et dans l'état du moi parent que se situe le problÚme ».
Champs dâapplication ou spĂ©cialitĂ©s
- «
Psychothérapie : concerne le développement des
personnes, le traitement des dysfonctionnements par la
psychothérapie individuelle ou en groupe,
153
- Organisation : concerne la dynamique des personnes et des
groupes au sein des organisations (manageurs, consultants,
chefs de personnel et subordonnés...),
- Education : concerne les personnes liées aux activités
dâĂ©ducation et de formation (enseignants, conseillers en
Ă©ducation, parents, Ă©ducateurs, et ceux Ă qui ils sâadressent...),
- Conseil : concerne les personnes liées aux activités
dâaccompagnement »
.
Document 3 : Un exemple de contrat avec un thérapeute/
formateur
« Je travaille en entretiens individuels de 45 min sur
rendez-vous, ou en groupe continu. La thérapie de groupe
ajoute Ă lâapproche individuelle, dans le cadre protecteur dâun
contrat thérapeutique établi individuellement avec chaque
participant, la possibilité de vivre le changement et de
sâappuyer sur les autres participants.
RĂšgles de fonctionnement
: Chacun sâengage Ă
respecter les rĂšgles suivantes qui ont pour objectif la
protection des participants. Le non respect dâune rĂšgle peut
entraĂźner lâexclusion du groupe, ce qui nâest pas lâexclusion de
la thérapie :
- Responsabilité : chacun est responsable de son travail et de
ses conséquences,
- Non drogue : informez-moi de lâusage de mĂ©dicaments Ă
usage calmant ou psychotrope,
- Non-violence physique contre soi ou autrui,
- Confidentialité,
- Restitution des éléments survenus en-dehors des séances,
- Présence aux séances, ponctualité,
- Pas de départ précipité : tout départ est annoncé trois séances
Ă lâavance,
- Paiement : au dĂ©but du mois. On paie sa place, que lâon soit
présent ou non,
154
- Prix : entretien individuel : 60 âŹ. Groupe, par mois, selon
revenus : 120 ⏠si revenu mensuel < 1 200 ⏠; 160 ⏠si revenu
entre 1 200 et 2 000 ⏠; 300 ⏠si revenu > 2 000 âŹ,
Semaine : 3/mois, soit lundi 17h30-21h et mardi 08h45-12h15
Week-end : un par mois, samedi 9h-18h Dimanche 9h-13h.
Groupe didactique
Ce groupe concerne des professionnels de la relation
(thérapeutes, médecins, soignants, enseignants, éducateurs,
travailleurs sociaux, formateurs) qui souhaitent enrichir leur
pratique en y intĂ©grant lâA.T. La connaissance des concepts de
base de lâA.T. est indispensable (niveau cours 101). La
formation dispensĂ©e sâinscrit dans le cadre de lâ
Association
EuropĂ©enne dâAnalyse Transactionnelle
(
E.A.T.A
.), donne
droit Ă des crĂ©dits dâheures, et permet de se prĂ©parer Ă
lâexamen europĂ©en de certification en A.T. Lâacquisition des
formations autres requises pour lâexercice de ces professions
est de la responsabilité du candidat. Tout au long du processus
de la formation, des ponts sont Ă©tablis entre lâA.T. et les autres
approches psychologiques. Techniques utilisées
:
enseignement, supervision de la pratique, Ă©tude de cas,
exposés par les participants, examen blanc, présentation de
cassettes enregistrées de sa pratique, etc.
Dates : 10 séances par an le samedi de 9h à 17h,
Horaires : 9h-17h,
Prix : 120 ⏠par séance si paiement individuel, 240 ⏠si
formation continue (possibilité de convention de formation).
On paie sa place et non sa présence. Le programme de
lâenseignement concerne lâannĂ©e, et les participants sâengagent
jusquâĂ juin de lâannĂ©e suivante.
Des supervisions individuelles en groupe
140
sont possibles
selon le calendrier joint ».
140
Texte souligné par la MIVILUDES.
155
Document 4 : Les pratiques de Jacqui Schiff
A - La mort de John Hartwell
John Hartwell a 16 ans et il souffre dâune
schizophrénie paranoïde. Il va mourir des suites de mauvais
traitements assimilables Ă des tortures en 1972, au cours dâune
séance de thérapie organisée par Jacqui Schiff. Les parents de
John le placent dans ce programme alternatif Ă
lâhospitalisation et Ă la prise de mĂ©dicaments, mais John nâest
pas dâaccord et son Ă©tat empire. Il ne peut ou ne veut pas
régresser et prendre le biberon de lait, solution que Schiff
pensait ĂȘtre la bonne pour les schizophrĂšnes. Il est attachĂ© Ă
son lit avec des menottes mais Carl, un autre patient enlĂšve les
menottes et une bagarre sâensuit. John est ensuite emmenĂ©
dans la salle de bains par Aaron Schiff, un patient
« reparenté » que Jacqui Schiff avait légalement adopté. John
est alors ligotĂ©, bloquĂ© dans une baignoire dâeau bouillante,
pendant trente minutes. Il meurt Ă lâhĂŽpital trois jours aprĂšs,
son corps brûlé aux deuxiÚme et troisiÚme degrés à plus de
70%
141
.
Jacqui Schiff affirma quâil y avait eu un problĂšme avec
le rĂ©glage de la tempĂ©rature de lâeau. Aaron, son fils adoptif,
qui Ă©tait devenu thĂ©rapeute dans lâĂ©tablissement, plaida
coupable pour nĂ©gocier une peine rĂ©duite du chef dâhomicide
involontaire. Cette peine fut plus tard réduite à un délit
secondaire dâabus sur enfant. Jacqui Schiff perdit nĂ©anmoins
la licence lui permettant de diriger lâĂ©tablissement et
Cathexis
ferma. Néanmoins, elle poursuivit ses expériences, reparentant
ses patients dans des « maisons thérapeutiques » et déplaçant
le
Cathexis Institute
Ă Oakland, en Californie.
B â Lâexemple de Mitch Rouzie.
Mitch Rouzie, qui Ă©tait lâun des patients de J. Schiff,
rapporte :
«
Comme patient du
Cathexis Institute
, je fus
141
Meacham A.,
Selling Serenity : Life Among the Recovery Stars
, 1999,
pp. 331-353.
156
soumis, durant plusieurs mois, à des régimes de vingt quatre
heures de confrontations. Lâobjectif hypothĂ©tique Ă©tait de
changer le comportement passif en un comportement actif (la
passivité - échec de la résolution du problÚme - était
considérée comme le péché capital, et manifestée par une
personne épuisée, elle était interprétée comme une résistance
qui devait ĂȘtre vaincue). Le comportement passif Ă©tait
sanctionné par des injures quotidiennes et des punitions
comme le fait de « rester au coin » durant de longues
périodes. Il y avait aussi des corrections et des fessées (...)
avec une cravache, un fouet, ou une pagaie. Jâavais mal,
jâĂ©tais engourdi et bien dĂ©cidĂ© Ă me soumettre Ă toutes les
choses que J. Schiff attendait de moi »
142
.
C â Le cas de son fils adoptif
Si les faits suivants nâĂ©taient pas rapportĂ©s dans un
ouvrage signĂ© par Jacqui Schiff elle-mĂȘme, la MIVILUDES ne
lâaurait pas insĂ©rĂ© dans cette rubrique mais comme dans ce
livre
143
, elle décrit comment elle « soigna » les peurs de
castration de Dennis, rebaptisé Aaron aprÚs son adoption :
«
Aaron fut dĂ©vĂȘtu puis solidement attachĂ© sur la chaise de
contention : je mâapprochai de lui avec un grand couteau de
chasse. JâĂ©tais certaine quâil croyait que jâallais Ă coup sĂ»r le
castrer. Peut-ĂȘtre souhaitait-il ĂȘtre rĂ©ellement castrĂ© ? Puis je
posais le couteau sur ses organes génitaux dénudés. Aaron
pĂąlit.
- Quâest-ce que je vais faire ? lui demandai-je. Dois-je
commencer Ă couper et ainsi tu ne seras plus un homme ?
- Non, non, sâil te plait ! soupira-t-il. Je veux continuer Ă ĂȘtre
un homme !
- Je ne te crois pas, dis-je.
Je pressais légÚrement avec le couteau, et il perdit le contrÎle
de lui mĂȘme. Il commença Ă lutter et Ă hurler. DĂ©tachĂ©, sain et
142
Rouzie M.,
Letter to the Editor
, Transactional Analysis Journal, april
1999, pp. 158-160.
143
Schiff, J.,
All My Children
, 1970, pp. 189-196.
157
sauf, le couteau rangĂ©, comme je lâembrassais, Aaron se blottit
tout tremblant dans mes bras ».
On observera que ce livre continue Ă ĂȘtre considĂ©rĂ©
comme une lecture de référence, et, selon toute apparence, pas
comme un exemple de ce qui est Ă proscrire !
144
.
Document 5: Attachment Therapy, Rebirth
La mort de Candace Newmaker
Lâ
Attachement Therapy
se propose de « traiter » les
enfants, adoptĂ©s ou en famille dâaccueil, et qui prĂ©sentent des
problÚmes de discipline. Ces enfants sont diagnostiqués
comme souffrant dâun
Reactive attachment disorder
(RAD,
DĂ©sordre Affectif RĂ©actionnel), ou dâune impossibilitĂ© de
s'attacher Ă celui qui l'Ă©lĂšve, en raison d'un traumatisme
ancien. La seule voie de guérison serait de « reparenter »
lâenfant, pour obtenir ainsi, de sa part, lâattachement dĂ©sirĂ© et
une obéissance totale. Les méthodes de «
reparentage
»
incluent un contact visuel sur ordre, une contention physique,
des chĂątiments corporels, lâinstauration de relations de terreur
et lâinduction dâune rĂ©gression.
Lâ
Attachement Therapy
fit la Une des journaux
américains en 2000 avec la mort de Candace Newmaker
145
,
une petite fille ùgée de 10 ans. Au Colorado, Candace a
suffoquĂ© aprĂšs une brutale sĂ©ance de 70 minutes dâun
psychodrame dit de renaissance (
rebirthing
) enregistré en
vidéo, qui devait conduire cette petite fille à témoigner
davantage dâaffection Ă sa mĂšre adoptive.
144
Guicquéro A-M. et Saint-Pierre C.de,
Origine et historique de lâAnalyse
Transactionnelle. Annuaire des psychothérapeutes
. Editions du RĂ©el, 2004.
Pages 32 Ă 36. Ce texte est reproduit sur le site de lâIFAT.
145
Mercer J., Sarner L., and Rosa L.,
Attachment Therapy on Trial. The
Torture and death of Candace Newmaker.
http://www.childrenintherapy.org/
158
Candace Tiara Elmore est née en Caroline du Nord.
Elle est retirée par les services sociaux, avec deux autres de ses
frĂšres et sĆurs, Ă sa famille, pauvre et dĂ©sorganisĂ©e, mais qui
ne semblait pourtant pas la priver dâaffection. Elle est adoptĂ©e
par Jeane Newmaker, infirmiÚre pédiatrique célibataire. Bien
que décrite par ses instituteurs et ses camarades de classes
comme étant affectueuse, sensible et sérieuse, Candace ne peut
ou ne veut pas sâattacher Ă sa mĂšre adoptive, qui voulait
apparemment plus que ce que Candace pouvait lui donner,
lâenfant ayant dĂ©jĂ sa propre histoire. Jeane affirmait que
Candace avait un sérieux problÚme de comportement à la
maison, mĂȘme si Ă lâĂ©cole tout allait bien, et Ă aucun moment,
personne nâa envisagĂ© que, peut-ĂȘtre, sa mĂšre adoptive devrait
prendre conseil sur lâirrĂ©alisme de ses propres attentes.
AprĂšs avoir montrĂ© lâenfant Ă diffĂ©rents mĂ©decins
durant quatre ans, Jeane entendit parler du diagnostic de RAD
et rencontra Bill Globe, qui adressa Candace au plus connu des
thĂ©rapeutes dâ
Attachement Therapy,
Connel Watkins, pour une
thérapie intensive (7.000 dollars, deux semaines à Evergreen,
Colorado).
La méthode « intensive » était une partition bien réglée
et la totalité de la procédure fut enregistrée sur vidéo. Le matin
du psychodrame de la « re-naissance », Candace fut mise en
position fĆtale, emballĂ©e fermement jusquâĂ la tĂȘte dans une
couverture de flanelle, sĂ©curisĂ©e par un nĆud desserrĂ©,
symbolisant ainsi le ventre dâune mĂšre. Quatre grands coussins
et neuf oreillers furent placĂ©s autour dâelle pendant que deux
« thérapeutes » et deux assistants se mettaient à califourchon
sur elle, soit environ 300 kg pesant sur un enfant de 31 kg.
Candace Ă©tait censĂ©e sortir tĂȘte la premiĂšre de ses draps. Elle
ne le put, et une grande déchirure sur le drap prÚs de ses pieds
tĂ©moigna de sa lutte frĂ©nĂ©tique pour sâĂ©chapper. Ses cris Ă
lâaide et au secours, tant elle Ă©touffait, furent considĂ©rĂ©s
comme une crise de colÚre, faisant partie de la « thérapie ». Sa
mĂšre adoptive Ă©tait accroupie Ă quelques pas de Candace, lui
parlant de sa «
re-naissance
». AprÚs 40 minutes, Jeane
159
demanda Ă Candace,
«
Mon amour, veux-tu vraiment
renaßtre ? »,
ce à quoi Candace répondit faiblement, mais
fermement,
« Non ».
Ce fut son dernier mot. Candace décéda
peu aprĂšs. Jeane, ressentant la derniĂšre rĂ©ponse de lâenfant
comme un rejet, quitta la piĂšce en pleurant, pendant que les
deux chefs thĂ©rapeutes chevauchaient lâenfant agonisant, riant
et se moquant de Candace. Les thérapeutes étaient tellement
pris au piĂšge de leur psychodrame collectif quâils Ă©taient
incapables de reconnaßtre les signes évidents de détresse.
Au terme du procĂšs, un an plus tard, les deux chefs
thérapeutes, Connell Watkins et Julie Ponder, furent toutes
deux condamnĂ©es Ă seize ans dâemprisonnement, pour
mauvais traitements ayant entraĂźnĂ© la mort dâun enfant. Elles
nâexprimĂšrent aucun remord durant le procĂšs, pas plus que les
assistants qui affirmÚrent avoir simplement obéi aux ordres.
En 2001, la « loi de Candace » a été votée au Colorado.
Elle interdit lâutilisation du
rebirthing
comme traitement
thérapeutique. Une loi similaire est en vigueur en Caroline du
Nord. En 2002, la Société des Professionnels Américains des
Enfants MaltraitĂ©s a condamnĂ© la ThĂ©rapie de lâAttachement
comme Ă©tant une pratique de maltraitance sans fondement
théorique.
160
2 - LE RISQUE SECTAIRE
LIĂ Ă LâUTILISATION DE CERTAINS PRODUITS,
CLASSĂS OU NON STUPĂFIANTS
Dans son rapport 2005, la MIVILUDES, en dressant le
bilan des travaux des cellules départementales de vigilance,
mettait lâaccent sur le dĂ©veloppement important de la
mouvance
New Age
, avec la prĂ©sence dâune vingtaine de
groupes développant des pratiques guérisseuses,
dâĂ©panouissement personnel parfois fondĂ©es sur le
chamanisme, et dâautres types de « soins ».
Elle indiquait quâil fallait ĂȘtre trĂšs vigilant Ă lâĂ©gard dâun
certain nombre de mouvements, et plus particuliĂšrement ceux
qui étaient en forte opposition à la médecine conventionnelle.
Il Ă©tait Ă©galement prĂ©cisĂ© que, mĂȘme sâil y avait peu de
signalements judiciaires, de nombreuses coordinations de
victimes se mettaient en place, pour répondre à une attente
bien réelle.
Les cellules départementales mettaient en exergue le
regain et lâengouement important pour le nĂ©o-chamanisme
dans notre pays, comme dans le monde occidental. On peut, Ă
cet Ă©gard, faire rĂ©fĂ©rence aux Ă©tudes dâune sociologue
québécoise, Catherine Laflamme, qui montre que
« le
chamanisme est un ensemble de méthodes exotiques et
thĂ©rapeutiques, dont le but est dâobtenir un contact avec un
univers parallÚle »
146
.
Ce phénomÚne a pris une ampleur non négligeable : de
nombreux stages sont proposés sous le thÚme général du
« mieux-ĂȘtre », et, malgrĂ© des prix prohibitifs, ils attirent de
146
Laflamme Catherine,
« Les stratégies sociales des groupes néo-chamanistes
occidentaux
», in
Revue religio-logique
, 2000.
161
plus en plus de personnes, de toutes origines sociales et de tous
Ăąges.
Au cours de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e, cette mouvance sâest
indéniablement développée, et, de façon trÚs rapide. En effet,
une transposition/adaptation du chamanisme sud-américain
dans un premier temps, puis du chamanisme africain dans un
second temps, sâest Ă©tablie en France. Toutes sortes de stages
et de cures de dĂ©sintoxications (alcool, tabac, drogues,âŠ) sont
proposés, le plus souvent, sans aucun contrÎle médical,
scientifique ou psychologique.
Le néo-chamanisme a été décrit par Michel Perrin,
ethnologue et directeur de recherche au CNRS, comme
« étant
censé permettre de devenir chamane pour soi, et il développe
cette approche comme Ă©tant une recherche sincĂšre mais
souvent pathĂ©tique dâune spiritualitĂ© Ă sa propre mesure »
147
.
Cette recherche peut ĂȘtre accompagnĂ©e de la prise dâayahuasca
(breuvage obtenu par une infusion de deux plantes originaires
dâAmazonie : une feuille et une liane), les effets psycho-actifs
de lâayahuasca Ă©tant traditionnellement utilisĂ©s par les
chamanes du bassin amazonien dans des rites initiatiques ou
religieux.
Des stages de ce type ont été organisés en France, et des
voyages en Amérique du sud, plus particuliÚrement au Pérou,
ont également été proposés au public.
Le classement de lâayahuasca au tableau B des
stupĂ©fiants, par arrĂȘtĂ© du ministre de la SantĂ© du 20 avril 2005,
a interdit lâutilisation de ce produit sur notre territoire, les
stages ayant, du coup, été systématiquement transférés en
Amérique du sud.
Dâautres stages « initiatiques » trouvent leurs racines
dans le culte
Bwiti
, originaire du Gabon. Les pratiques qui sây
147
Perrin Michel,
Le Chamanisme
, coll. « Que sais-je ?, Presses universitaires de
France, 1995.
162
rattachent, permettent aux initiés de se rendre au royaume des
morts, puis de renaßtre en homme nouveau. Schématiquement,
lâobjectif est de reprendre possession de soi-mĂȘme, et donc,
dâespĂ©rer gĂ©rer parfaitement sa vie âŠ
Ă lâorigine, le rituel
Bwiti
permettait lâinitiation tribale
des jeunes, leur permettant dâaccĂ©der Ă lâĂąge adulte. Pour cette
initiation, les chamanes africains utilisaient une racine, lâiboga.
Cette plante, qui suscite un intĂ©rĂȘt grandissant dans les
milieux scientifiques américains et japonais, est une plante
hallucinogĂšne qui pousse au Gabon. Lâiboga est un petit
arbuste sauvage Ă latex, qui peut atteindre 1,50 m environ.
Seule la racine de cet arbuste est utilisĂ©e par les chamanes. Ă
lâorigine, cette plante Ă©tait considĂ©rĂ©e comme un
aphrodisiaque, mais Ă©galement comme un stimulant ou un
excitant. Certaines tribus ont surnommé cet arbuste
« le bois
sacré »,
cette plante étant utilisée dans de nombreux rituels.
Il est également prétendu par un médecin africain, le Dr.
Louma, prĂ©sident dâune association dâaide aux toxicomanes
148
que cette plante favoriserait lâagilitĂ© et lâendurance dâun
individu, et quâelle serait Ă ce titre utilisĂ©e par les chasseurs,
sur le continent africain.
De nombreux Ă©crits affirment que la racine de lâiboga se
serait révélée trÚs efficace dans le sevrage des toxicomanies
dites « dures », et que cette plante pouvait, à long terme,
remplacer la méthadone ; mais aucune expérimentation validée
scientifiquement ne vient, pour lâheure, confirmer ces propos
un peu trop péremptoires.
Il est important dâindiquer que cette racine a Ă©tĂ© classĂ©e
patrimoine national au Gabon depuis peu, et que sa vente et
son utilisation sont interdites aux Ătats-Unis, en Suisse et en
Belgique.
148
www.sciencepresse.qc.ca
163
Aux Ătats-Unis, l'iboga est interdite depuis 1966. Elle est
en effet listée dans la catégorie I du
"controled substance Act"
,
ce qui signifie que le gouvernement américain a établi que les
trois critĂšres ci-dessous s'appliquent :
- risque d'abus :
(A) The drug or other substance has a high
potential for abuse,
- pas d'usage médical reconnu :
(B) The drug or other
substance has no currently accepted medical use in treatment
in the United States,
- risque sanitaire en cas d'usage médical :
(C) There is a lack
of accepted safety for use of the drug or other substance under
medical supervision.
Par ailleurs, le
« National Institute on drug abuse »
a
abandonné en 1995 un projet de recherche sur le bénéfice
mĂ©dical de l'ibogaĂŻne (principe actif de la racine dâiboga),
notamment pour traiter l'addiction à l'héroïne.
De nombreuses personnes, principalement
via
internet,
ont Ă©tĂ© attirĂ©es par les vertus supposĂ©es de lâiboga et par le
rituel qui entoure son usage. En effet, il peut y avoir une
véritable curiosité et une réelle attirance pour un cérémonial et
un rituel inconnus et ésotériques, et pouvoir y participer en
annihilant sa timidité et ses préjugés constitue pour beaucoup
un challenge intéressant.
Lâinitiation au culte
Bwiti
nĂ©cessite lâabsorption dâiboga
Ă haute dose. Cela est censĂ© permettre Ă lâindividu de faire un
voyage en lui-mĂȘme, de revoir sa vie entiĂšre en quelques
heures, et de pouvoir ainsi constater ses erreurs et leurs
origines. Dans le cadre du rituel africain, câest un sorcier
guérisseur, maßtrisant cette pratique traditionnelle grùce à la
transmission de savoirs par delà les générations, et disposant
des plantes pouvant servir dâantidote, qui organise la
cérémonie et « initie » le sujet selon les coutumes ancestrales.
Cela ne semble malheureusement pas ĂȘtre le cas dans les
stages proposĂ©s en France, oĂč lâon peut parler, au sens propre,
« dâapprentis sorciers ».
164
La transposition de ces rituels africains en Europe et en
France est due Ă un phĂ©nomĂšne dâengouement, commun
actuellement Ă tous les mouvements touchant au
New Age
. Il
illustre aujourdâhui une certaine attirance pour lâinconnu,
lâĂ©trange, ou plus exactement, lâintĂ©rĂȘt pour ce qui sâĂ©loigne
du concret ou du cartésianisme : on repousse ainsi les limites,
y compris celle de lâespoir, espoir dâune guĂ©rison ou espoir
dâune vie meilleure.
JusquâĂ prĂ©sent, peu de mouvements sectaires avaient
utilisé des produits pour asseoir une doctrine ou une
philosophie. En effet, les méthodes utilisées pour exercer une
emprise sur les personnes sont plus souvent fondées sur
lâabsence de sommeil, le jeĂ»ne, la rĂ©pĂ©tition gestuelle ou la
psalmodie, toutes techniques destinées à placer le sujet dans un
Ă©tat de faiblesse et une position infantile, de nature Ă faciliter
lâeffacement de sa personnalitĂ©, donc, de son sens critique et
de sa raison.
A partir du moment oĂč lâabsorption de substances
comme lâiboga se fait dans un environnement clos, et sans
aucun contrĂŽle dâautoritĂ©s compĂ©tentes dans le domaine
médical, sans le moindre avis officiel sur les dangers éventuels
de ce produit, les services de lâĂtat ont le devoir dâĂ©tudier le
phĂ©nomĂšne avec la plus grande vigilance et dâaviser la
population des risques Ă©ventuels de cette pratique. Quant Ă
lâadaptation particuliĂšre de lâinitiation
Bwiti
en France et en
Europe, elle soulĂšve des questions auxquelles nul nâa encore
pu apporter une réponse satisfaisante.
La MIVILUDES, dans un de ses courriers
149
, a interrogé
le ministÚre de la Santé et des Solidarités à ce sujet, et plus
particuliĂšrement, sur lâencadrement de la consommation de
lâiboga. Dans sa rĂ©ponse du 17 aoĂ»t 2006, le Ministre de la
SantĂ© indique que lâiboga constitue, Ă forte dose, un
hallucinogĂšne et, quâĂ faible dose, il peut ĂȘtre considĂ©rĂ©
149
Courrier du 8 février 2006.
165
comme un psycho-stimulant
; il ajoute que lâintĂ©rĂȘt
thĂ©rapeutique de lâibogaĂŻne dans lâattĂ©nuation du syndrome de
sevrage des opiacés a été envisagé dÚs 1988 et que des essais
cliniques dans le traitement des dépendances seraient
actuellement menĂ©s aux Ătats-Unis et en IsraĂ«l.
Le Ministre de la SantĂ© prĂ©cise que, si lâiboga a Ă©tĂ©
commercialisé en France de 1939 à 1966 sous le nom de
« Tablettes de Lamborine »,
et utilisé dans les indications de
dĂ©pression et dâasthĂ©nie, plus aucun mĂ©dicament renfermant
cette substance nâest aujourdâhui commercialisĂ© dans notre
pays.
DĂšs lors que lâiboga et lâibogaĂŻne ne sont actuellement
classés ni sur la liste des substances vénéneuses, ni sur la liste
des psychotropes, ni sur celle des stupéfiants, ils ne font,
actuellement, lâobjet dâaucune mesure dâinterdiction
particuliĂšre.
Toutefois, en 2005, Ă la suite du dĂ©cĂšs dâun homme qui
aurait consommĂ© de lâiboga dans le cadre dâun stage
chamanique, lâAgence française de sĂ©curitĂ© sanitaire des
produits de santĂ© (AFSSAPS) a ouvert une enquĂȘte sur cette
plante.
Le classement de lâiboga sur la liste des stupĂ©fiants
pourrait ĂȘtre proposĂ©. LâarrĂȘtĂ© du 20 avril 2005, classant
lâayahuasca sur la liste des stupĂ©fiants, a fait lâobjet dâune
demande dâun recours pour excĂšs de pouvoir devant le Conseil
dâĂtat de la part de plusieurs groupes et individus organisant
des stages basĂ©s sur lâabsorption de cette substance, Ă©galement
dans un cadre chamanique. LâAFSSAPS souhaite donc
attendre que le Conseil dâĂtat ait statuĂ© sur cette requĂȘte avant
de soumettre le projet de classement de lâiboga Ă lâexamen de
la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes
(CNSP).
166
Le ministĂšre de la SantĂ© indique enfin quâune enquĂȘte
nationale sur les plantes hallucinogÚnes et les dérives sectaires
sera programmée prochainement.
Le nombre de questions et de témoignages
150
reçus par la
MIVILUDES montre que le public associe la prise de ce type
de substance Ă une dĂ©pendance autre que celle liĂ©e Ă
lâabsorption de produit : nos concitoyens semblent rapprocher
cette dĂ©pendance dâune forme dâemprise dâun groupe ou dâune
personne sur lâindividu, le tout autour de rĂ©unions et de rituels
liĂ©s Ă la consommation dâun produit rare.
Cela a Ă©tĂ© le cas avec lâayahuasca avant son classement,
puis avec lâiboga, qui semble avoir pris la place de la premiĂšre
nommĂ©e dans lâorganisation des stages dâinitiation au
chamanisme.
On peut aussi lĂ©gitimement sâinterroger sur les aspects
Ă©conomiques liĂ©s Ă lâorganisation de ces stages, en dehors de
tout contrÎle médical réel. En effet, les familles ou les proches
sâĂ©tonnent des prix exorbitants demandĂ©s pour des stages, qui
sont souvent trÚs brefs et qui ne dépassent pas, en général, une
semaine. Le montant des inscriptions sâĂ©chelonne entre 400 âŹ
et 900 ⏠par semaine.
Les annonces qui fleurissent sur internet sâadressent
largement Ă tous les publics et ne concernent pas uniquement
les toxicomanes dépendants. Ces publicités indiquent :
« Le
Bwiti vous aidera dans votre développement personnel, comme
pour lutter contre votre toxicomanie ou votre alcoolisme »
151
.
Ce mĂ©lange des genres ne peut quâinquiĂ©ter aussi bien les
spécialistes que le grand public.
En effet, la réunion de publics sensibles (toxicomanes,
alcooliques) et de personnes ayant dâautres types de problĂšmes
150
Voir Annexe 1.
151
www.iboga.org
167
personnels ne semble pas propice Ă la prise en compte des
pathologies de chacun. Cela peut, bien au contraire, aboutir Ă
des drames si ces personnes aux problématiques si différentes
manquent dâun encadrement vĂ©ritablement professionnel et
compétent.
Le 18 juillet dernier, dans un centre en ArdĂšche, un jeune
homme de 26 ans, toxico-dépendant, a trouvé la mort dans des
circonstances que lâenquĂȘte en cours devra dĂ©terminer. En tout
Ă©tat de cause, il avait consommĂ© de lâiboga. Cette affaire
dramatique confirme la nĂ©cessitĂ© de lâencadrement et de la
surveillance de ce type de stages initiatiques, chamaniques ou
de sevrage, qui risquent dâaboutir Ă dâautres affaires de ce
type.
En marge de ce type dâaffaires, dâautres consĂ©quences
sĂ©vĂšres peuvent voir le jour pour lâutilisateur dâiboga, si ce
dernier nâest pas suivi par de vĂ©ritables spĂ©cialistes. De
nombreux témoignages font apparaßtre que le type de
« voyage » produit par lâabsorption dâiboga se rĂ©vĂšle parfois
effrayant, «
impression de coups de marteau sur le crĂąne,
piqĂ»res dâaiguilles sur la langue, etc »
. Le manque de recul ne
permet pas de déterminer exactement les conséquences
psychologiques qui risquent de se présenter pour certaines
personnes fragiles aprĂšs quâelles ont consommĂ© cette
substance.
Un Ă©crivain connu, ayant tentĂ© lâexpĂ©rience de lâiboga,
dans un contexte parfaitement encadrĂ© dâapproche initiatique
du
Bwiti
, au Gabon, témoigne
« dâexpĂ©rience trĂšs marquante
et angoissante, avec une substance incroyablement violente,
qui, quels que soient ses résultats sur un sevrage de drogues
dures, nécessite absolument une surveillance médicale et
psychologique trÚs sérieuse et aussi sérieuse que le traitement
à la méthadone par exemple »
.
Il prĂ©cisait quâaprĂšs cette prise de substance, il Ă©tait
Ă©vident quâil Ă©tait trĂšs facile de faire faire ce que lâon voulait Ă
celui qui avait ingéré cette racine.
168
En conclusion, et à la suite de divers témoignages
parvenus Ă la MIVILUDES, il faut ĂȘtre attentif Ă une nouvelle
approche de certaines mouvances qui se basent sur les effets
de certaines substances, dans un premier temps pour soigner le
mal-ĂȘtre ou toutes sortes de dĂ©pendances, dans un deuxiĂšme
temps pour fidéliser les « stagiaires » au sein de communautés.
Ces adeptes pourront alors devenir eux-mĂȘmes initiateurs ou,
tout au moins, participer activement au prosélytisme pour ce
type de stage.
Les tĂ©moignages venant des familles mettent lâaccent sur
la modification du comportement des proches Ă la suite de ce
type de stage : coupure avec le milieu familial, abandon de ses
projets initiaux, abandon, dans certains cas, de son travail et
demande dâargent aux familles pour participer Ă dâautre stages,
etc. Tous ces critÚres figurent au nombre de ceux généralement
retenus pour qualifier les dérives sectaires.
La gendarmerie nationale, ainsi que les services de
police, ont été amenés, en 2005-2006, à traiter de ces affaires
dans le cadre de plusieurs enquĂȘtes allant du simple trouble Ă
lâordre public (tapage nocturne) Ă lâenquĂȘte consĂ©cutive Ă un
décÚs.
169
3 - LE RISQUE SECTAIRE :
DISPOSITIFS JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF
EN EUROPE ET EN AMĂRIQUE DU NORD
Ă ce jour, peu dâĂ©tudes comparatives ont Ă©tĂ© menĂ©es
sur les circonstances dans lesquelles les gouvernements
dâautres pays ont pu ĂȘtre confrontĂ©s aux problĂšmes de dĂ©rives
sectaires ni sur la maniÚre dont un phénomÚne qui ignore
largement les frontiÚres géopolitiques est abordé dans des
Ătats nâayant ni la mĂȘme histoire, ni les mĂȘmes traditions, ni
les mĂȘmes lĂ©gislations que la France. Câest pourquoi la
MIVILUDES a jugĂ© utile et intĂ©ressant dâinterroger nos postes
diplomatiques dans un certain nombre de pays amis et
partenaires afin dâamorcer ici une rĂ©flexion susceptible de
déboucher sur une meilleure compréhension mutuelle et sur un
renforcement de la protection de nos ressortissants.
Ă lâexception de la Belgique, qui sâest dotĂ©e dâune
lĂ©gislation appropriĂ©e et qui dispose dâun organe permanent de
rĂ©flexion et dâinformation, aucun des pays Ă©tudiĂ©s ne dispose
de structure comparable à la Mission interministérielle de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Si la situation
de la France présente une spécificité et des particularités, liées
notamment à sa conception de la laïcité, il reste que les
principes directeurs de la politique française au regard de
lâĂ©valuation du risque, de la mise en Ćuvre de sanctions
réprimant les dérives en application du droit commun, et de la
prise en charge des victimes, se retrouvent souvent, pour
lâessentiel, dans dâautres Ătats, sous une forme sans doute
moins régalienne, mais pas nécessairement moins rigoureuse.
