Volume 9 Numéro 1

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hiver/printemps 1999

Table des matières

COMPTE RENDU DE LA RETRAITE DU CNERH

man_l.jpg (1385 bytes)e CNÉRH a organisé une retraite au mois de mars 1998 afin d’éduquer ses membres au sujet de certaines questions importantes en éthique soulevées au cours de la recherche dans les sciences humaines et les humanités, ainsi que dans certains autres domaines au nexus des sciences de la santé et humaines. La qualité des présentations a été telle que nous l’avons jugé important de les partager avec nos lecteurs.

SÉANCE INAUGURALE

Présidente : Dre Janet Storch
Vice-présidente du CNÉRH
Directrice, École des sciences infirmières, University of Victoria

Le Dr Henry Dinsdale, président du CNÉRH, a accueilli les participants à la retraite, et a offert une brève introduction. Il a ensuite présenté le Dr Paul Bernard, qui a donné la présentation qui suit.

DISCOURS D’OUVERTURE

Dr Paul Bernard
Professeur de sociologie à l’Université de Montréal

Domaines d’intérêt : recherche et enseignement concernant l’inégalité en milieu de travail, l’inéquité sociale, la méthodologie et l’épistémologie.

Bien chers collègues,

La récente adoption de l’Énoncé de Politique des Trois Conseils sur l’éthiquel a engendré un certain nombre de défis et a ouvert de nouveaux horizons. À titre de membre du Conseil de recherches en sciences humaines, j’aimerais parler des rôles que les chercheurs seront appelés à jouer à la lumière de cet Énoncé et de la façon dont celui-ci sera mis en œuvre. Par ailleurs, en ma qualité de sociologue, j’aimerais aider ceux d’entre vous qui connaissent peut-être moins bien nos disciplines à mieux comprendre nos pratiques. J’aborderai trois grandes questions dans mon exposé.

  1. Comment le souci de l’éthique en science se définit-il au juste et comment est-il intégré à l’Énoncé de politique qui nous occupe ici?

  2. Quels défis la mise en application de l’Énoncé de politique présente-t-elle et à quels genres de problèmes risquons-nous de nous heurter dans le processus d’évaluation éthique?

  3. Dans quelle mesure l’application de cet Énoncé de politique peut-elle aider à améliorer non seulement les normes d’éthique, mais aussi la recherche même?

Le souci de l’éthique en science

Nous savons tous que la science n’a rien de simple, non seulement en raison de sa dynamique interne — en science, la complexité et l’incertitude reculent sans cesse mais elles sont toujours présentes —, mais aussi parce qu’elle est pratiquée dans le contexte d’une grande société où des forces politiques et économiques sont à l’œuvre. La curiosité elle-même peut conduire la science vers des pratiques qui soulèvent des questions d’éthique, mais les enjeux prennent des proportions encore plus grandes quand les processus politiques et économiques façonnant l’activité scientifique menacent de la mener dans des directions risquant de compromettre les normes d’éthique et la pratique même de la science. C’est pourquoi il importe d’énoncer et d’appliquer des lignes directrices en matière d’éthique.

Pour ce faire, il suffirait simplement, semble-t-il, d’adopter une loi. Après tout, nous vivons dans une société où les droits et les devoirs sont fermement définis dans la loi. Un certain nombre d’autres sociétés ont opté pour cette solution, mais elle s’est avérée lourde, non seulement en raison des mécanismes de mise en application, mais aussi à cause des régimes qu’il faut utiliser pour adapter la loi à une activité scientifique en constante mutation.

D’une façon plus générale, les rapports entre la science et l’État et, quant à cela, entre la science et l’économie, ont toujours été très délicats. Chacun de ces trois éléments a sa logique propre, et l’incompatibilité existant entre eux risque d’être très néfaste, comme le vécu d’autres sociétés tend à le montrer. C’est pourquoi les trois conseils subventionnaires fédéraux du Canada ont emprunté une autre voie : ils ont décidé d’adopter un énoncé de politique commun qui permettrait aux milieux scientifiques de réglementer eux-mêmes leur conduite en matière d’éthique, et à éviter que l’imposition d’une loi par l’État ne soit nécessaire. Ce régime devrait nous procurer la souplesse voulue pour adapter constamment la recherche aux normes d’éthique et les normes éthiques, à l’évolution de nos pratiques scientifiques.

Pourtant, cela soulève une question troublante : si nous adoptons un énoncé de politique pour nous épargner l’imposition d’une loi lourde, nous pourrions être tentés de voir dans cet énoncé une sorte de document législatif interne rédigé par les milieux scientifiques eux-mêmes. Devons-nous adopter une telle position? Face à l’Énoncé de politique, devons-nous mettre l’accent sur les mécanismes de mise en application d’un jeu très précis de règles, plus ou moins comme le feraien les tribunauxt? Je ne le pense pas : en effet, nous reproduirions ainsi à l’interne ce que l’on aurait pu nous imposer de l’extérieur. Au contraire, nous devons sensibiliser les milieux scientifiques aux normes d’éthique et insister pour inviter les « citoyens de la république scientifique » à saisir l’occasion et en fait, à devenir les auteurs actifs de normes d’éthique adaptées à l’évolution de leurs pratiques.

De plus, nous devons encourager un dialogue dynamique sur ces normes d’éthique, afin que les questions et leurs solutions provisoires soient portées à l’attention générale de la collectivité scientifique et qu’elles deviennent un élément intégral de son activité. Pour cela, il est essentiel que, d’emblée, l’Énoncé de politique et son mécanisme de mise en œuvre soient très pratiques et fondés sur des principes solides. En fait, l’expérience montre que les méthodes peu pratiques ne sont en général pas suivies. Mais les choses vont bien au-delà du côté peu pratique. Si nous n’arrivons pas à concevoir des procédés pratiques de mise en œuvre, la création et la discussion continues que je réclame n’auront pas lieu. Nous devons parvenir à discuter des questions d’éthique relatives aux méthodes de recherche de façons qui n’entravent pas les pratiques légitimes des chercheurs; nous pourrions aussi nous demander comment la réflexion éthique et le dialogue peuvent améliorer la recherche : c’est là un point que j’aborde dans la dernière partie de mon exposé.

Mise en œuvre du processus d’examen éthique : les défis

Nous sommes essentiellement confrontés à choisir un juste milieu entre la sensibilisation et le contrôle. L’éducation et dialogue sont bien sûr la solution idéale. Si nous réussissions à convaincre tous les chercheurs qu’il importe d’appliquer des normes d’éthique, à les tenir à jour sur celles qui sont en vigueur, aucun contrôle ne s’imposerait. Mais bien entendu, rien de tel n’est probable, et la surveillance demeure nécessaire lorsque les efforts de sensibilisation échouent.

Chose certaine, la relation entre le dialogue et le contrôle est fort complexe. Comme je viens de le mentionner, le premier réduit la nécessité du second. D’un autre côté, le contrôle fait essentiellement partie d’une stratégie de sensibilisation. En cas d’abus, justice doit être faite et être perçue comme telle. De plus, et c’est là un aspect primordial, le contrôle risque d’entraver le dialogue, car la crainte de sanctions peut gêner la circulation des informations, laquelle de toute évidence fait partie intégrante du dialogue sur les questions d’éthique.

Je n’ai aucune solution générale à proposer pour trouver ce juste équilibre entre sensibilisation et contrôle. En fait, je soupçonne qu’il n’en existe pas : il faut trouver les réponses à mesure que les questions se posent et que les collectivités et les institutions évoluent. Toutefois, je peux essayer de jeter un peu plus de lumière sur la façon d’en arriver à un juste milieu, en décrivant les différents genres de personnes et de points de vue auxquels les comités d’éthique de la recherche seront sans doute confrontés. J’ai élaboré une typologie à douze éléments qui n’est peut-être pas exhaustive mais qui nous permet au moins de cerner les problèmes risquant de se manifester pendant l’examen éthique. Certains de ces derniers sont de nature purement éthique; certains se rapportent à la compétence des intervenants, et d’autres, aux manœuvres intéressées de ceux-ci.

Les trois premiers types concernent l’éthique même. Appartiennent au premier les tricheurs classiques, c’est-à-dire les chercheurs qui violent consciemment les normes d’éthique. Il n’y en a peut-être pas beaucoup, étant donné que la plupart des gens tendent à dissimuler, même à leur propre conscience, les motifs intéressés de leurs diverses activités. Dans le cas de ces personnes, le contrôle s’impose, et les efforts de sensibilisation seraient probablement déployés en vain, à tout le moins auprès des délinquants mêmes.

Le deuxième type est celui du chercheur minimaliste qui se fait tirer l’oreille et qui se conforme aux règles, au sens rigoriste du terme, mais qui se garde bien de réfléchir aux questions éthiques subtiles ou nouvelles. Ce chercheur ira même jusqu’à attendre des autres — et en particulier du comité d’éthique de la recherche — qu’ils adoptent la même attitude que lui. Les minimalistes perçoivent l’Énoncé de politique comme un code dont il importe de définir soigneusement la portée.

J’utilise le terme vengeur pour baptiser le troisième type. Il s’agit d’un chercheur qui est en conflit d’intérêts pendant l’examen éthique. Par exemple, il peut très bien accuser un collègue de ne pas se conformer à certains des principes formulés dans l’Énoncé de politique, mais il le fait uniquement parce qu’il souhaite entraver ou miner la recherche de ce collègue et se venger pour une raison quelconque. Je le décris aussi comme étant un cheval de Troie : en effet, on risque de penser à première vue que sa coopération avec le CÉR est motivée par des considérations purement éthiques.

Les quatre prochains types sont définis en fonction de la compétence soit dans le contexte de l’éthique, soit dans celui de la recherche même. Le quatrième type, c’est l’inconscient, c’est-à-dire le chercheur qui ne tient pas compte de l’Énoncé de politique dans ses travaux ou qui passe outre à certains de ses aspects. Les efforts de sensibilisation n’ont pas été utiles à ces chercheurs, surtout en raison de leur propre négligence ou de l’insuffisance des programmes d’éducation.

Le cinquième type est celui du simpliste, une catégorie atténuée du type précédent. Le chercheur de ce genre connaît en gros les principes d’éthique, mais il n’a pas assez réfléchi aux diverses questions déontologiques découlant de ses travaux ou de ceux qu’il est chargé d’examiner. Dans le cas des quatrième et cinquième types de chercheurs, il faut accroître les efforts de sensibilisation.

Les ignorants composent le sixième groupe. Ce sont les membres des comités d’éthique de la recherche, voire parfois les chercheurs mêmes, qui n’en savent pas assez sur la recherche proprement dite ni sur sa complexité : ils sont incapables de repérer les principes d’éthique propres à un domaine donné ni d’évaluer les risques du projet, ni même de situer les questions et les risques dans le contexte des normes universitaires.

Le septième type est le pendant plus circonscrit du type précédent : c’est le mal informé. C’est le chercheur ou le membre du comité d’éthique de la recherche qui n’en sait pas assez sur un protocole ou un domaine de recherche donné pour pouvoir cerner les questions d’éthique qui s’y posent ou pour les situer dans le contexte approprié. Dans ces deux derniers cas aussi, l’intensification des efforts de sensibilisation représente la démarche rectificatrice privilégiée, à condition que les intéressés soient aptes et disposés à apprendre.

Il existe cinq types de manœuvres politiciennes intéressées qui nuisent aux enjeux de l’examen éthique. Le nom que je donne au huitième type est l’obstructionniste. Il s’agit de ceux qui nient l’existence des considérations éthiques, à tout le moins dans le domaine des sciences sociales, ou qui pensent qu’il n’y a pas lieu d’en faire cas avant le processus de recherche, mais seulement en dernier lieu : au moment où se fait l’évaluation des résultats de la recherche. Bien sûr, le problème tient ici au fait que les torts risquent alors d’avoir déjà été causés.

En neuvième lieu, nous avons le zélé qui interprète l’Énoncé de politique à la lettre et qui en applique les dispositions les plus strictes dans un contexte impropre.

Et puis il y a les défenseurs de la vie privée, pour qui la recherche est un privilège et qui refusent par conséquent d’y voir une activité légitime dont il faut soupeser les exigences en tenant compte judicieusement des besoins inhérents à la protection des renseignements personnels.

Le onzième type est celui des alliés anxieux. Ce sont les chercheurs et les membres des comités d’éthique de la recherche pour qui l’Énoncé de politique n’est pas assez noble et qui s’imposent (à eux-mêmes et à d’autres) des normes plus élevées. Ces derniers se préoccupent de promouvoir une plus grande sensibilisation à l’éthique et ils nous invitent activement, et à bon droit, à réfléchir davantage à nos méthodes de recherche. Pourtant, ce sont des alliés anxieux, car leur quête de normes supérieures risque de compliquer et de rendre peu pratiques les efforts de mise en application déployés par les comités d’éthique de la recherche—en fait, dans certaines circonstances, elle peut compromettre tout le projet en mettant toujours en évidence de nouvelles lacunes. Comme le dit le proverbe, « le mieux est l’ennemi du bien ».

Et, en dernier lieu, il y a les militants politiques. Ce sont des personnes qui ont épousé une cause politique, au sens large du terme, et qui n’envisagent la recherche et l’éthique qu’à la lumière des incidences qu’elles ont sur la cause en question. Bien sûr, pareille attitude peut être bénéfique à certains groupes désavantagés ou marginalisés, mais elle risque aussi de nuire en supplantant l’éthique en tant que pilier de l’examen éthique.

