Carburation : Evolution et
fonctionnement
Tout moteur a combustion interne fonctionne sur
le principe de l'inflammation d'un mélange composé d'un
comburant, l'air, et d'un combustible, dérivé du pétrole ou de
gaz.
Ce mélange est assuré par le carburateur, ou par un dispositif
plus évolué d'injection, qui doit assurer :
- L'homogénéité du mélange air /
combustible.
C'est à dire que chaque millimètre cube de mélange
admis devra comporter exactement la même quantité
d'essence.
- La constance de la proportion air /
combustible, quel que soit le régime du moteur, donc la
quantité totale de mélange admise.
C'est à dire que, si un moteur consomme 60.000 litres
d'air et 6 litres d'essence à l'heure à un régime
constant de 2.000 tr/mn, il devra, à 4.000 tr/mn
consommer 120.000 litres d'air et 12 litres d'essence.
- Les carburateurs qui ont équipé
les premiers véhicules mus par un moteur à
combustion interne (ou, plus communément,
"moteur à explosion"), comme celui de
la De Dion - Bouton de 1899, ci-contre, étaient
loin de pouvoir répondre à ce cahier des
charges.
Appelés "à léchage" ou "à
barbotage", ils se composaient d'un
réservoir d'essence dans lequel pénétrait un
tube, pour renouveler l'air aspiré par le
moteur. Le mélange air / essence étant assuré
par l'évaporation de cette dernière.
En dehors du peu de précision dans le rapport
air / essence, ce type de dispositif posait un
problème non négligeable puisqu'en cas de
retour de flamme, peu rare à l'époque, celui-ci
pouvait se propager directement au réservoir.
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- Les carburateurs ne tardèrent
donc pas à s'améliorer, pour adopter une
configuration assez proche de ceux qui
équiperont la plupart de nos motos jusque dans
les années '70 (Certains petits malins
s'empresseront de me faire remarquer que c'était
au siècle précédent).
A la même époque que la De Dion - Bouton, la
voiturette Léon-Bollée (bien que dénommée
voiturette, elle se rattache au genre
"moto" du fait qu'elle ne possède que
trois roues) est dotée d'un carburateur de
marque "Phénix" qui comporte déjà
une cuve à niveau constant régulé par un
flotteur muni d'une aiguille fermant l'arrivée
d'essence lorsque la cuve est remplie. Il est
également doté d'un diffuseur (appelé
"champignon") assurant l'homogénéité
du mélange.
Il ne lui manque plus, pour être parfaitement
moderne, qu'un volet permettant de faire varier
le volume d'air admis.
Ici, ce volume est réglé une fois pour toutes
par une grille rotative, le moteur étant prévu
pour fonctionner à régime constant... ou
presque : En montée, il finissait bien par
descendre, jusqu'à ce que l'on passe un rapport
inférieur.
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- Les choses ne tarderont pas à
évoluer et on trouvera rapidement - couramment
à partir de 1920 - des carburateurs
"modernes", dont le principe général
restera inchangé pendant près de 70 ans. Bien
sur, ils ne seront pas tout de suite aussi
évolué que l' "Amal G.P." ci-joint,
qui est un "must" des années '50.
Les premières versions de carburateurs auront
souvent une cuve séparée du corps du
carburateur, afin de permettre de régler le
niveau de la cuve par rapport à celui de la buse
du gicleur. En effet, pour que le carburateur
fonctionne correctement, ceux-ci doivent être au
même niveau. Comme ce réglage se faisait le
plus souvent au moyen de la célébrissime
méthode "pifométrique", le résultat
n'était que très rarement atteint de manière
parfaite.
Raison pour laquelle les concepteurs les fixeront
rapidement l'un à l'autre.
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Technique :
Les schémas ci-dessous représentent
différentes phase d'ouverture du boisseau et les différents
éléments réglant le mélange air / essence :
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Lorsque la
poignée de l'accélérateur est totalement
"fermée", le boisseau ferme presque totalement
l'admission, ne laissant qu'un filet d'air dans le
conduit d'admission.
L'aiguille obstrue totalement le gicleur principal.
Seul le gicleur de ralenti détermine l'essence admise
dans le mélange. |
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Lorsque la
poignée de l'accélérateur est à mi-ouverture, le
boisseau ouvre à moitié le conduit d'admission et
l'aiguille du gicleur, solidaire du boisseau détermine
la quantité d'essence injectée dans le mélange par le
gicleur.
Entre 1/4 et 3/4 d'ouverture de la poignée, l'essence
est ainsi proportionnelle à l'air admis.