Certains pays, comme lâAutriche, lâEspagne, la
RĂ©publique TchĂšque et lâItalie disposent dâun cadre
administratif et juridique permettant une certaine vigilance
ainsi quâune relative prĂ©vention des dĂ©rives sectaires
170
Ă©ventuelles. Dâautres, comme lâAllemagne, le Royaume Uni,
la GrĂšce, ou la Pologne nâont pas Ă proprement parler prĂ©vu de
dispositif particulier de vigilance mais veillent nĂ©anmoins Ă
assurer une certaine prévention des dérives sectaires, tandis
que lâaide aux victimes relĂšve gĂ©nĂ©ralement dâinitiatives de la
sphÚre privée. En ce qui concerne le Canada, son libéralisme
sur la question des mouvements sectaires est aujourdâhui
tempéré dans certains domaines, notamment depuis le 11
septembre 2001, entraĂźnant la surveillance de certains
mouvements sectaires qui font lâobjet dâune liste officieuse.
Enfin, on verra que les Ătats-Unis, la SuĂšde et le Danemark
pratiquent un libéralisme quasi-total en la matiÚre, parfois en
dĂ©calage avec les aspirations du public, si lâon en croit certains
organes de presse ou certains auteurs.
La présente étude examine le cadre légal ou
rĂšglementaire en vigueur dans ces pays en distinguant cinq
catégories correspondant aux spécificités décrites ci-dessus,
puis elle expose comment sont traités ou perçus trois grands
mouvements transnationaux bien connus du public et qui sont
lâobjet en France dâune attention particuliĂšre, en raison de faits
et de signalements ayant rĂ©guliĂšrement attirĂ© lâattention des
pouvoirs publics et des associations de défense des personnes
et des familles. Il sâagit de lâ
Ăglise de Scientologie,
des
TĂ©moins de JĂ©hovah
et de lâ
Association du Saint-Esprit pour
l'Unification du Christianisme Mondial
plus connue sous le
nom de
Moon
.
I - Le cadre juridique et administratif
A â La Belgique
La Belgique est le pays qui présente, par ses choix, la
plus grande similitude avec la France, mais son approche
pragmatique du phénomÚne sectaire reste originale.
Depuis 1999, elle sâest dotĂ©e du Centre dâinformation
et dâavis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN)
171
implanté à Bruxelles. Celui-ci a examiné 598 groupements,
concluant que le paysage sectaire est en constante Ă©volution. Ă
cÎté des grandes organisations multinationales, certains
groupes issus du protestantisme nord-américain constituent
une préoccupation importante, tandis que la recrudescence de
micro groupes ou dâindividus agissant dans les domaines de la
santé et du développement personnel ainsi que dans celui de la
formation professionnelle, est jugée inquiétante. Un éditorial
du magazine Ă©conomique
Trends,
début avril 2006, pointe
Ă©galement du doigt lâactivitĂ© des mouvements sectaires dans
les entreprises par le biais des formations et il appelle chacun Ă
faire preuve de vigilance et à prendre ses responsabilités.
De son cÎté, la Chambre des Représentants a été saisie
en avril de deux textes visant Ă condamner lâabus de faiblesse,
lâun Ă©tant un projet de loi dĂ©posĂ© par la ministre de la Justice,
lâautre Ă©tant une proposition de loi, dĂ©posĂ©e par la commission
dâenquĂȘte parlementaire « sectes » Ă la suite des conclusions
de cette derniĂšre qui Ă©voquait dans son rapport un certain
nombre dâinsuffisances dans lâorganisation de la justice,
notamment lâabsence de sections spĂ©cialisĂ©es dans les
Parquets directement en charge des délits liés à des pratiques
sectaires. Le groupe de travail déplorait également le manque
de moyens matériels et humains et certaines lacunes en
matiĂšre de coordination entre les services. Il proposait une
sensibilisation et une formation accrue des diverses autorités,
une meilleure coordination et lâĂ©laboration dâun plan dâaction
pour la Justice, encouragée à jouer un rÎle moteur, ainsi que
pour la Police et la Sûreté.
Au plan international, la Commission dâenquĂȘte
parlementaire belge encourageait Interpol Ă ĂȘtre plus actif et
prĂŽnait la recherche dâune cohĂ©rence Ă 25 au sein des
institutions européennes. Enfin, elle appuyait la
recommandation du Conseil de lâEurope de crĂ©er un
Observatoire européen du phénomÚne sectaire.
172
B â LâAutriche, lâEspagne, la RĂ©publique TchĂšque et lâItalie
On examinera dans le présent groupe, les pays qui
disposent dâun cadre administratif et juridique permettant une
certaine vigilance ainsi quâune relative prĂ©vention des dĂ©rives
sectaires Ă©ventuelles.
LâAutriche
a mis en place un systĂšme de
reconnaissance officielle des religions Ă plusieurs Ă©tages et un
office fédéral pour les questions des mouvements sectaires
chargĂ© de rassembler lâinformation sur ces groupes et dâaider
les victimes. En effet, en droit autrichien, il existe trois statuts
pour les groupements Ă caractĂšre religieux :
- Le premier est le statut de « société religieuse reconnue par la
loi » (Gesetzlich anerkannte Religionsgesellschaft), dotée
dâune personnalitĂ© morale de droit public et dâun certain
nombre de privilĂšges, notamment fiscaux. Les conditions
requises sont une anciennetĂ© de vingt ans dâexistence, un
effectif dâau moins 2000 membres sur le territoire national, un
usage des moyens Ă des fins exclusivement religieuses, une
attitude positive envers la sociĂ©tĂ© et lâĂtat, des relations sans
troubles avec les autres groupes religieux. Treize groupes
bénéficient de ce statut.
- Le deuxiÚme regroupe les « communautés confessionnelles »
(Bekenntsnissgemeinschaft) et se prĂ©sente sous forme dâun
statut de droit privé permettant, au terme de dix années,
dâobtenir la reconnaissance lĂ©gale mentionnĂ©e ci-dessus, sous
réserve de remplir les autres conditions. Ce statut est refusé
aux groupes qui se rendent coupables dâ«
agissements
entravant le dĂ©veloppement psychologique dâadolescents,
portant atteinte Ă lâintĂ©gritĂ© physique, ou utilisant des
méthodes de psychothérapie à des fins de diffusion de la foi ».
Dix communautés relÚvent de ce statut.
- Enfin, le troisiĂšme est le statut dâ« association ordinaire »
(Verein).
En 1998, lâAutriche a mis en place un « Office fĂ©dĂ©ral
pour les questions liées aux sectes
» (Bundesstelle fĂŒr
Sektenfragen), qui a la double mission, dâune part, de collecter
173
lâinformation disponible sur les mouvements sectaires, et
dâautre part, dâaider et de conseiller les personnes en difficultĂ©
en raison de leur appartenance ou de celle de leurs proches Ă
lâun de ces mouvements. Cet office est placĂ© auprĂšs du
ministÚre fédéral des Affaires sociales, des générations et de la
protection des consommateurs.
En
Espagn
e
,
pays oĂč lâĂglise catholique bĂ©nĂ©ficiait du
statut de religion officielle il y a encore trente ans et oĂč elle
dispose encore dâimportants rĂ©seaux (
Opus Dei, LĂ©gionnaires
du Christ
, congrégations diverses), la question de la liberté
religieuse ne se pose que depuis une période récente. Le cadre
juridique en la matiÚre est inchangé depuis vingt-cinq ans et
repose principalement sur deux textes : la loi organique du 5
juillet 1980 sur la liberté religieuse et le décret royal du 9
janvier 1981 sur lâorganisation et le fonctionnement du registre
des entités religieuses.
Le ministĂšre de la Justice, en charge des cultes, a la
responsabilité de tenir ce registre. Le gouvernement espagnol a
Ă©galement conclu des accords spĂ©cifiques avec lâĂglise
catholique (Concordat avec le Saint-SiĂšge de 1979) et les
cultes protestant, juif et musulman (1992). Il a reconnu Ă ces
trois derniers cultes la qualité de « religion enracinée ». Quatre
conditions déterminent ce statut qui ouvre le droit à des
exemptions fiscales et Ă certaines subventions publiques : un
concept transcendantal des dogmes, une présence historique
sur le territoire, une permanence, un nombre substantiel de
fidĂšles. Les
Mormons
bénéficient depuis 2003 du statut de
«
religion enracinée
» mais ils nâont pas encore conclu
dâaccord avec le gouvernement espagnol.
En matiĂšre de lutte contre les organisations sectaires,
aucune lĂ©gislation spĂ©cifique nâest envisagĂ©e mais les
procĂ©dures judiciaires en instance contre lâ
Ăglise de
Scientologie
pourraient contribuer, en cas de condamnation de
cette derniĂšre, Ă relancer le dĂ©bat sur les mouvements Ă
caractĂšre sectaire.
174
En
RĂ©publique TchĂšque
, lâenregistrement des Ăglises et
des communautés religieuses relÚve de la compétence du
ministÚre de la Culture. Ce sujet est régi par la loi 3/2002
relative à « la liberté de croyance et au statut des communautés
religieuses
». Cette loi a permis une libéralisation de
lâobtention du statut juridique pour les petites Ăglises ou les
communautĂ©s de taille rĂ©duite. Lâarticle 5 de la loi prĂ©cise
cependant les conditions limitant lâactivitĂ© des communautĂ©s
et des Ăglises, lâobjectif Ă©tant de restreindre lâenregistrement
dâorganisations jugĂ©es « dangereuses » car susceptibles de
manipuler les populations les plus fragiles et en particulier les
mineurs.
En
Italie
, lâactivitĂ© des mouvements Ă caractĂšre sectaire
et leur développement sont surveillés depuis une dizaine
dâannĂ©es. Cependant lâaction des services de lâĂtat est freinĂ©e
par des recours judiciaires prĂ©sentĂ©s par certains dâentre eux
sâestimant diffamĂ©s. Le dĂ©veloppement de la criminalitĂ©
associée aux groupes sataniques a cependant conduit les forces
de sécurité à exercer une surveillance de leurs activités. Par
ailleurs, le monde associatif â essentiellement celui proche de
lâĂglise catholique â a dĂ©veloppĂ© des Ă©tudes et entrepris
quelques actions sur ce thĂšme.
Sâagissant de la rĂ©ponse officielle aux dĂ©rives sectaires,
une étude approfondie du phénomÚne sectaire, conduite en
1998 et intitulée
« Les sectes sataniques et les mouvements
religieux »
, répertoriant une vingtaine de groupes sectaires
comprenant plusieurs milliers dâadeptes, avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par
la Direction centrale de la police de prévention (DCPP). DÚs
sa publication, en 2001, ce rapport a fait lâobjet de recours de
la part des mouvements cités, ce qui a entraßné un pas en
arriĂšre des pouvoirs publics. Ă lâheure actuelle, les
renseignements recueillis sur le phénomÚne sectaire par les
autoritĂ©s ne font plus lâobjet de communication. En ce qui
concerne les groupes sataniques, des enquĂȘtes judiciaires ont
Ă©tĂ© menĂ©es par les services de police sur la base dâinfractions
pénales de droit commun. Enfin, la Police postale, dans sa
mission de surveillance du réseau internet, notamment en
175
matiĂšre de pĂ©do-pornographie, prĂȘte une attention toute
particuliĂšre aux sites satanistes. Quant Ă lâengagement
parlementaire dans la lutte contre les dérives sectaires,
quelques initiatives ont été conduites dans le domaine normatif
afin de combler le vide juridique créé par la décision de la
Cour constitutionnelle en date du 9 avril 1981. Celle-ci
censure lâarticle 603 du Code pĂ©nal Ă©nonçant que le fait de
« soumettre une personne à son propre pouvoir, en sorte
quâelle soit mise dans un Ă©tat de totale sujĂ©tion » constituait un
«
plagio
» câest Ă dire lâassujettissement, puni pĂ©nalement.
Cette décision était motivée par le caractÚre « trop vague » de
la formule, qui donnait au juge une marge dâapprĂ©ciation
excessive et qui était en conséquence en contradiction avec les
principes fondamentaux du droit de la défense.
La suppression de cet article introduit dans le Code
pénal en 1930, a ouvert un vide juridique et aucune disposition
ne garantit plus désormais la protection de la « liberté morale »
des individus contre toute forme de pression psychologique
qui serait exercĂ©e sur eux. Le dĂ©bat sur lâopportunitĂ© de
rĂ©introduire dans le droit italien un tel dispositif sâest traduit
par plusieurs propositions dont celle dĂ©posĂ©e Ă lâoccasion de la
prĂ©sentation, en 1998, du rapport du ministĂšre de lâIntĂ©rieur
sur
« Les sectes religieuses et les nouveaux mouvements
magiques en Italie »
visant Ă introduire dans le droit positif un
« dĂ©lit dâagression Ă la libertĂ© psychique ». Cette proposition
est demeurée sans suite.
La sénatrice de Forza Italia, Mme Casellati, a déposé le
9 juin 2006 une proposition de loi destinée à introduire le délit
de manipulation mentale dans le droit pénal italien,
précisément pour répondre au vide créé par la décision de la
Cour constitutionnelle dâavril 1981. La proposition intĂšgrerait
le texte suivant dans le code pĂ©nal italien : Article 613 bis â
Manipulation mentale : « Quiconque, par violence, menace,
moyens chimiques, interventions chirurgicales ou pratiques de
conditionnement de la personnalité, conduit autrui dans un état
de sujĂ©tion tel quâil lui fasse perdre la capacitĂ© de jugement et
la capacité de se soustraire à ce qui est imposé par autrui, aux
176
fins de lui faire commettre un acte ou déterminer une omission
qui lui seraient gravement préjudiciables, est puni de la
réclusion de quatre à huit années. Si le fait est commis dans le
cadre dâun groupe qui promeut des activitĂ©s qui ont pour
objectif ou pour effet de créer ou de tirer profit de la
dépendance psychologique ou physique des personnes qui y
participent, les peines visées au paragraphe premier sont
augmentĂ©es dâun tiers ».
Sâagissant des initiatives non gouvernementales, des
associations de lutte contre les dĂ©rives sectaires tentent dâaider
les personnes victimes de ces dérives ainsi que leurs familles.
Plusieurs sont proches de lâĂglise catholique, tel le ComitĂ© des
familles des victimes de sectes / Rimini (FAVIS/Rimini) qui
aide les victimes à rédiger les plaintes et dont la devise est
« Stop à la manipulation mentale » ; le Groupe de recherche et
dâinformation sur les sectes (GRIS), qui sâoccupe de lâĂ©tude du
phĂ©nomĂšne sectaire avec un intĂ©rĂȘt particulier pour les
TĂ©moins de JĂ©hovah
(
Association la « Tour de Garde »
) ; ou
encore lâassociation
Communauté Pape Jean XXIII
,
association privée internationale de droit pontifical,
sâoccupant, entre autres, de la lutte contre les dĂ©rives sectaires
et qui collabore avec les services du ministĂšre de lâIntĂ©rieur.
Dâautres organismes sont dâessence laĂŻque comme
lâAssociation pour la recherche et lâinformation sur les sectes
(ARIS / Veneto) constituée en vue de lutter contre les dérives
des organisations Ă caractĂšre sectaire en Italie.
A lâinverse, le Centre dâĂ©tudes sur les nouvelles
religions (CESNUR), dirigĂ© par lâhistorien et sociologue
italien Massimo INTROVIGNE, assimile les mouvements
sectaires Ă de nouveaux mouvements religieux et mĂšne un
véritable combat national et international contre les
associations ou les organismes gouvernementaux de défense
des victimes de ces mouvements.
177
C â LâAllemagne, le Royaume Uni, la GrĂšce, la Pologne, Chypre
Dans ce groupe, les pays nâont pas, Ă proprement
parler, prévu de dispositif particulier de vigilance mais ils
veillent néanmoins à assurer une certaine prévention des
dĂ©rives sectaires, tandis que lâaide aux victimes de ces dĂ©rives
relĂšve gĂ©nĂ©ralement dâinitiatives de la sphĂšre privĂ©e.
LâAllemagne
nâexerce aucune surveillance sur les
mouvements sectaires en tant que tels, mais seulement dans la
mesure oĂč ils sont soupçonnĂ©s de nuire aux enfants. Il nâexiste
pas dâĂ©quivalent de la MIVILUDES en Allemagne, la Section
de sĂ©curitĂ© IntĂ©rieure au sein du ministĂšre fĂ©dĂ©ral de lâIntĂ©rieur
et lâOffice de la protection de la constitution pouvant ĂȘtre
chargés, trÚs accessoirement, du suivi de certains mouvements
sectaires. La tradition allemande, qui privilégie une conception
libérale en matiÚre religieuse, répugne à parler de « sectes » et
préfÚre la notion de « communautés religieuses ».
Si lâĂ©galitĂ© entre les religions prĂ©vaut en principe,
lâĂtat confĂšre Ă certaines religions le statut lĂ©gal de
« collectivitĂ© de droit public » (Körperschaft des Ăffentlichen
Rechts) et leur accorde un certain nombre de privilĂšges. La
Loi Fondamentale ne garantit pas un soutien Ă©gal Ă toutes les
religions : seulement certaines, dites « établies » du fait du
nombre important de leurs fidĂšles, de la bonne organisation de
leur financement et aussi pour des raisons de tradition
historique, peuvent revendiquer le statut de « collectivité de
droit public ».
En 2006, ne peuvent sâen prĂ©valoir que les protestants,
les catholiques, les juifs et, depuis février, les
TĂ©moins de
JĂ©hovah
. Seules les Ăglises bĂ©nĂ©ficiant de ce statut sont
autorisées à percevoir des cotisations obligatoires de leurs
fidĂšles (Kirchensteuer), que lâĂtat se charge de collecter par le
biais du paiement de lâimpĂŽt sur le revenu. Elles ont, entre
autres, le droit de donner des cours dâinstruction religieuse
dans les Ă©coles publiques et de sâexprimer sur les ondes de la
radiodiffusion publique.
178
Au
Royaume Uni
, un organisme public indépendant,
rattaché au Home Office, la « Charity Commission », confÚre
aux organisations qui peuvent y prétendre le statut de
«
Religious Charities
». Une association indépendante,
«
Information network focus on religious movements
»
(INFORM), assure une veille sur les «
New religious
movements» établis dans le royaume. INFORM est financé par
des fonds provenant en majeure partie du Home Office, mais
aussi de la Police de Londres (MET) et de lâĂglise
dâAngleterre. Il gĂšre Ă©galement une base de donnĂ©es
comprenant plus de 3300
«
New religious movements
»
(NMRS) ou « Religions minoritaires ». Dans son Rapport
2005, lâassociation indique que, parmi les groupes qui ont fait
lâobjet du plus grand nombre de demandes, quatre sont
particuliÚrement cités :
« The Church of Scientology »,
la
« School of economic sciences »
, les «
TĂ©moins de JĂ©hovah
»
et la
« Family federation for world peace and unification »
(
Moon)
.
INFORM explique cet intĂ©rĂȘt pour ces «
usual
suspects
» par leur «
réputation, leur visibilité et leur
comportement, ou par une combinaison de ces facteurs, ainsi
que pour des raisons événementielles ».
Les Commissaires de la « Charity Commission » sont
guidés par les principes généraux datant du début du XIX
e
siĂšcle pour dĂ©cider dâattribuer ou non, aux associations qui en
font la demande, le statut de « Religion » selon les termes de la
« Charitable Law » en vigueur en Angleterre et au Pays de
Galles.
En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la loi britannique est neutre Ă lâĂ©gard
de lâaspect religieux des «
Charities
», les tribunaux ne
pouvant décider du bien fondé de chaque croyance religieuse.
Pour bénéficier du statut de « Religious Charity », ces
mouvements religieux minoritaires doivent répondre aux
critÚres généraux suivants définis par les «
Charity
179
Commissionners » : les disciples ont-ils foi en un Ătre
SuprĂȘme ? Prient-ils un Ătre suprĂȘme ? Lâorganisation fait-elle
progresser la religion ? Est-elle Ă©tablie au profit du public ?
Parmi les nombreux avantages que confĂšre cette
reconnaissance de «
Religious Charity
», on trouve
notamment : une exemption du paiement de lâimpĂŽt sur le
revenu, sur les sociétés, sur le capital, ainsi que du droit de
timbre et du paiement de taxes sur lâhĂ©ritage ; la limitation Ă
20% du loyer normal des immeubles quâils occupent et
utilisent Ă des fins « charitables » ; lâautorisation de lever des
fonds auprĂšs du public et de solliciter des fonds fiduciaires
(Trusts) et des bourses des gouvernements locaux, plus
facilement que des organisations non reconnues. Enfin, cette
reconnaissance de leur statut leur procure la confiance du
public.
En
GrĂšce
, le statut des minorités religieuses est encore
largement régi par des décrets datant de la dictature de
Metaxas. Lâarticle 1er de la loi n°1363 de 1938 et le dĂ©cret
royal du 20 mai 1939 stipulent quâune autorisation prĂ©alable
est nĂ©cessaire Ă la construction dâun temple ou dâun lieu de
culte, ou Ă lâutilisation dâun bĂątiment existant Ă cette fin.
La Constitution reconnaissant à la religion chrétienne
orthodoxe une position dominante, la législation prévoyait
également que le prosélytisme constituait un délit (article 13
de la Constitution et article 4 de la loi n°1672 de 1939), ce qui
fait que ces dispositions légales ont longtemps été considérées
comme une protection accordée à la religion orthodoxe,
notamment au détriment des
TĂ©moins de JĂ©hovah
et de leurs
pratiques. Désormais, le principe constitutionnel de la liberté
de conscience (Constitution de 1975, article 13) sâapplique
non plus seulement aux « religions acceptables », mais aussi
aux « religions connues », dÚs lors que les pratiques et les rites
de celles-ci sont conformes Ă lâordre public et aux bonnes
mĆurs.
180
Dans ce contexte, les dispositions prévues par les textes
non abrogés de 1938 et 1939 semblent ne plus pouvoir servir
quâĂ la rĂ©pression des groupements qui se rapprochent dâun
« mouvement sectaire », notion qui, en GrĂšce, nâa toutefois
pas de dĂ©finition lĂ©gale ou jurisprudentielle. Câest le ministĂšre
de lâĂducation nationale et des Cultes qui reconnaĂźt le statut de
« religion connue » et dĂ©livre, en thĂ©orie, lâautorisation pour la
création des lieux de culte à la personne morale qui en fait la
demande. Enfin, le « Bureau des Hérésies » du Saint-Synode
des Ă©vĂȘques grecs observe et recense les associations
cultuelles.
En
Pologne
, si les pouvoirs publics ont souligné, dans
deux rapports officiels, lâun produit en 1995 par le Bureau de
la SĂ©curitĂ© nationale, lâautre prĂ©sentĂ© en mai 2000 par le
ministĂšre des Affaires intĂ©rieures et de lâAdministration, le
rÎle destructeur des groupes à dérives sectaires qui sont
apparus aprÚs la chute du régime communiste et qui
connaissent des fortunes diverses, la prévention de ces
phĂ©nomĂšnes ainsi que lâaide aux victimes restent du domaine
de la sphÚre privée.
Adopté par le Parlement le 17 mai 1989, le statut sur la
liberté de conscience et de croyance garantit la liberté
religieuse et lâĂ©galitĂ© entre les diffĂ©rentes religions. Il dĂ©finit
également le statut légal des mouvements religieux en
Pologne.
Lâexistence des mouvements religieux est formalisĂ©e
par leur enregistrement auprĂšs du ministĂšre des Affaires
intĂ©rieures et de lâAdministration. Pour ĂȘtre lĂ©galement
reconnu, chaque mouvement religieux doit rassembler, depuis
1998, au moins 100 membres et se soumettre Ă un examen de
son statut qui dĂ©termine si lâorientation du mouvement est
contraire à la loi. Cette démarche garantit aux mouvements
religieux leur autonomie par rapport Ă lâĂtat et la libertĂ© dans
leurs activitĂ©s. Ils bĂ©nĂ©ficient Ă©galement dâavantages fiscaux,
comme lâexonĂ©ration dâune partie de leurs impĂŽts et la
suppression des taxes douaniĂšres. Ă cette date, 162
181
mouvements religieux sont lĂ©galement enregistrĂ©s. LâĂtat
nâaccorde toutefois pas Ă ces mouvements le mĂȘme soutien
quâaux quinze Ăglises reconnues comme telles, qui disposent
de statuts dérogatoires leur octroyant certains privilÚges
supplĂ©mentaires. LâĂglise catholique romaine bĂ©nĂ©ficie dâun
Concordat. Les autres Ăglises sont dĂ©finies chacune par une loi
spécifique propre.
Les phénomÚnes sectaires sont, toutefois, ignorés par la
législation polonaise qui ne fait pas explicitement mention des
mouvements sectaires. Par consĂ©quent, il nâexiste pas dâorgane
chargé de lutter contre les dérives de certains mouvements.
Pour sa part, la police ne dispose pas dâune Ă©quipe spĂ©cialisĂ©e,
mĂȘme si le Bureau de la sĂ©curitĂ© nationale recensait dans son
rapport de 1995 précité, certaines «
organisations
manipulatrices et crapuleuses », parmi lesquelles se trouvaient
plusieurs mouvements qui sâĂ©taient dĂ©clarĂ©s « religieux dans le
seul but de bénéficier des privilÚges inhérents à ce statut ». Par
ailleurs, le ministÚre des Affaires intérieures et de
lâAdministration, dans son rapport de 2000, dressait un bilan
de la situation de ce phénomÚne en Pologne, rappelant à cet
égard les nombreuses infractions perpétrées depuis le début
des années 1990, ayant pour toile de fond un rituel ou une
activitĂ© de type sectaire : meurtres, enlĂšvements dâenfants,
profanations de cimetiÚres, commerce de stupéfiants,
disparitions de personnes parfois mineures, suicides.
Ce document, rĂ©sultat dâun travail en comitĂ©
interministériel, reprend les critÚres de classification des
mouvements à caractÚre sectaire élaborés par les
parlementaires français en 1995.
Ce sont les acteurs privĂ©s qui sâemploient Ă observer
les mouvements religieux et les organisations sectaires et Ă
porter assistance aux victimes. Le plus en vue, le « Comité de
défense contre les sectes de la Grande Pologne », dirigé par M.
Ryszard Nowak, exerce une activité de « veille ». Il mÚne
également une action de « plaidoyer » (lobbying) auprÚs des
pouvoirs publics pour sensibiliser les élus et les autorités sur la
182
nĂ©cessitĂ© dâadopter une loi luttant contre les dĂ©rives sectaires.
En outre, lâĂglise catholique, par le truchement des FrĂšres
dominicains, dispose de six centres rĂ©partis sur lâensemble du
pays dans lesquels fonctionne un numĂ©ro dâappel dâurgence.
Ces centres mÚnent des campagnes de prévention au sein des
paroisses et dans les écoles, relayées par les médias et ils
assurent, avec lâaide de psychologues, une assistance aux
victimes dâagissements sectaires dans un but de rĂ©insertion. Le
rapport déjà cité du ministÚre des Affaires intérieures et de
lâAdministration, prĂ©conisait une coopĂ©ration Ă©troite avec les
gouvernements dâautres Ătats qui disposent de structures
idoines comme la France, la Belgique et lâAutriche. Mais pour
lâheure, ces recommandations sont restĂ©es lettre morte et la
question des organisations sectaires demeure largement
méconnue.
Ă
Chypre
, les mouvements Ă caractĂšre sectaire
parviennent difficilement Ă sâimplanter en raison de
lâattachement des Chypriotes Ă la religion orthodoxe. Leur
place est trĂšs marginale, ce qui explique en partie quâaucune
législation portant sur les mouvements sectaires ni aucun
organisme public chargé de suivre les mouvements sectaires
nâexistent dans lâĂźle.
Le Saint-Synode orthodoxe, estimant que le problĂšme
sectaire nâest pas seulement religieux mais aussi politique et
social, a crĂ©Ă© un ComitĂ© de vigilance, en lâabsence de tout
organisme public de surveillance des organismes sectaires, en
dehors du contrÎle trÚs général exercé par le ministÚre de
lâOrdre public. LâĂglise Ă©tablie considĂšre de son devoir de
« surveiller » ces groupes. Le Comité a donc pour objectif
dâinformer la population des dangers que font courir les
groupes sectaires, afin que les fidĂšles orthodoxes ne se laissent
pas influencer par eux. LâĂglise dĂ©plore lâabsence dâune
lĂ©gislation et dâune organisation spĂ©cifiques de lutte contre le
phénomÚne sectaire. Il y a cinq ans, elle a financé des
Ă©missions radiophoniques ayant pour but de mettre en garde
les auditeurs contre les dangers que présentent les mouvements
sectaires.
183
D - Le Canada
Moins libéral que les pays examinés dans le prochain
groupe, le Canada ne dispose pas dâun cadre lĂ©gal ou
administratif défini en matiÚre de vigilance ou de lutte contre
les dĂ©rives sectaires, mais lâactualitĂ© rĂ©cente lâa conduit Ă
amodier son attitude, les services de police canadiens
surveillant désormais certains mouvements sectaires qui font
l'objet d'une « liste officieuse ».
Au Canada, les mouvements sectaires ne sont pas un
sujet de débat. La plupart d'entre eux sont considérées comme
des « Ăglises » et leurs activitĂ©s, au nom d'une conception trĂšs
large du principe de libertĂ© de religion, ne font lâobjet
dâaucune surveillance particuliĂšre de la part des autoritĂ©s. Ces
derniĂšres se montrent extrĂȘmement prudentes
: ainsi, la
Gendarmerie royale nâa pas de dossier sur les trois
mouvements qui sont étudiés dans la seconde partie de la
présente étude. Ces derniÚres années, la presse n'a abordé cette
question qu'Ă de trĂšs rares occasions.
Le « libéralisme » canadien sur la question sectaire
(fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés de 1978,
la loi sur les droits de la personne de 1977 prévoyant 11 motifs
de « distinction illicite » dont la religion), fait quâil y a trĂšs peu
de plaintes liées aux activités sectaires. Cet état de fait est
cependant tempéré dans certains domaines, et la réalité de la
position canadienne nâest pas aussi Ă©loignĂ©e quâil paraĂźt de
celle de la France ou de la Belgique.
En effet, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les
services de police canadiens surveillent certains mouvements
qui font l'objet d'une liste officieuse.
Il existe aussi un mécanisme dit «
d'entente
multisectorielle »
ad hoc
, Ă©quivalent Ă notre concertation
interministérielle, destiné à protéger les enfants victimes
d'abus divers. Ainsi, Ă l'image de ce qui se passe en France, les
services de police exercent une fonction de vigilance
184
déterminée eu égard à plusieurs critÚres dont l'abus sexuel, la
perturbation de l'ordre social et la manipulation mentale.
Les lois fiscales canadiennes ne comportent aucune
référence aux organisations sectaires, et le régime d'imposition
applicable à celles-ci, religieuses ou non, est le régime général
réservé aux activités économiques organisées.
Sâil nây a pas dâinstances officielles luttant contre les
dĂ©rives sectaires, on note en revanche lâexistence dâun
« Bureau de documentation sur les sectes et les religions »,
organisme privé d'étude du phénomÚne sectaire.
Sâagissant de la province du
Québec
, les cultes sont
régis par la loi sur les corporations religieuses. Celle-ci confÚre
Ă toute corporation privĂ©e ayant pour objet dâorganiser,
dâadministrer et de maintenir une Ăglise, une CongrĂ©gation ou
une «Ćuvre » le droit de se constituer en une corporation
religieuse et dâobtenir ainsi des « lettres de patente » du
«
registraire des entreprises
». Ce texte accorde aux
corporations religieuses tous les pouvoirs dâune personne
morale : patrimoine propre, acquisition de biens, placement de
fonds, etc⊠Il prĂ©voit Ă©galement que lâadministrateur dâune
corporation religieuse est la personne exerçant la fonction de
SupĂ©rieur de la congrĂ©gation. Une « Ćuvre » est un organisme
reliĂ© Ă une Ăglise ou Ă une congrĂ©gation dont les objets sont la
charitĂ©, lâenseignement, lâĂ©ducation, la religion ou le bien-ĂȘtre.
A noter que le
mouvement raëlien
a obtenu en 1994 le
statut de « Corporation religieuse » ce qui, au regard de la loi
du Québec, lui permet de bénéficier d'exonérations fiscales,
(exemption de l'impĂŽt foncier, exemption de l'impĂŽt sur les
revenus tirés des dons en raison du «
caractĂšre
communautaire » de leurs activités).
E - Les Ătats-Unis, la SuĂšde, le Danemark
Dans le prĂ©sent groupe, ces trois pays nâont pas Ă
proprement parler prévu de dispositif particulier de vigilance
185
et mettent en oeuvre un libéralisme quasi-total en la matiÚre,
parfois en décalage avec les aspirations présentes du public, si
lâon en croit certains organes de presse ou certains auteurs.
Aux
Ătats-Unis
, il nây a pas,
stricto sensu
, de
« reconnaissance officielle » des mouvements spirituels ou
religieux. Dans son premier amendement, la Constitution
américaine mentionne que « le CongrÚs ne fera aucune loi qui
touche lâĂ©tablissement ou interdise le libre exercice dâune
religionâŠÂ». En vertu du principe de sĂ©paration entre lâĂglise
et lâĂtat, il nây a donc pas de reconnaissance officielle dâune
religion aux Ătats-Unis. La seule action gouvernementale qui
sâapprocherait dâune reconnaissance est lâoctroi dâune
exemption fiscale. Cette exemption des taxes fédérales est
prévue par le Code des impÎts, section 501 C.3, qui vise les
organisations religieuses, caritatives, Ă©ducatives, scientifiques,
littéraires ou sportives. Les trois « nouveaux mouvements
religieux », objet de la présente étude, en bénéficient, et leur
influence est appréciée par le
Hartford institute for religious
research
qui en Ă©value lâimportance respective.
En
SuĂšde
, les conditions requises pour la
reconnaissance et lâenregistrement dâune «
communauté
religieuse » sont de nature purement formelle et elles ne
donnent lieu Ă aucune enquĂȘte de la part de lâAgence chargĂ©e
de lâenregistrement des communautĂ©s religieuses. Cet
organisme constitue un collĂšge de la Chambre
(Kammerkollegiet) et il a compétence en matiÚre juridique,
administrative et financiĂšre. La loi de 1998 sur les religions
définit les « Communautés religieuses enregistrées » comme
des communautés ayant des activités religieuses, parmi
lesquelles la cĂ©lĂ©bration dâun office. Il suffit de disposer dâune
charte déterminant les buts du mouvement et les mécanismes
de prise de décision, sans exigence sur la nature de ces
mĂ©canismes, et dâindiquer les noms et les adresses des
membres dirigeants du mouvement.