Comme je l’ai mentionné plus haut, cette typologie n’est sans doute pas exhaustive, et les divers types ne s’excluent certainement pas mutuellement. Pourtant, en prenant conscience de leur existence, les comités d’éthique de la recherche, dans nos universités et nos établissements, pourront mieux trouver le juste milieu entre le contrôle nécessaire et un dialogue soutenu. Maintenant que nous avons examiné les défis et les problèmes que comporte la mise en œuvre de l’Énoncé de politique des trois Conseils sur l’éthique, penchons-nous sur certains des horizons qu’il ouvre.

Améliorer la recherche grâce à l’examen éthique

L’application de l’Enoncé de politique nécessitera bien sûr des ressources assez importantes, bien qu’essentiellement invisibles. Le processus d’examen exigera surtout une quantité considérable de temps et d’énergie de la part du corps enseignant et des chercheurs; en d’autres mots, ils auront moins de temps à consacrer à la recherche même. Par conséquent, pour que les chercheurs intègrent toujours la réflexion éthique à leur cheminement, nous devrons songer à des façons non seulement de rendre pratique l’examen éthique, mais aussi de faire contribuer la pensée et l’examen éthiques à l’enrichissement de la recherche en tant que telle.

Deux modus operandi me viennent à l’esprit à cet égard. Tout d’abord, rappelons-nous qu’il s’agit d’un Énoncé de politique des Trois Conseils. Cela signifie qu’il devra y avoir une intervention conjointe plus grande non seulement de la part des conseils mêmes, mais aussi des chercheurs universitaires pratiquant leur profession dans les domaines des sciences naturelles et du génie, des sciences médicales et des sciences sociales; ils devront tous collaborer à la mise en pratique des principes formulés dans l’Énoncé de politique. En d’autres mots, l’Énoncé de politique et sa mise en œuvre peuvent favoriser le dialogue et la coopération interdisciplinaires, ce que les chercheurs et les utilisateurs des résultats de la recherche considèrent de plus en plus comme étant une attitude supérieure à adopter pour pratiquer la science.

De toute évidence, la spécialisation procure d’importantes récompenses dans le cadre de la découverte, mais, constatation déconcertante, les idées tendent à surgir dans l’esprit des gens depuis des sources insoupçonnées. De grandes découvertes ont souvent lieu tandis que vous essayez d’expliquer à un néophyte doué ou à un collègue non spécialiste de votre discipline (ou sous-discipline) ce que vous tentez de faire et pourquoi. Pareil dialogue peut vous sensibiliser davantage aux raisons pour lesquelles vous faites les choses d’une certaine façon, et ce néophyte ou ce collègue peuvent aussi vous montrer d’autres façons de procéder pour trouver la vérité : en un mot, ils vous aident à développer une pensée parallèle.

Ainsi, l’Énoncé de Politique des Trois Conseils aura pour conséquence pratique de rapprocher les chercheurs de diverses disciplines et de différents domaines du savoir. Il offre à chacun l’occasion de nouer des liens transcendant les frontières des disciplines, d’en apprendre davantage sur les pratiques d’autres scientifiques et d’améliorer ses propres méthodes de recherche.

En second lieu, et c’est sans doute là un aspect encore plus important, l’adoption de l’Énoncé de politique nous aidera à préciser et à redéfinir notre notion de participant à la recherche. Au lieu de considérer le participant comme un simple sujet, nous devrons nous sensibiliser davantage aux effets de nos recherches sur lui et sur son milieu social. Nous devrons encourager les participants et leurs groupes d’appartenance à nous en dire plus sur les milieux sociaux où nous les rencontrons. Ainsi, nous percevrons mieux les participants et nous comprendrons plus clairement toutes les dimensions de leur vie. Celles-ci influent les unes sur les autres de façons complexes et elles déterminent grandement les résultats de la recherche qui, en bout de ligne, sont ce qui nous intéresse.

Autrement dit, nous parviendrons à un meilleur équilibre entre l’approche externaliste et souvent quantitative de la recherche et une vision plus expérientielle et qualitative concernée par la personne entière, au sens que John Ralston Saul donne à cette dernière notion. Les sciences humaines cessent peu à peu d’envisager les politiques et les programmes à la lumière d’une solution miracle; elles peuvent sans doute aider le génie ainsi que les sciences naturelles et médicales à adopter une vision plus large de leurs réalisations technologiques et thérapeutiques, respectivement.

Conclusion

J’espère avoir clairement fait valoir que l’examen éthique doit être un processus très dynamique qui amène les chercheurs à réfléchir aux dimensions éthiques de leur activité. Certes, il y aura des débats difficiles auxquels participeront divers genres de personnes et qui porteront sur les questions qui se poseront probablement aux comités d’éthique de la recherche quand ils tenteront de trouver un équilibre entre contrôle et dialogue. Cependant, si les efforts de mise en œuvre sont déployés judicieusement, ils favoriseront une intensification du dialogue entre les disciplines et l’attribution d’un rôle plus actif aux participants à la recherche; ces deux résultats devraient entraîner l’amélioration non seulement de l’éthique, mais aussi de la recherche même.

Au fil du temps, les efforts des comités d’éthique de la recherche devraient constamment être pris en compte dans la révision continue de l’Énoncé de politique. Laissé tel quel, ce document finira par se pétrifier, ne serait-ce que parce qu’il résulte d’un compromis entre de grandes institutions et qu’il ne sera donc pas facile de le modifier après son adoption. Pourtant, le changement est essentiel à la réflexion éthique. Cela est vrai non seulement parce que nos méthodes de recherche évoluent et appellent de nouvelles solutions, mais aussi parce que la réflexion éthique en soi, même celle qui porte sur de vieux problèmes, continue de susciter de nouvelles questions et de nouvelles réponses. Il importe d’intégrer ces dernières à un Énoncé de politique amélioré. Atteindrons-nous cet objectif? Cela dépendra dans une large mesure de la question de savoir si les comités d’éthique de la recherche adopteront une attitude proactive face à l’éthique de la recherche et s’ils réussiront à faire participer un nombre important de chercheurs à un dialogue ouvert sur les aspects éthiques de la recherche.

Merci beaucoup.

Nouveaux défis pour le processus d’examen éthique : Perspectives disciplinaires

Sous la présidence du Dr John Foerster, Comité exécutif du CNÉRH

Département de médecine, Université du Manitoba, directeur de la recherche à l’Institut de recherches de l’hôpital de Saint-Boniface.

Le Dr Foerster, dont les intérêts cliniques sont en hématologie et en oncologie, souhaite tout d’abord la bienvenue à tous les participants et à toutes les participantes à la séance sur les nouveaux défis pour le processus d’examen éthique. Il attire l’attention sur l’excellent exposé préliminaire que le professeur P. Bernard a fait en vue de la fin de semaine de réflexion et fait remarquer que parmi tous les nouveaux défis positifs découlant du nouvel Énoncé de Politique des Trois Conseils, l’intégration complète de l’éthique dans la recherche semble être le point le plus impératif. Ce que cela signifie, en partie, c’est que nous devons cesser de considérer l’éthique comme tout simplement une autre formalité nécessaire pour obtenir des subventions de recherche.

Le meilleur code d’éthique, lorsqu’on le considère uniquement comme un accessoire, peut ne pas prévenir les actes les plus déshumanisants. Les expériences menées sous le régime nazi, par des chercheurs brillants et parfois de grande renommée, sont d’ailleurs un exemple frappant de cet effet pernicieux d’un processus de recherche compartimenté, d’autant plus que ces chercheurs recevaient leurs autorisations d’un pays (l’Allemagne) réputé à l’époque pour avoir le meilleur code d’éthique au monde. Ces atrocités, qui ont été graduellement étalées au grand jour, auraient pu être évitées si le code d’éthique avait été enseigné dans les universités allemandes et s’il avait été en plus intégré à la vie des médecins, des universitaires et des chercheurs.

L’enseignement des principes incorporés dans l’Énoncé de Politique des Trois Conseils et la promotion de l’intégration de l’éthique dans la recherche constitue maintenant le mandat le plus important du CNÉRH. Cependant, cette formidable entreprise nécessitera la prestation d’une plus grande formation aux membres du Conseil étant donné qu’on estimait que le Conseil dans son ensemble possédait une connaissance incomplète des préoccupations et des défis de nos collègues des sciences humaines et sociales. La première séance sur les défis sur le plan de l’éthique en ce qui concerne la recherche chez l’humain dans les domaines de la psychologie (Dre Daphne Maurer, McMaster University, de l’anthropologie (Dre Dorothy Counts, University of Waterloo) et de l’histoire (Dr Chris Armstrong, YorkUniversity) peut servir d’exercice de familiarisation.


Dre Daphne Maurer
Professeure de psychologie, McMaster University. Domaine d’intérêt : psychologie génétique, en particulier le développement de la perception visuelle chez les enfants; auteure de The World of the Newborn.

L’exposé de la Dre Maurer vise à attirer l’attention sur les questions d’éthique reliées à la recherche dans le domaine de la psychologie. Elle aborde son sujet en se fondant sur sa propre expérience de recherche, c’est-à-dire du point de vue d’une chercheure dynamique qui est une novice pour ce qui est de l’éthique de la recherche. Son exposé porte principalement sur les points suivants :

  • l’utilisation de bassins de sujets en tant qu’exigence de recherche dans le cadre d’un cours;

  • le recours à la duperie — le point crucial étant la mesure des avantages ainsi que le risque de conséquences néfastes pour ce qui est de la recherche en psychologie.

1) Bassins de sujets

Il est courant pour les chercheurs en psychologie de recruter leurs sujets parmi les étudiants et les étudiantes en psychologie. Il est fort probable qu’on demandera à un étudiant ou à une étudiante qui s’inscrit à un cours de psychologie de devenir un sujet de recherche, ce qui lui vaudrait des crédits ou des points bonis. Le raisonnement à la base de ce processus de recrutement est que la personne qui prend part à une recherche scientifique en retirera une compréhension complète de ce qui est véritablement en jeu dans la recherche en psychologie.

Dre Maurer cite l’University of Toronto comme exemple de ce processus de recrutement. Dans le but de s’assurer que chaque étudiant qui participe à une recherche en retire une expérience valable, l’Université a mis sur pied une procédure d’administration complexe. L’objectif est que les participants comme les chercheurs en retirent leur juste part d’avantages. Selon les résultats d’enquêtes menées, la meilleure façon d’assurer une participation importante est de la rendre obligatoire. D’ailleurs, une participation élevée a deux avantages, à savoir une plus grande représentation et la possibilité pour les chercheurs — qui sont pour la plupart des candidats au doctorat ou des étudiants du premier cycle au niveau du baccalauréat spécialisé — de réaliser leur travail dans la période de temps qui leur est habituellement allouée. Le facteur économique semble évident : les chercheurs en retirent un maximum d’avantages complémentaires en retour d’un investissement pécuniaire minimal. Par conséquent, il reste plus d’argent aux conseils subventionnaires pour financer les chercheurs œuvrant dans le domaine de la psychologie qui ne s’occupent pas des sujets humains et qui doivent acheter les animaux nécessaires à leurs expériences.

Les participants soulèvent trois grandes préoccupations : ils sont inquiets de la disponibilité d’expériences parmi lesquelles ils pourront choisir; des conditions d’admission; ainsi que du facteur de coercition. Les chercheurs qui œuvrent dans le domaine de la psychologie ont tendance à minimiser le facteur de coercition étant donné que le choix de l’expérience est toujours laissé aux soins des étudiants et qu’il y a un grand nombre d’options. En outre, les chercheurs soutiennent que puisque les étudiants acquièrent des connaissances importantes, ce n’est pas comme s’ils ne retiraient absolument rien du temps et des efforts qu’ils consacrent en tant que participants à ces expériences. En ce qui concerne la liberté de choix des étudiants, Dre Maurer indique que cette liberté est parfois purement rhétorique du fait que le choix se fonde habituellement sur des renseignements insuffisants ou incomplets affichés sur des babillards. Toutefois, si l’on fait exception des quelques plaintes reçues par les divers départements, rien n’indique que les étudiants s’estiment en réalité contraints à participer à ces expériences. Bien au contraire, les enquêtes réalisées ont tendance à démontrer qu’en conséquence de leur participation à diverses expériences, les étudiants estiment de façon générale avoir acquis une plus grande compréhension de la recherche scientifique et sont satisfaits de la valeur pédagogique de cette recherche. Ainsi, les bassins de sujets semblent bien servir deux clientèles interdépendantes, c’est-à-dire les chercheurs et les étudiants. Cependant, Dre Maurer prévient que ce n’est pas toujours le cas.

Pour s’assurer que les deux groupes en retirent des avantages, Dre Maurer fait cinq suggestions :

  • la procédure mise en place relativement à un bassin de sujets dans un département de psychologie donné devrait faire l’objet d’une évaluation approfondie par quelqu’un de l’extérieur, c’est-à-dire un CER impartial. [Cela peut sembler assez évident, mais selon Dre Maurer, ce ne sont pas tous les départements de psychologie des universités canadiennes qui ont recours à une évaluation impartiale étant donné que ce processus est principalement réalisé à l’interne]

  • le bassin de sujets devrait relever d’un membre du corps professoral. [par opposition à un membre du personnel de soutien, comme c’est parfois le cas]

  • le formulaire de compte-rendu (debriefing) devrait être approuvé à l’avance.

  • les efforts que doivent déployer les participants à la recherche devraient à tout le moins être compensés en proportion de la valeur pédagogique de leur participation. [Dre Maurer cite d’ailleurs en exemple le modèle du cheminement témoin de l’Université de Toronto]

  • on devrait recueillir des données quant à la perception qu’ont les participants du ratio efforts/avantages.