Cette plage peut être légèrement modifiée par le
réglage de la hauteur de l'aiguille. |
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Au delà de
3/4 d'ouverture de la poignée d'accélérateur, jusqu'à
son ouverture complète, seul le gicleur détermine la
quantité d'essence admise. C'est à ce moment là que le
diamètre du gicleur choisi est la plus importante. |
Intermède :
Pourquoi, vous demanderez-vous, le gicleur
principal est-il interchangeable ? Pour plusieurs raisons, bien
sur :
- Tout d'abord, parce que, dans les temps
préhistoriques dont on parle pour l'instant, les
carburateurs n'étaient pas étudiés pour un seul
modèle et que les constructeurs, qui ne fabriquaient pas
plus qu'aujourd'hui les carburateurs, devaient pouvoir en
adapter les réglages en fonction des caractéristiques
de leurs moteurs.
- A cette époque, on n'achetait pas des
"kits - moteurs" pour améliorer nos engins.
Lorsqu'ils existaient, on n'en avait pas les moyens.
Alors, on les "tapait" (les deux temps, surtout)
en élargissant les transferts ou en diminuant la
longueur de la jupe du piston à l'admission. Chacun,
bien sur avait ses petits secrets.
Tant que l'on reste dans des limites raisonnables, cela
ne nécessite pas systématiquement le changement de
carburateurs.
Simplement, la vitesse des gaz dans le conduit
d'admission augmente. Mais qui dit augmentation de la
vitesse dit également accroissement du volume. Pour
rétablir le bon équilibre du mélange air/essence, il
faut alors pouvoir changer de gicleur.
En fait, je ne crois pas que ce soit la raison pour
laquelle les constructeurs ont prévu des gicleurs
interchangeables !
- Par ailleurs, en fonction de l'endroit où
l'on se trouve, et plus particulièrement en fonction de
l'altitude, la densité de l'air ne sera pas toujours la
même. Raison pour laquelle, par exemple, les alpinistes
sont amenés à porter des masques à gaz en haut de
l'Himalaya : A cette altitude, il n'y a quasiment plus
d'oxygène.
Sans aller jusqu'à de tels sommets, à régime égal,
votre moteur absorbera moins d'air à 2.000 mètres qu'au
niveau de la mer et si vous conservez le même gicleur,
il sera soit trop "riche" (en essence) en
altitude, soit trop "pauvre" au niveau de la
mer. Ou bien les deux, auquel cas, il aura toutes les
chances de fonctionner correctement à 1.000 mètres.
Ne pensez pas que ce problème puisse être négligeable
: Je me rappelle d' "expéditions" où nous
amenions au moins un jeu de gicleur pour en changer à
mi-parcours, sous peine de problèmes graves.
Suite de l'évolution :
- La position de la cuve à côté
du corps du carburateur pose un problème
d'encombrement, surtout lorsque l'on multiplie le
nombre de cylindres des moteurs, sachant que
l'utilisation d'un carburateur pour plusieurs
cylindres n'est pas très usitée en moto.
Certains résoudront le problème en utilisant
une cuve pour plusieurs carburateurs. Comme Guzzi
sur sa 8 cylindres, qui ne possède que deux
cuves.
L'invention du carburateur concentrique sur
lequel la cuve n'est plus située à côté mais
en dessous du corps, comme sur le Villiers
ci-contre apportera une bien meilleure solution.
Entre temps, on aura également connu les
"monoblocs", dont les plus célèbres
sont certainement les "Amal", sur
lesquels cuve et corps sont solidaires, mais la
cuve étant encore légèrement décalée sur un
côté.
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Vous avez certainement entendu parler de
carburateurs horizontaux, verticaux et inversés :
- La plupart des motos sont équipées de
carburateurs horizontaux, sur lesquels la colonne d'air
est horizontale et le gicleur perpendiculaire à
celle-ci, donc vertical.
- Sur les carburateurs verticaux, la colonne
d'air est ... verticale, dirigée vers le bas, et le
gicleur parallèle à celle-ci, donc toujours vertical.
- Les carburateurs inversés ont une colonne
d'air verticale, mais dirigée vers le haut et un gicleur
horizontal.
Mais quelle que soit leur configuration,
adoptée la plupart du temps pour des raisons essentiellement
pratiques (encombrement, particulièrement), ils présentent
tous, tant qu'ils restent dans ces configurations relativement
simplistes, un inconvénient majeur :
D'une part, l'essence possède une inertie plus importante que
l'air, si bien que, lorsque l'accélérateur est ouvert de
manière brutale, l'air n'hésite pas à s'engouffrer, alors que
l'essence, elle, tarde à arriver.