Lâenregistrement ouvre la possibilitĂ© de recourir,
comme en Allemagne, aux services de lâĂtat (Agences des
186
ImpĂŽts) pour la collecte des contributions des membres. Ce
droit est toutefois réservé aux communautés qui « contribuent
Ă maintenir et Ă renforcer les valeurs sur lesquelles repose la
sociĂ©tĂ© et qui donnent des garanties de stabilitĂ© et dâune vie
interne active ».
On notera que ni les
TĂ©moins de JĂ©hovah
, ni lâ
Ăglise de
Scientologie
nâont recours Ă ce service, dont la contrepartie est
une transparence complĂšte du montant des fonds ainsi
collectĂ©s et du nombre dâadhĂ©rents, exigences dont se satisfait
mal la culture de ces groupes. Lâenregistrement offre aussi la
possibilitĂ© dâobtenir le droit de cĂ©lĂ©brer des mariages reconnus
par lâĂtat-civil (cf lois 1987 / 230 et 1993 / 305) au mĂȘme titre
que les mariages célébrés par un fonctionnaire civil. En
pratique, ce droit nâest confĂ©rĂ© quâĂ des personnes
nommément désignées par la communauté religieuse et
approuvĂ©es par lâĂtat.
Le
Danemark
est considéré par les observateurs
comme le pays dont la législation est la plus favorable au
dĂ©veloppement des organisations sectaires, en raison dâune
application stricte du principe de la liberté de pensée. Aucun
organisme officiel nây est chargĂ© de suivre lâactivitĂ© de
mouvements ou de groupes pouvant développer des dérives
sectaires. La Justice ou, Ă©ventuellement, les services sociaux,
sont les seules structures Ă pouvoir intervenir en cas
dâinfraction Ă la loi pĂ©nale, mais toujours
a posteriori
puisquâil
nâexiste aucun dispositif prĂ©ventif. Le contexte sectaire ne
peut ĂȘtre pris en compte dans la procĂ©dure judiciaire car il
nâexiste aucun texte lĂ©gal le permettant. Seules quelques
campagnes de presse viennent Ă©voquer de tels sujets Ă propos
dâaffaires prĂ©cises qui proviennent des faits divers. Une
structure Ă caractĂšre associatif, affichant son appartenance Ă la
religion chrétienne,
« Dialogcentert »
, suit la vie des
mouvements religieux au Danemark.
187
II - Implantation et dispositions applicables Ă trois
mouvements transnationaux
A - LâĂglise de Scientologie
Lâ
Ăglise de Scientologie
de Belgique (ESB)
compterait, selon sa présidente, environ 300 membres, son
personnel compris, câest-Ă -dire 300 Ă©lĂšves suivant des cours
ou des auditions au moins une fois toutes les deux semaines. Si
elle nâa pas de reconnaissance officielle est nĂ©anmoins trĂšs
présente en Belgique
via
plusieurs personnes morales, ayant
soit un objet purement national, soit des visées européennes,
en raison de la situation particuliĂšre de Bruxelles.
Le Bureau européen des relations publiques et des
droits de lâhomme (BRDH) a Ă©tĂ© ouvert en 2003, en plein
centre du quartier européen de Bruxelles (91 rue de la Loi).
Câest lâune des filiales de la «
Church of Scientology
International », personne morale de droit américain. En 2004,
le BRDH a mené un lobbying intense auprÚs des
parlementaires fĂ©dĂ©raux, ainsi quâauprĂšs des dirigeants de
nombreuses ONG ayant leur siĂšge Ă Bruxelles.
En 2004, un «
Centre de Dianétique
» a Ă©tĂ© ouvert Ă
Westhoek en Flandre occidentale, et en janvier 2006, un
« Scientology and Dianetics life improvement center » a été
ouvert prĂšs de la GrandâPlace Ă Bruxelles.
Enfin,
«
Narconon info center
»
152
est active Ă
Bruxelles. Les candidats à une procédure de désintoxication
seraient ensuite dirigés vers les Pays-Bas.
La
Scientologie
et plusieurs de ses membres font
actuellement lâobjet de poursuites judiciaires pour escroquerie,
exercice illĂ©gal de lâart de guĂ©rir et de lâart pharmaceutique,
152
Association Ă but non lucratif.
188
violation de la loi sur la protection de la vie privée et
organisation criminelle.
Lâopinion publique belge assimile la
Scientologie
au
prototype de lâorganisation sectaire dangereuse. Lâimpact du
lobbying du BRDH sur le personnel des institutions
internationales est cependant plus difficile Ă Ă©valuer.
En
Autriche
, lâ
Ăglise de Scientologie
a le statut
dâassociation ordinaire, avec des antennes Ă Vienne, en
Carinthie et en Styrie. Elle revendique 3000 Ă 6000 membres.
Selon dâanciens adeptes, son influence sâexercerait en rĂ©alitĂ©
sur 300 Ă 500 membres seulement.
Ce mouvement développe une stratégie de
communication et dâinfluence en mettant en avant lâassistance
quâelle propose aux victimes lors des catastrophes naturelles
ou sur de grands thĂšmes humanitaires. Il essaie ainsi de
convaincre une opinion publique plutÎt méfiante de son utilité
sociale. Il tente Ă©galement de montrer le visage dâun groupe
ouvert et accueillant. Il y a cinq ans, il organisait une
exposition Ă Vienne sur ses options et ses actions. Des
campagnes dâaffichage ont fait la promotion de son
engagement en faveur des droits de lâHomme, contre la guerre
et contre le nucléaire.
La
Scientologie
a dĂ©posĂ© une demande en vue dâobtenir
le statut de « communautĂ© confessionnelle », puis elle lâa
finalement retirĂ©e. Elle ne jouit donc pas des avantages dâun
statut officiel. Elle fait partie des groupes pour lesquels
lâOffice fĂ©dĂ©ral pour les questions de secte a reçu le plus de
demandes dâaide de personnes en difficultĂ© en raison de leur
appartenance ou de celle de leurs proches Ă ce mouvement,
occupant mĂȘme la premiĂšre place en 2003, avec 150
demandes. Certains anciens adeptes avaient intenté des actions
en justice contre la
Scientologie
en raison des sommes quâelle
avait obtenues dâeux. Ces affaires nâont jamais donnĂ© lieu Ă un
189
jugement car la
Scientologie
a toujours préféré conclure une
transaction avec les victimes.
Ă noter enfin que la question du statut de lâ
Ăglise de
Scientologie
, ses dĂ©mĂȘlĂ©s judiciaires et la vigilance des
autorités officielles, donnent lieu épisodiquement à des
dĂ©marches de lâambassade des Ătats-Unis, notamment auprĂšs
de lâOffice fĂ©dĂ©ral pour les questions de secte, pour soutenir
cette organisation qui sâestime victime de discrimination.
En
Espagne
, lâ
Ăglise de Scientologie
, est une
association inscrite auprĂšs du ministĂšre de lâIntĂ©rieur sous le
nom de
« Dianetica »
. Son inscription au registre des entités
religieuses lui a été refusée par le ministÚre de la Justice. Elle a
intenté une procédure contre cette décision. ParallÚlement, des
pressions sont exercées sur les autorités espagnoles par de
multiples dĂ©marches effectuĂ©es notamment par lâacteur Tom
Cruise, des sénateurs et des représentants américains en visite
Ă Madrid ou par lâambassade des Ătats-Unis elle-mĂȘme.
Principalement implantée à Madrid et à Barcelone,
lâorganisation possĂšde tout un immeuble dans la capitale, en
face du CongrÚs des Députés. Elle compte également quelques
petites communautés dans le reste du pays, notamment en
Andalousie, mais elle ne rĂ©unit au total quâun faible nombre de
« fidÚles », quelques centaines tout au plus.
Lâimage de lâ
Ăglise de Scientologie
dans lâopinion
publique espagnole est dans lâensemble nĂ©gative : elle est
perçue comme dangereuse pour les individus. Plusieurs
procédures judiciaires, à la suite de plaintes de particuliers ou
dâassociations, sont en cours.
En
RĂ©publique TchĂšque,
lâ
Ăglise de Scientologie
nâest
pas enregistrée comme religion mais elle souhaite obtenir un
statut de communautĂ© religieuse. Pour lâheure, elle a le statut
de simple association, sous lâappellation de
« Centre de
190
Dianétique »
Ă Prague. Le nombre de membres actifs est
estimé à quelques dizaines travaillant au centre précité, tandis
que plusieurs centaines de personnes seraient passées par ce
Centre et participeraient au fonctionnement dâentreprises
contrÎlées par la
Scientologie
. Il est cependant difficile de
distinguer si les individus travaillant dans ces sociétés sont
tous des adeptes ou de simples employĂ©s dâun encadrement
acquis aux thĂšses de cette organisation.
Le mouvement envoie des missionnaires dans les
principales villes de la RĂ©publique TchĂšque (Plzen, Ostrava et
Brno), afin de se livrer Ă un prosĂ©lytisme actif. Si lâopinion
publique est informĂ©e de lâactivitĂ© de lâ
Ăglise de Scientologie
par la presse, qui est globalement assez critique et hostile, la
vraie nature de cette organisation reste perçue de maniÚre
imprécise par le grand public.
En
Italie
, lâ
Ăglise de Scientologie
sâest implantĂ©e en
1978. Elle se prévaut de 20.000 adeptes, mais le ministÚre de
lâIntĂ©rieur estime, pour sa part, son effectif Ă 7000 personnes
réparties sur tout le territoire italien ; le siÚge de Milan, le plus
important, emploie en permanence 250 personnes.
Ce mouvement ne bĂ©nĂ©ficie pas dâune image positive
dans le public, notamment aprĂšs quâun parlementaire ait
interpellĂ© le gouvernement, en 2002, au sujet dâune sombre
histoire de complot mettant en cause pĂȘle-mĂȘle une association
dâĂ©tude des manifestations paranormales et les services secrets
italiens, « dénoncée » sur un site internet douteux (Tellital), et
impliquant un ex-adepte de lâorganisation.
Lâ
Ăglise de Scientologie
sâest implantĂ©e en
Allemagne
en 1970, Ă Munich. Ă plusieurs reprises, ont eu lieu des procĂšs
dont lâobjet Ă©tait de dĂ©terminer si lâon devait reconnaĂźtre cette
derniĂšre comme une communautĂ© religieuse, ou sâil sâagissait
plutĂŽt dâune association Ă buts lucratifs. Le 22 mai 1995, le
tribunal fédéral du Travail a jugé que
«
LâĂglise de
191
Scientologie nâĂ©tait pas une communautĂ© religieuse ou
spirituelle au sens de lâarticle 4 de la Loi Fondamentale, les
doctrines religieuses et spirituelles du mouvement servant de
prétexte à la poursuite de buts économiques ».
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, quand lâ
Ăglise de Scientologie
est
poursuivie, câest pour ses agissements frauduleux Ă caractĂšre
financier et non en raison des risques inhérents à son
idéologie. Le constat fait par la Conférence permanente des
ministres de lâIntĂ©rieur des LĂ€nder, rĂ©unie les 5 et 6 juin 1997,
selon lequel lâ
Ăglise de Scientologie
sâefforçait de saper
lâordre dĂ©mocratique libĂ©ral, vaut toujours : et lâorganisation
reste sous le coup dâune interdiction dâentrĂ©e (Einreiseverbot).
Le 6 juin 1997, elle Ă©tait placĂ©e sous la surveillance de lâOffice
de Protection de la Constitution (Verfassungsschutz), au
niveau fédéral comme au niveau fédéré ; sauf dans les LÀnder
de Berlin et de Schleswig-Holstein. La
Scientologie
a contesté
ces positions en justice et trois arrĂȘts rendus, pour deux dâentre
eux en octobre 2002 et, pour le dernier en janvier 2003, ont
donnĂ© raison aux requĂ©rants de lâorganisation, semblant crĂ©er
une brÚche dans la position des autorités fédérales et locales
allemandes qui faisaient jusquâici figure de bastion anti-
Scientologie
en Europe.
Toutefois, ce nâest pas entiĂšrement le cas, comme lâont
démontré les développements ultérieurs. De fait, la position
allemande demeure, pour lâessentiel, inchangĂ©e et les avocats
de la
Scientologie
qui nient le caractÚre antidémocratique et
anticonstitutionnel de lâorganisation, ont Ă©chouĂ©, le 12
novembre 2004, devant le tribunal administratif de Cologne
qui a estimĂ© justifiĂ©es les mesures prises Ă son encontre tant, Ă
ses yeux, le mouvement limitait les droits fondamentaux et
essentiels de lâĂȘtre humain. DĂ©jĂ en 2002 et 2003, le tribunal
fédéral du Travail et le tribunal administratif de Bade-
Wurtemberg, respectivement, sâĂ©taient prononcĂ©s en ce sens.
Si le ministĂšre fĂ©dĂ©ral de lâIntĂ©rieur a estimĂ© le nombre
dâadeptes de cette organisation en Allemagne Ă 5000, voire
6000 personnes, en 2003, on sâaccorde Ă penser que seuls 1000
192
Ă 3000 dâentre eux sont des scientologues actifs. LâAllemagne
compte deux « Celebrity centers », ainsi que onze missions.
Lâinfluence du mouvement dans les milieux politiques
est tout à fait négligeable. Néanmoins, son éventuelle collusion
avec les milieux dirigeants est tellement redoutée que, lors de
son CongrĂšs de Dresde en 1991, le parti de la CDU
153
a décidé
quâaucun scientologue ne pouvait ĂȘtre membre du parti. Celui
du FDP
154
a imposĂ© en son sein la mĂȘme rĂšgle en 1992, suivi
par le SPD
155
. Lâinfluence de la
Scientologie
dans les milieux
Ă©conomiques est ponctuellement notable. Globalement,
lâorganisation qui sâefforce de donner lâimage dâune
communautĂ© religieuse, voire dâune Ăglise Ă part entiĂšre, est
considĂ©rĂ©e comme trĂšs agressive par lâopinion publique qui
nâa pas oubliĂ© les attaques quâelle a, Ă ses dĂ©buts, lancĂ©es
contre les médias, les hommes politiques et les dignitaires
ecclésiastiques
Au
Royaume Uni
, lâ
Ăglise de Scientologie
(Church of
Scientology) nâest pas reconnue comme « religious charity ».
Son quartier général est à Saint Hill Manor, East Grinstead,
ancien Q.G. mondial de lâorganisation. Son effectif nâest pas
connu précisément mais il y aurait 450 membres permanents
au sein de la Sea Org, ces derniers ayant voué leur vie au
mouvement. Le public britannique nâa pas une perception
favorable de la
Scientologie
, qualifiant ce groupe dâ« insolite »
et de «
bizarre
», certains le considérant comme
« potentiellement dangereux pour lâindividu ».
Enfin, une partie de ce mouvement a fait scission en
2003. Il sâagit de « purs » de la
Scientologie
, fidĂšles Ă lâesprit
du fondateur Ron Hubbard, qui ont installé leur propre
153
CDU : Christlich Demokratische Union Deutschlands ; en français :
Union chrétienne-démocrate d'Allemagne.
154
Frei Demokratische partei ; en français : Parti démocratique libre.
155
SPD :
Sozialdemokratische Partei Deutschlands
; en français : Parti
social-dĂ©mocrate dâAllemagne.
193
mouvement, le « Ronâs Org», aux Pays-Bas en 2003, avec
dâautres implantations en Suisse.
Jusquâen 1996, lâ
Ăglise de Scientologie
Ă©tait
représentée en
GrĂšce
par le « Centre de philosophie appliquée
de GrÚce » (KEFE). Association de droit civil, celui-ci a fait
lâobjet Ă cette Ă©poque, dâune enquĂȘte judiciaire du chef
dâatteinte Ă la vie privĂ©e et dâactions contraires Ă lâordre public
et aux bonnes mĆurs, et il a Ă©tĂ© dissout. LâannĂ©e suivante, les
24 membres ont fondé une association de droit civil à but non
lucratif, lâ«
Institut grec dâintellectualisme et de
Scientologie
», devenu en 1999, «
lâĂglise grecque de
Scientologie
». Sous cette dénomination, la
Scientologie
a
demandĂ©, en 2000, lâautorisation de crĂ©er des lieux de culte
ainsi que le statut de « religion connue ». Cette requĂȘte a fait
lâobjet dâun refus du ministĂšre de lâEducation nationale et des
Cultes qui a considéré que la
Scientologie
nâĂ©tait pas une
religion. Actuellement, elle gÚre la librairie «
Nouvelle
culture » à AthÚnes et, selon le « Bureau des Hérésies », elle
compterait environ 500 adeptes.
Lâ
Ăglise de Scientologie
est, parmi les trois
organisations considérées, la moins influente en
Pologne
, eu
Ă©gard Ă son apparition rĂ©cente qui date du dĂ©but de lâannĂ©e
2006. Elle nâa pas obtenu son inscription au registre des
mouvements religieux, en raison dâun dĂ©faut de formalisme
dans sa demande.
DĂ©but mai, en installant trois tentes pour une
exposition dédiée à leurs activités « humanitaires », dans le
centre de Varsovie, les scientologues se sont manifestés pour
la premiÚre fois sur le territoire polonais. Non autorisés par la
mairie Ă dresser leurs tentes, les adeptes de la
Scientologie
ont
Ă©tĂ© sommĂ©s par les forces de lâordre de les dĂ©monter. Ce
procĂ©dĂ© a permis dâapercevoir la stratĂ©gie de pĂ©nĂ©tration de la
Scientologie
en Pologne. Lâargumentaire avancĂ© lors de cette
journée était relativement éloigné des préceptes de L. Ron
194
Hubbard, lâaccent portant sur lâaspect caritatif de
lâorganisation, susceptible, accessoirement, de dispenser des
cours de développement personnel.
Les adeptes de
Ăglise de Scientologie
sont en faible
nombre Ă
Chypre
, oĂč lâorganisation nâest pas « enregistrĂ©e ».
Lâ
Ăglise de Scientologie
n'est pas reconnue au
Canada
comme une Ăglise, mais comme une «
organisation
commerciale » puisque son activité principale est la vente de
méthodes de relaxation. Elle est connue pour ses nombreux
dĂ©mĂȘlĂ©s avec la justice. Elle a fait l'objet de raids et d'enquĂȘtes
policiÚres dans les années 1980, qui ont limité ses activités en
Ontario et se sont traduits par des condamnations en
dommages et intĂ©rĂȘts qui lui ont coĂ»tĂ© au total 6 millions de
dollars.
Sa premiĂšre implantation Ă Toronto remonte Ă 1967
mais, aprĂšs avoir ouvert une dizaine de centres jusqu'Ă la fin
des années 1980, elle n'en avait plus que trois, dix ans plus
tard. Sa situation financiÚre était devenue précaire au milieu
des années 1990, notamment à la suite de sa condamnation par
la Cour dâappel de l'Ontario, en juillet 1995, Ă verser 1,6
million de dollars pour diffamation dans l'affaire « Hill contre
lâ
Ăglise de Scientologie
» ; soit la plus lourde condamnation en
dommages et intĂ©rĂȘts au Canada Ă l'Ă©poque. Elle ne survivait
plus que grĂące Ă l'aide de la
Scientologie
internationale.
Lâorganisation a su nĂ©anmoins exploiter Ă son avantage les
arcanes de la loi, et elle a ainsi pu, en 2001, obtenir un
emprisonnement de quelques jours de l'un de ses détracteurs
les plus connus, l'internaute américain Keith Hanson, qui avait
omis de déclarer, en entrant au Canada, qu'il était sous le coup
d'une poursuite pĂ©nale aux Ătats-Unis prĂ©cisĂ©ment en raison
de ses activités contre la
Scientologie
.
195
Au
Québec
, lâ
Ăglise de Scientologie
possĂšde le statut
dâorganisme Ă but non lucratif. Elle bĂ©nĂ©ficie ainsi des
avantages fiscaux accordĂ©s Ă ce type dâorganismes. Peu
reprĂ©sentĂ©e dans cette province, oĂč son influence paraĂźt
extrĂȘmement rĂ©duite, elle comptait environ 300 adeptes et trois
églises en 2001, derniÚres données connues.
Aux
Ătats-Unis
, oĂč lâ
Ăglise de Scientologie
est
considérée comme «
la plus litigieuse des nouvelles
religions », elle a été ou est encore engagée dans des batailles
juridiques contre de nombreux gouvernements locaux et contre
ses détracteurs. Le Hartford Institute note que ce mouvement a
surmonté plusieurs obstacles juridiques au cours des derniÚres
annĂ©es et que les actions judiciaires quâil a entamĂ©es sont
devenues des affaires importantes dans le domaine de la liberté
de religion.
Lâ
Ăglise de Scientologie
enregistrerait, selon lâU.S.
Census Bureau, une augmentation du nombre de personnes
adultes sâidentifiant Ă ce mouvement passant de 45.000 en
1990 Ă 77.600 en 2004, mais si lâon tient compte des doubles
affiliations, le nombre des adeptes de la
Scientologie
pourrait
ĂȘtre plus Ă©levĂ© (www.adherents.com).
En
SuĂšde
, lâ
Ăglise de Scientologie
bénéficie du statut
de « Communauté religieuse enregistrée » et dispose du droit
de cĂ©lĂ©brer des mariages valides devant lâĂ©tat civil. Il nâexiste
aucun débat public sur la dangerosité de ce mouvement, dont
un rapport parlementaire datant de 1998 Ă©valuait les effectifs Ă
trois centres, 1.000 membres actifs et 10.000 sympathisants,
mĂȘme si cette derniĂšre notion paraĂźt dĂ©nuĂ©e de sens.
Lâorganisme de direction de lâ
Ăglise de Scientologie
pour lâEurope, lâAfrique et le Moyen-Orient (un Centre de
Formation et des bùtiments) est installé au
Danemark
, Ă
Copenhague, ce qui nâa rien de surprenant compte tenu de la
196
lĂ©gislation trĂšs libĂ©rale en vigueur dans ce pays. Lâinformation
selon laquelle cet Ă©tat-major pourrait prochainement
déménager de Copenhague à Bruxelles ne paraßt donc guÚre
crédible.
Lâ
Ăglise de Scientologie
a échoué dans sa tentative
dâobtenir le statut de congrĂ©gation religieuse selon le droit
danois, et elle a préféré retirer son dossier avant le rendu
officiel des conclusions de la «
Commission de
Dénomination » du ministÚre des Cultes, une certaine hostilité
de lâopinion publique sâĂ©tant exprimĂ©e ponctuellement Ă
travers la presse. LâinquiĂ©tude manifestĂ©e portait Ă la fois sur
lâampleur des moyens dĂ©ployĂ©s et sur lâĂ©cho mĂ©diatique du
décÚs de deux adeptes de nationalité française, survenu au
Danemark en 2002 et 2003. Plusieurs procédures ont été
examinées par la justice danoise, concernant des affaires
faisant suite Ă des plaintes pour diffamation ou escroquerie.
Enfin, rĂ©cemment, des initiatives isolĂ©es dâenseignants voulant
permettre Ă leurs Ă©lĂšves dâapprocher ce mouvement, dans le
cadre de lâĂ©ducation religieuse dispensĂ©e en milieu scolaire,
ont été vivement critiquées.
B - Les TĂ©moins de JĂ©hovah
Fondé officiellement en 1884 par le presbytérien
Charles Taze Russell
aux
Ătats-Unis
, le mouvement des
TĂ©moins de JĂ©hovah
est, paradoxalement, implanté pour
lâessentiel, hors des 48 Ătats continentaux amĂ©ricains. Il
compterait cinq millions de membres dans le monde.
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
ont, en
Belgique
, le statut
dâ« association sans but lucratif ». Leur siĂšge national se
trouve à Kraainem, dans la région de Bruxelles, sous la
dénomination de « Congrégation chrétienne des
TĂ©moins de
JĂ©hovah
- Christelijske Gemeente van Jehovahâs Getuigen ».
197
Ă lâexception des modifications de statuts imposĂ©es par la loi
de 2002 sur les associations sans but lucratif, auxquelles les
associations de
TĂ©moins de JĂ©hovah
semblent se conformer,
les structures nâont pas Ă©voluĂ©. Dans leur rapport mondial pour
lâannĂ©e 2003, ils annoncent 25.048 « proclamateurs » en
Belgique. En 2006, leur nombre se situerait autour de 23.000.
Les personnes qui ne connaissent les
TĂ©moins de
JĂ©hovah
que par leurs visites Ă domicile ou leurs appels
tĂ©lĂ©phoniques, en ont, en gĂ©nĂ©ral, une opinion neutre. Ă
lâinverse, les tĂ©moignages dâanciens adeptes ou de personnes
proches de membres de ce groupe, qui relatent leur expérience
pénible, notamment les graves difficultés relationnelles avec
leur entourage, pĂšsent nĂ©gativement sur lâopinion lorsquâil en
est fait Ă©tat dans la presse.
En
Autriche
, ce mouvement est engagé dans une
démarche de reconnaissance officielle. Fort de 20.000
membres, il a obtenu en 1998 le statut de « communauté
confessionnelle ». Il demande à présent le statut de « société
religieuse reconnue par la loi » quâil pourrait obtenir en 2008.
Son comportement nâa prĂ©sentĂ© jusquâĂ ce jour aucun motif
pour que ce statut lui soit refusé. Il a, en effet, développé une
stratĂ©gie dâintĂ©gration.
Sur la question de la transfusion sanguine des mineurs,
les autorités autrichiennes et les
TĂ©moins de JĂ©hovah
ont
trouvé un
modus vivendi
, grĂące Ă un systĂšme dâautorisation et
à des contacts fréquents entre services de soins et
organisations, dans le but dâattĂ©nuer les tensions. Un cas
récent rappelant les limites de ces dispositions vient cependant
de se produire, lorsquâun jeune homme de 18 ans est dĂ©cĂ©dĂ© Ă
lâhĂŽpital aprĂšs avoir refusĂ© une transfusion.
La communication des
TĂ©moins de JĂ©hovah
est
orientée autour de deux messages : leur probité exemplaire et
leur capacitĂ© Ă sâintĂ©grer dans la sociĂ©tĂ© autrichienne en se
pliant au service civil au lieu du service militaire et en
198
exerçant le droit de vote. Ils dĂ©veloppent un travail dâinfluence
auprÚs des milieux académiques (médecins et juristes). Ils font
toutefois partie des groupes pour lesquels lâOffice fĂ©dĂ©ral pour
les questions de secte a reçu le plus de demandes dâaide de
personnes en difficulté en raison de leur appartenance ou de
celle de leurs proches Ă ce mouvement occupant la troisiĂšme
place en 2003, avec 102 demandes. Lâopinion publique
connaĂźt peu les
TĂ©moins de JĂ©hovah
, qui sont surtout
considérés comme étant trÚs conservateurs.
Le point majeur de dissension entre ce mouvement et
les pouvoirs publics réside dans les différences entre le statut
de « société religieuse reconnue par la loi » et le statut de
« communautĂ© confessionnelle » qui nâoffre pas les privilĂšges
fiscaux auxquels donne accĂšs la reconnaissance lĂ©gale. Câest
pourquoi, toujours soucieux de leurs deniers et toujours
procéduriers, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
ont exercé un recours
devant la Cour constitutionnelle contre la loi de 1998 créant le
statut de « communauté confessionnelle », en invoquant une
discrimination. AprÚs le rejet de ce recours, ils se sont tournés
vers la Cour europĂ©enne des droits de lâHomme.
En
Espagne
, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
sont inscrits
depuis les annĂ©es 1980 au registre des entitĂ©s religieuses. Sâils
sont relativement bien acceptés, leurs moyens restent réduits et
leur influence trĂšs limitĂ©e. Lâimage des
TĂ©moins de JĂ©hovah
dans lâopinion publique est celle dâindividus Ă©trangers Ă la
société espagnole, mais ne présentant pas de danger. Ils
seraient quelques dizaines de milliers, répartis dans tout le
pays. Ils demandent actuellement à obtenir la qualité de
« religion enracinée », en mettant notamment en avant leur
présence en Espagne depuis la premiÚre partie du XXe siÚcle
et les persécutions subies sous le régime du général Franco. Le
gouvernement espagnol nâa pas encore rĂ©pondu Ă cette
demande, le cadre juridique de référence étant inchangé depuis
25 ans.
199
En
RĂ©publique TchĂšque
, ce mouvement est enregistré
comme Ăglise depuis le 1
er
septembre 1993. Les autorités
estiment quâil comporte plusieurs milliers de membres. La
distribution de journaux dans les rues suscite des réactions
nĂ©gatives de la part de lâopinion publique, du fait dâun faible
intĂ©rĂȘt traditionnel de la population tchĂšque pour les questions
religieuses.
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
sont implantés en
Italie
depuis
1930. Ce mouvement revendique, en 2006, 235.000 adeptes
répartis en 3.070 congrégations. La « Congrégation Chrétienne
des
TĂ©moins de JĂ©hovah
» est reconnue par lâĂtat italien
comme confession religieuse. Il sâagit dâune personne morale
ayant capacité juridique (décret n°783 du 31 octobre 1986).
Enfin, il a été passé une « Entente » (reconnaissance officielle)
au sens de lâarticle 8 de la Constitution, entre la RĂ©publique
italienne et la Congrégation des
TĂ©moins de JĂ©hovah
. Ce texte
de 1999 a été approuvé en Conseil des ministres le 21 janvier
2000 ; mais en lâabsence dâun dĂ©cret dâapplication, cette
convention est, pour lâheure, sans effet.
En
Allemagne
, cette organisation est désignée sous le
nom de «Wachtturmgesellschaft» (Société de la Tour de
Garde) ou plus exactement, «
Wachtturm, Bibel und
Traktatgesellschaft », ce qui se traduit par « la Tour de Garde,
de la Bible et du Traité ». Elle a été reconnue comme
« collectivitĂ© de droit public» en fĂ©vrier 2006. Elle est donc Ă
prĂ©sent placĂ©e, du point de vue du droit, sur un pied dâĂ©galitĂ©
avec les Ăglises catholique, protestante et juive, ce qui,
concrĂštement, signifie quâelle peut lever des impĂŽts Ă son
profit au titre de lâimpĂŽt des Ăglises (Kirchensteuer) et quâun
enseignement des principes du mouvement est possible dans
les Ă©coles Ă lâoccasion du cours de religion.
Avec 167.500 adeptes revendiqués en 1999, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
sont les plus nombreux, sur le territoire
allemand, parmi les trois mouvements étudiés. Le mouvement
200
comptait, cette année-là , 2114 congrégations implantées dans
les districts (Bezirke) et regroupées en une quinzaine
dâassemblĂ©es (« Versammlungen »). Lâassociation nationale a
son siĂšge Ă Seltz-sur-Taunus. Enfin, depuis 1992, les
TĂ©moins
de JĂ©hovah
allemands forment des missionnaires « à plein
temps » qui vont essaimer dans les pays dâEurope de lâEst.
Au
Royaume Uni
, le mouvement des
TĂ©moins de
JĂ©hovah
(Jeovahâs Witnesses) est reconnu comme « Religious
Charity » en Angleterre et au Pays de Galles. Il bénéficie à ce
titre de tous les avantages et de toutes les aides liés à cette
reconnaissance, ainsi que dâune certaine confiance du public.
Il compte environ 1480 congrégations regroupant
128.000 adeptes, selon les chiffres donnés par INFORM, qui
ne concernent que des membres participant effectivement aux
activités du mouvement. Cette organisation, communément
connue pour sa politique de « porte à porte », poursuit sa
politique de conversion, mais elle ne rencontre pas beaucoup
de succĂšs dans le recrutement, toujours selon INFORM.
En
GrĂšce
, bien que les
TĂ©moins de JĂ©hovah
aient
acquis en 1997 le statut de « religion connue », ils se heurtent
à des difficultés tant auprÚs des autorités locales que de la
population, pour la construction de lieux de culte ainsi que
pour la pratique de leurs rites, ce pays Ă©tant de confession
orthodoxe Ă 98%.
En attribuant le statut de « religion connue » à la
personne morale «
Témoins de Jéhovah Chrétiens de GrÚce
»,
dont le siĂšge est Ă AthĂšnes, le gouvernement lui a Ă©galement
délivré une autorisation pour la création de lieux de culte. La
mĂȘme annĂ©e, la loi 2510 / 97 a prĂ©cisĂ© le statut des objecteurs
de conscience et le service civil de remplacement, et, en 2001,
la Constitution a Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e dâune disposition sur les
objecteurs de conscience. Lâ
Association des TĂ©moins de
Jéhovah Chrétiens de GrÚce
compterait, selon lâorigine des
201
données, de 22.000 à 25.000 adeptes pour 338 lieux de culte.
Lâassociation subvient aussi aux besoins de la centaine de
membres de lâOrdre religieux des BĂ©thĂ©lites.
Les
TĂ©moins de JĂ©hovah
, présents en
Pologne
depuis
1905, y sont actifs. Le mouvement a connu une certaine
expansion dans les annĂ©es 1930 avant dâĂȘtre victime des
persécutions nazies puis du régime communiste. à la suite de
la transition politique de 1989 et de lâadoption de la loi libĂ©rale
sur les mouvements religieux, les disciples de Charles Taze
Russell ont obtenu le statut légal de « mouvement religieux »
le 31 janvier 1990, ce qui leur confĂšre un certain nombre
dâavantages. En 2005, il fĂ©dĂ©rait 128.500 adeptes disposant de
900 Salles du Royaume, le plaçant au troisiÚme rang des
croyances, derriĂšre lâĂglise catholique (34 millions de fidĂšles)
et lâĂglise orthodoxe (510.000 fidĂšles).
En raison du nombre important dâadeptes et de sa
relative bonne entente avec lâĂglise catholique locale, ce
mouvement, qui suscite plutĂŽt lâindiffĂ©rence, nâest pas
considĂ©rĂ© par lâopinion publique comme une organisation
sectaire, mĂȘme si depuis une dizaine dâannĂ©es, une certaine
méfiance se fait jour au sein de la population, entraßnant une
chute du nombre de conversions.
A
Chypre
, environ 2000
TĂ©moins de JĂ©hovah
sont
installés depuis longtemps. Ils sont enregistrés en tant
quâassociation et sont exempts du service militaire actif ; mais
devant le nombre grandissant de personnes se réclamant des
TĂ©moins de JĂ©hovah
pour Ă©viter dâeffectuer leur service
militaire, les autorités ont cherché à limiter le nombre de
personnes exemptées. Les mariages célébrés par les
TĂ©moins
de JĂ©hovah
sont reconnus par la loi. Ă Chypre, on peut choisir
entre mariage religieux ou mariage civil. En légalisant les
mariages célébrés par les
TĂ©moins de JĂ©hovah
, lâĂtat les
reconnaßt donc implicitement comme «groupe religieux».