2) Duperie

La duperie est une autre question d’éthique particulièrement associée à la recherche dans le domaine de la psychologie sociale. Elle est problématique dans la mesure où on l’a considérée comme faisant nécessairement partie de la méthodologie depuis les années 50 alors que les psychologues ont commencé à reconnaître son incidence considérable sur l’étude scientifique du comportement. Le recours à la duperie a non seulement permis l’observation et la mesure du comportement dans un environnement contrôlé, elle a également neutralisé de façon efficace toute tentative de la part des sujets d’avoir un comportement qu’ils supposaient être une rétroaction «correcte» aux stimulus perçus. Dans le but d’obtenir une réponse aussi naturelle que possible, on induisait méthodiquement en erreur les sujets quant à l’objet réel de l’expérience.

Cette démarche visant à tromper les sujets est désignée par l’expression « duperie ». Selon Dre Maurer, cette duperie a d’ailleurs une signification double : omission et commission. L’omission se produit lorsque le chercheur cache délibérément au sujet des renseignements qui sont reliés à l’expérience. Cette forme de duperie est considérée comme étant bénigne. Cependant, il y a des cas où l’omission peut être plus grave. Par exemple, il y a omission grave lorsqu’on dit aux sujets qu’on leur donne une boisson alcoolisée mais qu’on leur cache les effets secondaires et, ce qui est encore plus grave, l’objet réel de l’expérience, qui est d’examiner leurs réactions à ces effets secondaires. La commission se produit lorsqu’on trompe délibérément le sujet dans le but d’isoler correctement la variable déterminée au préalable. À cette fin, le chercheur peut mentir quant à l’objet de l’expérience ou donner de faux renseignements.

Il y a des omissions qui sont encore plus inquiétantes, précise Dre Maurer. Prenez par exemple le point repère en psychologie sociale communément appelé l’« expérience de Milgram ». Cette expérience particulièrement mensongère a été mise au point au début des années 60 pour évaluer la relation entre la soumission à l’autorité et la capacité chez les humains de blesser d’autres personnes sur commande. On disait aux sujets, recrutés au moyen d’annonces parues dans les journaux, que l’expérience était conçue pour mesurer l’incidence du recours à des punitions sur l’apprentissage. Ce que les sujets ne savaient pas, c’est que l’expérience était prédéterminée de sorte qu’ils détenaient toujours le poste d’« enseignants » tandis qu’un complice, comptable de 47 ans, détenait toujours le poste d’« élève ». Cette personne avait déjà été informée sur ce à quoi elle devait s’attendre et elle avait reçu une certaine formation à l’égard de ce rôle important. L’« enseignant » avait eu la consigne d’enseigner à l’élève en lui infligeant des « chocs électriques » de plus en plus forts à chaque mauvaise réponse. On avait dit aux sujets que les « chocs », quoique extrêmement douloureux, ne causeraient aucun dommage aux tissus. On avait donc trompé les sujets sur les points suivants :

  • la ‘victime’ ne recevait pas en réalité des chocs;

  • la ‘victime’ était en réalité un complice;

  • les sujets pouvaient en réalité cesser en tout temps [ce qui n’était pas véritablement le cas étant donné que la personne chargée de l’expérience donnait des consignes précises de poursuivre malgré l’hésitation des sujets et, par conséquent, ne laissait pas aux sujets la possibilité d’arrêter].

Il ne fait pas l’ombre d’un doute que ce genre de méthode soulève d’importantes questions d’éthique tel le respect des personnes et de leur droit de faire des choix volontaires lorsqu’ils participent à des expériences. Quand un choix se fonde sur des allégations mensongères, on ne peut pas dire qu’il est volontaire. Un autre aspect de l’éthique que soulève le recours à la duperie est la rupture du lien de confiance entre le chercheur et le sujet. Bien que le recours à la duperie soit très répandu chez les psychologues et qu’il semble n’y avoir aucune indication qu’on cessera cette pratique, ce ne sont pas tous les psychologues qui y souscrivent nécessairement dans toutes les situations. Toutefois, tous semblent convenir que c’est justifié uniquement :

  • s’il n’y a aucune autre façon d’obtenir les renseignements recherchés;

  • si les avantages de la recherche l’emportent de beaucoup sur le danger éventuel;

  • si les sujets ont l’option de se retirer en tout temps au cours d’une expérience et sont renseignés à cet effet;

  • si un tort est causé, il est temporaire;

  • si les sujets obtiendront un compte-rendu (debriefing);

  • si la procédure utilisée est ouverte à un examen public;

  • s’il n’y a aucun secret qui entoure ce qui est fait;

  • si l’expérience faisait la manchette du journal du lendemain, le chercheur n’en serait pas embarrassé.

Le principal argument avancé par les chercheurs qui n’ont aucune réticence à recourir aux duperies les plus graves est la liberté académique. Ils soutiennent que la duperie est un élément nécessaire de la recherche en psychologie, et que dans la mesure où le risque de causer un dommage est minimal, il n’y a aucune violation des droits de la personne. Cependant, toute interférence avec leur recherche constituerait une violation de leur liberté académique étant donné qu’on les empêcherait de produire de nouvelles connaissances.

Quant aux chercheurs qui estiment que la duperie n’est pas requise en raison de la nature de leur recherche, on retrouve toutes les attitudes, depuis la volonté de toujours protéger la primauté du professionnalisme jusqu’à la condamnation pure et simple. Dre Maurer estime qu’il semble y avoir une préoccupation quant à la qualité du rapport entre la communauté scientifique et la société dans son ensemble. Mais qu’arriverait-il si on recourait à la simulation ou au jeu de rôle au lieu de la duperie? Les partisans de la duperie prétendent que même s’il semble que l’on obtient la même réaction que dans la réalité, il y a néanmoins une différence entre la simulation et la réalité, et c’est la dernière que nous cherchons à comprendre. Dre Maurer constate qu’un intervenant qu’il vaudrait la peine d’entendre, mais qui est absent du débat polarisé, c’est le complice. Que ressent une personne lorsqu’elle joue un rôle pré-déterminé? Un des articles remis aux participants à notre fin de semaine de réflexion est passablement remarquable en ce sens qu’il met en évidence la difficulté de jouer un rôle.

Un autre point de vue qui est généralement absent du débat, est celui des participants dupés. Dans le cadre d’une étude de suivi de l’expérience de Milgram, on a demandé aux participants de répondre à un questionnaire, et les résultats indiquent que les sujets étaient dans une grande majorité contents d’avoir participé à l’expérience. Cette perspective positive a incité Dre Maurer à soupçonner que leurs réponses peuvent avoir été influencées par le résumé de cinq pages qui leur avait été remis avant qu’ils répondent au questionnaire, et qui mettait l’accent sur les importantes connaissances que l’expérience avait permis d’acquérir.

Dans une version différente de l’expérience de Milgram, on donnait aux sujets soit une boisson alcoolisée, soit un placebo. La variable isolée était l’effet de l’alcool sur le comportement agressif et le consentement à infliger des chocs. On a d’abord trompé les sujets en leur disant que:

1°) l’étude portait sur l’effet de l’alcool sur la perception de la douleur;

2°) qu’ils recevaient tous une boisson alcoolisée alors qu’en réalité quelques-uns d’entre eux avaient reçu un placebo; et

3°) que la victime présumée recevait de vrais chocs électriques.

Les résultats d’un questionnaire de suivi retourné par 57 participants indiquaient ce qui suit :

  • seulement 3 des 57 sujets n’étaient pas à l’aise à l’idée de la duperie, seulement 4 n’étaient pas à l’aise à l’idée d’avoir à infliger des chocs, et les 7 ont dit que ce sentiment n’a pas duré longtemps (moins d’une heure);

  • trois ont trouvé l’expérience ennuyante;

  • 5 sujets ont indiqué qu’ils n’étaient pas à l’aise à l’idée de devoir consommer une boisson alcoolisée (quoique d’entre eux avaient reçu le placebo) et ce malaise a duré beaucoup plus longtemps que celui ressenti par les personnes gênées par la duperie, l’application de chocs ou l’ennui (en moyenne, 20 heures).

Toute l’histoire au sujet de la façon dont les gens perçoivent la duperie a été complétée par la réaction de tiers à un compte rendu de l’expérience de Milgram. En fait, un chercheur a choisi au hasard des gens dans les rues de Chicago et, en fonction de critères de sélection déterminés de façon méthodique, leur a soumis différents comptes rendus de l’expérience de Milgram, comptes rendus réels et/ou exagérés. On leur demandait alors ce qu’ils pensaient de cette expérience, si on devrait permettre à un chercheur de mener une telle expérience, si de telles expériences devraient être financées par le gouvernement fédéral, et dans quelle mesure ces expériences avaient de la valeur, etc. Il est intéressant de constater que les réponses étaient en réalité influencées par les constatations de l’expérience (p. ex., qu’on peut amener un sujet à donner des chocs forts), et non par l’implication possible de la duperie.

Le point de vue des participants au sujet de la duperie a probablement rapport à la qualité du debriefing que l’on donne après l’expérience. Nous n’en savons pas beaucoup au sujet du debriefing, mais nous savons que pour être efficace, il doit :

  • être fait de personne à personne;

  • accorder le temps nécessaire pour expliquer tout à fait l’objet de l’expérience et son recours nécessaire à la duperie;

  • inviter les sujets à interpréter de nouveau les événements passés en fonction des nouveaux renseignements fournis;

  • aider à rétablir le rapport de confiance entre le sujet et le chercheur;

  • permettre de présenter des excuses pour avoir trompé le sujet;

  • soulager toutes les inquiétudes au sujet des résultats de l’expérience qui peuvent avoir une incidence sur la vie du sujet (p. ex., se faire dire que vous avez des tendances homosexuelles);

  • mettre l’accent sur le caractère confidentiel de l’expérience.

Il y a très peu de recherche sur l’efficacité du compte-rendu (debriefing). Une étude a comparé l’effet sur des sujets qui avaient administré la « rétroaction » à l’« apprenant » sous forme de bruit (au lieu du choc électrique) au niveau qu’ils ont choisi eux-mêmes (peu de stress), ou d’ampleur croissante, au point que le complice s’est plaint de la douleur (beaucoup de stress). Après le debriefing qui a suivi, le groupe du niveau élevé de stress a ressemblé au groupe de stress peu élevé et ce, en termes de vitesse de pouls, de plaisir rapporté et de volonté de prendre part dans de pareilles expériences à l’avenir. Ils ont dépassé le groupe de stress peu élevé en termes de stimulation rapportée, tout en pensant qu’ils avaient appris quelque chose d’important sur la psychologie et eux-mêmes.

En conclusion, que doit-on dire au sujet de la duperie? Tout d’abord, Dre Maurer affirme que sa propre recherche ne laisse aucun doute dans son esprit qu’elle constitue de façon certaine un sujet très complexe. La duperie a de nombreuses dimensions et on peut y avoir recours sur le plan procédural de nombreuses façons. Dre Maurer affirme également que ni l’American Psychological Association, ni la Société canadienne de psychologie (SCP) ne donnent des règles de conduite adéquates en ce qui a trait à la duperie et au debriefing approprié. Il faudrait déployer des efforts considérables pour créer une politique claire quant au recours à la duperie. En outre, ces questions d’éthique doivent être prises en compte lors de la formation des psychologues en psychologie expérimentale.

Discussion

Q Est-ce que ce type de recherche sur la duperie nécessite une spécialisation particulière de la part des psychologues? Le cas échéant, quel est le rapport entre cet intérêt pour la duperie et le recours à des techniques spéciales par les services du renseignement pour obtenir des informations?

R. Nous ne devons pas oublier que la duperie a de nombreux visages. Il y a probablement 95 % des psychologues qui mènent des recherches sur les adultes humains qui ont recours à la duperie ou à la manipulation dans leurs études. Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, ce sont les militaires qui réalisaient les recherches sur la duperie, mais cette recherche n’avait pas une grande influence sur la recherche universitaire. Par contre, Dre Maurer ne pense pas que la recherche sur la duperie répondait à des besoins militaires ou gouvernementaux.

Q Quelle est la valeur de la justification à l’égard de l’utilisation de la duperie comme façon d’obtenir des renseignements? Et dans quelle mesure est-il possible que les sujets ne soient pas gênés par le fait qu’on les ait trompés?

R. Les justifications utilisées par un grand psychologue sont triples :

  • c’est la seule façon d’obtenir les renseignements;
  • il n’y a aucun tort permanent qui résulte de la duperie;
  • l’objectivité est compromise lorsque le sujet est informé de la variable qui va être mesurée.

Dre Maurer réitère que le point de vue des participants ne correspond pas toujours aux prévisions. Cependant, on ne peut conclure que les participants ne s’objectent pas à faire l’objet d’une duperie en se basant sur les trois études auxquelles elle a fait référence plus tôt. Encore une fois, le debriefing est un facteur important dans la réaction des participants lorsqu’ils sont mis au courant de la duperie.

Q Est-ce que la section 2.4 de l’Énoncé de politique autorisant un CER à autoriser le recours à une divulgation partielle ou à la duperie suffit pour véritablement permettre ce type de recherche? Qu’y a-t-il de plus à apprendre de cette méthode?

R. Cette section va probablement évoluer avec le temps. Il y a beaucoup d’éléments qui dépendent de la signification que nous accordons à la duperie et à la divulgation partielle, et sur le fait de savoir si l’omission fait partie de la signification de duperie. Y a-t-il autre chose que l’on peut apprendre? Il est très important de connaître les conditions dans lesquelles les récits de souvenirs lointains sont crédibles, mais cela modifierait le comportement des sujets de leur communiquer les détails importants de l’expérience, et compromettrait par conséquent la valeur scientifique de l’étude. Plus la définition est inclusive, moins il y a de place pour le recours à la duperie; plus la définition est restrictive, plus il y a de possibilités de recourir à la duperie.

Q Si on réalisait l’étude de Milgram aujourd’hui, serait-elle approuvée par la plupart des CER?

R. Dre Maurer s’est également posée cette question et n’était pas certaine de la réponse à y donner. Elle espère qu’elle ne serait pas approuvée.