Si bien que sur certains moteurs, pas très bien réglés, je
vous l'accorde, on arrive, à l'arrêt, à couper carrément le
moteur simplement en accélérant brutalement.
- Les concepteurs de carburateurs
trouveront des solutions.
Bien évidemment, lorsque les japonais doteront
leurs premières motos de carburateurs à
dépression - 450 Honda, a priori - ils
assureront que la solution est révolutionnaire,
en se gardant bien de préciser qu'ils avaient
réinventé quelque chose qui existait déjà. En
mieux !
C'est dès 1902 que l'on trouve les premières
applications d'un carburateur de ce type, fonctionnant sur le principe de la
dépression, avec le carburateur KREBS. A la différence près qu'il y a ici
une entrée d'air "principale" à
ouverture constante et une entrée "d'air
additionnel" dont l'ouverture est commandée
par un piston, lui même dépendant de la
dépression dans le carburateur et régulée par
un ressort et une membrane. Celle-ci étant en
caoutchouc, comme celles qui posent tant de problèmes sur nos
carburateurs "modernes", depuis le passage au "sans plomb".
(Vous trouverez de plus amples renseignements concernant le
carburateur Krebs à l'adresse suivante :
http://rbmn01.chez.tiscali.fr/Carburateur_membrane.HTML )
C'est le même principe que les anglais, pourtant
réputés pour leur conservatisme, reprendront,en
l'améliorant, avec les carburateurs S.U. dont
ils équiperont nombre de voitures et au moins
quelques motos Triumph.
Le principe en est relativement simple : Le
boisseau n'est plus directement commandé par le
câble d'accélérateur. Ce dernier agit sur un
papillon placé en aval du boisseau, dont le
déplacement ascendant est freiné par une cloche
à dépression (ou à pression) qui correspond à
un tuyau placé en aval du papillon. Lorsque le
papillon est fermé, cela correspond à boucher
le tuyau, donc à créer une pression dans la
cloche. Lorsque le papillon s'ouvre, le tuyau se
débouche progressivement, créant une
dépression dans la cloche et permettant au
boisseau, solidaire de cette dernière, de
monter.
Le petit ressort situé dans la cloche a pour but
essentiel de ramener la cloche à sa position la
plus basse au régime de ralenti. Quant à
l'huile, elle a pour but d'éviter le grippage.
Les japonais reprendront à leur tour le principe
sur la 450 Honda, en commandant la montée de la
cloche par un ressort, puis, par la suite, grâce
à une membrane. Amélioration ? Pas sur : Avec
l'essence sans plomb, le carburateur S.U.
continue de fonctionner sans problèmes. Ceux de
la 450 Honda, avec une essence moins grasse,
risque de gripper. Quant aux membranes, je n'en
donne pas cher.
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Carburateur KREBS (1903)
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- Une autre solution, plus complexe consiste
à faire appel à une "pompe de reprise".
Plus complexe correspond souvent à plus coûteux. Raison
pour laquelle cette solution est peu (pas ? ) utilisée
en moto.
Pas uniquement : Ce dispositif est généralement plutôt
encombrant, mais contrairement à la solution du
carburateur à dépression qui ralentit l'ouverture du
boisseau (d'ailleurs absent sur un carburateur doté
d'une pompe de reprise), la pompe de reprise envoie une
quantité d'essence supplémentaire lorsque le papillon
de l'admission est ouvert très rapidement.
L'injection :
Puis, on inventa l'injection...
Pas tout à fait, en fait. Voir même pas du tout, puisque le
premier brevet de moteur à combustion interne doté d'une
injection fut déposé en 1893 par un certain Rudolf Diesel.
Ce moteur utilisait alors comme carburant la poudre de charbon.
Mais Diesel opta très vite pour un carburant auquel la mémoire
collective a associé son nom : le Gas-Oil, bien sur, dont
l'utilisation est indissociable du système d'injection.
On ne s'étendra guère plus sur ce type de moteur qui a très
rarement été utilisé sur des motos, à l'exception du
minuscule ( 18 cm3 ) et néanmoins remarquable Lohmann de 1948.