202
Bien que le prosélytisme soit autorisé à Chypre, les
activités des
TĂ©moins de JĂ©hovah
sont surveillĂ©es par lâĂglise
orthodoxe et parfois mĂȘme par la police. La position de
lâĂglise orthodoxe les concernant est radicale, les considĂ©rant
comme « hérétiques » en raison de certains aspects de leur
doctrine. Câest pour cette raison quâelle qualifie ce mouvement
de « secte ». Lâautre raison de la mĂ©fiance de lâĂglise Ă©tablie,
tient aux motivations financiĂšres de ce groupe, persuadĂ©e quâil
ne sâagit pas dâun mouvement religieux qui recherche la
«
Révélation
», mais que ce sont surtout des intĂ©rĂȘts
Ă©conomiques qui le guident.
Selon le « Bureau de documentation sur les sectes et les
religions », les
TĂ©moins de JĂ©hovah
Ă©taient 110.800 au
Canada
en 2001, dont 26.000 au
Québec,
mais leur effectif
serait en baisse. Cette organisation est considérée comme une
Ăglise et ne semble pas avoir de dĂ©mĂȘlĂ©s particuliers avec les
autorités.
Aux
Ătats-Unis
, selon les statistiques de lâUnited
States Census Bureau, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
constituent une
forte communauté de 1.878.000 adeptes principalement issus
des classes populaires répartis sur 11.876 lieux de culte en
2004. Ces donnĂ©es traduisent un regain dâactivitĂ© puisque, en
passant de 1.381.000 Ă 1.331.000 entre 1990 et 2001, ils
auraient connu un réel déclin au cours des années récentes
En
SuĂšde
, ce mouvement a obtenu en 2000 le statut de
« Communauté religieuse enregistrée », ce qui lui confÚre le
droit de cĂ©lĂ©brer des mariages valides devant lâĂ©tat civil. Selon
un rapport parlementaire datant de 1998, ses effectifs sont
estimĂ©s Ă 360 communautĂ©s, 25.000 membres actifs et jusquâĂ
40.000 personnes présentes lors des célébrations.
203
Au
Danemark
, les
TĂ©moins de JĂ©hovah
et
lâorganisation
« Watch Tower »
qui en est lâorgane de
prosélytisme, disposent du statut officiel de « Congrégation
religieuse
» et comptent 21.000 membres, dâaprĂšs une
estimation de « Dialogcentert ».
C - LâAssociation du Saint-Esprit pour lâunification du
christianisme mondial
ou
« Moon »
En
Belgique
, lâ
Association du Saint-Esprit pour
lâunification du christianisme mondial
dite
Moon
sâest
constituée en « association sans but lucratif » en 1974, puis
elle a été dissoute en 1996. Une nouvelle lui a succédé en 1997
sous le nom de
Holy Spirit Association for the unification of
the Christianity
, renommée peu aprÚs
Family federation for
world peace and unification
.
Les seuls chiffres officiels remontent Ă 1982 : il y avait
alors 18 membres en Belgique. Depuis, une soixantaine de
membres auraient rejoint lâassociation.
En
Autriche
, oĂč lâon considĂšre que ce mouvement nâa
que 300 membres,
Moon
est au cĆur dâune nĂ©buleuse
dâorganisations malgrĂ© un recrutement trĂšs modeste. LiĂ© Ă la
Fédération Interreligieuse et Internationale pour la Paix
Mondiale
(IIFWP), qui possĂšde le statut dâONG reprĂ©sentĂ©e Ă
lâONU,
Moon
anime un ensemble dâassociations identifiĂ©es
sous lâintitulĂ©
Mouvement pour la paix mondiale
. Ces
groupements, aux dimensions réduites et dont les membres
sont souvent les mĂȘmes, ont le statut dâassociations ordinaires.
Le mouvement
Moon
est trĂšs discret. Peu de demandes
dâaide de victimes ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es auprĂšs de lâOffice fĂ©dĂ©ral
pour les questions de secte. Les problÚmes sont posés par le
mode de vie que le mouvement impose Ă ses adeptes : travail
204
trĂšs important au service du groupe, Ă©loignement de la famille,
vie trĂšs fruste. Le mouvement, qui sâestime discriminĂ© par les
autorités autrichiennes, jouit, comme la
Scientologie
, du
soutien de lâambassade des Ătats-Unis qui a effectuĂ© des
dĂ©marches auprĂšs des autoritĂ©s autrichiennes et de lâOSCE.
En
Espagne
, lâ
Association du Saint-Esprit pour
l'Unification du Christianisme Mondial
est peu présente et elle
compte trĂšs peu dâadeptes. Elle ne dispose officiellement que
dâun seul local dans la banlieue de Madrid. Son image dans
lâopinion publique est trĂšs nĂ©gative. NĂ©anmoins, le
mouvement est inscrit au registre des entités religieuses, car,
dans un arrĂȘt rendu en faveur de
Moon
en 2001, le Tribunal
constitutionnel a estimé que le ministÚre de la Justice avait
lâobligation dâinscrire au registre toute entitĂ© le demandant,
sauf Ă dĂ©montrer quâelle nâavait pas de caractĂšre religieux. Le
motif dâordre public, mis en avant par le ministĂšre de la Justice
pour refuser lâinscription, a Ă©tĂ© rejetĂ©, car
Moon
nâavait pas
fait lâobjet de condamnation pĂ©nale en Espagne.
En
RĂ©publique TchĂšque
, le mouvement
Moon
nâest pas
enregistrĂ© comme une Ăglise au sens de la loi tchĂšque. Il
développe ses activités sous la forme de plusieurs
associations : lâ
« Association des Familles pour la Paix dans
le Monde »
, enregistrĂ©e le 3 octobre 1993, lâ«
Association des
Femmes pour la Paix dans le Monde »
, lâ
« Académie des
Professeurs pour la Paix dans le Monde »
, lâ
« Association des
Etudiants »
(CARP). Le nombre total dâadeptes est difficile Ă
estimer mais les autoritĂ©s considĂšrent quâil ne dĂ©passe pas
quelques dizaines de personnes.
Lâorganisation «
Moon
» sâest implantĂ©e en
Italie
en
1965 sous lâappellation dâ
« Association spirituelle pour
lâunification du monde chrĂ©tien
»
(ASUMC). En 1987,
lâASUMC revendiquait 600 adeptes italiens dont la moitiĂ©
employĂ©s comme missionnaires Ă lâĂ©tranger. Son
205
dĂ©veloppement, rĂ©gulier depuis sa fondation, sâest ralenti Ă la
suite dâun scandale ayant eu un retentissement nĂ©gatif auprĂšs
de lâopinion publique italienne, en lâoccurrence le mariage
cĂ©lĂ©brĂ© par le RĂ©vĂ©rend MOON le 27 mai 2001, dâun Ă©vĂȘque
catholique zambien avec une Coréenne domiciliée en Italie.
Ce groupe, apparu en
Allemagne
au milieu des années
1960, est reconnu comme une communauté religieuse, mais il
est trĂšs peu prĂ©sent puisquâon estime Ă 100 Ă 200 le nombre
réel de ses adeptes, loin des 700 revendiqués par le
mouvement. Jusquâici, lâAllemagne a toujours refusĂ©
dâaccĂ©der aux demandes insistantes du RĂ©vĂ©rend
Moon
,
interdit dâentrĂ©e dans lâespace Schengen, dâeffectuer un
voyage dans le pays.
MĂȘme sâil est aujourdâhui moins agressif quâil ne lâa
été, le mouvement «
Moon
» reste trÚs critiqué pour ses
méthodes de recrutement. Les médias ont informé le public,
depuis le début des années 1970, sur ses activités néfastes, en
particulier lâembrigadement des jeunes quâil poussait Ă
abandonner leur formation ou leurs Ă©tudes, voire leur
profession. Les initiatives de parents touchés par ce fléau se
multipliĂšrent pour apporter aide, conseil et information au
grand public contre les agissements de «
Moon
».
La
Family federation for world peace and unification
(FFWPU), appellation au
Royaume Uni
de lâAssociation du
Saint Esprit pour l'Unification du Christianisme Mondial, ou
Moon
, est reconnue comme «
Religious Charity
» en
Angleterre et au Pays de Galles et bénéficie donc des
avantages et des aides liés à cette reconnaissance.
Il est difficile dâĂ©valuer son poids financier, ses avoirs
Ă©tant au nom dâindividus ou de sociĂ©tĂ©s innombrables. Ce
mouvement a une dizaine de lieux de rencontre. Selon
INFORM, le mouvement a du mal Ă garder les enfants des
deuxiÚme et troisiÚme générations en son sein. On assiste donc
206
Ă un vieillissement des membres de lâorganisation Ă caractĂšre
sectaire qui risque, toujours selon INFORM, de connaĂźtre un
schisme lors du décÚs du Révérend Fondateur MOON.
En
GrĂšce,
oĂč elle sâintitule «
Organisation grecque des
femmes pour la paix mondiale »
, lâassociation de droit civil
Moon
nâa, jusquâĂ prĂ©sent, engagĂ© aucune procĂ©dure
dâautorisation et de reconnaissance auprĂšs du ministĂšre de
lâĂducation nationale et des Cultes.
Elle ne compte dâailleurs quâun trĂšs petit nombre de
membres, surtout étrangers, et son activité viserait
essentiellement à faciliter les activités de la
« Fondation
religieuse internationale »
(IRF).
En
Pologne
, considéré comme un mouvement
« sectaire » par la majorité des Polonais,
Moon
nâest guĂšre
représenté.
Il en est de mĂȘme Ă
Chypre
, oĂč les fidĂšles de
Moon
sont trĂšs peu nombreux et oĂč le mouvement nâest pas
« enregistré », en dépit du fait que ce pays constituerait sa base
pour tout le Moyen-Orient.
Le groupement «
Moon
» a une présence des plus
discrĂštes au
Canada
malgré la présence d'environ 70.000
Coréens, qui ne partagent pas les thÚses de cette organisation.
Au
Québec
, le mouvement possĂšde le statut dâorganisme Ă but
non lucratif mais il ne compte quâune centaine dâadeptes et un
seul lieu de culte à Montréal. Son influence est quasiment
nulle.
Aux
Ătats-Unis
, lâorganisation
Moon
est considérée
comme un « nouveau mouvement religieux » qui a développé
207
un profil trĂšs visible, au moyen de manifestations publiques
telles que des dépÎts de bougies, des ventes de livres, etc.
La condamnation de son fondateur, Sun Myung
Moon
,
par un tribunal fédéral américain en 1982 pour évasion fiscale,
a beaucoup desservi le mouvement qui peine, depuis quelques
annĂ©es, Ă conserver et Ă renouveler ses adeptes, dont lâĂąge
moyen augmente réguliÚrement.
En
SuĂšde,
oĂč le mouvement
Moon
nâa pas le statut de
« Communauté religieuse enregistrée » comme au Danemark,
le nombre dâadeptes serait nĂ©gligeable et leur activitĂ© ne peut
ĂȘtre Ă©valuĂ©e.
CONCLUSION
Il ressort de ces constatations que, globalement, les
mouvements transnationaux Ă caractĂšre sectaire inquiĂštent les
autorités chargées de protéger leurs populations les plus
fragiles. Lâobligation de prĂ©vention, voire de rĂ©pression, Ă
laquelle ils ne peuvent totalement échapper est souvent bridée
par la crainte des critiques dâune opinion nationale ou
internationale trÚs sensible aux restrictions apportées à la
libertĂ© dâexpression et Ă la pratique dâun culte. Au nom de la
libertĂ© de religion, les autoritĂ©s sâinterdisent souvent de
lĂ©gifĂ©rer, mais on assiste alors, en lâabsence dâune prise en
considĂ©ration par les Ătats de la dimension nouvelle de lâabus
de faiblesse conséquence du développement du phénomÚne
sectaire, Ă lâĂ©closion dâinitiatives privĂ©es crĂ©ant des
associations luttant contre les dérives sectaires et bénéficiant
du soutien dâune opinion publique consciente des difficultĂ©s
des victimes
Face Ă la menace que certains groupes peuvent faire
peser sur les plus faibles, les Ătats qui ont choisi de ne pas
lĂ©gifĂ©rer sur ce sujet, pour des raisons liĂ©es Ă leur histoire ou Ă
208
leurs lois fondamentales, tentent, Ă travers lâamĂ©nagement de
leur Code pénal, de protéger soit la personne humaine des
consĂ©quences des dĂ©rives sectaires, soit lâĂtat et la personne
publique des infiltrations de certains mouvements. La
nĂ©cessitĂ© dâune meilleure coordination entre Ătats adhĂ©rant
aux mĂȘmes valeurs de dĂ©fense des droits de lâhomme et de
protection de la dignitĂ© de lâindividu, est Ă prĂ©sent de plus en
plus ressentie.
En lâabsence dâarmes lĂ©gislatives permettant de lutter
contre lâabus frauduleux de faiblesse et lâexploitation des plus
fragiles, les agissements constituant des délits sanctionnés
pénalement sont plus difficiles à qualifier judiciairement, et
lâaction protectrice et prĂ©ventive de lâĂtat Ă lâĂ©gard de
personnes victimes de lâemprise mentale de mouvements Ă
caractĂšre sectaire peut sâen trouver affaiblie.
Aujourdâhui, lâensemble des Ătats dĂ©mocratiques
dâEurope et dâAmĂ©rique du Nord dresse le constat de la
difficultĂ© dâun exercice Ă©quitable du libre exercice des libertĂ©s
individuelles, dans le respect du droit imprescriptible Ă la
sĂ»retĂ© de chacun. Lorsquâun drame survient, comme ceux du
Guyana, de Waco ou de lâ
Ordre du temple solaire
, tout un
chacun prend conscience du risque sectaire, mais il est des
milliers de victimes isolées et de familles durement éprouvées
par les rĂ©alitĂ©s sordides de lâemprise sectaire, qui attendent une
meilleure protection et une plus grande efficacitĂ© dâune action
mieux concertée des pouvoirs publics et des instances
internationales.
210
A â LA MIVILUDES
1 - ACTIONS DE FORMATION ET DâINFORMATION
La Formation
En 2006, la MIVILUDES a participé, parfois en les
organisant elle-mĂȘme, Ă 70 sessions ou journĂ©es de formation
regroupant plus de 2000 personnes. Lâobjectif Ă©tait dâinformer
le public de ces sessions sur lâĂ©volution du paysage sectaire et
de le sensibiliser sur la nature et les conséquences des dérives
sectaires.
En effet, par son décret institutif du 28 novembre 2002,
la MIVILUDES est chargée
« de contribuer Ă lâinformation et
Ă la formation des agents publics dans le domaine de la lutte
contre les dĂ©rives sectaires, dâinformer le public sur les
risques, et, le cas échéant, les dangers, auxquels les dérives
sectaires lâexposent, et de faciliter la mise en Ćuvre dâactions
dâaide aux victimes de ces dĂ©rives »
156
.
Cette année, la MIVILUDES a été sollicitée par les
Ă©coles de formation de fonctionnaires appartenant au ministĂšre
de la Justice, au ministĂšre de lâEducation nationale, au
ministĂšre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, au
ministĂšre de lâIntĂ©rieur, au ministĂšre de la DĂ©fense. Elle a
également apporté un éclairage dans certains cursus de
formation continue propres Ă certains corps de fonctionnaires.
156
article 1, alinéa 4 et 5.
211
Les services déconcentrés et les collectivités
territoriales sont Ă©galement demandeurs de formation. Ils
constatent que les agents sont peu informés ou peu préparés
pour aborder la dimension sectaire dâun dossier Ă traiter. Ă la
suite des Ă©changes rĂ©guliers au sein de lâune des cellules
départementales de vigilance, des représentants de la Justice et
de lâĂducation nationale siĂ©geant dans cette instance ont mis
en place une session commune de formation, animée par des
membres de la Mission, répartie sur trois périodes dans
lâannĂ©e, pour des fonctionnaires relevant dâune Cour dâappel
et de services de lâadministration de lâĂducation nationale. De
mĂȘme, Ă la demande de trois prĂ©fectures de rĂ©gion, la
MIVILUDES a instaurĂ© cette annĂ©e un module dâune journĂ©e
afin dâapporter des rĂ©ponses aux interrogations des
fonctionnaires spécifiquement chargés de la vigilance
départementale dans leurs domaines de compétences sur leur
territoire gĂ©ographique. Lâobjectif est de fĂ©dĂ©rer le rĂ©seau des
acteurs sur les agissements répréhensibles des mouvements
sectaires et de mettre Ă jour leurs connaissances psycho-
sociologiques et juridiques du phénomÚne sectaire. La loi du
12 juin 2001, qui vise lâabus frauduleux de lâĂ©tat dâignorance
ou de faiblesse, est encore trÚs récente et il apparaßt
indispensable de la commenter Ă lâusage de tous les services
en charge des poursuites judiciaires.
En 2006, la demande ne sâest pas limitĂ©e uniquement
au secteur professionnel public. Des entreprises, des
Ă©tablissements bancaires, des ordres professionnels comme
celui des médecins, des associations ont cherché à sensibiliser
les responsables relevant de leurs champs dâaction. Pour la
premiĂšre fois, des partenaires sociaux appartenant Ă
lâorganisation du Fongecif (fonds de gestion du congĂ©
individuel de formation) ont demandĂ© Ă ĂȘtre formĂ©s Ă la
problématique, se rendant compte du risque encouru par
certains candidats demandant Ă suivre tel ou tel cursus de
formation professionnelle complémentaire. Les responsables
prennent conscience du fait que le secteur de la formation
professionnelle est devenu trĂšs attractif pour de nombreuses
micro-structures qui se développent sans aucune
212
rĂ©glementation et sont, pour certaines dâentre elles,
susceptibles dâentraĂźner de sĂ©rieux dĂ©rapages.
La diversité des compétences des membres permanents
mis Ă disposition de la Mission par sept des ministĂšres les plus
concernés par la problématique sectaire, est un atout
particulier pour faire face aux différents aspects de la
prévention et de la lutte contre les dérives sectaires. Celles-ci,
aux aspects multiples, peuvent affecter toutes les couches
sociales et professionnelles de la société, quels que soient les
gĂ©nĂ©rations, le niveau dâinstruction, le secteur dâactivitĂ©, les
capacités financiÚres des personnes ciblées, qui risquent par la
suite de devenir les Ă©ventuelles victimes des mouvements Ă
caractÚre sectaire. Il apparaßt donc nécessaire de croiser les
profils des formateurs pour faire face à la grande diversité des
centres dâintĂ©rĂȘts des organisations.
En 2006, on a pu noter lâĂ©mergence trĂšs nette dâun
intĂ©rĂȘt nouveau pour les questions liĂ©es Ă la sauvegarde du
patrimoine Ă©conomique du pays et Ă lâintelligence
Ă©conomique ; le conseiller mis Ă disposition par le ministĂšre de
lâEconomie et des Finances apporte une expertise et une
analyse nouvelles à un auditoire composé de dirigeants des
secteurs industriels ou financiers. LâĂ©troite collaboration qui
sâest Ă©tablie entre les membres permanents de la Mission et
plusieurs partenaires ministériels du Comité exécutif de
pilotage opĂ©rationnel sâest encore renforcĂ©e cette annĂ©e et a
permis de mener Ă bien cette mission essentielle.
La formation au risque sectaire sâimpose dĂšs lors que
les avantages dâune politique de prĂ©vention ont Ă©tĂ© clairement
mesurĂ©s. Pour lâannĂ©e 2007, la MIVILUDES prĂ©voit de
répondre aux différents publics qui lui demanderont
dâintervenir, afin de dĂ©multiplier encore davantage lâeffort
entrepris au cours des mois écoulés. Plus il y aura de
personnes attentives au risque sectaire et formées à détecter les
dĂ©rives, plus il sera possible dâagir en amont, de prĂ©venir le
risque de victimisation et dâaider les personnes sur lesquelles
les mouvements sectaires ont déjà jeté leur dévolu.
213
Lâinformation
LâannĂ©e 2006 est la deuxiĂšme annĂ©e complĂšte de
fonctionnement du site internet de la Mission. Il est maintenant
devenu un outil de communication et de prévention
indispensable dans le domaine. En y publiant réguliÚrement
des informations officielles, il reflÚte la préoccupation
constante de lâĂtat sur ce sujet. Outil de documentation
réguliÚrement cité par les médias, il est maintenant référencé
sur les sites internet vouĂ©s Ă lâĂ©tude du phĂ©nomĂšne sectaire. Il
commence aussi Ă ĂȘtre citĂ© sur les sites officiels, mĂȘme si des
progrĂšs concernant lâinformation des personnels et des usagers
sont encore possibles.
En mars 2006, le webmestre, jusquâĂ prĂ©sent vacataire,
a été nommé à plein temps à la Mission.
Consultations du site par les internautes
Selon lâoutil dâanalyse dâaudience Xiti, 63.611
personnes ont consulté le site au 12 décembre 2006. En
comparant les chiffres de la mĂȘme pĂ©riode de lâannĂ©e 2005, le
taux dâaugmentation des visites est de 47,2 %.
LâintĂ©rĂȘt des visiteurs sâest dâabord portĂ© sur les
nouvelles mises en ligne :
- Le guide :
« Le satanisme, un risque de dérive sectaire »
157
.
(environ 10.000 téléchargements depuis sa mise en ligne le 17
octobre 2006)
- Le rapport 2005 de la MIVILUDES
- Les textes de nomination au Comité exécutif de pilotage
opĂ©rationnel et au Conseil dâorientation de la Mission.
- Les documents précédemment mis en ligne, rapports de la
Mission et actes du séminaire « Sectes et Laïcité » continuent
à représenter les principales occasions de visite.
157
Documentation française, octobre 2006.
214
En tout, 264.477 pages ont été consultées soit, selon
Xiti, une augmentation de 45,4 % par rapport Ă la mĂȘme
pĂ©riode de lâannĂ©e 2005.
Des projets
Pour lâannĂ©e 2007, lâeffort portera sur quatre projets,
déjà bien avancés, mais qui nécessitent encore des mises au
point.
Ÿ
La rénovation de la maquette du site
Le site, actuellement un peu austĂšre, est en cours de
rénovation. Le but est de permettre une consultation plus
intuitive et de répondre aux nouvelles normes de lisibilité pour
les dĂ©ficients visuels. Le Service dâinformation du
gouvernement (SIG) proposera Ă la Mission une nouvelle
maquette qui sera mise en ligne début 2007.
Ÿ
La prévention des risques sectaires
Ă lâoccasion de la mise en place de la nouvelle
maquette du site, les rubriques « Aide aux personnes » et « Les
services publics » seront modifiées, complétées et classées par
thématiques pour permettre une meilleure information des
internautes. Plusieurs guides adaptés à chaque administration,
actuellement en cours de rĂ©daction, pourront ainsi ĂȘtre mis Ă la
disposition des professionnels et des usagers.
Ÿ
Lâespace Jeunes
Lâinformation des jeunes concernant le phĂ©nomĂšne
sectaire et ses risques induits reste un thĂšme prioritaire pour la
MIVILUDES qui y a déjà répondu en mettant en ligne le livret
« Le Satanisme, un risque de dérive sectaire »
158
. Dâautres
informations concernant ce public sont aussi disponibles dans
158
MIVILUDES, Documentation française, octobre 2006.
215
les différents articles proposés. Mais actuellement, aucune
rubrique spĂ©cifique nâest disponible.
Il est donc prévu de mettre en place un espace
spĂ©cifique dâinformation dĂ©clinant, par secteur dâactivitĂ©, les
risques auxquels les mineurs risquent dâĂȘtre confrontĂ©s. Ces
dispositions répondront aux recommandations et aux souhaits
Ă©mis par la Commission dâenquĂȘte parlementaire sur « les
Sectes et la santé des mineurs ».
Ÿ
La nécessité de mieux faire connaßtre le site de la
MIVILUDES
- Câest particuliĂšrement important dâĂȘtre prĂ©sent dans les
moteurs de recherche qui constituent la principale source
dâaccĂšs au site.
- AuprÚs des différents sites ministériels.
Quâil sâagisse des personnels et des usagers ou de la
prévention des risques de dérives sectaires, les différents sites
internet publics des ministĂšres relaient actuellement
insuffisamment les informations sur les problĂšmes sectaires
dans la sociĂ©tĂ©. Ce nouveau mĂ©dia devrait ĂȘtre mieux pris en
compte par les responsables de la communication. Lors de
plusieurs réunions du Comité exécutif de pilotage
opérationnel, des recommandations ont été faites sur ce sujet.
La MIVILUDES sâemploiera durant lâannĂ©e 2007 Ă contacter
les services de communication ministériels pour que des mises
à jour soient effectuées de façon systématique et quasiment en
temps réel.
216
2 - LES CELLULES DE VIGILANCE
UNE ANNĂE DE TRANSITION
Comme les années précédentes, le travail territorial de
vigilance et de dĂ©tection des nouvelles rĂ©alitĂ©s sectaires a Ă©tĂ© Ă
la fois efficace et instructif tant pour lâengagement dâactions
de lutte au plan local que pour une meilleure Ă©valuation
nationale du phénomÚne.
La circulaire du Premier ministre relative Ă la lute
contre les dérives sectaires du 27 mai 2005
159
précisait les
modalités pratiques du fonctionnement du dispositif de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires mises en place
depuis 1999, en insistant sur sa cohérence tant au niveau des
administrations centrales quâau niveau des dĂ©partements.
1 - Lâexistence dâune mission interministĂ©rielle rattachĂ©e
auprĂšs du Premier ministre permet la cohĂ©rence de lâaction de
lâĂtat en coordonnant lâactivitĂ© des servicesâŠ
2 - La mĂȘme cohĂ©rence a Ă©tĂ© recherchĂ©e au niveau local avec
lâinstitution, par une circulaire du ministĂšre de lâIntĂ©rieur, de
«
cellules de vigilance départementales
» placées sous
lâautoritĂ© des prĂ©fets. Les missions de ces cellules seront
transfĂ©rĂ©es par dĂ©cret en Conseil dâĂtat, dans le cadre de la
simplification des commissions déconcentrées, à un nouveau
« conseil départemental compétent en matiÚre de prévention de
la dĂ©linquance, dâaide aux victimes et de lutte contre la
drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux
femmes »
. Les préfets mettront en place au sein de chaque
conseil un groupe de travail chargé de suivre spécifiquement
les questions relatives à la lutte contre les dérives sectaires.
159
Journal officiel
, 1
er
juin 2005.
217
Lâannonce du changement de dispositif dans le cadre
de la réforme a conduit chaque préfecture à adopter un
positionnement tenant compte Ă la fois de lâexigence affirmĂ©e
de réduction des commissions administratives et de
simplification de leur composition, et de lâanalyse, conduite au
plan départemental des évolutions structurelles, quantitatives
et qualitatives du risque sectaire.
Pour la réorganisation en question, le décret du 7 juin
2006 vise spécifiquement la loi n°2001-504 du 12 juin 2001
tendant à renforcer la prévention et la répression des
mouvements sectaires portant atteinte aux droits de lâHomme
et aux libertĂ©s fondamentales, et lâordonnance n°2004-637 du
1
er
juillet 2004 relative Ă la simplification de la composition
des commissions administratives et à la réduction de leur
nombre, ratifiée et modifiée par la loi n°2004-1343 du 9
décembre 2004 de simplification du droit, et modifiée par
lâordonnance n°2005-727 du 30 juin 2005.
Ce contexte législatif a rendu plus aléatoire le travail
patient et méthodique des services coordonnés par les préfets
en vue dâassurer de maniĂšre optimale la vigilance et la lutte
contre les dérives sectaires.
France - DĂ©partements
réunions au 18 12 2006
1 ou plusieurs réunions (38)
pas de réunion
(58)
cellules de vigilance
réunions 2006
218
Aussi peut-on apprĂ©cier le degrĂ© dâengagement des
prĂ©fectures et des services tel quâil est dĂ©crit pas la carte des
réunions des cellules de vigilance départementales, des
groupes de travail thématiques ou des conseils départementaux
de prévention, en la comparant à celle de 2005 qui ne
mentionne que des cellules de vigilance, les autres instances
nâexistant pas Ă lâĂ©poque.
Le tableau suivant, dont la structure est comparable Ă
celui de 2005, prĂ©cise lâorganisation et le fonctionnement des
rĂ©unions dĂ©partementales, les moyens mis en Ćuvre pour
améliorer leur capacité de détection des phénomÚnes
nouveaux, y compris en provenance dâautres dĂ©partements ou
de lâĂ©tranger, ainsi que les dispositifs de contrĂŽle et dâenquĂȘte
mis en place. Il mentionne Ă©galement les initiatives prises Ă
lâĂ©chelon rĂ©gional ou dĂ©partemental en matiĂšre de
sensibilisation et de formation des fonctionnaires et dâautres
agents publics.
Niveau dâactivitĂ© 2006
Descriptif dâactivitĂ©
Nombre
Cellules départementales
de vigilance
33
Conseils de prévention
2
RĂ©unions
Groupes de travail
thématiques
6
DĂ©partements disposant
de groupes de travail
thématiques ou de suivi
3
RĂ©gions dont un
département a réuni une
cellule de vigilance
4
REPARTITION
GEOGRAPHIQUE
RĂ©gions dont plus dâun
département a réuni une
cellule de vigilance
11
Créations de pÎles
opérationnels inter-
administrations
2
Initiatives
départementales
et régionales
Journées de formation
3
219
Une carte des formations permet de prĂ©ciser lâimpact
régional et départemental des formations engagées avec
lâappui de la Mission interministĂ©rielle au cours de lâannĂ©e et
tout particuliĂšrement dans le dernier trimestre. Ces initiatives
concernent aussi bien les administrations associées aux
travaux des cellules ou des conseils départementaux que les
personnels de la fonction publique hospitaliĂšre.
Cette analyse descriptive de lâactivitĂ© atteste de la
capacité des départements qui, au cours des années
prĂ©cĂ©dentes, ont mis en Ćuvre une vĂ©ritable politique de
vigilance, Ă renforcer et Ă affiner dâune annĂ©e sur lâautre leurs
moyens dâintervention. Le besoin de formation sâest dĂ©jĂ fait
sentir dans certaines rĂ©gions, au fur et Ă mesure quâĂ©taient
présentés aux membres des cellules de vigilance des dossiers
Initiatives
régionales et départementales
Journées de formation 2006 des agents public
en rapport avec les cellules de vigilanc
220
de mouvements ou de réseaux nouveaux qui appelaient une
analyse transversale. De mĂȘme, dans lâune des rĂ©gions, la
cellule de vigilance du département siÚge de la préfecture de
région a projeté de travailler de façon ciblée sur les risques
sectaires dans le domaine de la formation professionnelle, du
coaching et du management. Fin octobre, une réunion
thématique inter-administrative sur ce sujet associait le conseil
régional compétent et la chambre des métiers du département.
La pluridisciplinarité apparaissant comme une
nécessité, le préfet de région concerné a estimé que la journée
dâĂ©tude consacrĂ©e aux Ă©volutions du risque sectaire Ă©tait de
nature Ă favoriser une meilleure implication des services.
Par ailleurs, les risques inhérents à certaines
professions (santé, milieux économiques) représentées par des
organes ayant reçu mission de service public, ont amené les
préfets de région précités à envisager une sensibilisation
adaptée au contexte. Ces expérimentations mises sur pied à la
suite dâune expression des besoins en rĂ©union plĂ©niĂšre des
cellules de vigilance permettent de tirer les enseignements
suivants :
- Tout dâabord, lĂ oĂč les services sont rĂ©ellement en Ă©veil sur
le sujet, les agents ressentent et expriment dâeux-mĂȘmes un
besoin de formation sur les instruments de détection des
nouveaux phĂ©nomĂšnes, sur la mĂ©thode dâĂ©valuation des
risques spĂ©cifiques induits par chaque type dâorganisation
repérée, ainsi que sur le mode de fonctionnement de ces
mouvements.
- Ensuite, il apparaĂźt clairement que les mutations rapides des
mouvements et la réalité changeante des risques sectaires
rendent indispensables une vigilance constante, la mise en
place dâun organe au sein de la prĂ©fecture intitulĂ© par exemple
« bureau », « cellule de suivi » « ou « groupe de travail
thématique ».
221
- Enfin, la nĂ©cessitĂ© dâune approche transversale et
pluridisciplinaire de la réalité sectaire requiert une
coordination constante des services et une capacité
dâaccompagnement de leurs missions propres dans le champ
des dérives sectaires. à ce titre, il convient de signaler
lâinitiative conjointe du Parquet gĂ©nĂ©ral dâune Cour dâappel et
des services de lâadministration de lâĂducation nationale du
mĂȘme ressort ayant abouti Ă la mise en place dâune formation
au risque sectaire qui sâest dĂ©roulĂ©e en trois temps et qui a
débouché, fin novembre, sur une journée de formation.
Pour conclure ce bilan de lâannĂ©e 2006, il est Ă
souligner que les initiatives des uns et des autres, quels que
soient leur nombre, leur origine ou leur champ dâapplication,
sont autant dâexpĂ©riences utiles aux yeux de la MIVILUDES.
Le changement de dispositif dĂ©cidĂ© au cours de lâannĂ©e ne fait
que renforcer ce besoin de coordination et de circulation de
lâinformation. Le relevĂ© des formations conduites par la
Mission interministĂ©rielle et prĂ©sentĂ© par ailleurs en atteste Ă
lâĂ©vidence.
222
B - ACTIVITĂ ADMINISTRATIVE / MINISTĂRES
Justice
Affaires Ă©trangĂšres
Intérieur et aménagement du territoire
DĂ©fense
Ăconomie, finances et industrie
Ăducation nationale, enseignement supĂ©rieur et recherche
Jeunesse, sports et vie associative
Emploi, travail et cohésion sociale
Solidarités, santé et famille
223
1 - MINISTĂRE DE LA JUSTICE
D
IRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GR
Ă
CES
D
IRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU
Suivi des dossiers
L'année 2006, au sein de la mission secte, a connu une
activité exponentielle par rapport aux années antérieures, en
termes d'ouvertures de dossiers thématiques et de dossiers
d'action publique.
A titre d'exemple, les dossiers ouverts en 2004 et 2005
représentent 55 % des dossiers ouverts entre le 1er janvier
2004 et le 1er octobre 2006, 45 % de ces nouveaux dossiers
ayant Ă©tĂ© enregistrĂ©s au cours des 9 premiers mois de lâannĂ©e
2006.