N.B. — Dr Derevensky constate que l’étude de Milgram soulève rarement des discussions sur l’éthique. Les personnes qui s’intéressent à l’étude de Milgram se concentrent habituellement sur ses résultats. Si on ne met pas en pratique et si on n’enseigne pas l’éthique, et si l’étude de Milgram était ramenée aux données factuelles qu’elle a produites, les questions d’éthique ne seraient pas absorbées par les étudiants.

Dre Maurer ajoute que les psychologues spécialistes en psychologie expérimentale ne font pas un bon travail pour ce qui est de l’enseignement — tout ce qu’elle sait au sujet de l’éthique, elle l’a appris par osmose avec son superviseur.


Professeure Dorothy Counts
Professeure d’anthropologie, Université de Waterloo

Professeure Counts présente son exposé en soulignant la collaboration de ses collègues anthropologues à qui elle a demandé des suggestions quant aux préoccupations d’éthique qu’elle devrait aborder au cours de la présente fin de semaine de réflexion. Son exposé vise à résumer leur rétroaction, mais elle attire également l’attention sur certaines de ses propres préoccupations. Il serait surprenant de ne pas trouver un élément d’éthique dans un programme d’anthropologie de premier cycle ou de deuxième cycle. L’éthique est étroitement reliée à la recherche en anthropologie. En raison de la façon dont les anthropologues font leurs recherches, ils sont peut-être plus préoccupés par l’enseignement de l’éthique à leurs étudiants que les autres disciplines. On peut toujours découvrir de la malhonnêteté et, lorsque c’est le cas, ce n’est pas seulement la crédibilité du chercheur qui est en cause, mais aussi la profession d’anthropologue.

Il est important de savoir que les défis sur la plan de l’éthique auxquels sont confrontés les anthropologues dépendent des caractéristiques propres à la recherche en anthropologie — dont deux seront abordées ici :

  • observation participative;

  • recherche à long terme.

Ce que l’on appelle observation participative, c’est une procédure en vertu de laquelle les anthropologues vivent effectivement parmi les gens qu’ils étudient et participent pleinement à leur vie quotidienne. Certains anthropologues sont même admis dans le cercle familial de la collectivité au sein de laquelle ils travaillent. Du fait qu’on leur accorde un statut social particulier dans la collectivité, ils assument certaines obligations vis-à-vis de leur groupe et bénéficient des droits de ce groupe. Bref, il y a une compréhension réciproque entre le chercheur et la collectivité en ce qui concerne les droits et les responsabilités. Par conséquent, on s’attend à ce que le chercheur donne quelque chose à la collectivité en échange de sa participation à l’étude. À titre d’exemple, mentionnons la recherche du Dr Stan Barry (University of Guelph) réalisée au sujet d’un groupe néo-nazi dans le sud de l’Ontario. Le groupe a accepté sa présence parmi eux. En outre, on lui a permis de recueillir des renseignements, mais la condition était que sa recherche constitue une tentative de fournir des explications raisonnables pour leur comportement inacceptable sur la plan social. Selon les membres de ce groupe, la connaissance est la première étape vers le dialogue. Ils croient qu’ils sont ostracisés uniquement en raison de l’ignorance de la société.

Pour ce qui est de la qualité à long terme de la recherche en anthropologie, Dre Counts affirme qu’il s’agit d’un phénomène récent et répandu. Lorsqu’elle a commencé ses travaux en 1966, peu de gens avaient effectué de la recherche à long terme. Parmi les collègues qu’elle a connus au cours de la dernière décennie, la plupart sont retournés au moins deux fois pour des périodes prolongées dans les collectivités qu’ils avaient étudiées. La recherche d’un anthropologue sous-entend un rapport à long terme avec une communauté de gens. Comme c’est le cas pour toute bonne relation humaine, elle fait appel au respect et à l’empathie.

Les anthropologues ont ouvert de nombreux secteurs de recherche partout dans le monde et le contexte de la recherche est très naturaliste. Dans une version antérieure de l’énoncé de politique, nous avons défini ce contexte naturaliste comme suit : « [g]énéralement non perçu comme établi pour le seul et principal objet d’effectuer de la recherche ». La conséquence immédiate de ce contexte est un environnement dans lequel tous les participants partagent le contrôle, par opposition à ce qu’il soit contrôlé uniquement par le chercheur. Cela pave alors la voie à des variables et à des événements imprévus et imprévisibles. Dre Counts se rappelle de s’être rendue dans diverses collectivités dans le but de créer un répertoire de légendes et de contes folkloriques. En raison d’une situation imprévue qui présentait un risque pour l’équipe de recherche, elle a plutôt mené une recherche tout à fait différente à la demande d’une collectivité qui était aux prises avec la violence familiale. Cette situation a soulevé plusieurs questions : que devaient faire les chercheurs? Devaient-ils laisser passer cette magnifique possibilité et revenir chez eux parce que leur protocole initial d’éthique n’était plus pertinent? Cela va sans dire, un contexte naturaliste et une recherche à long terme nécessitent une bonne dose de souplesse de la part des anthropologues qui veulent mener à terme leurs recherches.

Quels sont les principes d’éthique sur lesquels les anthropologues s’entendent? Deux principes fondamentaux sont :

  • la recherche effectuée ne devrait entraîner aucun tort et, si possible, devrait avoir une incidence positive;

  • on ne devrait pas réaliser de recherche clandestine.

Bien que les principes en soi semblent très simples et directs, les problèmes apparaissent dès qu’une interprétation intervient. Que signifie « ne faire aucun tort »? Habituellement, un anthropologue accordera la priorité « aucun tort  » à des particuliers plutôt qu’à des groupes. Mais comme l’illustre l’article de Cynthia Keppley Mahmoud1, le désir de comprendre parfaitement une collectivité sous-entend parfois d’être témoins d’actes de violence qui ne devraient pas être excusés. Ce qui est encore pire, même si les anthropologues ne veulent pas que leur recherche entraîne un tort, cela peut se produire de façon imprévisible. À titre d’exemple, mentionnons l’événement qui a conduit au premier énoncé d’éthique de l’American Anthropological Association. Au début des années 70, un groupe d’anthropologues a entrepris une recherche en Thaïlande. Les autorités gouvernementales ont donné la permission de réaliser cette recherche, mais uniquement à la condition qu’une certaine sorte de données d’apparence inoffensive soient recueillies et leur soient remises après coup. Les anthropologues étaient loin de savoir que les données qu’ils avaient recueillies serviraient aux militaires — thaïlandais et américains — pour bombarder les villages, empoisonner les approvisionnements d’eau et exécuter des leaders. Existe-t-il des lignes directrices en matière d’éthique qui pourraient être utiles dans ce genre de situation? L’une d’entre elles consiste à prendre les mesures appropriées pour que les données ne tombent pas dans les mauvaises mains pour les mauvaises raisons, même si cela signifie éventuellement l’annulation d’un projet de recherche donné.

Qu’en est-il de la prétention que la recherche devrait avoir une incidence positive? C’est difficile à mesurer. Il ne s’ensuit pas nécessairement immédiatement après la recherche qu’un bien a été fait, tout comme il n’en résulte pas nécessairement une richesse commensurable. Le rapatriement de la culture est l’un de ces biens intangibles. Mais encore une fois, la situation peut être très complexe. Il se peut qu’une collectivité donnée, pour des raisons d’honneur et de dignité, ne veuille pas que les diverses données recueillies par les anthropologues soient rendues publiques chez elle. La protection de l’anonymat soulève une autre sorte de problème d’éthique et a également ses effets néfastes. L’anonymat en soi ne constitue pas une façon absolue de protéger des données délicates. Il y a des façons insoupçonnées d’apprendre ce qu’une personne veut véritablement apprendre. Lorsqu’il est question du principe de bien et de mal, les anthropologues doivent se sensibiliser aux nombreuses possibilités — peu importe la probabilité — d’un terrible écart entre leur intention initiale et la réalité. Ainsi, le folkloriste Bruce Jackson donne à juste titre l’avertissement suivant : « Pensez à l’utilisation qu’on pourrait faire de ces données plus tard, pensez à ce que vous ressentiriez si on utilisait vos paroles dans ce sens, puis prenez la décision en conséquence. Si vos données incluent des points qui pourraient causer du tort aux gens, alors vous ne devriez pas les déposer dans une archive sur laquelle vous n’exercez aucun contrôle ». Les responsabilités déontologiques des anthropologues se projettent dans le temps.

Le principe selon lequel aucune recherche clandestine ne doit être effectuée stipule que chacun doit savoir qui est l’anthropologue, pourquoi sa recherche est effectuée et de quelle façon elle doit se faire. Voici un extrait du serment de la Society for Applied Anthropology :

[A]ux personnes que nous étudions, nous devons dévoiler les objectifs, méthodes et subventionnaires de notre recherche. La participation des gens à notre recherche doit se faire uniquement sur une base volontaire et éclairée. Nous devons fournir tout au long de notre recherche et dans nos publications subséquentes un mécanisme pour maintenir la confidentialité des personnes que nous étudions. On doit informer les personnes que nous étudions des limites probables de la confidentialité et on doit leur promettre un degré plus grand de confidentialité que ce à quoi on peut s’attendre de façon réaliste dans le contexte juridique actuel de nos pays respectifs. Nous devons dans la mesure de nos connaissances divulguer tout risque important qui pourrait résulter de nos activités pour les personnes que nous étudions.

Le manque de divulgation ne paie jamais et un grave abus de confiance aura fort probablement pour résultat l’impossibilité de poursuivre la recherche et l’éviction du chercheur de la collectivité. Un grave abus de confiance peut même mettre la vie du chercheur en danger. Mais même sans aller aussi loin, de graves problèmes peuvent découler de l’étude d’une collectivité. Le fait de collaborer à la politique des Trois Conseils a permis à Dre Counts de réaliser que la légitimité est problématique. Il y a une nécessité de clairement déterminer qui a le droit de parler au nom d’une collectivité et qui a l’autorité de donner la permission à un anthropologue d’étudier une collectivité donnée.

Elle cite le cas d’une anthropologue qui a accepté d’aider une collectivité à composer avec les différends politiques mettant en cause les autorités provinciales, à la demande spéciale de cette collectivité, et qui a voyagé jusqu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée en vertu d’un visa de touriste parce que sa demande de recherche avait été refusée par les autorités provinciales.

En apprenant les activités qu’elle menait auprès de la collectivité, les autorités l’ont expulsée du pays, lui ont interdit de revenir et ont décrété un moratoire sur la recherche anthropologique pour une période indéfinie.

Cet incident a des répercussions négatives non seulement sur sa carrière, mais aussi sur d’autres anthropologues qui ont travaillé en Océanie. Finalement, les autorités l’ont blâmée.

De toute évidence, il s’agissait d’une recherche clandestine. Les autorités gouvernementales avaient le droit de connaître ses activités de recherche. Mais cela ne signifie pas qu’elles peuvent à raison prétendre parler au nom de la collectivité auprès de laquelle l’anthropologue voulait travailler.

On s’attend à ce que les chercheurs respectent les règles politiques du pays d’accueil, mais qu’arrive-t-il si le pouvoir politique ne respecte pas les normes d’éthique?

Que doit-on déduire de toutes ces considérations? D’abord, la réalité nous donne amplement d’espace pour les deux principes fondamentaux de recherche en anthropologie : ne faire aucun tort; ne faire aucune recherche clandestine.

Deuxièmement, la recherche en anthropologie est assurément caractérisée par son contexte nativiste et le rapport qui en résulte entre le chercheur et les collectivités qui sont étudiées. Voici les recommandations formulées par Dre Counts :

  • Les projets de recherche en anthropologie devraient être évalués par des pairs. Même les chercheurs dans d’autres disciplines qui prévoient effectuer une recherche ethnographique du type observation participative devraient envisager de demander à un anthropologue (officiellement ou non) d’examiner leurs procédures sur le plan de l’éthique.

  • Les projets de recherche devraient préciser des moyens concrets assurant qu’aucun tort ne sera causé ainsi que garantir la prépondérance des avantages sur les risques de même que rassurer qu’il n’y aura aucune recherche clandestine.

  • On devrait demander aux chercheurs de démontrer qu’ils ont la permission des autorités compétentes d’effectuer leur recherche. En l’absence d’autorités compétentes, les chercheurs devraient indiquer de quelle façon ils feront connaître aux collectivités le travail qu’ils comptent effectuer ainsi que la façon dont ils peuvent fournir une rétroaction.

Q À votre avis, dans quelle mesure est-il nécessaire ou utile d’élaborer une politique d’éthique commune pour deux disciplines qui sont aussi étroitement reliées que la psychologie et l’anthropologie? Le cas échéant, de quelle façon est-ce que cette politique peut composer avec le fait que la duperie peut être nécessaire en psychologie alors que la malhonnêteté est contraire à l’éthique en anthropologie?

R. Tandis que les lignes directrices du CRSH en ce qui concerne la recherche chez les humains ont bien fonctionné dans le cas de la recherche en anthropologie et étaient approuvées par la SCA, il n’est pas évident que l’Énoncé de Politique conviendra aux exigences de la recherche en anthropologie — qui est caractérisée par des procédures uniques. Cette situation peut expliquer certaines des tensions à la base du nouvel Énoncé de Politique. La psychologie et l’anthropologie sont des disciplines passablement différentes; par conséquent, leurs problèmes d’éthique sont différents. Il est trop simple de considérer les questions d’éthique en recherche comme chevauchant les sciences humaines et sociales et les sciences biomédicales. C’est parce que les enjeux éthiques peuvent varier même au sein des sciences humaines et sociales.

Q Y a-t-il une limite de temps quant au contrôle des données par le groupe qui fait l’objet de l’étude? Si oui, à quel moment est-ce que la collectivité n’a plus le contrôle des données?