Ce type de moteur mettra d'ailleurs longtemps
à s'imposer, même dans le domaine de l'automobile. Quant à
l'injection, personne ne pensera à l'utiliser sur des moteurs de
voiture à essence. Encore moins sur des motos. Il faut dire que
les coûts de fabrication d'un tel système auraient été
exorbitants alors que le prix de l'essence ne dépassait guère
celui de l'eau !
Comme souvent, ce sont les recherches dans le
domaine de la guerre qui vont faire avancer la technique : Avec
un avion, en cas de combat direct, le salut n'existait bien
souvent que dans la fuite : en piqué, à l'envers, en looping
... Comment, dans ces conditions, demander à un carburateur de
conserver un niveau de cuve constant ? Sans parler des problèmes
de givre ! En 1935, Mercedes va donc développer pour ses moteurs
d'avion un système d'injection directe, en collaboration avec
Bosch. Ce dernier avait en fait commencé ses travaux sur
l'injection dès 1931.
Pendant la seconde guerre mondiale, des avions américains seront
également équipé de système à injection indirecte.
Il faut attendre 1949 pour rencontrer des
systèmes d'injection - indirecte - sur des moteurs automobiles :
Les 4 cylindres Offenhauser utilisés à l'époque à
Indianapolis. Comme quoi, les américains ne sont pas toujours
techniquement si attardés qu'on veut vient le croire.
Toujours dans le domaine de la compétition, on verra des
moteurs à injection indirecte sur des Connaught de Formule 2 en
1953 et directe sur des Mercedes de Formule 1 en 1954. Epoque à
laquelle apparaît le première voiture de (petite) série dotée
d'un système à injection : La Mercedes 300 SL (injection
directe Bosch, bien sur).
- C'est encore d'Allemagne, avec
B.M.W., que nous viendront les premières
applications de l'injection sur des moteurs de
motos. Ou plus exactement, sur des side-cars dans
un premier temps, puis sur leurs motos de
Grand-Prix, en 1955. Il s'agissait alors d'une
injection indirecte.
D'après les rares pilotes qui ont pu essayer
cette moto ainsi équipée, elle était quasiment
inconduisible, particulièrement en cas de faible
adhérence, en raison de la brutalité excessive
de son moteur. Brutalité qui posait moins de
problèmes lorsqu'il s'agissait d'un side-car.
B.M.W. n'en continua pas moins, par la suite, à
utiliser l'injection, souvent avec succès, sur
ses moteurs de compétition : voitures de F2 ou
de rallye.
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- En 1960, M.V. Agusta exposa au salon de
Milan un 125 monocylindre deux-temps, dont l'injection,
mécanique, s'effectuait dans les transferts et à basse
pression. Il ne connut jamais la phase de production et
ne fut peut-être même jamais monté sur une moto. Son
régime, de par sa conception, était limité à 4.500
tours / minute.
P.S. : Sur ce coup, si j'avais pu avoir une quelconque forme de
fierté pour avoir dégotté une "info" avant les autres, ça ne me
sert, en fait, pas à grand-chose ! Jean Bourdache nous apprend, dans
"Moto-Revue Classic" n°8 que l'engin n'est pas de 1960 mais de 1957
ni un deux temps, mais bien doté de soupapes.
Jean nous apprend que l'appendice sur le carter cache une pompe qui
envoie l'essence sous pression directement dans la pipe d'admission.
Le câble d'accélérateur commandait donc simultanément la pompe et le
papillon d'injection. Vous imaginez le travail du mécano sur les
MV-6 de l'époque !
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(doc MR-Classic / Bourdache) |
- C'est de France, avec Motobécane,
que nous viendra, en 1971, la première
application d'une injection directe électronique
sur un moteur de moto. Par la même occasion,
Motobécane aurait pu être le premier à doter
une moto de série d'une injection.
Le but du constructeur de Pantin était - déjà
- de diminuer la consommation qui a toujours
été excessive sur un deux temps. D'après les
premiers essais réalisés, ce but avait été
atteint : Après des premiers essais sur une 125
monocylindre, Motobécane équipa une 3 cylindres
de 500 cm3 de ce système. Elle consommait déjà
de 30 à 40% de moins que la 350 à carburateurs
dont elle dérivait.
D'après les essayeurs, le prototype roulant
possédait un "trou" important de
carburation entre 2 et 3.000 tours / minute.
Chose étonnante lorsque l'on sait que
l'injection, tout particulièrement
électronique, est censée supprimer tout
engorgement. Mais il ne s'agissait alors que d'un
prototype.
Anecdotiquement, les injecteurs utilisés
étaient de marque ... Bosch. Ce qui n'est pas
très étonnant, en fait.