Un Ă©troit partenariat entre la MIVILUDES, d'une part,
le ministÚre de la Justice et les départements ministériels
d'autre part, s'est concrétisé à compter d'octobre 2005 afin
d'améliorer l'appréhension des dérives sectaires, notamment
dans les domaines pseudo-médicaux, de la formation
professionnelle et celui du suivi des mineurs dans les sectes.
Formation
La mission sectes est intervenue Ă plusieurs reprises
auprĂšs dâadministrations et associations dans le cadre de la
formation sur le phénomÚne sectaire.
A ce titre, pour la neuviĂšme annĂ©e consĂ©cutive, lâEcole
nationale de la magistrature a organisĂ© une session dâune
224
semaine, animée par le chargé de mission sectes, à destination
des magistrats, français et étrangers, et de fonctionnaires des
administrations concernées par ce phénomÚne.
A l'occasion de cette session, bon nombre de
participants ont précisé ignorer l'identité du magistrat
correspondant sectes au sein de leur Cour. Malgré les tùches
qui leur sont confiées, il est indispensable que ces derniers
puissent apporter une information nécessaire à leurs collÚgues
dans un domaine le plus souvent opaque et mouvant.
L'intranet sectes au sein de la Direction des affaires
criminelles et des grĂąces doit ĂȘtre Ă©galement un outil d'aide
aux magistrats confrontés à ce phénomÚne.
Commission dâaccĂšs aux documents administratifs, CADA
Il est Ă noter quâĂ ce titre, comme les annĂ©es
précédentes, un mouvement, sous diverses appellations, a
sollicité la communication des documents élaborés pour la
session « sectes ».
Les observations pour l'année 2005 sont toujours
d'actualité.
Activité juridictionnelle
En matiÚre pénale
- Le Mouvement du Graal
Une dĂ©cision mĂ©rite dâĂȘtre signalĂ©e dans le domaine de
la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens
commises par des mouvements Ă caractĂšre sectaire : il sâagit
de lâaffaire dite
« Mouvement du Graal »
.
225
Courant juin 1996, les époux Marsaleix dénonçaient au
procureur de la RĂ©publique de Lille les faits suivants :
Mme Ăvelyne Marsaleix, nĂ©e le 30 septembre 1965,
demeurant dans la région parisienne, était suivie depuis juillet
1994 Ă lâinstitut Gustave Roussy de Villejuif pour une tumeur
au sein. Le 27 février 1995, il était diagnostiqué une évolution
rapide de la tumeur et il était proposé à la patiente une ablation
du sein suivie dâune chimiothĂ©rapie et dâune radiothĂ©rapie. La
date de lâopĂ©ration Ă©tait fixĂ©e au 6 mars 1995.
Sur conseil de Mme Catherine Ohl, Ăvelyne Marsaleix
sâadressait aux docteurs Gueniot et Saint-Omer qui auraient
obtenu des résultats sur des affections du cancer.
Le Dr Saint-Omer lui avait alors exposĂ© quâon pouvait
soigner un cancer autrement que dâune maniĂšre classique,
vouĂ©e inexorablement Ă lâĂ©chec, par la prise dâun traitement
homéopathique ayant pour finalité de renforcer les défenses
immunitaires de lâorganisme.
Jusquâen juin 1995, Ăvelyne Marsaleix Ă©tait reçue
environ une fois toutes les trois semaines par le Dr Saint-
Omer, lequel lui avait notamment expliquĂ© quâil Ă©tait un
adepte des thĂšses du Dr Gueniot et dâAbd-Ru-Shin, selon
lesquelles, si un patient Ă©tait atteint dâun mal, câest quâil avait
pu commettre une faute dans une vie antérieure et que ce mal
devait le faire progresser pour une vie ultérieure, la mort
nâayant aucune importance dans la vie prĂ©sente, le Dr Saint-
Omer ajoutant que la radiothérapie et la chimiothérapie
Ă©taient ce quâil y avait de pire, car faisant « des trous dans le
corps astral ».
En juin 1995, la tumeur ayant grossi, le Dr Saint-Omer
Ă©tait « mis en demeure » par la mĂšre dâĂvelyne Marsaleix
dâavoir Ă agir rapidement. Elle envoyait par ailleurs sa fille
chez le Dr Coscas, cancérologue à Boulogne Billancourt. Le
14 juin 1995, la patiente subissait, non sans réticence, sa
premiÚre chimiothérapie. Ayant constaté du sang dans ses
226
selles, Ăvelyne Marsaleix tĂ©lĂ©phonait au Dr Saint-Omer quâil
lui prĂ©cisait quâelle ne devait pas sâinquiĂ©ter puisquâelle Ă©tait
en train dâĂ©liminer la tumeur par « une Ă©limination de type
chinois ».
Ăvelyne Marsaleix Ă©tait donc persuadĂ©e quâelle
guĂ©rissait, dâautant que la tumeur avait considĂ©rablement
diminué, cette guérison étant attribuée par la patiente non à la
chimiothĂ©rapie mais au traitement du Dr Saint-Omer. Ăvelyne
Marsaleix arrĂȘtait la chimio.
En septembre 1995, la tumeur ayant Ă nouveau
augmentĂ© de volume, Ăvelyne Marsaleix entreprenait un
jeûne sur le conseil du médecin ; selon ce dernier, elle allait
guérir, son sein allait se fissurer en laissant écouler
naturellement les matiÚres tumorales, ce phénomÚne ayant
pour nom « abcédation ».
A aucun moment, le Dr Saint-Omer qui avait suivi sa
patiente pendant le jeĂ»ne, ne lui avait dit dây mettre fin et de
recourir au plus vite à la chimiothérapie, alors que visiblement
son Ă©tat empirait.
Le Dr Gueniot avait été consulté au début du traitement
et avait tenu le mĂȘme argumentaire, en incitant Ăvelyne
Marsaleix Ă poursuivre le traitement prescrit par son confrĂšre
avec lequel il avait des contacts réguliers.
LâĂ©tat dâĂvelyne Marsaleix empirait, elle avait perdu
quatorze kilos, alors quâelle Ă©tait hĂ©bergĂ©e chez les Ă©poux Ohl.
Lors dâune sortie, elle apprenait quâelle Ă©tait entre les mains
dâune secte et sâenfuyait.
Elle était opérée du sein et suivait une chimiothérapie.
Ăvelyne Marsaleix dĂ©cĂ©dait le 30 janvier 1997.
Poursuivis des chefs de non assistance Ă personne en
danger et dâhomicide involontaire, le 7 septembre 2006, MM.
Gueniot et Saint-Omer étaient relaxés du chef d'homicide
227
involontaire, mais condamnés pour non assistance à personne
en danger Ă deux ans d'emprisonnement avec sursis et
interdiction définitive d'exercer la médecine. Les consorts Ohl,
poursuivis du chef de non assistance Ă personne en danger,
étaient condamnés respectivement à la peine de six mois
d'emprisonnement avec sursis. Il était reproché à ces derniers
d'avoir par leur action ou leur concours personnel, en l'espĂšce,
en s'abstenant de mettre fin, en qualité de fournisseur
d'hébergement, à la diÚte hydrique entreprise par la victime,
atteinte d'un cancer.
Cette décision n'est pas définitive, un appel ayant été
interjeté.
- lâAssociation « Joie et Loisirs »
Un autre fait peut ĂȘtre signalĂ©. Six membres dâune
association soupçonnée de dérive sectaire
, Joie et Loisirs,
ont
Ă©tĂ© condamnĂ©s en appel pour privation de soins ou dâaliments
sur des mineurs Ă des peines dâemprisonnement pour la plupart
assorties de sursis. Les faits ont Ă©tĂ© dĂ©couverts Ă lâoccasion de
la mort dâun petit garçon survenue au service des urgences
dâAvallon (Yonne) en aoĂ»t 1999. Lâenfant avait Ă©tĂ© amenĂ© par
trois femmes appartenant Ă lâassociation se disant avoir pour
objet le partage de loisirs en commun. Lâassociation Ă©tait
dirigée par Mme C., une des prévenues, qui imposait aux
membres un rĂ©gime alimentaire extrĂȘmement strict.
Selon lâarrĂȘt rendu le 17 mars dernier par la 20
Ăšme
chambre de la Cour dâappel de Paris, ce rĂ©gime nâĂ©tait
composé que de fruits, de fromages, de produits laitiers et
dâeau, un mode dâalimentation qui, aux dires des experts, est
« désastreux pour la croissance, le développement mental et la
santé des enfants ». Outre Mme C., cinq autres personnes, trois
mĂšres de famille et deux femmes cĂ©libataires qui sâoccupaient
des enfants vivant au sein de la communauté, étaient
poursuivies dans ce dossier.
228
Au moment de la découverte des faits, les enfants
souffraient, selon les cas, dâanĂ©mie, de retard de croissance, de
carences en vitamines ou en fer, voire de débuts de rachitisme.
La principale prévenue, Mme C., se considérait comme
la « seconde maman » des membres de la communauté et
déniait tout caractÚre sectaire à son association. Elle a été
condamnée par la cour à une peine de cinq ans
dâemprisonnement dont quatre avec sursis. Les autres
prévenues ont été condamnées à des peines de 12 à 18 mois de
prison avec sursis.
En matiĂšre civile
Au cours de l'année 2006, aucune décision se
rapportant au contentieux familial n'a été portée à la
connaissance de la Direction des affaires civiles et du Sceau
(bureau du droit des personnes et de la famille) par les
juridictions du fond ou des particuliers.
En 2005, en matiĂšre dâexercice de l'autoritĂ© parentale,
les dĂ©cisions suivantes ont retenu lâattention, dans la mesure
oĂč elles rĂ©vĂšlent que les juridictions ne statuent qu'au cas par
cas, apprĂ©ciant l'intĂ©rĂȘt de l'enfant en fonction des
circonstances propres Ă chaque affaire, et non sur la base de
considérations générales quant à l'influence supposée néfaste
pour l'enfant de tel ou tel mouvement.
Ainsi, le 25 octobre 2005, la Cour dâappel d'Aix-en-
Provence a rendu un arrĂȘt rejetant la demande du pĂšre tendant
Ă faire interdiction Ă la mĂšre d'emmener les enfants sur les
lieux de culte des
TĂ©moins de JĂ©hovah
dont elle est adepte, de
les faire participer aux pratiques jéhovistes et de les mettre en
contact avec des adeptes de ce mouvement, au motif qu'il ne
rapportait pas la preuve que
« les croyances de la mÚre ou la
participation, qui apparaĂźt au demeurant limitĂ©e, des enfants Ă
cette pratique, préjudicient à l'épanouissement, à la santé
229
physique ou psychique et à l'intégration dans la vie sociale des
enfants ».
Dans cette espĂšce, la Cour dâappel a par ailleurs
retenu que
« la relation des deux enfants avec chacun de leur
parent est aimante et de qualité ; que les deux enfants
apparaissent tout aussi Ă l'aise chez leur pĂšre que chez leur
mÚre ; que les enfants apprécient la nouvelle concubine de
leur pĂšre ; et enfin que les domiciles parentaux sont proches
l'un de l'autre. Il résulte en outre que l'un des deux enfants vit
en rĂ©sidence alternĂ©e depuis plus d'un an. Dans la mesure oĂč
il est de l'intĂ©rĂȘt des enfants de ne pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s, il convient
de fixer la résidence du deuxiÚme enfant en alternance, par
application de l'article 373-2-9 du Code civil selon les mĂȘmes
modalités que celles prévues pour le premier enfant. à défaut
de meilleur accord entre les parents et dans la mesure oĂč la
résidence des enfants est fixée en alternance, durant les
vacances scolaires de plus de cinq jours, chacun des parents
prendra les deux enfants pendant la moitié de ces périodes, le
choix de la premiÚre ou deuxiÚme moitié appartenant au pÚre
les années paires et à la mÚre les années impaires »
.
Saisie d'une demande similaire, la Cour dâappel de
Grenoble a statuĂ© dans le mĂȘme sens au terme d'un arrĂȘt du 25
mai 2005 :
« en vertu du principe de la liberté religieuse, il ne
peut ĂȘtre interdit au pĂšre et Ă sa fille toute frĂ©quentation de la
communauté des
TĂ©moins de JĂ©hovah
. Cependant, il
appartiendra au pĂšre de permettre Ă sa fille de conserver une
ouverture et une participation suffisante Ă la vie sociale
habituelle d'une enfant de son Ăąge, ceci afin qu'elle puisse
ultérieurement exercer réellement son libre arbitre quant à ses
choix personnels sans prégnance excessive de son pÚre et de
sa communauté ».
Un arrĂȘt de la Cour dâappel de Paris en date du 30 mars
2005 doit ĂȘtre Ă©galement Ă©voquĂ©. Il suspend, pour motifs
graves, le droit de visite et d'hébergement d'un pÚre
appartenant Ă
l'Ăglise du christianisme cĂ©leste
aprĂšs avoir
relevé les éléments suivants :
« en raison de l'appartenance,
en temps que membre influent, du pĂšre Ă l'
Ăglise du
christianisme céleste de type sectaire
, Ă l'Ă©gard de laquelle il
230
n'a pas pris de distance ni changé d'attitude malgré les
engagements qu'il avait pris devant le juge conciliateur,
l'exercice exclusif de l'autorité parentale a été accordé à la
mĂšre. Lorsque l'exercice de l'autoritĂ© parentale est confiĂ© Ă
l'un des parents, l'exercice du droit de visite et d'hébergement
ne peut ĂȘtre refusĂ© Ă l'autre parent que pour des motifs graves.
Constitue un motif grave justifiant la suspension du droit de
visite et d'hébergement du pÚre, qui ne justifie pas de
l'effectivité de son domicile et dont les conditions de vie sont
totalement ignorĂ©es, son dĂ©sintĂ©rĂȘt total pour les enfants
depuis que le conseiller de la mise en état avait organisé son
droit de visite en lieu neutre qu'il n'a jamais exercé. La mÚre
ne peut se voir imposer de conduire réguliÚrement les enfants
dans les locaux d'une association en vue d'une hypothétique
rencontre avec leur pĂšre, ce dont ils ne peuvent qu'ĂȘtre
profondément déçus si ce dernier ne s'y présente pas ».
En matiĂšre de divorce, deux dĂ©cisions mĂ©ritent d'ĂȘtre
citées, dont il ressort que l'appréciation des torts respectifs des
époux n'est pas fondée sur des critÚres généraux comme
l'appartenance Ă un mouvement sectaire, mais sur l'examen
concret du contexte familial.
En effet, la Cour dâappel de Papeete, dans un arrĂȘt du
20 janvier 2005, a pu juger que
« le seul fait d'ĂȘtre adhĂ©rent Ă
la communauté des
TĂ©moins de JĂ©hovah
ne suffit pas Ă fonder
un divorce pour faute en l'absence d'effets négatifs prouvés sur
la vie familiale. Le mari doit donc ĂȘtre dĂ©boutĂ© de sa demande
de divorce, dans la mesure oĂč il n'Ă©tablit pas que
l'appartenance de son Ă©pouse Ă la secte a des influences
néfastes sur la vie conjugale ou sur l'éducation des enfants.
Les extraits de journaux signalant les dangers de la secte ont
une portĂ©e gĂ©nĂ©rale et n'ont aucun intĂ©rĂȘt dans le cas
d'espÚce »
.
La Cour dâappel d'Agen, dans un arrĂȘt du 6 octobre
2005, a au contraire estimé qu'il
« convient de prononcer le
divorce aux torts exclusifs de l'Ă©pouse. Son appartenance Ă la
communauté des
TĂ©moins de JĂ©hovah
a entraßné un
231
comportement constituant une violation des devoirs et
obligations résultant du mariage. En effet, diverses
attestations permettent d'affirmer que la mĂšre, incapable de
résister à l'emprise de la secte, contraignait son fils à la suivre
aux rĂ©unions, lui interdisant dans le mĂȘme temps tout contact
avec l'extĂ©rieur. De mĂȘme, elle a dĂ©laissĂ© son mari et fait
obstacle Ă l'exercice de son droit de visite. En revanche,
l'Ă©pouse ne rapporte pas la preuve que son mari aurait fait un
mariage pour obtenir la nationalité française, ce que la durée
du mariage et l'attachement du pĂšre pour son enfant
démentent. Elle ne rapporte pas non plus la preuve de
violences à son égard ».
Analyse de la mission sectes
Les travaux de la mission sectes se sont poursuivis,
pour lâannĂ©e 2006, sur le suivi des mouvements pseudo
guérisseurs ainsi que sur certains organismes de formation
professionnelle qui reposent sur une démarche de
dĂ©veloppement personnel des participants sans lâacquisition de
compétences ou de qualifications professionnelles reconnues
ou poursuivent des objectifs Ă caractĂšre (psycho)
thérapeutique, philosophique ou spirituel.
Les actions proposées dans ce cadre ne sont pas
susceptibles dâĂȘtre considĂ©rĂ©es comme entrant dans le champ
légal de la formation professionnelle.
De mĂȘme, le suivi des mineurs dans les mouvements Ă
caractÚre sectaire demeure une priorité de la mission sectes.
Les difficultĂ©s ciblĂ©es par la premiĂšre commission d'enquĂȘte
parlementaire sur les sectes, en 1995, sont toujours d'actualité :
identification et déplacement des enfants, absence de suivi
médical pour certains d'entre eux et surtout absence de
socialisation. L'actuelle commission d'enquĂȘte parlementaire
sur les sectes et les mineurs doit déposer son rapport pour la
232
fin de l'année 2006. Nul doute que les conclusions de cette
enquĂȘte apporteront des axes d'amĂ©lioration dans ce domaine.
En outre, ainsi que lâobserve la MIVILUDES, de petits
groupuscules ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s, Ă lâoccasion dâagissements
attentatoires à la liberté individuelle. Cette émergence
nécessite une vigilance accrue des pouvoirs publics,
notamment au sein «
des cellules de vigilance
départementales » auxquelles participent les magistrats du
parquet. Il serait, Ă cet Ă©gard, opportun non seulement que les
magistrats correspondants sectes, au sein des cours d'appel,
soient associés à ces réunions mais aussi les magistrats de la
protection de l'enfance, confrontés à ces phénomÚnes.
Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que des réunions
doivent ĂȘtre rĂ©activĂ©es par les magistrats correspondants sectes
sur le ressort de chaque Cour dâappel, au besoin en sollicitant
le concours du chargé de mission de la DACG et de celui de la
MIVILUDES.
Il doit ĂȘtre observĂ© quâil existe encore, malgrĂ© une prise
en compte par les pouvoirs publics du phénomÚne sectaire, des
rĂ©ticences par lâautoritĂ© judiciaire Ă prendre en compte l'Ă©tat de
sujétion mentale dont sont victimes les adeptes de sectes. Au
regard des procédures pénales engagées sur le fondement de
l'article 223-15-2 du Code pénal, il est opportun que des
expertises soient ordonnées afin d'établir cet état, dans le cadre
d'une information judiciaire.
Enfin, lâĂ©change dâinformations avec les services
déconcentrés et les associations de défense des victimes des
sectes, tel que précisé dans la circulaire du 1er février 1998,
doit ĂȘtre poursuivi, notamment sâagissant du cas des enfants et
des adolescents embrigadés dans les mouvements sectaires,
afin de leur assurer la protection qui leur est due.
233
L
A DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Un partenariat interne au sein du ministĂšre
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse
(PJJ)
160
a continué en 2006 ses travaux en partenariat avec la
mission sectes de la direction des affaires criminelles et des
grùces. Dans ce cadre, elle a notamment effectué le suivi
rĂ©gulier des dossiers dâassistance Ă©ducative concernant les
mineurs suivis par les juges des enfants et présentant un lien
direct avec une problématique sectaire. Une dizaine de
« dossiers vivants », concernant une soixantaine de mineurs, a
ainsi fait lâobjet dâun suivi au cours de lâannĂ©e 2006.
Ces dossiers ont fait lâobjet dâune rĂ©actualisation,
sâaccompagnant dâune remise Ă jour de la synthĂšse des
mineurs concernĂ©s et dâune rĂ©flexion plus gĂ©nĂ©rale sur les
pistes de travail susceptibles dâĂȘtre empruntĂ©es au cours de
lâannĂ©e 2007. Parmi celles-ci, lâinstauration dâun
correspondant sectes PJJ au sein de chacune des directions
régionales de la protection judiciaire de la jeunesse, en lien
avec le correspondant des cours dâappel, semble devoir
continuer Ă ĂȘtre privilĂ©giĂ©e. La DPJJ a en effet relevĂ© une nette
diminution des signalements de mineurs rencontrant une
problĂ©matique sectaire au cours de lâannĂ©e de rĂ©fĂ©rence.
Formation
Quelques agents de la protection judiciaire de la
jeunesse ont participĂ© au titre de lâannĂ©e 2006 Ă la session de
formation « les sectes » qui sâest dĂ©roulĂ©e Ă lâĂcole nationale
de la magistrature de Paris.
Une meilleure diffusion de lâinformation relative Ă
cette formation semble devoir ĂȘtre envisagĂ©e au sein de la
160
Anciennement bureau K2.
234
DPJJ, le faible nombre de participants sâexpliquant par la
mĂ©connaissance, ou la connaissance tardive, de lâexistence de
cette formation.
235
2 - MINISTĂRE DES AFFAIRES ĂTRANGĂRES
Le DĂ©partement met Ă disposition un conseiller
diplomatique permanent au sein de la MIVILUDES. Le
conseiller pour les affaires religieuses (CAR) représente le
Département au sein du Comité exécutif de pilotage
opérationnel (CEPO) de la MIVILUDES, avec le sous-
directeur de la sĂ©curitĂ© (ASD/SEC). En outre, le CAR peut ĂȘtre
conduit à présenter des projets de réponse aux questions
parlementaires
161
.
I - Organisation de missions Ă lâĂ©tranger pour les membres de
la MIVILUDES
La MIVILUDES est amenée, par ses responsabilités de
veille en matiÚre d'évolution du risque et de prévention des
dĂ©rives sectaires, Ă sâintĂ©resser Ă lâaspect international de ces
questions, en raison du caractÚre « transfrontalier » des
organisations Ă caractĂšre sectaire. Il lui incombe par ailleurs
d'informer les partenaires de la France, en liaison avec le
Département, de son activité de vigilance et de lutte contre les
dĂ©rives sectaires et dâexpliquer la lĂ©gislation française
concernant cette question ainsi que le contexte de sa mission.
Dans ce cadre, les différentes missions menées par la
MIVILUDES en 2006 ont été les suivantes :
161
Ainsi, le 8 février 2006, au sujet de la réaction du gouvernement
concernant la publication du rapport du dĂ©partement dâĂtat amĂ©ricain sur la
libertĂ© de religion dans le monde, ce rapport, qui sâinquiĂ©tait dâune possible
restriction de cette libertĂ© en France, fit lâobjet dâune question posĂ©e par le
député de la Marne, M. Francis Falala, au ministre des Affaires étrangÚres.
236
Colloque de la FECRIS Ă Bruxelles, 25 mars 2006
La Fédération européenne des centres de recherche et
d'information sur le sectarisme (FECRIS), organisation non
gouvernementale ayant le statut dâobservateur auprĂšs du
Conseil de l'Europe, a invité la MIVILUDES à participer au
colloque qu'elle organisait sur « L'internationalisation des
sectes : un danger pour les droits humains en Europe ? »
réunissant associations de défense de la famille et de l'individu
et victimes de dérives sectaires.
La délégation conduite par la secrétaire générale a pu y
rencontrer des associations européennes telles que
lâ
Associazione per la Ricerca e l'Informazione sulle Sette
, la
Family Action Information and Resource
, l'
Association suisse
pour la DĂ©fense de la Famille et de l'Individu
aux cÎtés
d'organisations comme le
Centre belge dâinformation et dâavis
sur les organisations sectaires nuisibles
et le
Center for
religious movements studies
du Belarus ou d'
Info Secte
(Canada). Au mĂȘme moment, le Groupe de travail belge
chargé d'assurer le suivi des recommandations de la
Commission parlementaire belge « Sectes » a présenté son
rapport à la Chambre des représentants, proposant notamment
de modifier la loi pour rendre possible l'intervention des
autorités avant que des dérives ne puissent avoir des
conséquences fùcheuses.
Visite du Président de la
MIVILUDES
au Conseil de l'Europe,
13 avril 2006
Le président de la MIVILUDES, M. Jean-Michel
Roulet et la secrétaire générale, Mme Catherine Katz, se sont
rendus au Conseil de l'Europe, Ă Strasbourg, afin de rencontrer
les responsables du Conseil pour leur présenter la
MIVILUDES et son action et préciser la position française en
matiÚre de lutte contre les dérives sectaires.
237
Le président Roulet a pu expliquer à ses interlocuteurs
l'accent mis sur les seules dérives des mouvements à caractÚre
sectaire. Il leur a rappelé les grands principes fondateurs de la
laïcité en France et a souligné la nécessaire action protectrice
et prĂ©ventive de l'Ătat Ă l'Ă©gard de personnes victimes de
l'emprise mentale de mouvements Ă caractĂšre sectaire.
Colloque Ă Bratislava organisĂ© par lâInstitut chargĂ© des
relations entre lâĂtat et les Ăglises en Slovaquie, du 24 au 26
mai 2006
Lors de ce colloque, l'Institut chargé des Relations
entre l'Ătat et les Ăglises en Slovaquie a invitĂ© la MIVILUDES
à présenter son action au cours d'une conférence publique
suivie d'un dĂ©bat dans les locaux du ministĂšre de la culture Ă
Bratislava.
II - EnquĂȘtes sur les dispositifs lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires de
certains pays vis à vis de mouvements dont les activités peuvent
induire une dérive sectaire
A la demande de la MIVILUDES, nos ambassades Ă
Berlin, Londres, Madrid, Rome, Stockholm, Varsovie,
Washington, Ottawa (ainsi que le consulat général à Québec)
ont été sollicitées en mai et juin 2006 afin de fournir des
Ă©lĂ©ments dâinformation sur lâĂ©tat de la lĂ©gislation dans leurs
pays de résidence, ainsi que sur les activités, le poids financier
et humain des
TĂ©moins de JĂ©hovah
, de la
Scientologie
et du
mouvement
Moon,
et sur les dispositions législatives
éventuellement applicables à ces mouvements. Les résultats de
ces enquĂȘtes ont Ă©tĂ© livrĂ©s Ă la MIVILUDES qui les a intĂ©grĂ©s
à ses propres observations dans seconde partie du présent
rapport.
238
III - Explication et défense de la politique française auprÚs des
instances internationales.
La politique française de lutte contre les dérives
sectaires suscite parfois des interrogations Ă lâĂ©tranger,
notamment dans les pays de tradition anglo-saxonne ou
scandinave dans lesquels la notion mĂȘme de « secte » nâa pas
le mĂȘme sens quâen France.
Ainsi, dans son rapport rendu public le 8 mars 2006, le
rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction de
la commission des droits de lâHomme des Nations-Unies a
annoncĂ© quâil continuerait de «
surveiller Ă©troitement
» les
activités de la MIVILUDES, en ce qui concernait de possibles
atteintes au droit et la liberté de conscience et religion.
Le DĂ©partement fait valoir dans les enceintes
concernées que les activités de la MIVILUDES respectent
pleinement les conventions internationales que la France a
ratifié dans ce domaine, notamment le pacte des Nations-Unies
sur les libertés civiles et politiques de 1966 et la convention
europĂ©enne de sauvegarde des droits de lâHomme et des
libertés fondamentales de 1950. Il souligne que la politique
menĂ©e en France nâa pas pour but de limiter la libertĂ© de
religion et de conscience mais de prévenir le risque de dérives
sectaires et dâinformer le public Ă cet Ă©gard. En ce sens, le
DĂ©partement insiste auprĂšs de nos partenaires sur trois points :
- que ce ne sont pas des mouvements spécifiques qui sont sous
surveillance mais des types de comportements délictueux.,
- que les activités pénalement répréhensibles sont poursuivies
devant les tribunaux de droit commun,
- que la MIVILUDES existe car les victimes de dérives
sectaires sâattendent Ă ĂȘtre soutenues et aidĂ©es par les pouvoirs
publics.
Lors de la confĂ©rence annuelle dâĂ©valuation des
travaux du Bureau des institutions démocratiques et des droits
de lâHomme (BIDDH) de lâOSCE Ă Varsovie du 2 au 13
octobre, la délégation française a pu préciser une nouvelle fois
239
les modalitĂ©s de lâaction des pouvoirs publics en matiĂšre de
lutte contre les dérives sectaires. En marge des réunions le
président de la MIVILUDES et sa secrétaire générale,
membres de la délégation française, ont rencontré les
responsables de lâOSCE en charge du secteur ainsi que des
reprĂ©sentants dâONG et de groupements, et leur ont apportĂ© les
Ă©claircissements quâils souhaitaient sur les attributions et le
fonctionnement de la MIVILUDES.
IV - Consultations pour les nominations dâexperts.
Câest en concertation avec le prĂ©sident de la
MIVILUDES que le conseiller pour les affaires religieuses a
proposé un nouvel expert français au « groupe sur la liberté
religieuse et de croyance » du BIDDH de lâOSCE.
240
3 - MINISTĂRE DE LâINTĂRIEUR
ET DE LâAMĂNAGEMENT DU TERRITOIRE
Les principales observations
Les tendances constatées en 2006 par les services des
renseignements gĂ©nĂ©raux sâinscrivent dans le prolongement
des observations effectuées les deux années passées.
Les déviances guérisseuses
Les déviances guérisseuses occupent toujours une place
prĂ©pondĂ©rante, quâelles Ă©manent de vastes organisations ou de
groupes chrétiens - voire syncrétiques - incitant à recourir à la
priĂšre pour soigner, ou quâelles soient le fait de mouvements
ou réseaux articulés autour de pratiques thérapeutiques
alternatives dangereuses.
Concernant ces derniÚres dérives « nouvel ùge », le
recours fréquent, cette année, à des substances hallucinogÚnes
et aux rituels qui encadrent traditionnellement leur
consommation (ayahuasca, santo daime, iboga et bitwi), est
inédit et a eu des conséquences dramatiques. Ainsi, les
pratiques rituelles basées sur la plante iboga ont provoqué, le
18 juillet 2006, le dĂ©cĂšs dâun jeune toxicomane participant Ă
un stage de sevrage organisé par cette mouvance, et, en
septembre, lâhospitalisation dâun autre participant Ă lâun de ces
stages dans le Gard, en proie Ă des troubles hallucinatoires et Ă
un Ă©tat de grande perturbation mentale.
On peut Ă©galement mentionner la condamnation, le 7
septembre, à Lille, de deux médecins homéopathes membres
du mouvement du Graal, Ă deux ans de prison avec sursis pour
non-assistance Ă personne en danger, aprĂšs le dĂ©cĂšs dâun de
leurs patients en 1997.
241
La nébuleuse sataniste
Le nombre de profanations satanistes demeure
important, mĂȘme sâil varie peu : 24 profanations dans les
cimetiĂšres et les Ă©glises pour ces neuf premiers mois, soit 30
par extrapolation pour lâannĂ©e, contre 32 en 2005 et 29 un an
plus tÎt. Aucun crime ou suicide imputable à cette « culture »
nâa Ă©tĂ© signalĂ© depuis le dĂ©but 2006.
Les milieux urbains et péri-urbains
Un Ă©lĂ©ment nouveau apparaĂźt nettement aujourdâhui :
les milieux urbains et péri-urbains, plutÎt jeunes et
socialement défavorisés, sont de plus en plus approchés par
certaines organisations.
LâĂglise de Scientologie
multiplie les initiatives dans
cette direction. à cÎté de satellites scientologues déjà anciens
(association
« Non à la drogue, oui à la vie »
par exemple), ce
sont de nouveaux relais plus ou moins structurés comme les
« Ministres volontaires »
ou les
« Jeunes pour les droits de
lâHomme »
qui parcourent cités et quartiers sensibles.
Les TĂ©moins de JĂ©hovah
Il est Ă noter que les services du ministĂšre restent
attentifs, par ailleurs, aux pratiques des
TĂ©moins de JĂ©hovah
,
indépendamment des questions juridiques.
Lâorganisation territoriale
La coordination de lâaction des services de lâĂtat et le
suivi des dérives sectaires au niveau départemental étaient
jusquâĂ prĂ©sent rĂ©alisĂ©s au sein des « cellules dĂ©partementales
de vigilance » réunies par les préfets, sur instruction du
ministre de lâIntĂ©rieur en date du 20 dĂ©cembre 1999. Dans le
cadre de la rĂ©forme de lâĂtat, le dĂ©cret n° 2006-665 du 7 juin
242
2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de
la composition de diverses commissions administratives, a
repris les attributions de ces cellules au sein dâune
commission-pivot appelée «
conseil départemental de
prĂ©vention, dâaide aux victimes et de lutte contre la drogue, les
dérives sectaires et les violences faites aux femmes ». Les
structures locales de lutte contre les dérives sectaires sont donc
désormais consacrées par un texte réglementaire et non par
une simple circulaire. Présidées par le préfet, ces commissions
comprendront des reprĂ©sentants des services de lâĂtat,
notamment de la police et de la gendarmerie nationale, des
magistrats, mais également des représentants des collectivités
territoriales et des reprĂ©sentants dâassociations. Lâorganisation
et le fonctionnement de ces commissions et de leurs
formations spĂ©cialisĂ©es sont fixĂ©s par arrĂȘtĂ© du prĂ©fet. Le
reprĂ©sentant de lâĂtat organisera en consĂ©quence des groupes
de travail restreints dans lesquels ne siégeront que les
membres de la commission-pivot concernés par ces questions,
afin de préserver la nécessaire confidentialité des échanges sur
ces questions sensibles et promouvoir un travail efficace sur le
phénomÚne sectaire.
Enfin, les actions dâinformation et de formation de la
direction centrale des renseignements généraux (DCRG)
destinĂ©es aux personnels de police et dâautres administrations
intéressées, se sont poursuivies en 2006. Outre des cycles
réguliers de formation réservés aux policiers mutés aux
renseignements généraux, une information est
systĂ©matiquement prĂ©sentĂ©e Ă lâĂ©cole des officiers.
La question de la communication des documents
administratifs
Le ministÚre de l'Intérieur et de l'Aménagement du
territoire observe que le mouvement scientologue poursuit une
action systématique de demande de communication de
documents administratifs, notamment ceux intĂ©ressant lâaction
243
de suivi et de formation sur le phénomÚne sectaire exercée par
les renseignements généraux.