R. On essaie de plus en plus, à mesure que les gens deviennent plus alphabétisés, de présenter la teneur et les conclusions de la recherche à la collectivité à des fins de rétroaction. La capacité d’atteindre ce niveau de collaboration varie en fonction du niveau d’accès que la collectivité a en ce qui concerne l’information ainsi que de la capacité du chercheur de traduire l’information dans la langue autochtone de la collectivité.


Professeur Chris Armstrong,
York University
Recherche en histoire de l’économie et des affaires (achat et vente de valeurs mobilières)

Pourquoi est-ce que les spécialistes de la recherche historique ne tiennent invariablement pas compte des lignes directrices en matière d’éthique dans le recours à des humains?

Le professeur Armstrong évoque d’abord quelques questions découlant des politiques en matière de recherche de York University. Certaines questions portent sur le profil des participants, par ex., l’âge, le sexe, le statut social ; d’autres sont davantage orientées vers les méthodes, par ex., ce que l’on demandera aux participants de faire, l’endroit où se déroule l’étude, les stimulus, les documents. On s’attend à ce que les chercheurs fournissent des réponses précises.

Les sujets humains représentent un grand éventail pour ce qui est de l’âge, du statut social, etc. Le professeur Armstrong a déjà reçu une subvention du CRSH afin de mener une étude sur l’histoire de l’évolution du marché des valeurs mobilières au Canada depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à 1980. Lorsqu’il a amorcé sa recherche, il s’est rendu compte qu’un certain nombre de personnes qui avaient joué un rôle important dans le marché des valeurs mobilières au Canada, principalement au cours de la période après la Seconde Guerre mondiale — notamment des courtiers, des avocats, des fonctionnaires, des membres d’organismes de réglementation — étaient toujours en vie. Il a alors communiqué avec un certain nombre de ces personnes et les a interviewées. Un homme de 84 ans, qui avait fait partie d’un organisme de réglementation et qui avait également été un courtier, a été interviewé et il a fourni un certain nombre de photos historiques. En retour pour avoir accepté d’être interviewé, on a montré à cet homme les chapitres du livre dans lesquels son nom était mentionné.

Le professeur Armstrong donne l’exemple de l’un de ses candidats au doctorat qui travaille sur l’incidence des projets hydroélectriques sur la population Crie autochtone du nord-ouest de l’Ontario. Selon le professeur Armstrong, ce candidat au doctorat a rencontré des difficultés dans sa quête d’appui pour sa recherche lorsqu’il a répondu à un questionnaire produit par la Faculté des études supérieures. Il a omis de répondre à la section portant sur les participants humains de sorte que la Faculté des études supérieures lui a renvoyé le questionnaire lui enjoignant de répondre à la section oubliée. Le professeur Armstrong a dû alors signer la déclaration suivante : « Moi-même et les deux autres membres du comité de supervision, à notre avis, croyons que la recherche relative au mémoire susmentionné, tel qu’il est indiqué dans la proposition, représente un risque minimal pour les personnes participant à la recherche ». Le professeur Armstrong parle d’un autre candidat au doctorat qui effectuait une recherche portant sur la fin du XIXe siècle et qui a décidé de rédiger une étude historique sur une beignerie faisant partie d’une chaîne. Lorsqu’il a modifié le sujet de son mémoire, il a commencé à interviewer des gens dans des beigneries; cependant, il n’a pas remis le questionnaire d’examen des participants humains, même si on lui a fait parvenir plusieurs rappels.

Pourquoi est-ce que certains historiens ne tiennent invariablement pas compte des lignes directrices en matière d’éthique régissant le recours à des sujets humains? Lorsque les historiens ont des données écrites, orales ou graphiques au sujet de personnages historiques, ils les considèrent différemment de la façon dont les spécialistes des sciences humaines et de la médecine considèrent les sujets participant à leurs expériences. Les historiens n’utilisent pas le mot « sujet »; ils font référence aux personnes au sujet desquelles ils écrivent comme étant des « objets ». La compréhension a priori est qu’ils ne sont pas « vulnérables ». Les interviewés ont toujours le droit de préciser les renseignements qu’ils sont prêts à partager et qu’ils ne veulent pas que l’on rende publics. Lorsqu’ils sont contre-interrogés par un historien bien informé, ils peuvent se débrouiller. Évidemment, une partie des règles du jeu est de faire admettre aux participants des choses qu’ils ne voudraient probablement pas communiquer autrement. Mais c’est quelque chose qui peut être fait et qui représente un risque minimal pour les participants.

Les historiens ont d’ailleurs un point de vue différent pour ce qui est des renseignements personnels. Le droit au libre accès à l’information semble faire obstacle au droit à la vie privée. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les chercheurs ne sont pas autorisés à divulguer certains renseignements sans avoir signé un accord en vertu duquel ils précisent qu’ils utiliseront ces renseignements uniquement lorsque les identificateurs personnels auront été supprimés. Le problème est que la réglementation sur la protection des renseignements personnels rend obligatoire l’élimination des identificateurs personnels pour certains types de renseignements et rend même obligatoire la destruction des documents. Il en résulte donc qu’un très faible pourcentage des renseignements peut être consulté. Selon l’Archiviste national du Canada, le Canada conserve environ 5 p.cent des documents produits par le gouvernement fédéral. En Suède, ce pourcentage est beaucoup plus élevé. De façon générale, les historiens supposent que la seule façon de connaître la vérité sur des événements est par les archives, documents, lettres et entrevues. De ce point de vue, la protection des renseignements personnels est perçue comme un obstacle à la vérité. Par exemple, Statistique Canada estime que les résultats manuscrits du recensement — qui représentent une source particulièrement précieuse de renseignements sur les Canadiens — devraient être fermés pour une période de 100 ans et qu’ils ne devraient être ouverts qu’après le décès d’une personne ou, sinon, qu’ils devraient être fermés à tout jamais. Une telle situation crée un véritable problème pour les historiens de l’ouest du Canada qui s’intéressent à l’analyse socio-économique des immigrants européens arrivés pour la première fois dans l’ouest du Canada uniquement en 1911. Autrement dit, la recherche à l’égard de cette population ne pourra commencer qu’en 2011. Mais il y a des situations urgentes où cette information devrait être recueillie plus tôt.

La Loi sur le droit d’auteur est un autre obstacle pour les historiens. Elle soulève des préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels ainsi qu’à l’utilisation sur la plan de l’éthique des renseignements. Supposons qu’un chercheur a reçu une lettre-réponse d’un interviewé. Il n’est pas facile de déterminer avec précision la teneur ou le nombre d’idées de cette personne que le chercheur peut reproduire. Bien que le milieu universitaire n’ait pas tenu compte de la pertinence de ces préoccupations, les historiens sont plutôt récalcitrants à l’égard de ces préoccupations, et la plupart estiment que les lignes directrices ne s’appliquent pas à eux. Mais il n’est pas clair si l’on devrait laisser l’histoire orale et l’utilisation de documents historiques uniquement au jugement du praticien.

En résumé, les historiens font habituellement preuve de scepticisme quant à la notion que les révélations qui sont faites puissent être considérées comme une invasion grave de la vie privée des gens ou qu’elles représentent un risque réel au bien-être des sujets en cause. Ainsi, le professeur Armstrong fait les suggestions suivantes :

  • Les CER devraient comprendre des personnes provenant de plusieurs disciplines. S’il y avait un plus grand nombre de personnes, alors les CER pourraient être pris plus au sérieux.

  • On devrait élaborer des lignes directrices générales qui créent un consensus plutôt que des lignes directrices détaillées qui essaient de tenir compte de tous les problèmes possibles découlant de chaque discipline.

Q Est-ce que l’élargissement des lignes directrices sous-entend que la recherche historique ne devrait pas être considérée comme de la recherche? Si oui, est-ce que la recherche historique peut en toute légitimité éviter les CER?

R. Les historiens sont passablement candides pour ce qui constitue de la recherche. Par le passé, les méthodes de recherche ne posaient relativement pas de problèmes étant donné que la recherche historique voulait dire qu’on consultait des archives et lisait des documents. La technologie a rendu les questions beaucoup plus complexes : les bandes, les sons et les images font maintenant partie de ce que nous considérons comme étant des preuves historiques. Une approche subjective peut être préférable à une approche objective. En d’autres mots, il est beaucoup plus facile de définir ce qu’est un chercheur que ce qu’est la recherche. Un chercheur est une personne qui, en plus de consulter les preuves historiques, essaie d’en tirer des généralisations défendables sur le plan intellectuel.

SÉANCE DE L’APRÈS-MIDI

Président : Fernand Roberge, Comité exécutif, CNÉRH

Éducation

Professeur Jeffrey Derevensky
Université McGill, département de psychopédagogie et de psychologie de l’orientation

La première caractéristique de la recherche pédagogique est qu’elle est relativement nouvelle au Canada. Cette nouveauté est le produit d’un changement radical de notre perception du rôle de l’enseignement universitaire. Par le passé, les professeurs étaient principalement des enseignants, des personnes très orientées vers la pratique dont la principale préoccupation était d’enseigner la façon d’enseigner. Cet aspect pédagogique est toujours très important, mais les professeurs d’université sont maintenant plus intéressés à la recherche, aux processus et aux applications. Une autre caractéristique est le facteur de la faisabilité au plan économique. La plus grande partie de la recherche pédagogique contemporaine n’est pas financée, étant donné qu’elle se déroule principalement dans les salles de classe. Cette situation soulève d’ailleurs des questions particulières en matière d’éthique. La notion de « client » est quelque peu obscure d’un point de vue pédagogique. Le professeur Derevensky croit que l’on doit accorder plus d’attention à ces questions, quoiqu’il est convaincu que peu de ses collègues accordent de l’importance à l’éthique de la recherche. Une autre question en matière d’éthique est soulevée lorsque les conclusions des chercheurs ne sont pas conformes aux politiques des commissions scolaires. Est-ce que les résultats devraient être rendus publics? La plupart des collègues du professeur Derevensky estiment qu’ils ne causent aucun tort, que le fait de passer devant un CER cause du désagrément et qu’il est insultant de se faire poser des questions sur sa recherche. Il y en a beaucoup qui sont contrariés lorsqu’un CER leur retourne un formulaire d’éthique incomplet. De façon générale, ces formulaires sont renvoyés parce que le comité estime que le formulaire n’apporte pas suffisamment de précisions pour permettre aux parents de donner un consentement éclairé. Cependant, la plupart des chercheurs dans le domaine de la pédagogie ont un engagement vis-à-vis des personnes qui font l’objet de l’étude et vis-à-vis de leurs besoins. Même les chercheurs qui réalisent une recherche de base croient fermement à ce principe.

La prémisse sous-jacente à la recherche pédagogique est que la recherche devrait être faite dans le but d’acquérir des connaissances. Cette recherche de connaissances peut prendre l’aspect soit de connaissances fondamentales, soit de connaissances appliquées. Dans le domaine de la pédagogie, cette solution de rechange est toutefois controversée. La plupart des commissions scolaires ne sont pas en faveur de la recherche fondamentale. Si elles estiment qu’il n’y a aucune application qui découle directement de cette recherche fondamentale, elles ne l’autoriseront pas sur leur territoire administratif. L’autre problème est le rapport d’équilibre requis entre l’argent investi dans la recherche par les commissions scolaires et les avantages de la recherche. Les écoles demandent toujours combien de temps cette recherche prendra. Une autre prémisse est que le consentement éclairé se fonde sur une compréhension des enjeux en cause et du risque éventuel. Lorsqu’on demande à des enfants de donner leur consentement, nous devons nous assurer qu’ils comprennent les répercussions possibles, même si on demande aux parents de signer le formulaire de consentement. Les droits de la personne à la vie privée, à la confidentialité et à l’anonymat sont présumés. Les chercheurs ont également une obligation envers la population desservie. En outre, il y a des contraintes particulières qui ont trait à la recherche pédagogique. La première est l’obligation de demander le consentement des parents lorsque la recherche nécessite la participation d’enfants ou d’adolescents. Le chercheur doit s’assurer que les parents qui acceptent de laisser participer leur enfant à la recherche forment un échantillon représentatif de l’ensemble des parents.

Une autre préoccupation est la portée générale des résultats. Aux États-Unis, la recherche pédagogique est exempte de l’examen éthique si elle est réalisée dans des contextes pédagogiques établis ou généralement acceptés mettant en cause des pratiques pédagogiques normales telles que:

  • la recherche en tant que stratégies ordinaires et particulières d’enseignement pédagogique;

  • la recherche sur l’efficacité de techniques d’enseignement, de programmes d’études ou de techniques de gestion de salle de cours, ou une comparaison entre de tels éléments.

Dans ces contextes, le consentement des parents ou le recours au CER ne sont pas nécessaires. Surgit alors la question de l’objectivité d’une telle recherche. Est-ce que les chercheurs enseignants ont l’objectivité nécessaire pour examiner les résultats d’une façon efficace? Ont-ils des intérêts à défendre? De nombreuses études de recherche pédagogique ont démontré que lorsque l’innovation en matière de programme d’études se fait grâce à des enseignants volontaires, les cinq ou dix enseignants choisis dans une école pour évaluer l’efficacité des programmes d’études trouvent habituellement des résultats positifs. Lorsqu’on reproduit l’étude sur une plus large échelle, les résultats sont moins encourageants. Les autres enseignants ne partagent pas le même enthousiasme, ne bénéficient pas du même support et diffèrent quant à leur intervention éducative. La question éthique est que ce contexte ouvre la porte à toutes sortes de sur-généralisations fondées sur un échantillon sélectif, non représentatif des participants à l’étude.