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- Les premières motos de série à
moteur non compressé, alimentées par injection
apparaissent non pas en 1984 avec le "vilain
gros canard" de chez Kawasaki, la
1300 / 6 cylindres, mais, d'après
"Motorcycles On Line", dès
1980.
Cette première moto de série équipée de
l'injection est toujours une Kawasaki : La
Z1000 Mk2, dotée d'un système répondant au nom
poétique d' "EFI".
Cette injection fut bien, ensuite, adoptée sur
la Z1300, probablement dans le but de maîtriser
une consommation excessive sur une moto dont
l'excédent de cylindrée n'apportait pas un
avantage déterminant en terme de performances.
Lorsque l'on sait le peu de succès qu'a connu ce
modèle par rapport à sa concurrente désignée
sur le marché - la Honda 1000 CBX / 6 - on peut
se demander si cet apport technologique n'était
pas simplement un argument commercial. Si
c'était le cas, c'était raté : ça ne la fera
pas plus vendre. Les motards - et probablement
les motocistes également - n'étaient pas prêts
pour une technique qu'ils jugeaient trop
complexe.
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- Lorsqu'en 1982 Honda introduit sur le marché la
"CX-500 Turbo", il s'agit de la
première moto de grande série équipée d'un
turbocompresseur. Elle est également dotée
d'une injection, appelée "Computerized
Fuel Injection".
On pourrait penser qu'adoptant un compresseur,
Honda n'avait pas d'autre choix que d'utiliser
une injection comme système d'alimentation. Ce
serait oublier un peu vite que le compresseur a
existé bien avant l'injection et
l'électronique.
Une telle débauche de technologie ne suffira pas
à convaincre les acheteurs. A tel point que
lorsqu'on parle de "grande série", le
terme semble quelque peu exagéré !
Les possesseurs de telles machines s'en moquent
bien. Ils savent que cette moto aura sa revanche
... en collection.
(La moto ci-contre est
celle de l'inénarrable "Pierrot")
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- En 1983, B.M.W.
commence avec ses "flat-twin" dont la
conception remonte au début du siècle
(précédent, bien sur), à ressentir de plus en
plus les effets de la concurrence et songe à
proposer une nouvelle moto : Ce sera la série
des K100, puis K75 (en 1985). Quitte à changer, B.M.W. le
fera jusqu'au bout : 3 ou 4 cylindres en ligne
(mais toujours horizontaux) et surtout,
l'injection.
La clientèle de B.M.W., elle, est plutôt
atypique et fidèle. Une bonne partie
d'entre-elle passera sans transition de la moto
du marché ayant la conception la plus ancienne
à la plus moderne (ou presque).
Le pire, c'est que la plupart ne s'en sont même
pas rendus compte !
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- Depuis, quelques constructeurs ont
adopté ce type d'alimentation, comme Ducati,
Guzzi, Harley-Davidson et plus récemment Voxan.
Quant à l'américain Cannondale, il a été le
premier, en 1998, à en équiper une moto de
cross.
On ne manquera pas de remarquer que la plupart
des moteurs ainsi équipés sont des bicylindres.
Probablement pour des raisons de coût, mais
également d'encombrement.
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- Le cas du moteur de la Bimota
"500 V due" est particulier, puisque
l'équipe de ce petit constructeur italien a
décidé de concevoir un moteur deux temps au
moment où, pour des raisons de pollution, il a
totalement disparu du paysage motocycliste.
Pour contrecarrer ce problème, Bimota décide de
développer une injection directe dans lequel
l'essence n'est introduite dans le cylindre
qu'à partir du moment où les transferts sont
entièrement fermés. Ce qui demande une pression
énorme et un temps d'injection extrêmement
court.
Malheureusement, la moto s'avèrera bien trop
brutale à piloter et le constructeur sera
obligé de revenir en arrière en adoptant des
carburateurs.
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- Pour l'anecdote, Philippe Capaldi me fait remarquer, à juste
titre, que l'un des premiers - sinon le premier - deux temps à
injection (indirecte) est certainement le Vélo-Solex ( ©
Magnetti-Marelli : Merci Jean ;-)
Si vous avez un jour l'opportunité de démonter un de ces géniaux
engins, vous constaterez que le dispositif qui l'alimente en essence
ne possède pas de cuve : Il s'agit donc bien d'une injection.
Le fait que © Magnetti-Marelli ait racheté © Vélo-Solex n'est donc pas
le pur fruit du hasard.