Face Ă de telles demandes, le ministĂšre de lâIntĂ©rieur
sâefforce de concilier le droit de toute personne Ă la
communication de ces documents, garanti par les dispositions
de la loi du 17 juillet 1978, et lâintĂ©rĂȘt de la sauvegarde de la
sécurité publique. à cet égard, il est à noter que, par une
dĂ©cision du 3 juillet 2006, le Conseil dâĂtat a fait droit Ă la
demande des
TĂ©moins de JĂ©hovah
dâobtenir la communication
de documents réalisés par la DCRG pour la Commission
dâenquĂȘte parlementaire de lâAssemblĂ©e nationale sur lâargent
et les sectes en 1999. Il a en effet jugé que ces documents
nâavaient pas le caractĂšre de « documents parlementaires » et
que, eu Ă©gard Ă leur contenu, leur communication ne risquait
pas de porter atteinte à la sécurité publique.
244
4 - MINISTERE DE LA DĂFENSE
A l'instar des autres responsables des administrations
impliquées dans la lutte contre les dérives sectaires, le
directeur général de la gendarmerie nationale a été entendu, le
4 octobre 2006, par la Commission d'enquĂȘte parlementaire
« Sectes et mineurs ».
Au cours de cette audition, le directeur général de la
gendarmerie nationale a exposé devant les membres de la
Commission les grands principes d'action de son
administration vis-à -vis des dérives sectaires.
La contribution de la gendarmerie nationale Ă la
rédaction du rapport 2006 de la MIVILUDES fait suite à cette
audition. Son objet est d'exposer l'action de la gendarmerie
nationale dans la lutte contre les dérives sectaires, au cours de
l'année 2006, en développant les points suivants :
â
Le dispositif de la gendarmerie nationale face au phénomÚne
sectaire,
â
Le phénomÚne sectaire et les mineurs : vision et action de la
gendarmerie nationale,
â
Des propositions pour plus d'efficacité.
I - Le dispositif de la gendarmerie nationale face au
phénomÚne sectaire
DÚs les premiÚres études entreprises, le phénomÚne
sectaire a révélé qu'il se caractérisait par sa grande dilution, au
plan géographique et au plan thématique : dilution au plan
géographique car aucune région et aucun département ne sont
totalement dépourvus d'implantations sectaires, dilution au
245
plan thématique car les idéologies qui sous-tendent chaque
mouvement sectaire sont d'une grande variété.
Face à un adversaire aussi protéiforme, la gendarmerie
nationale a décidé d'adapter ses structures internes afin d'avoir
la connaissance la plus fine possible des phénomÚnes sectaires,
au niveau déconcentré, et de se doter d'une structure adaptée,
au niveau central.
Ainsi, la recherche du renseignement sur les
mouvements sectaires est effectuée par l'ensemble des unités
territoriales de la gendarmerie départementale (communautés
de brigades, brigades autonomes, pelotons de surveillance et
d'intervention), les brigades départementales de renseignement
et d'investigations judiciaires (BDRIJ) mais Ă©galement par les
unités de recherches (brigades de recherches et sections de
recherches).
Les cellules « renseignement » des groupements de
gendarmerie sont chargées, quant à elles, du recueil, de
l'analyse et de l'exploitation du renseignement au niveau
départemental.
En outre, cette structure départementale assure aussi la
transmission de l'information vers un Ă©chelon central oĂč est
regroupé l'ensemble des renseignements portant sur les dérives
sectaires.
Depuis 2006, cette unité centrale de la gendarmerie
nationale, dénommée «
Service technique de recherches
judiciaires et de documentation
» (STRJD), est chargée
d'assurer, au plan national, le suivi des dérives sectaires tant
dans ses aspects administratifs que judiciaires. Pour ce faire,
un officier supérieur de cette unité a été désigné, le 1er juillet
2006, en qualité de « référent national gendarmerie sectes ».
Assisté d'une équipe de trois militaires spécialistes du
phĂ©nomĂšne, le « rĂ©fĂ©rent national gendarmerie » s'emploie Ă
coordonner, Ă exploiter le renseignement transmis afin de
246
suivre l'évolution des phénomÚnes en lien avec le milieu
sectaire.
Point central de recueil de l'ensemble de l'information
en provenance des unités territoriales, le STRJD, avec son
équipe dédiée, est ainsi devenu l'interlocuteur pertinent des
correspondants des autres services de l'Ătat concernĂ©s par les
dérives sectaires. Afin d'assurer un suivi du phénomÚne et de
parfaire leurs connaissances, les personnels sont incitĂ©s Ă
suivre et Ă participer aux actions de formation continue. C'est
ainsi qu'ils ont rĂ©cemment participĂ© au sĂ©minaire organisĂ©, Ă
Paris, par l'Ecole nationale de la magistrature sur le thĂšme des
dérives sectaires.
De façon plus large encore, la gendarmerie nationale se
tient naturellement prĂȘte Ă bĂ©nĂ©ficier des actions de formation
que la MIVILUDES envisage de mettre prochainement en
place, à l'échelon régional, au profit de référents locaux.
Au total, ce sont donc prĂšs de quatre cent cinquante
militaires (dont cent officiers), formés ou spécialisés à la
gestion du renseignement administratif et d'ordre public, qui
sont appelés à traiter les informations relatives au domaine
sectaire.
Lorsque la nature judiciaire de ces informations est
présumée ou établie, le relais est alors pris par les personnels
spécialisés des BDRIJ, sections PJ des régions et du STRJD.
En tant que de besoin, l'action judiciaire de ces personnels, trĂšs
au fait de la problématique sectaire, est relayée dÚs qu'une
enquĂȘte judiciaire est ouverte par les 23.700 officiers de police
judiciaire (OPJ) de la gendarmerie. Concernant plus
spécifiquement les mineurs, ces OPJ peuvent en outre
s'appuyer sur les personnels spécialisés des quarante et une
brigades de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) de la
gendarmerie nationale.
Depuis 2003, plusieurs faits ayant trait Ă des
profanations de cimetiĂšres, Ă des inscriptions Ă caractĂšre
247
satanique, à des dégradations ont été recensés dans les cinq
départements de la région Bretagne. Il s'agit le plus souvent
d'actes isolés commis par des jeunes mineurs ou des adultes
fascinés par le satanisme et la mort. Ces personnes se trouvent
en déshérence, en rupture avec le milieu scolaire ou
professionnel, marquées par l'absence de repÚres.
Une affaire judiciaire mĂ©rite d'ĂȘtre plus
particuliÚrement évoquée à cause de son cÎté spectaculaire, en
ce quelle touche directement aux dérives du domaine sectaire
et au satanisme. Début 2006, diverses dégradations par tags et
une destruction importante par incendie ont été commises dans
un cimetiĂšre, sur un calvaire et dans des chapelles dans lâouest
de la France. Des traces identiques sont relevées : chiffre 666
et croix inversée sur les murs, pentagramme entouré d'un
cercle de 40 cm, statues et une étoffe brûlées. Une chapelle est
entiÚrement détruite par un incendie d'origine criminelle. Six
statues provenant de la chapelle sont retrouvĂ©es plantĂ©es Ă
l'envers sur des tombes dans le cimetiĂšre attenant.
Pour faire face à la recrudescence de ces phénomÚnes
sataniques, un groupe de travail est mis en place par la région
de gendarmerie de Bretagne. Rapidement, les auteurs, adeptes
sataniques, Ă©taient interpellĂ©s grĂące Ă dâimportants moyens
humains et matériels mis en place et à une connaissance
pointue du phénomÚne.
Cette affaire a eu un retentissement médiatique
national. Un juge dâinstruction est saisi pour dĂ©terminer si
d'autres faits sont directement imputables Ă ces personnes.
Depuis le 1er janvier 2006, en zone de compétence de
la gendarmerie nationale, 127 infractions ont été commises
dans les cimetiĂšres (102 dĂ©gradations â 17 inscriptions â 7
descellements et 1 profanation).
La MIVILUDES Ă©tudie actuellement l'impact de
l'utilisation de certains produits classés ou non en tant que
248
stupéfiants
162
. Cet été 2006, en ArdÚche, un séminaire a été
organisé à l'initiative d'une association culturelle dont la
vocation affichée est de promouvoir les propriétés de l'iboga
,au centre «
Meyaya
» implanté à La Voulte-sur-RhÎne en
ArdĂšche. L'iboga est une plante hallucinogĂšne dont les effets
peuvent ĂȘtre trĂšs dangereux pour la santĂ© en l'absence de
contrÎle médical lors des séances de prise (risques de
convulsions, paralysie ou mort).
Le 18 juillet 2006, un toxicomane qui effectue
volontairement un stage de désintoxication aux drogues par
l'intermédiaire de tisanes provenant du Gabon (iboga) est
découvert évanoui, victime d'un malaise. Malgré l'intervention
des secours, il ne peut ĂȘtre rĂ©animĂ©. L'enquĂȘte judiciaire a Ă©tĂ©
menée pour recherches des causes de la mort. Cette affaire a
eu un retentissement médiatique. Que le décÚs soit directement
liĂ© ou non Ă la prise d'iboga, la question de lâexercice illĂ©gal de
la médecine se pose.
II â Le phĂ©nomĂšne sectaire et les mineurs.
Le constat réalisé
L'influence sectaire touche les individus au plus
profond de leur intimité et contamine leur environnement
familial. à ce titre, il est inévitable que les enfants soient
concernés par le phénomÚne.
Les associations de lutte contre les dérives sectaires
indiquent que prĂšs de 20.000 mineurs seraient sous l'influence
de mouvements sectaires. Toutefois, l'absence de norme ou de
critĂšre pertinent, dĂ©limitant avec prĂ©cision les situations Ă
partir desquelles il est raisonnable de parler d'implication des
mineurs dans les mouvements, oblige Ă prendre en compte ces
données chiffrées avec mesure.
162
Voir 2
Ăšme
partie du présent rapport.
249
En tout Ă©tat de cause, mĂȘme si elles ne peuvent
fatalement constituer que la partie émergée du phénomÚne
sectaire, les affaires judiciaires traitées par la gendarmerie ne
semblent pas représentatives de la réalité décrite.
Ainsi, depuis 2004, ce sont trente-sept affaires
justifiant qu'une suite judiciaire leur soit donnée qui ont été
portées à la connaissance de la gendarmerie, chiffre modeste
mĂȘme s'il est vrai qu'une mĂȘme affaire peut regrouper
plusieurs signalements.
Toutefois, s'il convient de considérer avec prudence
l'estimation avancée par les associations, la gendarmerie ne
sous-estime pas pour autant le phénomÚne. Un certain nombre
d'affaires judiciaires qu'elle a eu à traiter ont en effet démontré
la réalité des risques psychiques et physiques encourus par
certains mineurs pris au piĂšge de mouvements sectaires, le
plus souvent avec l'assentiment d'au moins l'un de leurs
parents. Soumis comme les adultes Ă un risque
d'embrigadement d'autant plus sensible que leur Ăąge les rend
particuliÚrement vulnérables, ces mineurs font en outre
généralement l'objet de violences sexuelles. Embrigadement et
abus sexuels sont ainsi les deux axes principaux sur lesquels la
gendarmerie nationale veut faire porter son effort dans le
domaine de la répression.
L'intervention
Bien implantĂ©e sur le territoire oĂč elle est en charge de
la mission de sécurité publique, la gendarmerie nationale est
de façon trÚs naturelle au moins informée et, quand il le faut,
impliquée dans la détection des affaires mettant en cause des
mineurs. Cette détection précoce lui permet de mettre en
action ses moyens judiciaires au plus tĂŽt aprĂšs le signalement
des faits.
La dĂ©tection des dĂ©rives dont pourraient ĂȘtre victimes
des mineurs résulte de l'exercice de sa mission de
renseignement exercée par les unités de la gendarmerie, aucun
250
texte ne lui conférant de pouvoir spécifique de contrÎle dans
ce domaine. En qualité d'interlocuteurs réguliers des autres
services de l'Ătat, les responsables locaux de la gendarmerie
sont en parfaite situation pour Ă©changer des renseignements
ayant trait aux mouvements sectaires, ou au sentiment que ces
mouvements peuvent susciter au sein de la population.
Ainsi, comme tout acteur de terrain, la gendarmerie
nationale participe au processus qui permet de réunir et de
recouper les éléments nécessaires au déclenchement d'un
contrĂŽle â qui sera alors conduit par le service le plus
appropriĂ© â ou Ă l'ouverture d'une enquĂȘte.
A cette action s'ajoute celle de l'exploitation des
signalements en provenance d'autres sources comme les
professionnels de santé qui sont, dans ce domaine, les acteurs
les mieux positionnés.
Quand dans une affaire judiciaire, existent des
présomptions ou des indices d'atteintes sexuelles sur des
mineurs, leur traitement fait naturellement l'objet d'une
attention toute particuliÚre. Indépendamment des examens
mĂ©dico-lĂ©gaux, les enquĂȘteurs veillent Ă s'entourer de toutes
les garanties pour obtenir que la parole des enfants soit libre,
notamment grùce au concours des professionnels de santé.
III - Des propositions pour plus d'efficacité.
Pour une meilleure circulation du renseignement
L'Ă©change de l'information entre l'ensemble des acteurs
concernés par la lutte contre les dérives sectaires est
primordial. Ă cet Ă©gard, une meilleure circulation du
renseignement entre les diffĂ©rents services peut ĂȘtre favorisĂ©e.
En effet, l'une des difficultés résulte de la multiplicité, de la
complexité et de la taille parfois trÚs réduite des mouvements
sectaires. Aujourd'hui, de nombreuses structures individuelles
émergent. Elles touchent désormais tous les domaines : le
251
soutien scolaire, l'humanitaire, la santé, etc. Or, sans
renseignement ou information fiable, il est illusoire de penser
pouvoir appréhender ces mouvements sous leurs multiples
aspects. Ă titre d'exemple, en 2006, seulement quarante-six
signalements portant sur des mouvements ou des associations
susceptibles d'avoir un caractÚre sectaire ont été répertoriés par
les unités de la gendarmerie. La réussite de l'action dépend en
grande partie de la bonne circulation du renseignement entre
tous les intervenants.
Sur ce point, la gendarmerie nationale est prĂȘte Ă
concourir Ă toute mesure qui viendrait valoriser et renforcer les
échanges entre les multiples intervenants concernés par la lutte
contre les dérives sectaires, qu'ils soient publics ou privés.
Pour ce faire, il serait sans doute trĂšs utile de mettre en
place, de façon formelle, un pÎle d'échange d'informations
relatif aux mouvements sectaires, structure inter-services libre
et ouverte. L'action d'un tel pÎle serait cependant forcément
limitée en l'absence d'un outil permettant de mémoriser
l'information Ă des fins de recoupement. En droit constant, un
tel fichier n'est cependant pas envisageable.
Quant Ă la partie judiciaire de son action, la
gendarmerie ne peut Ă©videmment la conduire que dĂšs lors que
les renseignements fiables recueillis permettent de mener des
investigations complĂštes dans le cadre de l'enquĂȘte judiciaire.
En dehors des enquĂȘtes consĂ©cutives aux signalements
évoqués ci-dessus, les investigations judiciaires interviennent
généralement dans le cadre des plaintes déposées pour non-
représentation d'enfants mais également de la part d'anciens
adeptes révélant des agressions sexuelles.
Pour les personnes majeures, les infractions les plus
couramment commises sont les agressions sexuelles, l'abus
frauduleux de l'Ă©tat d'ignorance et de faiblesse, les
escroqueries, l'exercice illégal de la médecine, etc. Il arrive
Ă©galement qu'une unitĂ© puisse dĂ©buter une enquĂȘte Ă partir
d'éléments recueillis de sa propre initiative. Dans tous les cas,
252
aucune action occulte n'est menĂ©e par les enquĂȘteurs qui
agissent, en toute transparence, aprĂšs information des
magistrats et dans le cadre des pouvoirs qu'ils détiennent du
Code de procédure pénale.
Sur un plan plutĂŽt technique, dans toutes les enquĂȘtes
portant sur une activité sectaire -
a fortiori
avec des mineurs
en cause - un effort systĂ©matique est mis en Ćuvre pour mettre
en évidence les éléments significatifs d'une dérive sectaire.
Les enquĂȘteurs veillent tout particuliĂšrement Ă
transmettre aux juridictions des dossiers leur permettant de
forger leur intime conviction en pleine connaissance du
contexte qui a pu amplifier la portée des infractions
poursuivies.
Les documents révélateurs de l'idéologie pratiquée ou
de la doctrine enseignée, les techniques prosélytes employées
et les éléments de langage des adeptes sont, par exemple, des
informations d'environnement trĂšs utiles, de mĂȘme que la
description des déviances constatées ou l'organisation et la
hiérarchie interne du mouvement.
Ă ce titre, et au-delĂ mĂȘme des mineurs, les efforts
déployés depuis plusieurs années par la gendarmerie afin
d'améliorer les conditions d'accueil des victimes sont de nature
Ă favoriser, voire Ă susciter, des plaintes de la part des
personnes en situation de fragilité que sont souvent devenus
les adeptes des mouvements sectaires.
En tout Ă©tat de cause, le dispositif de la gendarmerie
montre une efficacité sans nul doute perfectible mais déjà fort
encourageante puisque les affaires évoquées précédemment,
dont la gendarmerie a été saisie, ont donné lieu à des
investigations judiciaires approfondies. Ainsi, et pour la
premiÚre fois, un gourou a été définitivement condamné en
2005 dans le cadre de la loi About-Picard du 12 juin 2001,
pour « avoir abusé frauduleusement de l'état d'ignorance et de
253
faiblesse de plusieurs personnes en état de sujétion physique et
psychologique ».
Pour une meilleure connaissance du phénomÚne sectaire par
les agents de lâĂtat
La formation des personnels doit ĂȘtre amĂ©liorĂ©e pour
mieux apprĂ©hender les enquĂȘtes judiciaires spĂ©cifiques au
milieu sectaire.
A titre d'exemple, il est difficile d'Ă©tablir si la victime
d'un suicide n'Ă©tait pas directement sous l'emprise d'un
mouvement Ă caractĂšre sectaire ou si l'implication de celui-ci
dans le passage Ă l'acte est possible.
Au cours des auditions, les ex-adeptes sont toujours sur
la dĂ©fensive. En consĂ©quence, il faut ĂȘtre capable de cerner le
rĂ©el dans leur propos, d'oĂč l'importance de la maniĂšre de poser
les questions. L'enquĂȘteur doit ĂȘtre le plus neutre et le plus
objectif afin d'éviter tout débat passionnel. Il faut appliquer
dans la mesure du possible le « langage » de lâorganisation
sectaire et savoir retranscrire tels quels les propos (en
fournissant la grille de traduction en annexe si nécessaire).
A ce titre, une rĂ©flexion peut utilement ĂȘtre conduite en
faveur de la création d'un service opérationnel spécialisé.
Pour une meilleure appréhension de la surveillance de
l'Internet
La surveillance de l'activité sectaire diffusée sur
l'Internet doit ĂȘtre amĂ©liorĂ©e. En effet, l'Ă©mergence des
nouvelles technologies dans la diffusion de l'information
nécessite une surveillance accrue de ce vecteur de
communication récent mais déjà largement utilisé par les
Français et plus particuliÚrement par les jeunes.
254
Hors les cas de signalements, il n'est actuellement pas
exercé de veille systématique dans ce domaine.
Ponctuellement, un rapide balayage sur internet a permis de
constater qu'il n'y existait que trĂšs peu de sites sectaires et que
l'activité prosélyte dans ce domaine semblait faible. Pour
autant, une surveillance systématique ne poserait pas de
difficulté technique mais se heurterait aux moyens à engager.
Il reste quâil y a lieu d'ĂȘtre particuliĂšrement attentif aux
forums de discussion, aux jeux vidéo, à la littérature et à tous
les supports spécialisés qui se développent et dont les mineurs
sont toujours friands.
Conclusion
La Gendarmerie nationale lutte aux cÎtés des autres
services de lâĂtat contre les dĂ©rives sectaires dans le cadre
traditionnel de ses missions. Pour ce faire, elle s'appuie sur le
découpage territorial et sur le professionnalisme de ses unités
pour recueillir le renseignement portant sur les mouvements Ă
caractĂšre sectaire, en liaison Ă©troite avec les moyens
développés par la MIVILUDES.
Toutefois, une grande partie du succĂšs de la lutte contre
les dérives sectaires repose sur les informations recueillies par
les services et la MIVILUDES. ParallĂšlement, les actions de
formation doivent ĂȘtre poursuivies et dĂ©veloppĂ©es pour tendre
vers la constitution d'une structure Ă mĂȘme de pouvoir traiter
les affaires complexes.
255
5 - MINISTĂRE DE LâĂCONOMIE,
DES FINANCES ET DE LâINDUSTRIE
L
A
D
IRECTION GENERALE DES
I
MPOTS
La Direction générale des impÎts (DGI) a conduit, sur
la période 2000 à 2005, 43 contrÎles qui ont concerné des
entités susceptibles de présenter des risques de dérives
sectaires, sans que la constatation de ce caractĂšre Ă©ventuel, qui
nâentre pas dans la mission de la DGI, ait pu ĂȘtre formellement
Ă©tablie.
Ces contrÎles, qui ont été engagés dans les conditions
habituelles et ne relĂšvent pas dâune programmation spĂ©cifique,
ont conduit Ă des rappels dâimpĂŽts de 3 millions dââŹ, reposant
sur des motifs techniques trÚs disparates et souvent contestés
(exemples : assujettissement dâassociations aux impĂŽts
commerciaux, taxation de revenus professionnels non déclarés
par des personnes physiques, imposition aux droits de
mutation Ă titre gratuit de dons manuels consentis Ă certaines
associations, assujettissement Ă la TVA dâune entreprise se
prĂ©tendant exonĂ©rĂ©e au titre dâune activitĂ© de formation
professionnelle).
Par ailleurs, en réponse à une question écrite de M.
Jean-Claude Lefort, député du Val de Marne, portant sur le
rĂ©gime fiscal des dons consentis Ă lâassociation
Tradition,
Famille, Propriété
, le ministre de lâEconomie, des Finances et
de lâIndustrie a eu lâoccasion de prĂ©ciser que les versements
faits Ă lâorganisme prĂ©citĂ© ne rĂ©pondent Ă aucune des
conditions prévues par les articles 200 et 238 bis du Code
général des impÎts (CGI). En effet, cette association, dont
lâobjet ne correspond Ă aucun de ceux limitativement
Ă©numĂ©rĂ©s par la loi, ne prĂ©sente pas de caractĂšre dâintĂ©rĂȘt
256
gĂ©nĂ©ral et les dons quâelle reçoit sont assortis dâune
contrepartie directe. Par suite, le fait dâĂ©mettre des attestations
permettant aux donateurs de bonne foi de bĂ©nĂ©ficier dâune
rĂ©duction de leur impĂŽt expose lâorganisme en cause Ă
lâapplication de la pĂ©nalitĂ© prĂ©vue par lâarticle 1740 A du CGI
(amende égale à 25% des sommes indûment mentionnées sur
les reçus).
Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la dĂ©ductibilitĂ© des dons
consentis aux associations, quelle quâen soit la nature ou
lâobjet, est susceptible de faire lâobjet dâun contrĂŽle par les
services de la DGI.
Enfin, les services de recherche de la DGI assurent, en
vue de la programmation de contrĂŽles, une veille permanente
sur les affaires, notamment liées à des mouvements sectaires,
présentant un enjeu sur le plan fiscal.
257
6 - MINISTĂRE DE L'ĂDUCATION NATIONALE,
DE L'ENSEIGNEMENT SUPĂRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Comparée aux années précédentes, l'année scolaire
2005-2006, a été pour la Cellule de prévention des
phénomÚnes sectaires (CPPS), une année particuliÚrement
calme.
La CPPS n'a, en effet, été que rarement saisie : trois cas
d'enfants considérés comme en danger, soit parce que des
parents appartenant Ă des mouvements sectaires envisageaient
de les scolariser dans des Ă©coles Ă l'Ă©tranger, soit parce que l'un
d'entre eux était considéré comme un enfant
indigo
. Dans ce
dernier cas, l'inspecteur d'académie compétent a effectué un
signalement auprĂšs du procureur de la RĂ©publique, tandis que
les autres cas se sont réglés par le dialogue entre les parents et
les responsables de l'Ă©ducation nationale. Ces deux derniĂšres
affaires soulignent l'importance de la vigilance que doivent
exercer tous les personnels du ministĂšre : un des deux cas a
ainsi été signalé par une assistante sociale dont l'intervention a
permis de trouver une solution satisfaisante.
La CPPS se montrera Ă©galement attentive Ă la situation
des écoles privées hors contrat, en particulier lorsque les
conditions de leur création ou de leur fonctionnement font
craindre un risque de dérive sectaire. Ces écoles feront l'objet
d'un contrĂŽle par les corps d'inspection territoriaux.
Ces corps d'inspection territoriaux ont continué à se
montrer actifs dans plusieurs domaines, notamment le contrĂŽle
de l'instruction dans la famille, mĂȘme s'il faut se garder de
considĂ©rer que les parents qui Ă©duquent leurs enfants Ă
domicile ou les établissements privés hors contrat relÚvent de
la sphÚre des activités de nature sectaire. Ils ont ainsi contrÎlé
258
la réalité de l'éducation dispensée dans les familles (1119
enfants évalués sur 2813). Ces contrÎles ont révélé une
situation plutÎt satisfaisante puisque ce nombre élevé
d'interventions s'est traduit par un nombre trĂšs modeste de
mises en demeure de scolarisation dans un Ă©tablissement
public ou privé sous contrat : 23, aprÚs que deux évaluations
successives avaient démontré un niveau d'acquisition des
connaissances trĂšs insuffisant.
En outre, 80 visites dans des Ă©tablissements hors
contrat ont été effectuées. 11 mises en demeure ont été
adressées à ces établissements lorsqu'il a été constaté que
l'enseignement qui y était dispensé n'était pas conforme aux
exigences légales (niveau de connaissances insuffisant,
progression annuelle incohérente). Ces mises en demeure
préludent à une nouvelle visite qui, si elle aboutissait aux
mĂȘmes constatations, amĂšnerait l'inspecteur d'acadĂ©mie Ă
saisir le procureur de la RĂ©publique.
Compte tenu des lourdes charges qui pĂšsent sur les
membres des corps d'inspection territoriaux, la densité de leurs
interventions peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme trĂšs satisfaisante.
Pour le reste, les responsables de la CPPS ont organisé,
comme il est de tradition, un séminaire annuel de formation et
d'information Ă destination de leurs correspondants
académiques afin d'attirer leur attention sur les nouvelles
formes des activités sectaires et sur l'environnement juridique
dans lequel les contrÎles doivent s'effectuer. Ce séminaire a
bénéficié de l'intervention de responsables de la MIVILUDES
et du directeur des affaires juridiques du ministĂšre.
Les deux responsables de la CPPS s'efforcent, dans la
mesure de leur disponibilité, de participer aux divers
séminaires sur les dérives sectaires organisés dans les
académies, à destination, en particulier des membres des
inspections et des chefs d'Ă©tablissement.
259
7 -MINISTĂRE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS
ET DE LA VIE ASSOCIATIVE
1 - Fonctionnement de la cellule ministérielle de vigilance
La cellule de vigilance du ministĂšre de la Jeunesse, des
Sports et de la Vie associative (MJSVA) a poursuivi son
travail de veille et dâinformation en 2006.
Elle a ainsi procédé à trois auditions de personnalités
spécialisées sur la question des dérives sectaires : en janvier,
février et avril 2006. En septembre, elle a auditionné le chef du
bureau des vacances et des loisirs des mineurs, Ă la direction
de la jeunesse et de lâĂ©ducation populaire.
La cellule a assuré une action de documentation et a
notamment diffusé aux services déconcentrés, fin 2006, le
livre
« Dans la secte »
de Pierre Henri et Louis Alloing
163
.
La cellule sâest tenue en liaison constante avec les
membres du réseau des correspondants dans les services
déconcentrés, leur apportant toutes informations nécessaires
pour faciliter leur action contre les dérives sectaires,
notamment dans le secteur jeunesse. Lâun de ses reprĂ©sentants
a assistĂ©, le 30 mars 2006, Ă une journĂ©e dâĂ©tudes sur les sectes
et lâenfance.
Une action dâinformation a Ă©tĂ© effectuĂ©e en octobre
2006 auprÚs de tous les directeurs régionaux jeunesse et sports.
163
Editions La boĂźte Ă bulles - Contrecoeur
260
Enfin, elle a assuré une interface permanente avec la
MIVILUDES ainsi quâavec les associations UNADFI et
CCMM, pour toutes recherches juridiques ou documentaires.
2- Actions des services
Domaine du sport
En matiĂšre de vigilance, la direction des sports a
poursuivi ses actions dâinformation des personnels :
- dans le cadre de son action de conseil et dâappui aux services
déconcentrés, dispensée au quotidien, sur les risques que sont
susceptibles dâencourir les sportifs au cours de leur carriĂšre,
- dans le cadre de la formation professionnelle continue des
directeurs techniques nationaux, sur la maltraitance sous
différentes formes.
Cette direction maintient une veille, en liaison Ă©troite
avec les services déconcentrés, sur des pratiques en vogue
(kinésiologie, ..) ou sur de pseudo « nouvelles » disciplines. En
effet, certains secteurs de pratiques physiques ou sportives
sont particuliÚrement sensibles, notamment avec des activités
faisant référence à des théories philosophiques (ou pseudo-
philosophiques), des études dites « scientifiques » ou faisant
référence à des pratiques ancestrales retrouvées (métiers de la
forme, préparation physique, coaching, etc.)
Assortis dâun conditionnement psycholinguistique, ces
systĂšmes nâont pour objet que de sĂ©duire le pratiquant
consentant pour mieux le manipuler. Parmi ces techniques de
manipulation mentale, on citera la privation alimentaire,
lâapport vitaminĂ©, lâisolement sensoriel, la saturation
sensorielle (le rĂŽle du son et de la musique est connu pour
créer des réflexes conditionnés) ou des rituels permettant de
rappeler lâappartenance au groupe, etc.
261
Câest par le dĂ©veloppement du sens critique et
lâinformation des publics identifiĂ©s comme fragiles que les
services peuvent prévenir les effets dangereux de ces procédés
sur la santé des pratiquants.
Actions
La société
Herbalife
, spécialisée dans la vente en
rĂ©seau dans le domaine santĂ©, a fait lâobjet dâune enquĂȘte de la
part des services, eu égard au public visé, proche du monde
sportif. Cette enquĂȘte, menĂ©e en liaison avec la MIVILUDES,
a mis en évidence que cette société agit selon la technique de
la vente pyramidale avec une communication commerciale
forte, mais que, mĂȘme si ses pratiques prĂ©sentent certaines
particularités proches de celles utilisées par des mouvements
sectaires (secret, soupçon dâexercice illĂ©gal de la mĂ©decine),
elles ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es, en lâĂ©tat actuel des
informations détenues, comme ayant un caractÚre sectaire.
Cette société demeure sous surveillance de la part des services.
Par ailleurs, lâinstructeur dâune Ă©cole dâarts martiaux
Shaolin
Ă Toulouse a fait lâobjet dâune enquĂȘte des services, Ă
la suite de courriers de parents. Le dossier est en cours.
Domaine de la jeunesse et de lâĂ©ducation populaire
En matiĂšre de vigilance, la direction de la jeunesse et
de lâĂ©ducation populaire (DJEP) a assurĂ© une veille sur les
dérives sectaires dans les centres de vacances et les centres de
loisirs. Les signalements reçus des services déconcentrés
(directions régionales et départementales), voire des
opérateurs, ont été analysés.
La DJEP a assurĂ© un service dâinformation auprĂšs des
services déconcentrés ou de particuliers, concernant des
associations qui suscitent des interrogations.
262
Action
La société
Calvin Thomas
, spécialisée dans
lâorganisation de sĂ©jours linguistiques Ă lâĂ©tranger, a fait
lâobjet dâune enquĂȘte de la part des services, en raison de
placement des enfants dans des familles dâobĂ©dience
mormonne. Le dossier de cette société, non agréée jeunesse et
Ă©ducation populaire et non inscrite au registre du tourisme, fait
lâobjet dâune Ă©tude.
Par ailleurs, lâassociation
Outil Théùtre
, organisatrice
de formations théùtrales dans le sud-ouest de la France, a fait
lâobjet dâune Ă©tude, en raison de lâimplication de ses dirigeants
dans un mouvement se rattachant au bouddhisme et des
consĂ©quences psychologiques constatĂ©es sur des adolescents Ă
lâissue des stages. Cette association nâest pas agrĂ©Ă©e jeunesse
et Ă©ducation populaire. La procĂ©dure dâagrĂ©ment pour le
service volontaire européen, en cours, a été provisoirement
suspendue. Cette association est en lien avec une autre
association,
Champ Commun
, qui fait Ă©galement lâobjet dâune
Ă©tude localement.
Enfin, une association
OI Vacances
fait lâobjet dâune
Ă©tude par les services dans le sud-est de la France.
Domaine de lâemploi et des formations
La rénovation des diplÎmes et des formations dans le
champ de la jeunesse, de l'Ă©ducation populaire et du sport
prévoit un référentiel professionnel et de certification. En
particulier pour le niveau 4, premier niveau de la réforme dans
toutes les spécialités du brevet professionnel, l'accent est mis
sur le respect de l'intégrité physique et morale des personnes.
263
Pour les diplĂŽmes BAFA et BAFD
164
, les travaux de
rénovation des dispositifs réglementaires sont en voie de
finalisation. Ils visent à réaffirmer les compétences nécessaires
pour veiller à l'intégrité physique et morale des mineurs.
Notamment, pour les directeurs, les volets partenariat et
communication vont ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, en prĂ©voyant
explicitement une communication autour des intentions
éducatives et une diffusion réguliÚre de l'information auprÚs
des familles.
Par ailleurs, une instruction de 2006 a rappelé les
services au respect des neuf critĂšres d'habilitation dâun nouvel
organisme de formation, qui peuvent permettre dâidentifier
dâĂ©ventuelles anomalies Ă caractĂšre sectaire.
Expertise juridique
: la communication des documents
administratifs
Au cours de lâannĂ©e 2006, les «
associations
»
habituelles, liĂ©es Ă lâ
Ăglise de Scientologie
, ont poursuivi leur
« harcÚlement » du ministÚre, en utilisant les dispositions de la
loi n°78-753 du 17 juillet 1978 (modifiĂ©e par lâordonnance
n°2005-650 du 6 juin 2005) qui instaurent et organisent la
liberté d'accÚs aux documents administratifs et la réutilisation
des informations publiques.
