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Gardasil® : prudence sur une vaccination de masse !

01/02/2008

Le Dr Bernard Guérin du Masgenêt est gynécologue à la maternité du centre hospitalier Gustave-Dron, à Tourcoing (Nord). Pour lui, il est beaucoup trop tôt pour généraliser à toutes les adolescentes la vaccination avec le Gardasil®. Les médecins ne disposent pas d’assez de recul sur les effets indésirables. De plus, ce vaccin ne protège pas à 100% : vaccinées ou pas, les femmes doivent continuer les frottis !

Faut-il vacciner avec le Gardasil® toutes les jeunes filles avant leurs premiers rapports sexuels ?
Dr Bernard Guérin du Masgenêt - Je suis toujours très méfiant - mais peut-être trop méfiant ! - à l'égard des nouveautés de l'industrie pharmaceutique, surtout quand des intérêts financiers énormes sont en jeu. On se souvient de la campagne de vaccination massive contre l'hépatite B et des inquiétudes vis-à-vis de la sclérose en plaques. La mise sur le marché du Gardasil® a étonné tout le monde par sa rapidité puis par l’ampleur de la pression médiatique sur les médecins et leurs clientes : on n'a pas eu le temps de souffler ni de réfléchir ! Cette promotion commerciale agressive est, pour moi, une source de gêne et de suspicion.

Sur le fond, on manque clairement de recul sur le Gardasil®. C’est probablement un bon produit et, très probablement, il n’est pas dangereux. Nous savons qu’il protège très bien contre des lésions précancéreuses liées à deux des papillomavirus retrouvés dans 70 à 80% des cancers du col. C’est très intéressant, mais comme justement nous n’avons pas assez de recul, nous ne disposons pas encore de la preuve que ce produit diminue l'incidence du cancer du col de l'utérus.

Concrètement, que dites-vous aux familles que vous recevez ?
Dr Bernard Guérin du Masgenêt - Chez les gynécologues, nous sommes assez nombreux à être embarrassés et réticents. En réponse aux mères qui sollicitent mon avis pour leurs filles, ma réaction est nuancée. Je commence par faire un petit rappel sur les marchands de médicaments, qui ne sont ni des philanthropes ni des bienfaiteurs de l’humanité. Ensuite, si c’est urgent ou si les premiers rapports sexuels viennent de commencer, je conseille la vaccination au vu de "l’absence d’effets indésirables graves connus". C’est la formulation de la revue indépendante "Prescrire". Mais s’il n’y a pas d’urgence, on peut attendre, privilégier le dialogue et la concertation entre les mères et les filles pour choisir le bon moment, et laisser un peu de temps au temps.

La vaccination de masse par le Gardasil® doit-elle être une priorité pour les pouvoirs publics ?
Dr Bernard Guérin du Masgenêt - Avec cette vaccination, la France est prête à dépenser une fortune pour un problème de santé publique qui n'existe pas ! J’exagère un petit peu, mais dans notre pays, le cancer invasif du col - le vrai cancer - est rare chez les femmes bénéficiant d'un suivi gynécologique et de frottis de dépistage réguliers. De plus, sans attendre le vaccin miracle, nous avons fait de très gros progrès dans ce domaine au cours des dix dernières années. La technique du frottis s’est beaucoup simplifiée, le prélèvement en milieu liquide rend l’analyse plus fiable et plus rapide. Et surtout, on est capable de repérer les femmes porteuses des papillomavirus dangereux, qu’il faut surveiller de très près jusqu’à élimination naturelle du virus, et les femmes non porteuses, pour lesquelles la surveillance pourrait être espacée.

A l’opposé, ce vaccin pourrait être très utile dans le tiers-monde, où les systèmes de soins ne permettent pas aux femmes d’avoir accès à une surveillance gynécologique régulière. Chez nous, dans l’idéal, il faudrait soit vacciner tout le monde pour éradiquer la maladie, soit perfectionner au maximum le dépistage pour traiter la maladie à son stade initial, encore bénin. En réalité, nous n’avons pas le choix, car le vaccin est intrinsèquement insuffisant et même ses promoteurs recommandent de poursuivre le dépistage chez tout le monde, même les femmes vaccinées. On peut donc craindre un progrès très marginal pour un coût très élevé - trois fois 145 euros par vaccination - entre le groupe des femmes bien dépistées et le groupe des femmes bien dépistées et vaccinées.

La campagne de publicité du Gardasil® est soutenue par les sociétés savantes de gynécologie. Sont-elles sous l'influence de l'industrie pharmaceutique ?
Dr Bernard Guérin du Masgenêt - Ce ne serait pas la première fois que des sociétés savantes de gynécologie, ou d’autres spécialités, donnent leur caution scientifique à des labos pharmaceutiques. L’indépendance, vis-à-vis des intérêts financiers ou autres, ne fait pas encore partie intégrante de notre culture médicale ! En ce qui me concerne, le Gardasil® m'a été présenté par un professeur en gynécologie, accompagné d'un représentant du laboratoire... avant un excellent repas offert dans un bon restaurant ! Je bas ma coulpe, mais je l’ai mangé, ce repas ! Tous les prescripteurs subissent d'importantes pressions de l'industrie pharmaceutique, qui finance et oriente une grande partie de la formation post-universitaire des médecins et qui rattrape les cancres par la demande d’une clientèle "éduquée" par la télévision. Au service de nos patients, il faut s’informer, écouter, douter et se méfier.

Propos recueillis par Ghislaine Trabacchi

Lire notre deuxième article intitulé "Seul le dépistage par le frottis est indispensable"

Cet article revient sur la campagne de publicité faite autour du Gardasil® qui joue sur la peur des femmes et la culpabilité. Il met en évidence que ce vaccin n'est pas une arme fatale contre le cancer du col de l'utérus.


Date de dernière mise à jour : 28/02/2008