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Technique :
Chacun sait qu'il existe plusieurs types
d'injection : directe ou indirecte, mécanique ou électronique.
Elles ont toutes des avantages et des inconvénients. Nous
essayons d'en énumérer ici, simplement, les caractéristiques
ainsi que les qualités et les défauts.
Injection Indirecte |
Injection Directe |
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- L'essence est pulvérisée dans la
tubulure d'admission, en amont de la soupape
d'admission (de la même manière qu'avec un
carburateur.
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- L'essence est pulvérisées
directement dans la chambre de combustion.
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- L'essence étant pulvérisée en dehors de la
chambre de combustion, ce système présente
encore des risques d'inflammation. Peut-être
encore plus qu'avec un carburateur. Mais
l'essence peut être injectée de manière
continue.
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- L'injection dans le cylindre ne peut s'effectuer
qu'en phase avec le cycle de fonctionnement du
moteur, (on ne peut injecter l'essence en phase
d'échappement) donc pendant un laps de temps
très court.
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- Le système se contente d'une
pompe à injection à basse pression. Mais
l'homogénéité du mélange est difficilement
réalisée. Plus difficilement que dans un
carburateur.
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- Le système nécessite une pompe
à injection à forte pression (il faut combattre
l'effet de la pression exercée dans le
cylindre), mais il existe des problèmes liés à
la température régnant dans la chambre de
combustion. On essaye de minimiser cet
inconvénient en plaçant l'injecteur sur la
paroi du cylindre, juste avant le point mort
haut.
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Injection Mécanique |
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Injection Electronique |
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Les
injections mécaniques fonctionnent grâce à des pompes
alternatives composées d'un piston à course constante,
commandé par une came. Lorsque le piston est poussé
dans son cylindre, l'essence est envoyée sous pression
dans l'injecteur. Elle nécessite
un piston distinct par cylindre. Ce qui entraîne une
complexité et un coût de fabrication importants et
proportionnel au nombre de cylindres. Plus grave encore,
son encombrement n'est pas négligeable.
Raison pour laquelle on ne verra pas, pendant longtemps,
ce genre de dispositif sur des motos de plus de deux
cylindres.
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C'est à
partir des années '70 que l'injection électronique a
commencé à supplanter l'injection mécanique.
Dans l'injection électronique, le temps d'injection est
déterminé par une sorte de vanne, commandée par un
micro électro-aimant, faisant partie de l'injecteur
lui-même.Au début, cet
injecteur était commandé par des capteurs détectant la
position de l'accélérateur, le régime du moteur,
l'allumage et, parfois, la pression dans la tubulure
d'admission.
Puis on a ajouté des capteurs de température de l'eau,
de l'huile, des gaz d'échappement, de pression
atmosphérique. Mais aussi de vitesse d'accélération
des roues motrices, pour en contrôler le patinage.
Tout ceci étant contrôlé par un processeur, contenant
un programme informatique. Si bien que quasiment plus
aucun mécanicien ne peut vous dire pourquoi votre moteur
ne fonctionne pas correctement ... en supposant que le
programme contrôlant tout cela ne possède pas de
"bug" !
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Conclusion (partielle et provisoire) :
Les dispositifs d'injection sont généralement
très coûteux. Pas forcément dépendants, d'ailleurs, du nombre
de cylindres dans le cas d'une injection électronique.
Par ailleurs, la transition carburateur /
injection n'est pas toujours évidente et n'engendre pas
systématiquement un gain de performances. Il n'est pas inutile
de rappeler, à ce sujet, qu'un constructeur du niveau de Ferrari
vit diminuer la puissance de ses moteurs lorsqu'il fût obligé d'y adapter
l'injection pour pouvoir continuer à exporter ses voitures aux
U.S.A. !
Raisons suffisantes pour que les fabricants de
motos ne se soient pas précipités sur cette solution.
Tant que les normes d'émission d'éléments toxiques resteront
moins exigeantes pour les motos que pour les voitures.
Ce qui, certainement, ne durera pas très
longtemps.
P.S2 : Effectivement : Tous les constructeurs y arrivent en raison des
nouvelles normes. Dans l'optique de la préservation de l'environnement, c'est
peut être une bonne chose (quoi que : Il faudra tout de même arriver à trouver
un moyen pour que nos vaches arrêtent de péter). Dans le domaine de la
mécanique, je réserve mon appréciation : Amenez votre voiture hyper-électronisée
à votre garagiste. Vous ne serez pas déçus du voyage : En cas de problème la
solution consiste, maintenant, à changer de véhicule.