Les trois organismes suivants ont demandé au
ministĂšre la communication de documents concernant
principalement, mais pas exclusivement, les associations dont
lâobjet est de venir en aide aux victimes de dĂ©rives sectaires,
lâUNADFI et le CCMM. Les documents sollicitĂ©s sont,
globalement, relatifs Ă lâagrĂ©ment et Ă lâadministration des
associations dâaide aux victimes, ainsi quâau concours que leur
apporte le ministĂšre.
164
BAFA/BAFD : Brevet dâaptitude aux fonctions dâanimateur (ou de
directeur) de centre de vacances et de loisirs
264
« Ethique et liberté »
a demandé la communication de
quatre dossiers, et
« Non à la drogue, oui à la vie »
a demandé
la communication dâun dossier.
Le
«
Comité français des scientologues contre la
discrimination »
a demandĂ© la communication dâun dossier.
3 - Formation des agents du ministĂšre
La formation ou lâinformation assurĂ©e par le ministĂšre
au profit de ses agents est multiforme :
Le Plan national de formation ministériel 2006 a prévu,
comme chaque année, une action de formation au profit des
personnels, qui a rĂ©uni une douzaine dâagents en dĂ©cembre
2006.
Par ailleurs, dans le cadre de la formation continue, et
comme chaque année, quinze agents du MJSVA ont participé
au stage organisĂ© par lâĂcole nationale de la magistrature en
octobre 2006.
Les inspecteurs de la jeunesse et des sports stagiaires
ont été sensibilisés à cette question dans le cadre de leur stage
de formation initiale consacré aux politiques publiques dans le
secteur jeunesse, sport et vie associative.
Des actions de sensibilisation ont été multipliées,
auprÚs des directeurs régionaux jeunesse et sports en octobre
2006 et auprÚs des correspondants régionaux pour les dérives
sectaires en décembre 2006. Pour ces derniers, toutes les
questions relatives aux dérives sectaires et aux outils
disponibles ont été abordées.
Enfin, de maniÚre systématique, les conseillers
régionaux de formation ont été réguliÚrement informés des
risques inhĂ©rents Ă ce secteur dâactivitĂ© et alertĂ©s sur la
265
nécessité de garder en permanence toute la vigilance
nĂ©cessaire dans lâexercice de leur fonction.
4 â Focus sur les sĂ©jours de vacances
La protection des mineurs est un axe fort de la politique
menée par le ministÚre.
La nouvelle réglementation
Le renforcement récent de la réglementation
(ordonnance n° 2005-1092 du 1er septembre 2005 et décret n°
2006-923 du 26 juillet 2006) permet aux services dâamĂ©liorer
leur connaissance Ă la fois des organisateurs d'accueils
collectifs de mineurs et des sĂ©jours eux-mĂȘmes, par le biais de
la déclaration obligatoire dÚs la premiÚre nuit (au lieu de la
6
Ăšme
nuit auparavant).
De cette façon, les services du ministÚre vont pouvoir
mieux identifier les organisateurs ou les séjours susceptibles
de constituer des lieux de dérives sectaires, et procéder à des
inspections sur place.
De mĂȘme, la dĂ©claration dĂ©sormais obligatoire des
séjours sportifs va permettre d'étudier leurs projets éducatif et
pédagogique, notamment pour certaines pratiques nouvelles
pouvant appeler une vigilance accrue.
Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les services du ministĂšre sont
particuliÚrement vigilants sur les séjours de vacances proposés
par tout nouvel organisateur et notamment par de petites
associations, parfois proches de communautés et susceptibles
de mettre en Ćuvre, dans leurs accueils de mineurs, des
pratiques éducatives non conformes à la réglementation.
LâagrĂ©ment « jeunesse et Ă©ducation populaire »
Le ministÚre publie la liste des associations détentrices
dâun agrĂ©ment « jeunesse et Ă©ducation populaire », quelquefois
266
dénommé de maniÚre inexacte « jeunesse et sports ». Souvent
affiché par les organisateurs de séjours de vacances sur leurs
documents, cet agrĂ©ment est parfois source dâambiguĂŻtĂ© â
notamment vis-Ă -vis des parents - sur son contenu ou sur les
moyens quâil serait censĂ© donner aux services de lâĂtat.
En effet, lâagrĂ©ment «
jeunesse et Ă©ducation
populaire », qui date de 1943 et a Ă©tĂ© refondĂ© en 2001, nâest
destinĂ© quâĂ reconnaĂźtre lâ« appartenance » dâassociations Ă un
champ dâaction, celui de lâĂ©ducation populaire, et Ă sâassurer
que les statuts et la pratique associative répondent, notamment,
à des principes de fonctionnement démocratique. Il ne
concerne en rien la qualité des actions proposées par ces
associations.
Il nâest bien sĂ»r pas attribuĂ© Ă des mouvements dont le
fonctionnement est antinomique avec toute transparence de
fonctionnement. Le ministĂšre est particuliĂšrement attentif Ă
toute utilisation frauduleuse de cet agrément par de nouvelles
associations ou par lâĂ©volution dâassociations dĂ©jĂ dĂ©tentrices
de lâagrĂ©ment. En 2006, aucun dossier de ce type nâa Ă©tĂ© traitĂ©.
Les sĂ©jours Ă lâĂ©tranger
Lâobligation de dĂ©claration sâapplique Ă tous les
organisateurs français, quel que soit le lieu de réalisation des
sĂ©jours, en France ou Ă lâĂ©tranger.
Ces organisateurs doivent strictement appliquer les
taux dâencadrement ou les conditions dâexercice par les
directeurs et animateurs. Ces conditions sâappliquent
Ă©galement aux sĂ©jours se dĂ©roulant Ă lâĂ©tranger, mais avec une
difficulté tenant aux contrÎles possibles sur place.
Le ministĂšre sâen remet aux ambassades de France Ă
lâĂ©tranger auprĂšs desquelles les organisateurs, gĂ©nĂ©ralement,
se déclarent.
267
8 - MINISTĂRE DE LâEMPLOI,
DE LA COHĂSION SOCIALE
ET DU LOGEMENT
ET
MINISTĂRE DE LA SANTĂ
ET DES SOLIDARITĂS
I
NTRODUCTION
La circulaire de la Direction gĂ©nĂ©rale de lâaction
sociale DGAS n° 2000/501 du 3 octobre 2000 relative aux
dĂ©rives sectaires a dĂ©terminĂ© lâaction administrative face aux
dérives. Elle a défini une organisation transversale aux
domaines couverts par le ministÚre de la Santé et des
Solidarités et le ministÚre de l'Emploi, de la Cohésion sociale
et du Logement. En particulier, des correspondants en charge
des dérives sectaires se trouvent désignés tant dans les
directions régionales de ces ministÚres que dans les principales
directions des administrations centrales concernées. Ce
dispositif, animé par un chargé de mission, désigné par note
ministérielle, et rattaché au directeur général de l'action
sociale, présente la particularité d'un travail coordonné de
prévention et de traitement des dérives sectaires. Cette
spécificité du dispositif du ministÚre de la Santé et des
Solidarités et du ministÚre de l'Emploi, de la Cohésion sociale
et du Logement apparaĂźt comme unique au sein de
l'administration. Elle permet de faire ainsi face Ă des situations
qui ne concernent pas seulement une direction ou un ministĂšre.
Cette cohérence est particuliÚrement nécessaire sur les
questions liées à la santé comme celles rencontrées tant par la
direction générale de la santé (DGS), que par la direction de
lâhospitalisation et de lâorganisation des soins (DHOS) et la
direction gĂ©nĂ©rale de lâemploi et de la formation
professionnelle (DGEFP).
268
Durant l'année 2006, dans le cadre qui a été rappelé en
introduction, et en lien en particulier avec la MIVILUDES, le
ministÚre de la Santé et des Solidarités et le ministÚre de
l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement ont élaboré
une nouvelle circulaire sur le traitement des dérives sectaires.
I
-
L
A CIRCULAIRE
DGAS
DU
1
ER
JUIN
2006
La circulaire n° DGAS/2A/2O26/241 du 1
er
juin 2006
relative aux dérives sectaires rappelle d'une part les rÚgles qui
s'imposent aux agents publics au sein du service et, d'autre
part, les rĂšgles qui encadrent l'action de l'administration dans
l'exécution de ses missions auprÚs du public.
Il convient de noter en particulier que le moindre
manquement Ă lâobligation de neutralitĂ© doit faire lâobjet dâun
rappel Ă lâordre. Des manquements rĂ©pĂ©tĂ©s Ă cette obligation,
outre quâils sont susceptibles de justifier des sanctions
disciplinaires sévÚres, peuvent également servir de base, dans
lâintĂ©rĂȘt du service et pour en prĂ©server la neutralitĂ©, Ă une
mesure de changement dâattributions Ă©loignant lâagent du
contact du public. Toutefois, il est important dâinsister, Ă cet
égard, sur le fait que dans la décision Delle Marteaux, le
Conseil dâĂtat a bien indiquĂ© que la prohibition de signes
religieux sâapplique avec la mĂȘme rigueur aux agents qui sont
au contact avec le public quâĂ ceux qui nâont pas de contact
avec les usagers. Par ailleurs, lâadministration doit rappeler
aux agents â notamment ceux qui ne sont pas soumis Ă un code
de déontologie - les obligations qui pÚsent sur eux en matiÚre
de secret et les sanctions qui sây attachent ; elle doit Ă©galement
leur donner une information sur la gravité de toute soustraction
ou destruction de documents publics et sur les sanctions
prévues.
Par ailleurs, l'Ătat doit Ă nos concitoyens la garantie de
la sûreté, considérée par l'article 2 de la Déclaration des droits
de l'Homme et du citoyen comme un droit naturel et
269
imprescriptible de l'homme. Ce rĂŽle de la puissance publique
est l'un des plus anciens et l'un de ceux qu'elle ne peut
déléguer.
L'Ătat ne peut donc pas rester indiffĂ©rent aux dĂ©rives
sectaires et il est de son devoir d'intervenir pour les prévenir.
II
-
OBJECTIFS
DU
MINISTĂRE
DE LA
S
ANT
Ă
ET DES
S
OLIDARIT
Ă
S
CONTRE LES D
Ă
RIVES SECTAIRES
EN
2006
Le ministÚre de la Santé et des Solidarités a durant
l'année 2006 préparé un projet de lutte contre les dérives
sectaires dans les domaines sanitaire et médico-social dont le
rapport 2006 de la MIVILUDES a souligné l'ampleur.
En premier lieu, lâadministration centrale du ministĂšre
de la SantĂ© et des SolidaritĂ©s doit amĂ©liorer lâorganisation de
la veille en la matiÚre. Des instructions ont été données aux
services pour mobiliser leur ressources de façon à amplifier la
recherche des publications et manifestations de toute nature
(presse Ă©crite et audiovisuelle, internet, salonsâŠ) susceptibles
dâencourager de telles dĂ©rives. Il sâagit dâun important travail
de collecte dâinformations qui pourra, en tant que de besoin,
donner lieu Ă signalement auprĂšs du parquet ou de la
MIVILUDES.
Par ailleurs, les services ont été invités à constituer une
cellule dâanalyse des pratiques non conventionnelles
intervenant dans le domaine médical et paramédical. Ce travail
sâeffectuera en lien avec les sociĂ©tĂ©s savantes et les instances
dâexpertise placĂ©es auprĂšs du ministĂšre de la SantĂ© et des
Solidarités.
Des instructions ont été données aux services de sorte
que les actions de formation
des personnels des Ă©tablissements de
santĂ© qui sont financĂ©es par lâassurance maladie
soient
scrupuleusement analysées au regard des risques de captation
par des mouvements de nature sectaire
et que
les outils
juridiques et techniques soient améliorés ou créés dans le but
de faciliter le repérage de ces formations par les
270
professionnels, et de les exclure du champ de la formation
professionnelle continue des personnels hospitaliers
.
Plus largement, et dans le mĂȘme esprit, les
financements de lâĂtat ou de lâassurance maladie seront
rigoureusement analysĂ©es avant dâĂȘtre accordĂ©s aux domaines
susceptibles de donner lieu Ă dĂ©rives sectaires ou Ă
manipulation, tels, par exemple, que les diverses solutions
proposées à des patients atteints de cancer ou de la maladie
dâAlzheimer, ou des mĂ©thodes de prise en charge de publics
relevant de structures médico-sociales.
Dans le cadre dâun mĂȘme objectif dâaccroissement de
la vigilance, la directive nationale dâorientation 2007 du
ministÚre de la Santé et des Solidarités, qui indique aux
services déconcentrés les thÚmes prioritaires de contrÎle pour
lâannĂ©e Ă venir, placera la lutte contre les dĂ©rives sectaires au
nombre des actions à entreprendre de façon prioritaire.
Le
Guide de la protection de lâenfance
, qui sera diffusé
dĂ©but 2007 Ă lâusage des professionnels de ce secteur,
comprendra un chapitre sur les dérives sectaires et les
précautions à prendre en la matiÚre.
Enfin, les services doivent commencer Ă travailler, trĂšs
rapidement, en lien avec des psychiatres et les associations
concernĂ©es, Ă lâaccompagnement des sortants de mouvements
Ă caractĂšre sectaire.
Des ressources existent dĂ©jĂ , tant dans lâadministration
centrale que dans les services déconcentrés, pour mener ces
actions, et chaque direction dâadministration centrale, chaque
service dĂ©concentrĂ©, sont dotĂ©s dâun correspondant en la
matiĂšre. Le train de mesures mis en place suppose cependant,
pour ĂȘtre pleinement efficace, un approfondissement des
synergies utiles dans ce domaine avec les différents ministÚres
concernés et la MIVILUDES. à cet égard, les orientations que
271
le ministÚre de la Santé et des Solidarités a présenté à la
MIVILUDES, ont reçu son encouragement.
III
-
BILAN DE QUATRE DIRECTIONS
1 - DĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale Ă lâemploi et Ă la formation
professionnelle (DGEFP)
Un intĂ©rĂȘt Ă©conomique et financier
La formation professionnelle tout au long de la vie
constitue une obligation nationale qui concerne tous les
employeurs (plan de formation, professionnalisation, droit et
congé individuel à la formation). Elle génÚre un volume de
flux financiers de prĂšs de 23 milliards dââŹ.
Le marchĂ© de la formation est un marchĂ© libre ouvert Ă
toute personne morale quel que soit son statut juridique.
NĂ©anmoins les prestataires de formation sont soumis Ă des
obligations en termes de déclaration, de suivi pédagogique et
financier de leur activité, de contractualisation (contrats et
conventions), dâinformation et de reprĂ©sentation des stagiaires
et de publicité. Ils sont également tenus à des obligations
comptables spécifiques. Le non respect de ces obligations peut
conduire à des sanctions pénales. Ces prestataires sont par
ailleurs soumis au contrĂŽle administratif et financier de
lâautoritĂ© compĂ©tente de lâĂtat. Enfin ils peuvent bĂ©nĂ©ficier
dâune exonĂ©ration de TVA.
Il est constaté depuis plusieurs années une montée en
puissance de certains groupes ou réseaux qui manifestent un
intĂ©rĂȘt croissant pour la formation professionnelle. Ils
entendent ainsi bĂ©nĂ©ficier dâune forme de reconnaissance ou
dâun label de lâĂtat (qui ne dĂ©livre aucunement un agrĂ©ment).
La formation continue leur permet dâentrer directement en
272
contact avec des entreprises (salariés), avec des demandeurs
dâemploi mais aussi avec des individus (parfois fragilisĂ©s et
mal informés) qui entreprennent une formation à leurs frais.
Les prescripteurs et les financeurs sont multiples (Ătat,
collectivités locales, ASSEDIC, ANPE, partenaires
sociauxâŠ).
Une offre globale de services
Lâoffre de services est de plus en plus abondante et
diversifiée : offre de soins, de spiritualités, de développement
et/ou bien-ĂȘtre personnel, de thĂ©rapies nouvelles ou
alternatives utilisant divers moyens pédagogiques
: tests,
conférences, séminaires, voyages, stages, amélioration des
performances, conduite de changement, coaching, conseil et
supports multimédias.
Lâincitation faite aux participants de multiplier le
nombre de stages pour atteindre les « grades » les plus élevés,
le caractĂšre mirobolant de certaines certifications,
qualifications, titres et diplĂŽmes, le plus souvent non reconnus
par les instances administratives ou professionnelles, peut
sâaccompagner de publicitĂ©s trompeuses ou mensongĂšres.
Enfin, certains des contenus associés se caractérisent par leur
syncrĂ©tisme et par lâabsence ou la faiblesse de toute validation
scientifique reconnue. Ils privilégient le mode émotionnel et
laissent peu de place Ă lâesprit critique.
Des risques accrus pour les individus âŠ
Cette offre induit un risque important de
dĂ©veloppement du charlatanisme et dâ« escroquerie », dâautant
plus sensible que les coĂ»ts peuvent ĂȘtre trĂšs Ă©levĂ©s. Le risque
de dérive peut aboutir à des préjudices sérieux pour les
bĂ©nĂ©ficiaires des actions conduites, quâil sâagisse dâentreprises
ou dâindividus. Cette offre sâĂ©loigne le plus souvent des
finalités assignées à la formation professionnelle (insertion et
273
réinsertion professionnelle, adaptation au poste de travail,
maintien dans lâemploi en lien avec son Ă©volution,
développement des compétences ...).
Les prestations proposées ne respectent pas les
caractĂ©ristiques de lâaction de formation : les objectifs restent
imprĂ©cis ou confus, les programme sont difficiles Ă
comprendre (contenus abscons ou ésotériques, références
obscures), les moyens dâencadrement sont faibles. Les actions
sont souvent ouvertes à tous publics, sans véritable pré-requis,
et ne donnent pas lieu à une réelle évaluation, et leurs
sanctions peuvent ĂȘtre trompeuses pour les bĂ©nĂ©ficiaires.
âŠ.et les entreprises
Certains groupes ou réseaux bien organisés détournent
le champ de la formation continue et favorisent lâapparition de
nouveaux prosĂ©lytes qui sâinsĂšrent dans des systĂšmes
structurés et contraignants (propriété intellectuelle, vente
pyramidale, dĂ©pendance juridiqueâŠ). Les rapports Ă©tablis
entre le concepteur, les premiers diffuseurs et leurs Ă©pigones
sont trÚs asymétriques. La dangerosité augmente lorsque ces
personnes font lâobjet de contraintes ou dâexigences
financiĂšres surabondantes et qui sâinscrivent dans la durĂ©e, ou
lorsquâelles sont incitĂ©es Ă diffuser le produit phare au sein des
entreprises. Face Ă ces rĂ©alitĂ©s, des pratiques dâintelligence
économique peuvent concourir à la prévention du risque
sectaire.
Des actions dâappui, de sensibilisation et de formation
Ces actions se sont, notamment, traduites en 2006 par :
- lâappui technique et juridique apportĂ© aux services,
- la formation initiale des inspecteurs-Ă©lĂšves du travail,
- une action de sensibilisation proposée conjointement par un
organisme collecteur paritaire (OPCA) et une association de
défense des individus et des familles (ADFI) ; cette action a
Ă©tĂ© Ă©galement ouverte Ă dâautres acteurs (organismes
274
paritaires, organisations syndicales, conseil régional et conseils
généraux, préfectures),
- une intervention Ă lâoccasion de la session de formation
organisĂ©e par lâĂcole nationale de la magistrature (ENM),
- une premiĂšre intervention dans le cadre du programme de
formation (2006-2007) Ă©tabli par lâAssociation nationale pour
la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).
Ces actions sont lâoccasion dâun examen
pluridisciplinaire qui mĂ©riterait dâĂȘtre renforcĂ©, Ă©tendu ou
ouvert Ă dâautres champs de compĂ©tence (droit de la
consommationâŠ). En effet, seule la mutualisation des
compĂ©tences doit, Ă lâavenir, permettre une intervention
coordonnée des pouvoirs publics et des autres acteurs
intĂ©ressĂ©s, sur lâensemble des champs sur lesquels le risque de
dérive sectaire apparaßt important.
2 - Direction gĂ©nĂ©rale de lâaction sociale (DGAS)
La DGAS a dans ses attributions en particulier le
champ de la protection de l'enfance. Ă ce titre, et en lien avec
la DGS, la DHOS et la DGEFP, elle a largement contribué aux
travaux de la Commission d'enquĂȘte relative Ă l'influence des
mouvements à caractÚre sectaire et aux conséquences de leurs
pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.
Sur la question mĂȘme des problĂšmes posĂ©s aux
mineurs, il est apparu de plus en plus clairement pour le
ministÚre de la Santé et des Solidarités que ce qui est le plus
préjudiciable à la situation de ces enfants est lié à la fermeture
du groupe sur lui mĂȘme, le constituant en « systĂšme clos ».
Cette fermeture limite largement la socialisation de l'enfant, y
compris lorsqu'il est scolarisé dans une école publique,
entamant ses capacités de développement. Cette fermeture est
aussi propice Ă favoriser des fonctionnements pathologiques.
Ces fonctionnements sont alors susceptibles d'entraĂźner chez
275
les adeptes des actes de maltraitance et/ou des agressions
sexuelles Ă l'Ă©gard des mineurs. En ce sens
aucun mouvement
à caractÚre sectaire ne se révÚle pour l'enfant comme peu
dangereux.
Il faut aussi noter que dans ces groupes, diverses
« rÚgles » interviennent à l'égard des enfants, accompagnées
d'un contrĂŽle permanent de leurs vies, y compris intimes, qui
sont toujours préjudiciables à leur équilibre personnel, à leur
Ă©panouissement Ă©ducatif et Ă leur insertion sociale. De ce point
de vue,
les mouvements sectaires induisent des « attaques »
des capacitĂ©s de dĂ©veloppement et dâautonomie des enfants
. Il
y est alors mĂȘme difficile de penser. Car, penser, outre que la
disponibilité à cet effet est rare, devient dangereux, autant que
dâavoir des ressentis. Le fait mĂȘme de dĂ©sirer, voire ĂȘtre assez
vivant pour désirer, semble dans ces conditions difficile sinon
impossible.
La DGAS s'est trouvée en 2006 soumise à des
demandes de communication Ă©manant en particulier de l'
Ăglise
de Scientologie
, mais aussi des
TĂ©moins de JĂ©hovah de
France
. En lien avec la question des demandes de
communication de documents administratifs et la tenue de la
Commission d'enquĂȘte parlementaire, il faut ici faire mention
de la publication par la
CAPLC
165
d'une brochure intitulée
« Les anomalies d'une Commission d'enquĂȘte parlementaire ».
Pour critiquer les travaux de la Commission d'enquĂȘte, cette
brochure s'est appuyĂ©e sur une enquĂȘte conduite en 1998, Ă la
demande de l'Observatoire interministériel sur les sectes, par la
DAS, aujourd'hui DGAS. Cette enquĂȘte visait Ă connaĂźtre la
situation des mineurs vivant alors en «
communautés
fermées ». Elle a donné lieu à un courrier adressé à 32
présidents de conseils généraux. Les documents s'y rapportant
ont fait l'objet d'une demande de communication de documents
administratifs. Le document de la
CAPLC
s'appuie
précisément sur les documents alors communiqués. Il conclut,
pour ce qui le concerne, à l'absence de problÚme spécifique
rencontré chez les enfants vivant en milieu sectaire. En réalité,
165
Coordination des associations et particuliers pour la liberté de
conscience.
276
la « lecture » des réponses apportées par les conseils généraux
aux interrogations portées par l'Observatoire interministériel
montrait une difficultĂ© des services de l'Aide sociale Ă
l'enfance Ă prendre en compte la dimension sectaire dans les
missions de protection de l'enfance. Cette derniĂšre conclusion
devait conduire le ministÚre à organiser une «
journée
technique » à l'attention des professionnels en charge de la
protection de l'enfance.
Enfin, le chargé de mission, placé auprÚs du directeur
général de l'action sociale, responsable de la coordination des
actions de prévention et de traitement des dérives sectaires
pour le ministÚre de la Santé et des Solidarités et pour le
ministÚre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement,
assurait, comme chaque année, la co-direction de la formation
donnĂ©e par l'Ăcole nationale de la magistrature (octobre 2006).
Les questions relatives à la protection de l'enfance, aux dérives
sectaires dans le champ du soin et les problÚmes rencontrés
dans le champ de la formation professionnelle, ensemble de
questions qui relÚvent du champ du ministÚre de la Santé et
des Solidarités et du ministÚre de l'Emploi, de la Cohésion
sociale et du Logement, y ont été ainsi abordés.
3 - Direction générale de la santé (DGS)
Les pratiques des mouvements Ă caractĂšre sectaire dans
les domaines qui relÚvent du ministÚre de la Santé et des
Solidarités sont préoccupantes, leur action visant en particulier
des personnes vulnérables en difficultés, qui, souvent, sont
démunies face aux messages et aux stratégies de
communication mises en oeuvre. Ces mouvements
s'intéressent souvent aussi, aux enfants de leurs adeptes et les
confrontent notamment Ă des situations potentiellement ou
effectivement dangereuses pour la santé mentale et physique
de ceux-ci.
277
Comme l'ont souligné les précédents rapports de la
MILS puis de la MIVILUDES, les mouvements Ă caractĂšre
sectaire ont investi massivement le champ de la santé et le
champ médico-social, notamment à travers des offres de prise
en compte globale de la personne dans une perspective dite
« holistique ».
Plus largement, s'est développée une offre considérable
de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique,
exercées par des personnes ou des micro structures, dont les
théories, les modes d'intervention, le langage peuvent parfois
s'apparenter Ă ceux que l'on retrouve dans les mouvements
sectaires.
Cette situation prend aussi la forme d'un
dĂ©veloppement, sur ce mĂȘme champ, dâoffres de formations de
toute nature, dispensées souvent au prix fort, parfois brÚves et
présentées comme qualifiantes par leurs promoteurs.
Ces similitudes avec les mouvements sectaires
nâimpliquent pas que toutes ces pratiques ou offres de
formations puissent ĂȘtre assimilĂ©es Ă des dĂ©rives sectaires ou y
conduisent. En revanche, les croyances sur lesquelles elles se
fondent, leurs modes dâorganisation et de diffusion,
conviennent bien aux mouvements sectaires qui, pour certains,
se les approprient ou en inventent de semblables.
Le champ d'action spécifique de la DGS
Dans le champ de la santé, la lutte contre les dérives
sectaires trouve sa place dans les actions Ă l'encontre de toute
pratique à prétention thérapeutique dÚs lors :
- que ces pratiques sont exercées indûment au regard de la
rĂšglementation en vigueur,
- que, sur la base d'allégations mensongÚres ou sans
fondement, ou à cause d'une incompétence fautive, elles
entraßnent pour le patient concerné une perte de chance ou un
risque de perte de chance, c'est-Ă -dire un danger, au regard des
278
connaissances scientifiques les plus récentes et des effets
obtenus par des pratiques de soins éprouvées et accessibles.
Ainsi, pour la DGS, la notion de dérive sectaire
contient la notion de dĂ©rive thĂ©rapeutique. Sans ĂȘtre exclusive
du milieu sectaire, cette notion doit ĂȘtre mise en regard des
pratiques des nombreux mouvements qui se qualifient ou que
l'on qualifie de « guérisseurs ».
La lutte contre les dérives thérapeutiques, relative à des
pratiques effectivement ou potentiellement dangereuses pour
la santé des personnes, exercées en milieu sectaire ou hors de
celui-ci, s'appuie sur des fondements juridiques précis comme
ceux qui, par exemple, permettent d'incriminer le
charlatanisme ou l'exercice illégal d'une profession de santé.
La DGS veille tout particuliĂšrement Ă ce que les
actions de lutte contre les dérives sectaires et les dérives
thérapeutiques soient conduites dans le strict respect des droits
des personnes ainsi que des droits des malades, tels qu'ils ont
été rappelés et renforcés dans des textes législatifs récents
166
.
Pour ce qui concerne la question du refus de la
transfusion sanguine, notamment chez les
TĂ©moins de
JĂ©hovah
, la DGS met lâaccent dâune part sur lâobligation pour
le mĂ©decin, quand il nây a pas dâautre solution, de tout mettre
en Ćuvre pour quâune transfusion soit acceptĂ©e par le patient,
la personne de confiance ou lâentourage, et dâautre part, en cas
de risque vital immĂ©diat, sur lâobligation dĂ©ontologique
dâassistance Ă personne en danger.
166
L
oi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
systÚme de santé ; loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé
publique ; loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et Ă la fin de
vie).
279
Actions contre les dérives sectaires et les dérives thérapeutiques
Ÿ
Champ de la santĂ© - Mise en Ćuvre de l'article 52
concernant l'usage du titre de psychothérapeute, de la loi
du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
Le champ de la santĂ© mentale est propice Ă
l'intervention des mouvements Ă caractĂšre sectaire. Car les
personnes ayant soit des troubles mentaux avérés, soit des
difficultés passagÚres liées à un événement grave de leur vie,
sont dans une situation de vulnérabilité. Elles sont souvent en
recherche de soutien, de réconfort, et n'ont pas, la plupart du
temps, une vigilance suffisante vis-Ă -vis de ceux qui
s'adressent à eux et prétendent les aider.
Certains mouvements sont parfaitement connus de la
DGS, car leur action est publique. C'est le cas notamment de
l'
Ăglise de Scientologie
qui a fait publiquement du champ de la
santé mentale une de ses priorités. Elle se pose en défenseur
des malades mentaux. Elle dénonce, par ses publications, les
traitements psychiatriques dans les hÎpitaux, qu'elle présente
sous un jour inhumain. Elle a le plus souvent recours, pour ce
type d'action, Ă une association qu'elle contrĂŽle et qui
entretient une certaine confusion par son intitulé :
« Commission consultative des droits de l'homme » (CCDH)
.
La CCDH demande périodiquement communication de
tous les documents sur l'activité des commissions
départementales de l'hospitalisation psychiatrique (CDHP). La
DGS rappelle réguliÚrement aux DDASS la nature réelle du
demandeur. Elle incite ses services Ă la plus grande
circonspection, dans le respect des rĂšgles de droit.
Le champ des psychothĂ©rapies est Ă©galement propice Ă
des dérives sectaires, sous couvert d'apporter une aide à des
personnes en souffrance. Jusqu'à la loi du 9 août 2004 relative
à la santé publique, l'usage du titre de psychothérapeute était
totalement libre.
280
L'élaboration du décret relatif au titre de
psychothérapeute (en application de l'article 52 de la loi 2004)
a donné lieu à une concertation trÚs importante. Le travail
d'explication et de concertation a été long. Ce projet de décret
devrait ĂȘtre soumis au Conseil d'Ătat courant 2007. Il a pour
objet de réserver l'usage du titre de psychothérapeute, pour
ceux qui n'en bénéficient pas de droit, à des professionnels
pouvant attester d'une formation universitaire préalable.
Ÿ
Pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique
exercées sur des mineurs
Diverses pratiques non conventionnelles à visée
thĂ©rapeutique sont aujourd'hui proposĂ©es Ă des familles et Ă
des institutions qui apportent des soins Ă des enfants ou Ă des
adolescents atteints de graves troubles de santé au plan
physique et/ou mental, et qui, compte tenu de leur désarroi,
sont prĂȘtes « Ă tout tenter ».
Aucune de ces pratiques n'a jusqu'ici fait la preuve de
son efficacité selon les modalités requises de l'évaluation
scientifique. Certaines d'entre elles sont cependant soutenues
notamment par des personnalités du monde du sport ou du
spectacle et sont réguliÚrement l'objet d'une médiatisation
préoccupante.
A la demande de la DGS et de la DGAS, une Ă©tude sur
plusieurs de ces mĂ©thodes a Ă©tĂ© mise en Ćuvre en 2006. Sur la
base des enseignements de cette Ă©tude, qui seront disponibles
courant 2007, le Conseil national de l'Ă©valuation sociale et
médico sociale réfléchira à la définition de bonnes pratiques.
Dans le cadre du programme de travail de la Haute
autorité de santé pour l'année 2007 figure également, à la
demande de la DGS, une saisine sur les bonnes pratiques de
prise en charge des enfants atteints de troubles de type
autistique.
281
Ÿ
Accompagnement des personnes en fin de vie
La loi relative à la fin de vie, votée en 2005, a mis
l'accent sur l'actualité des pratiques d'accompagnement des
personnes en fin de vie et des soins palliatifs, qu'il s'agisse
d'adultes ou d'enfants.
La DGS exerce une vigilance sur les associations qui
oeuvrent sur cette thématique et qui recrutent des bénévoles.
La vigilance s'applique Ă©galement Ă des officines de formation
qui proposent leurs services à des professionnels de santé,
ainsi qu'Ă des particuliers qui souhaitent accompagner Ă
domicile des personnes en fin de vie. La DGS a pour objectif
d'Ă©viter les dĂ©rives sectaires dans ce domaine, en particulier Ă
l'occasion des procédures d'agrément auxquelles sont soumises
ces associations et structures de formation.
Ÿ
Refus de vaccinations
De nombreuses techniques de « médecines douces » ou
alternatives dont certaines promues par des mouvements
considérés comme sectaires récusent toute vaccination. Les
critiques de la vaccination obligatoire sont portées par des
associations qui se défendent de toute référence sectaire et qui
se placent sur le terrain de la liberté individuelle et des
critiques de lâefficacitĂ© et de lâeffet secondaire des vaccins.
Elles relaient des théories non prouvées sur le plan
scientifique, en particulier le lien entre la sclérose en plaque et
la vaccination contre lâhĂ©patite B (France), ou entre lâautisme
et la vaccination contre la rougeole (Grande Bretagne) et
participent dâun discours sur les mĂ©decines alternatives ou
Ă©cologiques, qui rejoint celui de certaines sectes.
Au mois de mai 2006, les services déconcentrés du
ministÚre ont été informés que la DGS tient à leur disposition
un courrier prĂ©cisant les procĂ©dures Ă suivre afin de sâassurer
de la vaccination de lâenfant contre le BCG. Ces prĂ©cisions
sont Ă©galement disponibles sur le site intranet du ministĂšre.
282
La DGS, afin de promouvoir auprĂšs de la population
l'importance du recours Ă la vaccination dans la lutte contre les
maladies infectieuses, a financé et organisé le 10 octobre 2006
une « journée vaccination », en collaboration avec l'Institut
national de la prévention et de l'éducation pour la santé
(INPES). Cette journée a rassemblé des professionnels de
santé concernés et des représentants des services déconcentrés
du ministÚre. La DGS a également financé la reproduction
d'une exposition consacrée à la vaccination, destinée au grand
public. Enfin la DGS, avec le comité technique des
vaccinations, a réalisé en 2006 le « Nouveau guide des
vaccinations » édité par l'INPES.