On retrouve des lignes directrices beaucoup moins restrictives dans le domaine de la recherche pédagogique que dans d’autres disciplines. Bien que tous s’entendent pour dire qu’il devrait y avoir une lettre de consentement dans le cas des personnes de moins de 18 ans, peu accordent de l’attention à l’intelligibilité (quel langage devrait-on utiliser?) de cette lettre ou à sa précision. Il n’est pas conforme à la déontologie d’autoriser ou de mener une recherche non valable sur le plan méthodologique. Par conséquent, le professeur Derevensky suggère que l’on examine les questions scientifiques, en plus des questions d’éthique. À cette fin, il recommande que l’on mette sur pied des comités qui travaillent avec les CER pour évaluer le mérite scientifique des projets de recherche.

Il reste également l’immense problème de l’anonymat qui, sur le plan pratique, signifie que l’on doit stocker adéquatement les renseignements audio et vidéo recueillis lors de la recherche et en déterminer la propriété et l’utilisation. Est-ce que d’autres recherches pédagogiques peuvent réutiliser les données? Si oui, est-ce que l’on doit obtenir à nouveau le consentement des parents? En règle générale, les organismes gouvernementaux donnent les fonds nécessaires pour la recherche, mais un grand nombre de chercheurs obtiennent leur financement d’organismes extérieurs et d’établissements de jeux (p. ex., Loto Québec, qui est axée sur les jeunes). Dans un tel cas, à qui appartiennent les données et qui devrait être en mesure de les utiliser? Est-ce que les données peuvent être remises aux médias? Quel contrôle ont les chercheurs sur ce qui est communiqué? Qu’advient-il des questions délicates et des groupes vulnérables?

Les chercheurs du domaine pédagogique, les CER et les commissions scolaires sont particulièrement sensibles à la sécurité des enfants. Certaines études nécessitent des activités physiques exigeantes de la part des enfants. Comment pouvons-nous nous assurer qu’aucun tort ne leur est causé? Si leur participation entraîne leur absence de la salle de classe, que doit-on faire des enfants qui ne peuvent participer du fait que leurs parents n’ont pas donné leur consentement? S’ils doivent assister à une journée de classe ordinaire, est-ce que cela ne ressemblerait pas à une punition?

Tous ces problèmes d’éthique en matière de recherche sont endémiques au contexte pédagogique, et il n’existe aucune réponse claire et définitive. Selon le professeur Derevensky, la recherche pédagogique est dans une zone grise du point de vue de la science. Par conséquent, il recommande fortement que les mandats des CER soient renforcés d’une composante scientifique. En ce qui concerne les commissions scolaires, elles doivent se familiariser davantage avec les lignes directrices en matière d’éthique pour la recherche et on devrait leur donner une aide pour produire des lignes directrices liées à la recherche. Enfin, il est important de souligner la nécessité pour les chercheurs de faire tant de la recherche de base que de la recherche appliquée dans les écoles, étant donné que la recherche de base produit de la matière pour la recherche appliquée.

Q Un sujet qui est souvent soulevé dans les sciences de la santé publique est le problème de déterminer si la recherche interfère avec le temps alloué précisément aux activités normales. Est-ce qu’on rencontre ce problème dans d’autres disciplines? Si oui, est-il nécessaire d’obtenir une autorisation sur le plan de l’éthique?

R. En effet, cela représente une question litigieuse que les commissions scolaires et les chercheurs dans le domaine de la pédagogie doivent examiner. À l’Université McGill, il est obligatoire pour les étudiants de deuxième cycle d’inclure un formulaire d’autorisation d’éthique — signé par le CER de la faculté — pour leur mémoire. Cette question peut ne pas sembler importante pour les étudiants de deuxième cycle qui pourraient répondre ce qui suit : si les commissions scolaires ne sont pas préoccupées d’une interférence avec les activités normales, alors ils (les étudiants) n’ont aucune raison de s’en inquiéter. De toute évidence, il est nécessaire de favoriser des liens plus étroits avec les commissions scolaires.

Q Comment est-il possible pour un chercheur pédagogique, qui effectue une recherche en salle de classe, de ne pas observer les enfants dont les parents n’ont pas signé le formulaire de consentement?

R. Il ne fait aucun doute que la recherche par observation soulève des questions très complexes auxquelles il ne semble y avoir aucune réponse définitive. Cette question de méthodologie fait actuellement l’objet de discussions par les présidents de CER. À ce jour, on n’a mis sur pied aucun comité de révision scientifique. De nombreux chercheurs sont convaincus que leur recherche ne causera aucun tort et, en conséquence, ils estiment que les CER sont une source d’ennuis. La situation serait pire si les CER commençaient à examiner la valeur scientifique de la recherche. Une autre préoccupation souvent exprimée par les chercheurs est le temps « gaspillé » à l’obtention de l’autorisation d’éthique et de l’autorisation scientifique. Il est à la fois intéressant et important de tenir compte de ces questions au niveau universitaire, mais il est probablement encore plus important de le faire au niveau de l’école — afin de donner à ces écoles l’expertise nécessaire pour composer avec certaines de ces questions d’éthique.

Q Les enfants et les parents sont, et ont toujours été, vulnérables en ce qui concerne la recherche pédagogique. Étant donné que les études se traduisent par la suite en changements dans les programmes d’enseignement, diriez-vous que les enfants et les parents sont devenus de plus en plus vulnérables à divers programmes politiques?

R. Oui, c’est effectivement le cas. Si une commission scolaire décide que la pédagogie X n’est plus souhaitable, les parents tout comme les enfants n’ont vraiment aucun choix, si ce n’est d’accepter la nouvelle pédagogie Y. Mais les chercheurs peuvent également être vulnérables. Il se peut que leurs constatations ne soient pas conformes aux politiques des écoles. Même si le chercheur accepte de ne pas publier ses données, elles sont toujours disponibles en bibliothèque et, par conséquent, facilement accessibles à la consultation. Cette dernière peut même déboucher sur des occasions de publication. Cependant, cela peut mettre les chercheurs dans une situation difficile. En effet, les commissions scolaires peuvent empêcher les chercheurs d’entrer dans les écoles.

Q Quelle est la différence entre une recherche subventionnée et une recherche non subventionnée?

R. La valeur méthodologique d’une recherche subventionnée (qu’il s’agisse du CRM, du CRSNG ou du CRSH) est toujours évaluée de façon rigoureuse. Toutefois, le CRSH, tout en s’assurant qu’un certificat d’éthique a été accordé par le Comité d’éthique de la recherche de l’université (CERU) dans le cas d’un projet de recherche donné, ne vérifie pas la pertinence du formulaire de consentement, ni ne s’assure que l’enfant puisse se retirer de l’étude en tout temps sans répercussion pour lui. Le CRSH suppose tout simplement que le CER évalue de façon méticuleuse les divers aspects du projet de recherche. Mais ce n’est pas toute la recherche qui est subventionnée. De façon générale, la recherche non subventionnée n’a pas à composer avec ce processus de révision.

Affaires et administration

Professeurs Terri Lituchy et James Jans Concordia University

Bien que le professeur Lituchy soit diplômée de l’École de commerce de l’University of l’Arizona, ses activités dans le domaine de l’enseignement sont très étroitement reliées à la recherche sociale. Sa présentation a pour objet de décrire les questions d’éthique qui découlent des diverses recherches dans le domaine des affaires et de l’administration.

La recherche dans le domaine du commerce porte habituellement sur les marchés de valeurs mobilières, les répercussions des changements économiques sur la valeur des REER et diverses possibilités d’investissement. Cette recherche porte également sur la prise de risques par rapport à la prise de décisions et son incidence sur la rémunération des gestionnaires. En ce qui concerne la recherche en matière de commercialisation, elle se concentre sur les ventes, la publicité et le comportement des consommateurs. La recherche dans le domaine de l’administration porte sur le comportement organisationnel et la gestion des ressources humaines — deux domaines étroitement reliés à la psychologie. Par exemple, des projets de recherche porteront sur des questions telles la motivation, le stress, le travail par quart, les questions psychologiques au niveau de la personne ou du groupe — le tout dans un contexte organisationnel. Parfois, la recherche dans le domaine de l’administration comporte un aspect sociologique et porte sur des questions telles la planification stratégique, la privatisation et la planification dans les petites et moyennes entreprises. Les systèmes d’information de gestion ont trait à des questions qui pourraient également avoir certaines applications en systèmes informatiques, c.-à-d., Internet, intranet, différents logiciels. Ces outils aident les gestionnaires à prendre des décisions. En ce qui concerne la gestion de la production des opérations (GPO), les intérêts sont également techniques. La GPO porte sur la conception des emplois et l’exploration de divers moyens de concevoir le mobilier de bureau. Les personnes qui participent à la recherche sur des humains n’ont rien à voir avec la recherche dans le domaine des finances ni la recherche dans le domaine de la comptabilité. Toutefois, un certain nombre des projets de recherche ont inclus des entrevues, des sondages et des composantes expérimentales. Mais il y a beaucoup de recherches sur des humains en gestion de la commercialisation. Les affaires chevauchent souvent d’autres domaines, c.-à-d. les sciences sociales, le génie, les sciences médicales et la sécurité (GRC). Les projets de recherche exigent habituellement que des sujets humains participent aux enquêtes, questionnaires ou entrevues. L’administration a fréquemment recours à des simulations et à des jeux de rôle pour savoir dans quelle mesure certains produits sont conviviaux.

Selon Dre Lituchy, les personnes qui se trouvent dans des écoles d’administration ne semblent pas très préoccupées par les questions d’éthique. Elles supposent que leur recherche ne causera aucun tort, aucune coercition ni aucune duperie. Par exemple, elle connaît une personne dans le département des finances d’une université qui prétend n’avoir jamais eu un seul problème avec le comité d’éthique. Pourtant, cette personne a dû aller dans des salles de classe pour demander à des étudiants de participer à une étude. De toute évidence, cela constitue de la coercition. D’ailleurs, l’une des phrases dans la lettre de consentement de ce chercheur ne laisse aucun doute quant à la présence de coercition :

  • [l]a recherche ne sera pas réalisée dans le cadre du cours, quoiqu’une petite période de temps de classe (10 à 15 minutes) puisse servir à demander des étudiants bénévoles.

Le fait de consacrer de 10 à 15 minutes dans le seul but de demander à des personnes de participer à une étude semble excessif. Les chercheurs ont également interviewé des cadres supérieurs de divers paliers gouvernementaux sans obtenir un formulaire de consentement écrit de leur part tout simplement parce qu’ils estiment que ce n’est pas nécessaire dans les circonstances. Mais les comités d’éthique dans le domaine de la recherche croient sans l’ombre d’un doute que c’est nécessaire.

De façon générale, les membres de la faculté d’administration et de commerce ont un problème en ce qui concerne les comités d’éthique. Ils estiment que les membres d’un comité d’éthique qui ne font pas partie d’écoles commerciales ne comprennent effectivement pas la spécificité de la recherche dans ce domaine. On peut même soutenir que cette assertion ne s’applique pas uniquement à ces écoles; d’autres facultés ont exprimé des plaintes semblables. Une question d’éthique particulière à la recherche dans le domaine des affaires est la définition que nous attribuons à « fin de l’étude ». Lorsque le formulaire de consentement énonce que les participants peuvent se retirer de l’étude en tout temps, est-ce que cela signifie qu’ils peuvent reprendre leur feuille de réponses à l’enquête, même une fois qu’ils l’ont transmise? Ou est-ce que cela signifie qu’ils peuvent se retirer en tout temps avant que l’enquête ne soit terminée? Il semble raisonnable de prétendre que si les données peuvent être facilement récupérées — c.-à-d. si les enquêtes n’ont pas encore été codées et informatisées — alors un participant qui ne serait pas à l’aise dans le cadre de l’enquête devrait pouvoir se retirer de l’étude. Cependant, ce genre de raisonnement pratique ne tient pas compte des promesses faites par les responsables de l’enquête dans la lettre de consentement. Si l’anonymat est garanti aux participants, alors on ne peut pas, quelles que soient les circonstances, leur retourner leur questionnaire étant donné que l’absence d’étiquette d’identification sur les questionnaires empêche le responsable de l’enquête de déterminer l’identité du participant. (On peut toutefois prendre note qu’étant donné que le numéro de télécopieur de l’expéditeur figure toujours sur les feuilles envoyées par télécopieur, l’anonymat de l’expéditeur est sérieusement compromis.) Le principe à la base de ce raisonnement est que la participation finit dès que la participation du sujet est terminée. Une fois que les questionnaires sont remplis et envoyés, la participation des sujets à l’étude a officiellement pris fin. Cependant, la recherche n’est pas terminée tant qu’elle n’a pas été publiée.

Un autre problème intéressant est la mesure dans laquelle on devrait insister pour dire au participant qu’il peut se retirer en tout temps au cours de l’étude. Les chercheurs en psychologie, en science de l’exercice et en pédagogie prétendent qu’on devrait insister beaucoup sur ce point. Cependant, les gens d’affaires croient que le droit de se retirer est bien évident et n’a pas besoin d’être souligné. À leur avis, ils ont affaire à des adultes (la plupart d’entre eux étant des chefs de direction) qui sont capables de décider s’ils doivent ou non remplir un questionnaire et s’ils doivent ou non l’envoyer par la poste. Pourquoi devrait-on préciser qu’ils peuvent ne pas tenir compte du questionnaire et le mettre à la poubelle s’ils le veulent? Mais le CRSH a toujours insisté pour dire que le consentement écrit qui autorise de façon non équivoque le retrait est préférable et qu’on ne devrait obtenir le consentement verbal que dans des circonstances exceptionnelles. Ces dernières, qui peuvent ne pas être communes dans la plupart des disciplines, semblent très communes en ce qui concerne les recherches en affaires. Par exemple, un chercheur a constaté qu’il était difficile d’obtenir la signature de propriétaires d’entreprises représentant des groupes minoritaires. Ils accepteraient d’être interviewés et même que leurs propos soient enregistrés, mais ils refuseraient de signer le document, même si on les assure qu’il demeurerait confidentiel. Étant donné qu’ils sont très jaloux de leur anonymat, il semble que si l’on précisait avec grande insistance qu’ils peuvent se retirer, ils refuseraient alors tout simplement de participer. Certains chercheurs acceptent qu’on énonce des exigences minimales en fonction des codes d’éthique; c.-à-d. que le droit qu’ont les participants de se retirer devrait être tout simplement énoncé.