Ÿ
Naissance - Périnatalité
La DGS exerce une veille destinée à prévenir
d'éventuelles dérives sectaires dans le domaine de la
périnatalité. En particulier, deux actions ayant pour cadre le
plan pĂ©rinatalitĂ© 2005-2007 ont indirectement contribuĂ© Ă
renforcer les moyens de vigilance au regard d'un risque
d'entrisme sectaire sur les terrains de la préparation à la
naissance et des maisons de naissance :
Dans le cadre de la préparation à la naissance, un
entretien supplĂ©mentaire sera mis en Ćuvre, Ă partir de 2007,
au quatriĂšme mois de grossesse, individuel ou en couple. Cet
entretien est destiné à dépister les vulnérabilités
psychologiques des futures mÚres. La réalisation, en cours
d'achÚvement fin 2006, d'un référentiel de formation pour
l'exercice de cet entretien a été confiée à la Société française
de médecine périnatale.
Un groupe de travail composé de représentants des
sociétés savantes et des professionnels hospitaliers a été
constitué fin 2005 pour établir le cahier des charges du
fonctionnement des
maisons de naissance
à titre expérimental.
Cette expérimentation vise à offrir des garanties en termes de
sécurité de la mÚre et de l'enfant, notamment par la création de
283
ces structures à proximité immédiate du service d'obstétrique.
Le cahier des charges devait ĂȘtre finalisĂ© fin 2006.
Ces mesures sont de nature Ă faciliter le dialogue entre
les professionnels et les futurs parents ; elles visent à répondre
aux inquiétudes que peuvent susciter chez ces derniers la
naissance et la parentalité, et à éviter que certains d'entre eux
se tournent vers des personnes ou des mouvements engagés
dans des démarches de type sectaire et/ou prÎnant des
méthodes à visées thérapeutiques, scientifiquement non
validées.
Ÿ
Interventions sanitaires en situations de crise.
Le ministÚre de la Santé et des Solidarités reste vigilant
sur les risques dâintervention par des organisations Ă caractĂšre
sectaire auprÚs de populations fragilisées à la suite de
situations de catastrophes (inondations, explosion de
bĂątimentsâŠ). Une rĂ©flexion sera conduite sur ce sujet en 2007.
Ÿ
Projet de renforcement des actions de lutte contre les
dérives sectaires et les dérives thérapeutiques
Le 9 novembre 2006, le ministre de la Santé et des
Solidarités a adressé un courrier à M. Georges Fenech, député
du RhÎne, président de la «
Commission parlementaire
dâenquĂȘte relative Ă lâinfluence des mouvements Ă caractĂšre
sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé
physique et mentale des mineurs ». Dans ce courrier, le
ministre a fait connaĂźtre Ă M. Fenech le train de mesures quâil
souhaite prendre pour lutter contre les dérives sectaires dans
les domaines sanitaire et médico-social, dont le rapport 2005
de la MIVILUDES a soulignĂ© lâampleur.
Il s'agit en particulier pour la DGS de développer, avec
les partenaires appropriés, des outils de veille et d'analyse
susceptibles de favoriser d'une part la détection des pratiques
délictueuses et l'engagement de poursuites à l'encontre de ceux
284
qui les exercent et, d'autre part, Ă terme, d'informer le public
sur les dangers pour la santé, de certaines pratiques non
conventionnelles à visée thérapeutique.
Ces mesures auront pour but, Ă partir de 2007, de
repérer et de contrer les pratiques dangereuses en termes de
perte de chances pour les usagers, au regard de la
problématique « bénéfice/risque ». Les pratiques considérées,
dans une premiĂšre approche, comme les plus Ă risque pour la
santé des personnes, seront soumises à un groupe d'analyse-
évaluation constitué de personnes qualifiées indépendantes du
ministĂšre. Ce groupe aura pour tĂąche de fournir un avis
circonstancié sur chaque pratique étudiée ; il sera chargé de
formuler des recommandations en perspective d'une
information et, le cas échéant, d'une mise en garde du public
au sujet des pratiques à risque examinées.
4 - Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins
(DHOS)
Les dérives sectaires, dans le champ de la santé, sont en
majeure partie liées aux pratiques de soins non
conventionnelles. Ces pratiques non éprouvées peuvent
constituer par leur nature un danger pour les personnes ou
entraĂźner une perte de chance lorsquâelles se substituent Ă un
traitement conventionnel. Nombre de leurs promoteurs
enfreignent la loi : usurpation de titres, exercice illégal de la
médecine ou de la pharmacie, publicité mensongÚre,
charlatanisme, escroquerieâŠ
Dâautres types dâinfractions peuvent ĂȘtre repĂ©rĂ©s,
lorsque ces individus ou organismes appartiennent Ă des
mouvements Ă caractĂšre sectaire
: atteinte aux droits de
lâhomme et aux libertĂ©s fondamentales (emprise sur les
personnes), abus frauduleux de faiblesse, constitution de
menaces Ă lâordre public, âŠ
285
Si la prolifération de ces pratiques constitue un enjeu
de santé publique, celle des offres de formation à ces
pratiques, pose la question de lâimputabilitĂ© Ă lâobligation
légale de financement de la formation professionnelle lorsque
ces actions promettent des diplĂŽmes qui ne sont reconnus dans
aucune classification professionnelle ou universitaire, et/ou
conduisent Ă des actes contraires aux lois et rĂšglements.
La direction de lâhospitalisation et de lâorganisation des
soins (DHOS) veille Ă lâapplication des rĂšgles relatives aux
professionnels de santĂ© et sâattache Ă ce que soit sanctionnĂ©,
lorsquâelle en a connaissance, lâexercice illĂ©gal de la mĂ©decine
et de la pharmacie, lâescroquerie, le charlatanisme.
Elle veille Ă©galement Ă appeler la vigilance des
responsables hospitaliers sur la qualité des offres de
formations quâils achĂštent, afin dâĂ©viter lâentrisme
dâorganismes prestataires, charlatans ou escrocs, susceptibles
dâĂȘtre liĂ©s Ă des mouvements sectaires.
En 2006, lâactivitĂ© de la DHOS en matiĂšre de pratiques
thĂ©rapeutiques non conventionnelles sâest concrĂ©tisĂ©e de trois
maniĂšres :
Des rappels au droit ou des sanctions
- des refus dâautorisation dâexercice en raison notamment de la
nature des diplĂŽmes (diplĂŽme canadien Ph.D. option
naturopathie) ou de lâincompĂ©tence du demandeur
(acupuncture rĂ©servĂ©e aux seuls mĂ©decins, Ă titre dâactivitĂ©
secondaire),
- un rappel du rĂŽle et de lâindĂ©pendance du Conseil de lâordre
des médecins en sa qualité de juridiction, à un médecin
sâindignant dâune sanction ordinale de charlatanisme,
- un rappel des dispositions du Code de déontologie médicale,
à un médecin sanctionné pour y avoir contrevenu et remettant
en cause lâinterdiction lĂ©gale de charlatanisme et lâobligation
de donner des soins fondés sur les données acquises de la
science,
286
- une intervention auprĂšs dâune mutuelle au sujet dâun de ses
agents qui conseillait Ă des patients atteints de cancer dâarrĂȘter
un traitement conventionnel pour un traitement non éprouvé,
- une réponse négative à un élu demandant une évaluation
scientifique de la méthode du Dr Ryke Geerd Hamer qui
prĂ©conise lâabandon des traitements allopathiques et incite des
patients, particuliÚrement vulnérables et influençables du fait
de leur pathologie, à délaisser tout traitement médical.
Des avis dâincompatibilitĂ© dâexercice privĂ© avec la dignitĂ© des
fonctions administratives antérieures précédemment exercées
par des fonctionnaires hospitaliers
La commission de déontologie pour la fonction
publique hospitaliĂšre est chargĂ©e dâapprĂ©cier la compatibilitĂ©
entre les fonctions prĂ©cĂ©demment exercĂ©es et lâactivitĂ© privĂ©e
envisagĂ©e, salariĂ©e ou libĂ©rale, dâun fonctionnaire hospitalier
qui quitte temporairement ou définitivement la fonction
publique. Elle apprécie notamment si, par leur nature ou leurs
conditions d'exercice, les activitĂ©s envisagĂ©es portent atteinte Ă
la dignité des fonctions précédemment exercées par l'intéressé.
Cette instance constate un choix de plus en plus
fréquent de reconversions de personnels hospitaliers, dans
l'exercice de pratiques de soins non conventionnelles
douteuses, mĂȘme si leur nombre reste encore relativement
restreint. Il sâagit essentiellement dâinfirmiers et, en moindre
nombre, dâautres catĂ©gories de personnels paramĂ©dicaux. La
commission est ainsi amenée à rappeler que sont interdites les
activités privées qui peuvent donner lieu à des poursuites
pénales, mais aussi celles qui, sans appeler nécessairement
lâintervention du juge pĂ©nal, peuvent, par leur nature ou leur
mode dâexercice, porter atteinte Ă la rĂ©putation ou Ă la
considération du service public.
Le rĂŽle de cette commission est particuliĂšrement utile
pour rappeler individuellement le droit Ă ces professionnels de
santé. Les rapports d'activité annuels de cette commission, qui
287
font Ă©tat de la jurisprudence, sont mis en ligne depuis 2005 sur
le site internet du ministĂšre.
Des appels Ă la vigilance des hospitaliers en matiĂšre d'achat
de formations
Les acheteurs de formations ont été invités, notamment
par voie de circulaire, à exercer leur vigilance sur la qualité
des actions de formation, en particulier sur les aspects de la
qualification, de lâĂ©thique des intervenants, sur la validitĂ©
scientifiquement reconnue et non obsolĂšte des enseignements
dispensĂ©s, sur la conformitĂ© au cahier des charges quâils ont
défini, sur les compétences, les qualifications, les diplÎmes
que les formations permettent dâobtenir, en rĂ©fĂ©rence aux
niveaux de qualification universitaires ou professionnels
reconnus.
Sâagissant de la possibilitĂ© de prendre en charge, au
titre du Congé de Formation Professionnelle, des formations
relatives à la kinésiologie ou au toucher-massage chinois,
pratiques non reconnues par la rĂ©glementation sâappliquant
aux professionnels de santĂ©, la DHOS a prĂ©cisĂ© Ă lâorganisme
paritaire chargé de gérer et de mutualiser les cotisations
relatives à ce droit, que le congé de formation professionnelle
implique que la formation suivie doit soit déboucher sur un
diplĂŽme reconnu par lâĂducation nationale et/ou inscrit au
RĂ©pertoire national des certifications professionnelles (RNCP),
soit permettre dâacquĂ©rir une qualification professionnelle aux
fins dâexercer une profession reconnue. Elle a ajoutĂ© que ce
dernier critĂšre doit ĂȘtre examinĂ© au regard de la lĂ©galitĂ© de
lâexercice de la profession, un diplĂŽme en kinĂ©siologie, ou
lâapplication de toute autre mĂ©thode non validĂ©e
scientifiquement, pouvant conduire à un exercice illégal de la
médecine.
Consciente que les services de soins sont de plus en
plus nombreux Ă proposer Ă leurs patients des pratiques qui
apportent un confort et un mieux-ĂȘtre indĂ©niables
288
(sophrologie en maternité, massage des prématurés et des
nouveau-nés, toucher-massage en réanimation, dans des
services de gĂ©riatrie ou de soins palliatifsâŠ), et afin dâĂ©viter
les dĂ©rives, la DHOS a indiquĂ© quâil Ă©tait prĂ©fĂ©rable, dans un
souci de sécurité, que les formations concernées ne soient pas
prises en charge au titre du Congé de formation
professionnelle mais constituent la traduction, dans le plan de
formation des Ă©tablissements, dâune rĂ©flexion collective.
La cellule de veille sur les dérives sectaires de
l'Association nationale pour la formation permanente du
personnel hospitalier (ANFH) met Ă disposition des acheteurs
de formation, sur le site de lâassociation, une grille dâanalyse
dâune demande ou dâune offre de formation
(
http://www.anfh.asso.fr/celluleveille/Grille.php
)
289
CONCLUSION
LâannĂ©e Ă©coulĂ©e illustre bien lâĂ©volution du phĂ©nomĂšne
sectaire tant en France que dans le monde. En effet, si lâon nâa,
fort heureusement, pas eu à déplorer de grande manifestation
délirante et dramatiquement spectaculaire, on assiste, en
revanche, à une volonté soutenue, de la part des mouvements
en question, de se noyer dans le paysage, de se fondre dans la
masse, de sâinsĂ©rer dans tous les rouages de la sociĂ©tĂ©, sous
couvert de soins, de formation, dâassistance, de compĂ©tences
spécifiques, voire, de spiritualité, bref, de tout ce qui peut
paraĂźtre sympathique et honorable.
Les mouvements et les personnes qui sâen inspirent
profitent de la moindre faiblesse des pouvoirs publics, du
moindre relĂąchement de la vigilance des institutions pour
sâengouffrer dans la brĂšche et en retirer bĂ©nĂ©fice. Il nây a pas
de trop petit profit, il nây a pas de trop petit pas en avant.
Dans cette lutte de tous les jours, les bénévoles des
associations, les agents de terrain, les Ă©lus locaux mĂšnent une
action extrĂȘmement prĂ©cieuse et efficace, dĂ©sintĂ©ressĂ©e et
profondément humaine.
Ils soutiennent ainsi lâaction des services de lâĂtat,
coordonnĂ©s Ă lâĂ©chelon interministĂ©riel par la MIVILUDES.
Les médias se mobilisent pour défendre les victimes et
informer le public sur les risques auxquels lâexposent des
pratiques mal maßtrisées ou des individus peu scrupuleux.
Que toutes celles et tous ceux qui secondent ainsi
lâaction gouvernementale en faveur des victimes soient
remerciés pour leur action et pour leur soutien.
290
Leur présence à nos cÎtés est perçue par tous comme
un gage de légitimité et comme une marque de confiance
républicaine.
Que les victimes et leurs familles soient assurées de la
volonté sans faille des pouvoirs publics de faire en sorte que
les dommages quâelles ont subis, sont pris en compte et seront
réparés.
Ensemble, nous devons veiller Ă tirer tous les
enseignements des situations qui nous sont rapportées car,
ensemble, nous aurons la force dâassurer la dĂ©fense des droits
de lâhomme et le respect de la dignitĂ© de nos concitoyens
contre des marchands de rĂȘve qui ne dĂ©livrent que des
cauchemars.
291
ANNEXES
1 â Exemples de signalements reçus par la MIVILUDES
2 â ActivitĂ© parlementaire : Questions Ă©crites
3 â Adresses et liens utiles
292
1
-
T
Ă
MOIGNAGE DE PARENTS DONT LE FILS EST HAPP
Ă
PAR UN GROUPE QUI RESSEMBLE A UNE SECTE
,
J
UIN
2006
167
Janvier 2006
Notre fils F., qui travaille depuis lâĂąge de 18 ans, est
employé depuis six ans dans une petite entreprise de
dĂ©pannage tĂ©lĂ© oĂč il est seul avec son patron qui l'a formĂ©
pendant son apprentissage et qui l'a gardé comme ouvrier
ensuite. Pendant longtemps, l'entente est trĂšs bonne entre eux,
puis les demandes de réparations diminuant (nouvelles
technologies, prix des appareils neufs en baisse...), F. ressent
une grande monotonie dans son travail, une grande solitude (il
est le plus souvent seul dans l'atelier et le magasin). Il part de
plus en plus difficilement le dimanche soir pour rejoindre son
appartement pour la semaine. Il souhaite changer de travail
mais ne sait pas dans quelle autre direction s'orienter.
Une Ă©mission sur
la Cinq
Il voit une Ă©mission documentaire sur
la Cinq
(pour lui
gage de sérieux) :
« Iboga, les hommes du bois sacré »
. Il
consulte internet et découvre l'association
Meyaya
qui organise
des « séminaires de développement personnel par l'iboga »
selon le culte Bwiti. Sur le site http://www.iboga.org, on peut
lire :
« De nombreuses personnes souffrent dans notre société
déshumanisée. Déprime, dépression, difficultés de
communiquer, manque de confiance en soi, solitude, petite
addiction, problĂšmes familiaux ou professionnels, problĂšmes
névrotiques divers, petits pépins physiques récurrents ou plus
simplement un mal de vivre indéfinissable. La prise d'iboga
permet de résoudre tous ces problÚmes ....
Les initiés Bwiti vous l'affirmeront : celui qui revient
du « voyage d'Eboka » est un « homme nouveau ». Il est libéré
167
Texte publié aprÚs accord écrit des parents de F.
293
de ses peurs héritées de l'enfance, il se sent plus fort, plus
ouvert, il s'accepte tel qu'il est et, du coup, accepte les autres
tels qu'ils sont. De nombreux conflits familiaux,
professionnels, amoureux disparaissent ...
La plupart des gens arrivent au séminaire fatigués,
angoissés, désenchantés, certains « au bout du rouleau ». Ils
repartent calmes, sĂ»rs d'eux, rĂ©conciliĂ©s avec eux-mĂȘmes, avec
leur entourage, avec la société, la nature, en un mot :
« vivants ».
C'est une deuxiĂšme chance que l'iboga leur offre, et
ceci en travaillant seulement sur eux-mĂȘmes, sans gourou,
sans rites à effectuer, sans préceptes de vie imposés, sinon
celui d'ĂȘtre heureux ».
Tout le monde peut se sentir concerné.
5-6-7 février
F. fait un « séminaire de découverte de l'iboga » ou
« initiation » au chùteau de Liviers prÚs de Privas en ArdÚche
organisé par Gérard Sestier, ethnologue de formation, licencié
en psychologie et philosophie (d'aprĂšs le site internet) et sa
femme Jeanne, africaine. Sont présents le gourou Mallendi et
ses assistants qui se disent médecins et qui encadrent les
stagiaires, aidés par quelques initiés, des musiciens africains
venus de Paris. Coût du séminaire : 490 ⏠; hébergement :
150âŹ.
Meyaya
est une association loi 1901. Les chĂšques sont
rédigés à cet ordre.
1
er
jour
Les stagiaires arrivent dans la soirée. Ils sont environ
vingt. Mallendi parle avec chacun pour connaĂźtre ses
problĂšmes. Il recommande de ne pas prendre de drogue, tabac,
alcool, pour que l'iboga puisse agir, mais certains en prennent
quand mĂȘme.
Il n'y a pas de repas. Les stagiaires prennent une tisane
d'« alanga » calmante pour ĂȘtre rĂ©ceptifs Ă l'iboga. On a donnĂ©
ses clés de voiture et on n'a pas accÚs à son portable non plus.
1
Ăšre
nuit
Elle est rythmée par :
294
- la prise d'iboga (racines broyées) à la cuillÚre avec de l'eau
ou du miel. Vomissements : « l'iboga nettoie le corps ».
- de la musique africaine et de la danse jusqu'Ă Ă©puisement.
F. nous dit :
« J'ai été malade parce que je suis arrivé en
retard et j'étais stressé. Je n'ai pris que quatre ou cinq
cuillerées. Certains en ont pris quinze, les médecins une
assiettée »
.
2
Ăšme
jour
Le matin, on peut aller dans sa chambre. On peut
manger (figues, pommes...) mais on n'a pas faim. On n'a pas
envie de dormir non plus.
2
Ăšme
nuit
Iboga - musique - danse - hallucinations. F nous dit :
-
« On a beaucoup d'Ă©nergie en soi, mĂȘme sans manger ni
dormir »
,
-
« On voit sa mort »,
- « On revient à sa naissance ».
3
Ăšme
jour
On mange, on dort. Puis, on nous redonne les clés de
voiture.
F. est rentré à la maison avec un nouveau look :
cheveux coupés. Il a beaucoup dormi pendant plusieurs jours.
18 mars
Un groupe de parole est organisé par
Meyaya,
Ă la suite
duquel il décide de quitter son travail.
Fin avril
F. démissionne de son travail, sans projet précis, sans
toucher le chÎmage. Mais il paraßt soulagé, plus expansif.
21-22 mai
Il fait une formation au culte Bwiti prĂšs de Toulouse,
chez un autre GĂ©rard qui possĂšde un gĂźte, une grande maison Ă
Ă©tage en pleine campagne, avec des animaux, oie, jars,
colombe qui se pose sur son Ă©paule ... La nourriture est bio.
295
La formation est psychologique et philosophique. On
fait référence à Freud, Descartes, Rousseau ... mais
« on ne se
prend pas la tĂȘte »
. Il faut laisser parler son cĆur, l'intuition,
plutĂŽt que la raison.
On recommande de ne pas rompre avec sa famille
(
« vos parents sont vos créateurs, vos dieux »
), ni avec ses
amis, et Ă©galement de s'ouvrir aux autres, d'aller de l'avant.
F. nous dit :
« Ce n'est pas une secte, on ne nous coupe
pas du monde ».
Y a-t-il prise d'iboga au cours de cette formation ?
Probablement.
2-3-4 juin
Grande fĂȘte de la
Meyaya
prĂšs de Limoges, Ă Blond, en
forĂȘt, dans une propriĂ©tĂ© privĂ©e, avec un bĂątiment en ruine.
Chacun amĂšne sa tente, on fait la cuisine en commun. Les
Meyaya
veulent aménager ce lieu pour qu'il soit plus
confortable. Une cinquantaine de personnes font la fĂȘte
pendant deux nuits : musique, danse, prise d'iboga.
Fin juin
F. a le projet de repartir pour aider Ă encadrer un
séminaire d'initiation à l'iboga.
Nous avons peur que notre fils ait été victime de
manipulations mentales et ait perdu son esprit critique Ă l'Ă©gard
de « sa nouvelle religion ». En quatre mois, il a complÚtement
changé de philosophie de la vie : il croit qu'une multitude de
dieux sont dans la nature, que l'iboga est une plante sacrée
venue de l'origine du monde, au Gabon, et qui fait découvrir sa
vraie vie, en communiquant avec sa naissance et sa mort. Il est
hermétique aux données scientifiques disant que l'iboga est
une plante hallucinogĂšne dangereuse, d'ailleurs interdite dans
plusieurs pays. Nous pensons que, sous l'effet de cette drogue
hallucinogĂšne Ă hautes doses, du manque de nourriture et de
sommeil, de rites comportant le port d'un pagne africain, des
peintures corporelles, des musiques lancinantes, des danses
296
jusqu'à épuisement, le « gourou » manipule psychiquement les
stagiaires.
Nous avons peur que notre fils ne puisse plus se passer
de ces rites, de cette drogue, et aussi qu'il parte au Gabon (Ă
l'origine du monde selon
Meyaya
).
297
2
â
ACTIVITĂ
PARLEMENTAIRE :
QUESTIONS
ĂCRITES
Au cours des douze mois écoulés, un peu plus de 30
questions écrites relatives à la problématique sectaire ont été
posées dont une vingtaine ont reçu réponse. Bien que
lĂ©gĂšrement en baisse par rapport Ă lâannĂ©e 2005 (40
questions), ces statistiques montrent lâintĂ©rĂȘt soutenu des
parlementaires pour ce sujet.
Le lecteur trouvera ci-aprÚs une sélection de celles dont les
rĂ©ponses prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt innovant :
Fiscalité
Un tiers des rĂ©ponses portent sur la fiscalitĂ© appliquĂ©e Ă
certains groupes. Deux dâentre elles
168
, identiques, concernent
Tradition Famille Propriété (TFP)
et la question des
rĂ©ductions dâimpĂŽts pour les donateurs :
Question : Mme Claude Darciaux [députée de la CÎte
dâOr] souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre de
l'Economie, des Finances et de l'Industrie sur les agissements
de l'association
Tradition, Famille, Propriété
. Cette
association apparaĂźt dans la liste des rapports parlementaires
de
1995 et
1999 sur les sectes comme devant ĂȘtre
effectivement considérée comme telle. Or
Tradition, Famille,
Propriété
adresse par courrier aux personnes une médaille et
demande en retour un don. Dans le mĂȘme courrier, cette
association informe les donateurs qu'ils pourront bénéficier
d'une réduction d'impÎt. Aussi, elle lui demande les
dispositions qu'il entend prendre afin qu'il soit mis un terme
aux réductions fiscales en cas de dons à des sectes.
168
http://questions.assemblee-nationale.fr/question.asp
: question n°92277
et question n°86477 de M. Jean-Claude Lefort, député du Val-de-Marne).
298
RĂ©ponse :
Pour bénéficier de la réduction d'impÎt sur le
revenu prévue aux articles 200 et 238 bis du Code général des
impĂŽts, les dons et versements doivent ĂȘtre effectuĂ©s au profit
d'oeuvres ou d'organismes d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ayant un
caractĂšre philanthropique, Ă©ducatif, scientifique, social,
humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant Ă la
mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de
l'environnement naturel ou Ă la diffusion de la culture, de la
langue et des connaissances scientifiques françaises. La
condition d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral implique que l'activitĂ© de l'oeuvre
ou de l'organisme ne soit pas lucrative et que sa gestion soit
désintéressée, telles que ces notions ont été définies par les
instructions administratives des 15 septembre 1998 et 16
février 1999, respectivement publiées au Bulletin officiel des
impÎts sous les références 4 H-5-98 et 4 H-1-99, et que son
fonctionnement ne profite pas Ă un cercle restreint de
personnes. En outre, le versement, qu'il s'agisse d'un don ou
d'une cotisation, doit ĂȘtre effectuĂ© Ă titre gratuit, sans
contrepartie directe ou indirecte au profit de son auteur.
L'association évoquée dans la question ne répond à aucune de
ces conditions. Son objet ne correspond Ă aucun de ceux
limitativement Ă©numĂ©rĂ©s par la loi, elle n'est pas d'intĂ©rĂȘt
général et les versements sont assortis d'une contrepartie
directe. Par suite, le fait d'Ă©mettre des attestations permettant
aux donateurs de bonne foi de bénéficier d'une réduction de
leur impĂŽt sur le revenu, expose l'organisme en cause Ă
l'application de la pénalité prévue à l'article 1740 A du code
précité aux termes duquel la délivrance irréguliÚre de
documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou
attestations permettant Ă un contribuable d'obtenir une
déduction du revenu ou du bénéfice imposable, un crédit
d'impÎt ou une réduction d'impÎt, entraßne l'application d une
amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur
ces documents ou à défaut d'une telle mention, d'une amende
égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction
d'impÎt indûment obtenu.
299
En réponse aux questions
169
concernant la dette fiscale des
TĂ©moins de JĂ©hovah
, le ministre délégué au Budget et à la
RĂ©forme de lâĂtat a rappelĂ© le droit : «
Les rÚgles légales du
secret fiscal Ă©dictĂ©es au profit des contribuables s'imposent Ă
l'administration. Elles ne permettent pas d'apporter Ă l'auteur
de la question toutes les précisions qu'il demande dÚs lors que
la réponse fera l'objet d'une publication au
Journal officiel. »
Justice / pouvoirs publics
170
Question :
M. Jean Louis Masson [sénateur de la Moselle]
attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la
Justice, sur le fait que les pouvoirs publics et plusieurs
initiatives parlementaires ont tendance Ă stigmatiser certains
courants philosophiques ou religieux sous le prétexte de lutte
contre les sectes. Il souhaiterait qu'il lui indique si le fait
d'appartenir à une organisation répertoriée comme étant une
secte dans le rapport parlementaire annuel est susceptible de
justifier des mesures de rétorsion de la part d'un employeur
privé ou de la part de l'exécutif d'une collectivité territoriale. Si
oui, il souhaiterait qu'il lui indique s'il n'y a pas un risque
d'atteinte à la liberté de religion ou d'opinion philosophique.
RĂ©ponse :
Le garde des sceaux, ministre de la Justice, fait
connaĂźtre Ă l'honorable parlementaire que le recours Ă la liste
des mouvements Ă caractĂšre sectaire Ă©tablie par la
commission d'enquĂȘte parlementaire sur
Les sectes en France
,
en 1995, doit ĂȘtre Ă©vitĂ© au profit de l'utilisation de faisceaux
de critÚres, tel que le Premier ministre l'a rappelé par
circulaire du 27 mai 2005. Par ailleurs, les principes garantis
constitutionnellement interdisent à quelque autorité que ce soit
de porter un jugement de valeur sur les motivations des
personnes qui adhĂšrent Ă des organisations. Toutefois, lorsque
ces organisations commettent des atteintes aux personnes et
169
http://questions.assemblee-nationale.fr/questions.asp
: questions
n°84578 de M.Etienne Mourrut, député du Gard, et n°77636 de M. Jean-
Pierre Brard, député de Seine-Saint-Denis.
170
http://www.senat.fr/quesdom.html
: question n°22122.
300
aux biens, il va de soi que l'autorité judiciaire doit apporter
une réponse déterminée aux dérives constatées.
Santé / kinésiologie
171
Question : M. Jean-Luc Warsmann [député des Ardennes]
attire l'attention de M. le ministre de la Santé et des Solidarités
sur le statut de la kinésiologie. En effet, il semblerait que
puisse ĂȘtre dissociĂ©e de la pratique donnant lieu Ă des dĂ©rives
sectaires une kinésiologie dite « appliquée », institutionnalisée
et reconnue par les autoritĂ©s de divers Ătats. En consĂ©quence,
il le prie de bien vouloir lui donner des indications sur la
situation réelle, ainsi que sur ses intentions en la matiÚre.
RĂ©ponse :
La kinésiologie est un mouvement qui se qualifie de
« thĂ©rapie Ă©nergĂ©tique », apparu aux Ătats-Unis dans les
années soixante. La kinésiologie, proche de la chiropraxie,
reposant sur le concept d'énergie vitale, s'est développée en
France en recrutant notamment auprĂšs de professionnels de
santé et d'adeptes de médecines parallÚles. Elle délivre des
prestations trÚs coûteuses, présentées comme qualifiantes par
leurs promoteurs, mais elle n'est ni définie ni reconnue dans le
cadre du Code de la santé publique. à diverses reprises, la
mission interministérielle chargée de la vigilance et de la lutte
contre les dérives sectaires a appelé l'attention sur la
kinésiologie. Il importe de souligner que toute personne qui
prend part Ă l'Ă©tablissement d'un diagnostic ou au traitement
de maladies réelles ou supposées, par des actes personnels,
consultations verbales ou écrites, ou par tout autre procédé
quel qu'il soit, sans ĂȘtre titulaire d'un diplĂŽme exigĂ© pour
l'exercice de la profession de mĂ©decin ou sans ĂȘtre
bénéficiaire des dispositions relatives aux actes qui peuvent
ĂȘtre pratiquĂ©s dans le cadre des professions paramĂ©dicales,
est passible de poursuites pour exercice illégal de la médecine,
aux termes de l'article L. 4161-1 du Code de la santé publique.
En outre, avant de reconnaßtre les bienfaits d'une thérapie, il
est indispensable de définir les pathologies auxquelles celle-ci
171
http://questions.assemblee-nationale.fr/questions.asp
: question n°76088.
301
s'adresse et d'en apprécier l'efficacité. En effet,
l'article L. 4127-39 du Code de la santé publique (Code de
déontologie médicale) précise que
« les médecins ne peuvent
proposer aux malades ou Ă leur entourage comme salutaire et
sans danger un remÚde ou un procédé illusoire ou
insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est
interdite ».
à ce jour, aucune étude sérieuse n'a été réalisée
quant au respect de ces exigences dans le cadre de la
kinésiologie, qu'elle soit dite « appliquée » ou désignée
différemment. Ainsi, aujourd'hui, aucun élément probant ne
permet, dans une perspective de protection contre des risques
éventuels pour la santé des personnes, d'établir des
distinctions fondées entre les divers praticiens et les diverses
pratiques se réclamant de la kinésiologie.
Relations internationales
172
Question : M. Francis Falala [député de la Marne] attire
l'attention de M. le ministre des Affaires Ă©trangĂšres sur le
septiĂšme rapport annuel du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain,
publié le 8 novembre 2005. Dans ce rapport, la France
n'Ă©chappe pas Ă certaines remarques de Washington, mettant
en exergue la «
législation restrictive
» visant les
communautés religieuses, que l'on qualifie de sectes ou de
cultes dangereux. Visant précisément la loi About Picard de
2001 contre les dérives sectaires, il souhaite qu'il lui indique
les intentions de la France afin de répondre à ces
récriminations.
RĂ©ponse
: Le dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain publie chaque
année un rapport dans lequel la situation de la liberté de
religion est examinée dans chaque pays du monde. Pas plus
qu'elles ne l'ont fait les années précédentes, les autorités
françaises n'envisagent de réagir à ce rapport. La France
poursuivra sa politique à l'égard des dérives sectaires,
conformément au cadre défini par la législature, et qui est
172
http://questions.assemblee-nationale.fr/questions.asp
: question n°83218.
302
mise en oeuvre par la mission interministérielle de vigilance et
de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES).
Enfin, comme chaque année, plusieurs questions ayant
pour thÚme la prescription de «
ritaline
» aux enfants
hyperactifs ou la consommation de psychotropes avec parfois
une référence à la
Food and Drug Administration
américaine
peuvent laisser penser que lâaction de lobbying auprĂšs des
parlementaires de la part de certains mouvements
traditionnellement hostiles Ă la psychiatrie ne sâest pas
relùchée.
303
3
ADRESSES
ET
LIENS
UTILES
Les adresses des sites présentés ci-dessous contiennent
un grand nombre de documents dâinformations utiles. La
MIVILUDES laisse à leurs auteurs la responsabilité de leur
contenu
173
:
- lâUnion nationale des associations pour la dĂ©fense de la
famille et de lâindividu victime des sectes (UNADFI)
http://unadfi.org
- le Centre de documentation, dâĂ©ducation et dâaction contre
les manipulations mentales (CCMM)
www.ccmm.asso.fr
- le Groupe dâĂ©tude des mouvements de pensĂ©e pour la
prĂ©vention de lâindividu (GEMPPI)
http://www.ifrance.com/sectes-info-gemppi/
- lâAssociation vie religieuse et familles
www.avref.asso.fr
- Psychothérapie vigilance
http://PsyVig.com
- Autres adresses utiles
www.prevensectes.com
www.zelohim.org
http://www.sos-therapires.org/
www.antisectes.net
173
Liste non limitative.
304