Un dernier problème est le fait de savoir si la lettre d’accompagnement devrait ou non mentionner quoi que ce soit au sujet de la source de financement de l’étude. En sachant qu’une étude est subventionnée, des gens pourraient penser qu’ils sont en quelque sorte obligés d’y participer.

Dans l’ensemble, les personnes dans les écoles commerciales estiment que la nature de leur recherche n’est pas bien comprise par les CER. Cette situation les fait se sentir indûment persécutées. Il semble que l’on perçoit les comités d’éthique strictement pour ce qui est de leur minutie, et rarement pour ce qui est de leur sagesse — qui est de contribuer à la qualité de la recherche. Pouvons-nous régler ces problèmes de communication? On ne peut pas les expliquer tout simplement du fait de la pluralité des antécédents universitaires; le facteur primordial est plutôt que les chercheurs en affaires semblent posséder une compréhension réductionniste de l’expression « recherche scientifique ». Par conséquent, ils ne considèrent pas leurs activités comme ayant quoi que ce soit à voir avec les lignes directrices en matière d’éthique s’appliquant à la recherche scientifique chez l’humain. C’est pour cette raison qu’il est essentiel d’adopter le nouvel Énoncé de politique des Trois Conseils en ce qui concerne la recherche en affaires et en administration. Grâce à cette politique commune, personne ne pourra se soustraire aux obligations en matière d’éthique uniquement parce qu’il estime que « cela ne s’applique pas vraiment à lui ».

Q Est-ce que l’on tente d’éduquer les étudiants de deuxième cycle en affaires au sujet des aspects déontologiques de la recherche pertinente à leur domaine?

R. Cela fait maintenant partie de l’enseignement dans presque tous les programmes de sorte que les étudiants de premier et de deuxième cycles sont exposés à la nécessité d’incorporer l’éthique dans la recherche. Dans les écoles commerciales, au premier cycle, il y a des cours précis dans le domaine de l’éthique qui sont obligatoires. Outre ces cours, on intègre l’éthique à la gestion, à la commercialisation, aux finances et à la comptabilité. Cependant, l’éthique en matière de recherche ne fait pas partie du programme d’études du deuxième cycle. Par contre, les étudiants apprennent à remplir les formulaires de protocole de recherche afin d’obtenir un certificat d’autorisation en matière d’éthique.

RAPPORTS DES GROUPES DE TRAVAIL

Les porte-parole des divers ateliers partagent les résultats de leurs délibérations au sujet de la question suivante :

Comment devrions-nous étendre nos services aux différentes communautés de recherche à des fins d’éducation?

Groupe Un : Janet Storch, porte-parole

  1. Le mandat du CNÉRH dans son rôle d’éducation doit être établi clairement.

    1. Ce mandat doit être compris et accepté par les milieux scientifiques;

    2. La légitimité et les capacités du CNÉRH doivent être reconnues par les milieux scientifiques.

  2. Le principal rôle du CNÉRH devrait être de mettre en valeur l’Énoncé de politique des Trois Conseils.

  3. De concert avec les regroupements disciplinaires et les corps professionnels, le CNÉRH devrait élaborer et diffuser un plus grand nombre de documents en matière d’éducation concernant l’éthique et l’éthique en recherche.

  4. Le CNÉRH devrait établir des liens avec les CER partout au Canada et éduquer ces derniers.

Groupe Deux : Joseph Kaufert, porte-parole

  1. On devrait faire savoir aux milieux de la recherche qu’au lieu d’être « coulé dans le béton », l’Énoncé de Politique des Trois Conseils est un document évolutif qui n’enlève pas leur pertinence aux lignes directrices propres à chaque discipline. Le conseil doit reconnaître qu’on continuera d’avoir besoin de codes plus précis pour ce qui est des questions d’éthique et de méthodologies propres à certaines disciplines.

    On doit également reconnaître que les collectivités concernées, telles les Premières nations, ont élaboré leurs propres codes et lignes directrices et qu’elles les mettront en application. Ces documents peuvent constituer les cadres du processus décisionnel. Les collectivités, y compris les Premières nations, seront de plus en plus les « gardiennes » de la réalisation de la recherche.

    1. Notre journal Communiqué et notre site Web devraient continuer d’être nos outils de communication; cependant, d’autres mécanismes tel le parrainage d’initiatives visant à collaborer avec les collectivités concernées par l’interprétation des lignes directrices sont importants. Des ateliers régionaux pourraient constituer un mécanisme de communication de renseignements au sujet des lignes directrices.

  2. VI. Pour que les visites sur place aient une fonction éducative, on devrait ajouter à la Politique des Trois Conseils une annexe comportant des documents d’appui. On pourrait utiliser la base de données pour fournir une impression de processus qui permettrait aux chercheurs de comprendre l’évolution du document.

Groupe Trois : Kathy Glass, porte-parole

  1. Pour promouvoir l’acceptation de l’Énoncé de Politique des Trois Conseils, les trois conseils de recherches devraient faire parvenir des lettres à tous les présidents et vice-présidents de la recherche dans les universités, ainsi qu’à d’autres collectivités concernées, appuyant l’Énoncé de politique.

  2. Pour réaliser notre mandat, un registre devrait être mis au point pour consigner des renseignements détaillés au sujet des collectivités que le CNÉRH doit desservir.

  3. Le CNÉRH devrait porter assistance aux CER qui rencontrent des difficultés pour régler un problème donné. En outre, il devrait mettre sur pied un réseau de communication pour permettre aux gens de partager leurs expériences et de discuter de solutions aux problèmes et différends.

Groupe Quatre : Carole Guzman, porte-parole

  1. Le CNÉRH devrait être un lien entre les conseils de recherches et les sociétés savantes, ou entre les conseils et les universités.

Groupe Cinq : Daphne Maurer, porte-parole

  1. Étant donné que le CNÉRH participe à la mise en œuvre de l’Énoncé de Politique des Trois Conseils, il devrait y avoir une forme d’approche coopérative visant les conseils donnant des subventions et le CNÉRH.

    1. Le CNÉRH devrait avoir une plus grande visibilité.

    2. On doit déterminer si le CNÉRH doit assumer un rôle de leadership ou un rôle de conseil.

  2. Les questions d’éthique soulevées par la recherche ne devraient pas uniquement être portées à l’attention des CER et des dirigeants d’universités, mais aussi à celle des chercheurs par l’intermédiaire des ordres professionnels, des sociétés savantes, de l’ACPU, etc.

  3. Pour trouver une solution à la question de crédibilité du CNÉRH et au postulat « vous ne nous comprenez pas » de la part de certains chercheurs, on recommande de demander aux leaders des disciplines de participer à la conception d’un programme éducatif.

SÉANCE DU SOIR

Mise en œuvre et suivi du processus d’examen d’éthique : questions et défis

Présidente : Carole Guzman, Présidente, Comité sur les communications et l’éducation, CNÉRH

L’objet premier de la fin de semaine de réflexion était de permettre aux participants d’élaborer des façons de mettre en œuvre l’Énoncé de Politique des Trois Conseils. Dr Bernard a précisé différents défis, mais a aussi ouvert un créneau intéressant pour nous, qui nous a sensibilisés au caractère unique de l’initiative du Canada dans l’élaboration d’une politique interdisciplinaire. Ce travail d’avant-garde pourrait en bout de ligne permettre au Canada de jouer un rôle de chef de file en ce qui concerne l’éthique dans le domaine de la recherche. Nous avons entendu de nombreuses préoccupations propres aux sciences sociales. Lors des séances d’extériorisation, nous avons eu la possibilité de partager nos points de vue sur le rôle éducatif du CNÉRH et de discuter des stratégies que l’on devrait utiliser pour promouvoir l’Énoncé de Politique des Trois Conseils. Le moment est maintenant venu de penser à la façon dont l’énoncé de politique devrait être mis en œuvre et suivi.


Qui révise les examinateurs? Questions reliées à la mise en œuvre et au suivi du nouvel énoncé de politique.

Dr Gordon Crelinsten, Président, Comité sur l’évaluation, CNÉRH

Il y a quelques années à Montréal, un sujet participant à une recherche est décédé lors d’une intervention non thérapeutique à faibles risques qui ne comportait aucun avantage éventuel pour lui. Le projet ainsi que les renseignements divulgués lors du processus de consentement éclairé ont fait l’objet d’un examen et ont été acceptés par un comité d’éthique en recherche dans un centre hospitalier universitaire de Montréal. Lorsque ce cas a été soumis aux tribunaux, un tribunal a statué que le CER avait preuve de négligence en acceptant le protocole tel que présenté. Quoiqu’il était extrêmement rare qu’un décès survienne à la suite de l’intervention proposée, la divulgation de ce risque ne faisait pas partie du processus de consentement éclairé. Le tribunal a jugé qu’une personne raisonnable à qui on demande de participer à une recherche non thérapeutique ne comportant aucun avantage éventuel personnel devrait être mise au courant de tous les risques matériels graves, si rares soient-ils, afin de faire un véritable choix éclairé.

La recherche touchant des sujets humains est un privilège spécial accordé par la société et comporte une responsabilité considérable pour assurer la sécurité et le bien-être du sujet participant à la recherche. L’importance de cette recherche est enracinée dans la nécessité reconnue de faire progresser la connaissance. Les CER ont le devoir d’évaluer en toute objectivité les protocoles de recherche en ce qui a trait aux lignes directrices, principes et critères reconnus d’éthique en matière de recherche. La recherche n’est pas sans risque, non seulement pour la santé et la sécurité de la personne, mais aussi pour la protection de renseignements confidentiels, et pour les croyances, coutumes et structures sociales des collectivités. Elle peut également présenter un risque pour l’intégrité personnelle et professionnelle des experts cliniques ainsi que pour le bien public en général. En raison de la complexité, de l’importance et de la responsabilité de la tâche, il convient de se demander : qui révise les examinateurs? Nous devrions être en mesure de répondre à cette question une fois que nous aurons répondu aux questions suivantes :

  • Pourquoi la question est-elle importante?

  • Qu’est-ce qu’un récent instantané de l’examen d’éthique dans le domaine de la recherche au Canada nous indique?

  • Quels sont les modèles qui nous permettent d’établir la conformité de l’examen ou des règles relatives à l’examen?

  • Où nous dirigeons-nous maintenant?

Pourquoi la question est-elle importante? L’entreprise de la recherche au Canada est une préoccupation croissante. La recherche de nouvelles connaissances, le développement d’esprits de recherche compétents et inquisiteurs, la nécessité de mettre au point de nouvelles techniques, la nouvelle technologie et les nouveaux produits pharmaceutiques ont fait se multiplier les recherches dans les établissements universitaires et commerciaux partout au pays. Chaque protocole doit faire l’objet d’un examen et les demandes sans cesse croissantes en matière de temps et de personnel sont immenses. Il n’y a pas seulement un coût rattaché à l’examen éthique, il faut une expertise que l’on ne peut pas supposer intrinsèque à la personne, mais qui nécessite plutôt des connaissances, des compétences et une formation. Les comités d’éthique en recherche se composent de personnes à qui on demande d’interpréter la pertinence déontologique — et dans une certaine mesure, scientifique — de la recherche. La société met l’accent sur la responsabilisation de l’interaction humaine. Par conséquent, il semble juste que l’efficacité, l’efficience et la conformité de chaque comité d’éthique en recherche soient ouvertes à un examen.

Voici un instantané du fonctionnement des comités d’éthique en recherche dans 16 facultés de médecine au Canada, fondé sur une étude de trois ans réalisée par un groupe de travail du CNBRH. Dans la plupart des institutions, il y avait plusieurs CER. Dans une seule institution, on en a compté plus de 30. De façon générale, la communication entre les CER était médiocre; dans certaines, il n’y en avait pas. Le partage d’expériences peut être important dans le domaine de l’éthique parce que, fréquemment, les problèmes identifiés par un CER ont été résolus ou au moins rencontrés par un autre. Les mécanismes visant à consigner l’activité des CER, à faire appel des décisions des CER, à examiner les essais décentralisés et à évaluer le mérite de protocoles concurrentiels variaient considérablement au sein des institutions et entre elles. La composition des CER ainsi que la disponibilité de protocoles d’enseignement pour les experts cliniques et les membres des CER variaient également beaucoup. Ce qui est encore plus important, l’interprétation de certains aspects des lignes directrices en matière de recherche était très différente. Le suivi actif de la recherche en cours brillait par son absence.

Y a-t-il des modèles qui peuvent nous permettre d’établir la conformité de l’examen ou des règles d’examen? Nous pouvons prendre à titre d’exemple un document intitulé Éléments de réflexion sur la surveillance du contrôle éthique de la recherche chez les sujets humains au Canada, produit par Louis-Nicolas Fortin et Thérèse Leroux à la demande du CNBRH. Une visite officieuse sur place peut aider à déceler les points forts et les points faibles d’un système, mais il s’agit là néanmoins d’un faible examen. Au contraire, le Conseil canadien de protection des animaux a mis sur pied un programme d’évaluation fondé sur le mécanisme de visites obligatoires sur place, déterminées à l’avance, dans un cadre formel d’examen. L’avantage de ce système est qu’il permet l’élaboration de critères stricts et uniformes que l’on peut vérifier et évaluer en ce qui concerne leur conformité. On pourrait mettre sur pied un système semblable à celui qui est utilisé pour accréditer les établissements de santé. Un tel système prévoit des procédures établies d’évaluation en vertu desquelles une institution se fait accorder un certificat attestant qu’elle répond aux normes ou critères déterminés à l’avance. Ce système d’accréditation doit également être reconnu par les milieux scientifiques.

Le modèle américain est prescriptif : il met en application le respect des règles et par conséquent accorde des pouvoirs et fonctions d’enquête ainsi que la capacité d’imposer des sanctions sévères et exécutoires. L’avenir et ce qu’il réserve à la société exigent une reconnaissance renouvelée de la place de l’éthique et de l’examen sur le plan de l’éthique dans toutes les disciplines où on effectue des recherches scientifiques auxquelles participent des sujets humains. Cette reconnaissance ferait appel à un système d’examen d’éthique pratique, imaginatif et efficace, fondé sur des valeurs et des connaissances uniformes, et qui est redevable et ouvert à l’examen et à la vérification.

Comment peut-on y parvenir? Les comités d’éthique en recherche doivent se rendre compte que les gouvernements, les organismes qui donnent des subventions et le public exigent de plus en plus que l’on rende des comptes dans tous les aspects du comportement social. Et cela inclut la recherche. On doit mesurer le rendement, analyser les résultats et créer des normes. Le premier niveau d’examen réside au sein de chaque CER. Le CER doit compter sur des données exactes, pertinentes et clairement définies qui représentent ses activités et qui peuvent servir à mesurer et à évaluer son rendement. C’est possible uniquement avec l’établissement d’indicateurs de rendement qui serviraient de guides pour contrôler, évaluer et améliorer la qualité de l’examen d’éthique. À titre d’exemple, la capacité de reconnaître les répercussions contraires de la recherche rapidement et la capacité de mettre en place des mesures correctives peuvent être évaluées. Si chaque CER est vraiment déterminé à assurer la sécurité et le bien-être du sujet participant à la recherche ainsi que la promotion d’une bonne science, alors des normes structurées peuvent aider à assurer que ces objectifs sont atteints. Une norme est un énoncé de bonne pratique qui permet d’évaluer la conformité. Une norme représente des exigences qui doivent être satisfaites et elle vise la réalisation de valeurs. Voici quelques exemples de normes élaborées par des comités d’éthique cliniques dans des hôpitaux qui pourraient fort bien s’appliquer à tous les CER :

  • Les fonctions d’un programme d’éthique en milieu hospitalier (CER) sont clairement définies par un énoncé de mission ou des politiques écrites.

  • La structure et les règles de fonctionnement des CER telles que définies par l’énoncé de mission et des politiques précises assurent l’équité et la responsabilisation des personnes qui ont recours aux services des CER.

  • Un CER évalue et examine ses services. Chaque membre d’un comité d’éthique complète dans un délai approprié, p. ex., une année, l’éducation nécessaire pour fonctionner comme un membre efficace et averti du comité. Chaque membre participe à un programme de formation continue pour tenir à jour ses connaissances et compétences.

  • Des professeurs désignés qui doivent avoir les connaissances appropriées ou la formation dans leur domaine de compétence enseignent aux membres des CER. Ces professeurs doivent également démontrer leur capacité d’enseigner dans ces domaines.

Le temps d’une approche de laissez-faire en ce qui concerne les comités d’éthique est depuis longtemps révolu. On doit s’attendre à une certaine forme de supervision réglementaire parce que les activités des comités d’éthique s’appliquent de plus en plus directement aux droits des personnes. La supervision réglementaire permet aux CER de continuer à prendre des décisions qui mettent en valeur et protègent la liberté et la dignité humaines. L’Énoncé de Politique des Trois Conseils peut être considéré comme une série de normes créées par des pairs et qui peuvent constituer un excellent cadre pour l’évaluation uniforme du rendement des CER. En outre, les CER locaux pourraient l’utiliser pour adapter et créer leurs propres normes en fonction desquelles se ferait l’évaluation. On ne peut ignorer les avantages de recourir à une politique nationale :

  • C’est économique et cela nous évite des efforts.

  • On gagne accès à des normes qui ont été fructueuses par le passé.

L’inconvénient de recourir à une politique nationale est que cette dernière peut, à l’occasion, ne pas se prêter aux circonstances locales, ce qui pourrait entraîner une perte de crédibilité et d’engagement vis-à-vis de cette politique. Par conséquent, le CER doit être créatif et établir des normes qui reposent sur des valeurs socioculturelles. L’approche la plus fructueuse pour établir des normes fait habituellement intervenir un mélange minutieux et motivé d’expérience pratique et théorique. Des lignes directrices publiées assurent un fondement théorique et on peut acquérir une expérience pratique en travaillant dans le cadre du CER.

La question « Qui révise les examinateurs? » est importante en ce qui concerne les CER. Les membres des CER font partie d’un processus extrêmement sérieux qui exige excellence et responsabilisation. Les CER devraient être capables d’autocritique et accepter l’examen par les pairs.

Discussion

Q. Comment peut-on empêcher que le penchant quantitatif prenne le dessus?

R. La norme n’est pas nécessairement quantitative. Par exemple, la capacité de l’institution d’avoir une conversation intégrée ainsi que le niveau de dévouement et d’engagement de la part des membres des CER ne peut se mesurer que sur le plan qualitatif. Comment devons-nous procéder? Peut-être que nous pourrions nous fier à une norme structurelle par opposition à une norme de fonction ou de résultat? Un groupe officiellement normalisé de profanes et de spécialistes intéressés à ces questions et toujours disponibles pourrait être en mesure de mettre en œuvre ces mesures qualitatives. L’Énoncé de Politique des Trois Conseils (et d’autres lignes directrices ou une expérience pratique) pourrait très bien constituer une ressource permettant d’établir ces standards.

Q Étant donné que « l’expérimentation » ne signifie pas nécessairement une recherche à laquelle participent des êtres humains, ne serait-il pas préférable d’énoncer comme suit la première question posée par Dr Crelinsten? : Est-ce que l’examen officiel de l’éthique associé à l’expérimentation sur des humains est suffisamment important en soi pour exiger une approche normalisée? Et est-ce que la question ne supposerait pas que l’importance exige une approche normalisée?

R. L’expérience sur des humains est une approche qui nous vient du modèle biomédical et on aurait fort bien pu l’énoncer comme une recherche touchant des sujets humains. On peut probablement utiliser les deux expressions indifféremment, mais la véritable question ici semble être de savoir si une approche normalisée constitue ou non un outil approprié. Le défi relevé par les trois conseils consiste à établir une base commune pour amorcer un dialogue significatif entre des spécialistes de diverses disciplines. On pourrait peut-être utiliser l’expression « transparente et responsable sur le plan public » au lieu de « normalisée »?

Q Étant donné que la mise en œuvre de l’Énoncé de Politique des Trois Conseils sera un processus évolutif et qu’il y aura probablement un débat continu au sujet de certaines questions, est-ce que la normalisation du processus de l’examen d’éthique représente un objectif suffisamment important pour l’avenir immédiat?

R. Il est important d’avoir un processus normalisé. On devrait indiquer d’abord les normes structurelles parce qu’elles sont probablement les plus faciles à mettre en œuvre. Ces normes peuvent s’appliquer de façon universelle à toutes les disciplines. D’autres normes peuvent également voir le jour lors du processus évolutif de l’examen. L’idée est que l’éthique ne devrait pas être considérée comme un fardeau, mais comme faisant partie intégrante d’une bonne science.


Nouveaux défis pour le processus d’examen d’éthique : du point de vue de l’administration d’une université

Ralph Brooke Vice-doyen de la Faculté de médecine, University of Western Ontario

Des codes externes sont nécessaires. Ni l’individu, ni un groupe restreint d’individus ne constituent une entité suffisante pour donner des normes universelles en matière d’éthique. Le processus visant à établir des normes acceptables en matière d’éthique exige une collectivité plus importante. Cette notion a d’ailleurs été très bien saisie dans l’Énoncé de Politique des Trois Conseils. Nous ne devons pas oublier que nous vivons dans un monde en changement. Ce qui était acceptable hier ne l’est plus nécessairement aujourd’hui. Les expériences sur des humains qui se faisaient dans un institut psychiatrique de Montréal ou le problème d’omission dans le traitement de la syphilis chez les Afro-Américains ne seraient tout simplement pas permis aujourd’hui. Pourtant, il y a des gens qui se sont prêtés à ces expériences il n’y a pas si longtemps de cela. Mais les temps ont changé et nous devons reconnaître la nécessité de normes appropriées en matière d’éthique. Ces normes ont également trait aux contextes politiques. Nous savons maintenant qu’un nombre élevé de médecins se sont joints au parti nazi et qu’il y en a un bon nombre qui ont participé à une recherche obscène qui était considérée acceptable selon l’éthique nazie. Bien que le titre puisse indiquer un point de vue typiquement administratif de la part des universités vis-à-vis de l’Énoncé de Politique des Trois Conseils, Dr Brooke précise que ses observations se fondent sur son expérience auprès d’un CER précis en sciences de la santé à l’University of Western Ontario. Ces observations sont également rattachées aux questions suivantes préparées et envoyées par Dr Carpentier :

Discussion

Q1 Quelles sont les répercussions sur le plan des ressources pour les universités, en particulier pour ce qui est du temps consacré par le personnel et de l’argent, et comment seront-elles satisfaites?

R.1 Elles seront très exigeantes. On évalue environ de 500 à 600 protocoles d’éthique chaque année. Ce processus d’évaluation exige beaucoup de temps de la part des membres des CER. Il est déjà difficile de recruter et de garder le personnel qui fait partie des CER. Étant donné qu’il s’agit là de tâches supplémentaires qu’ils devront entreprendre, il sera encore plus difficile de recruter et de garder des gens. On aura également besoin de personnel de soutien additionnel, les chercheurs devront consacrer encore plus d’heures à certaines des exigences et, en conséquence, on devra dépenser plus d’argent. Les universités subissent déjà une grande contrainte financière de sorte que l’argent nécessaire aux coûts résultant de la mise en œuvre du nouvel Énoncé de politique devront venir de secteurs tels les organismes de financement.

 

Q2 Est-ce que l’Énoncé de Politique des Trois Conseils va modifier le rôle des CER et la façon dont ils sont perçus au sein de l’institution? Par exemple, auront-ils plus de crédibilité et de respect?

R.2 Il ne semble pas que les CER seront plus respectés. Au contraire, les chercheurs auront tendance à faire preuve d’une certaine hostilité à l’endroit des CER. Par conséquent, les CER, qui ont jusqu’à maintenant entretenu de bons rapports avec les chercheurs, pourraient perdre ces rapports privilégiés.

 

Q3 Quel soutien devrait-on accorder à une décision prise par un CER? Par exemple, que se passe-t-il si un CER décide de rejeter une proposition de recherche — en particulier si elle est présentée par un chercheur bien connu et bien financé? Quelle attitude est-ce que l’université va vraisemblablement prendre en ce qui concerne les procédures d’appel des décisions des CER?

R.3 Selon son propre point de vue, Dr Brooke indique que les CER n’ont pas fait l’objet de représailles de la part des universités pour avoir décidé que des propositions n’étaient pas conformes aux lignes directrices en matière d’éthique. On a de façon générale trouvé des solutions après en avoir discuté et après avoir mené des négociations. Par conséquent, on n’a pas encore eu besoin d’un comité d’appel. Mais on pourrait mettre sur pied une structure d’appel advenant que l’on ne puisse pas parvenir à une solution. Si un chercheur bien connu se faisait refuser sa proposition, ce chercheur pourrait estimer que sa position au sein de l’université est menacée. L’université pour sa part voudrait probablement protéger sa faculté si elle estimait qu’un chercheur est traité de façon injuste par le CER. Un problème qui pourrait résulter du recours à des CER indépendants est l’érosion des pouvoirs de l’université. Il est assez important que l’université conserve le pouvoir décisionnel parce que le président ou la présidente du CER peut ne pas avoir la maturité suffisante pour s’occuper du problème et peut devoir faire appel à des ressources extérieures.

 

Q4 Y aura-t-il un effet modérateur qui résultera de l’introduction du nouvel Énoncé de politique? Sera-t-il perçu comme faisant obstacle à la liberté de recherche? Quelle sera la réaction des universités?

R.4 Oui, il y aura un effet modérateur. Selon Dr Brooke, les universités auront tendance à s’aligner du côté de leurs chercheurs. Jusqu’à maintenant, le document n’a pas reçu un très grand appui. Nous espérons que cela changera.

 

Q5 Croyez-vous que l’introduction du nouvel Énoncé de politique encouragera selon toute vraisemblance les chercheurs à éviter l’interférence avec l’éthique en matière de recherche? Pensez-vous qu’il les encouragera à tricher de façon à représenter de manière inexacte ce qu’ils veulent faire de façon à ne pas devoir se soumettre à un examen d’un CER?

R.5 Jusqu’à maintenant, le CER à l’University of Western Ontario a été perçu par les chercheurs comme un outil utile plutôt qu’une entrave. Les chercheurs ont même fait parvenir des lettres dans lesquelles ils disaient que les critiques et les observations du CER avaient amélioré à leur protocole de recherche. Cependant, l’Énoncé de politique augmentera l’impression de fardeau que ressentent déjà les chercheurs.

 

Q6 Que peuvent faire les universités pour créer la bonne atmosphère pour les chercheurs afin de leur permettre de s’adapter au nouvel environnement? Comment devraient agir les universités pour éduquer leurs différentes collectivités de recherche quant aux exigences de la recherche en matière d’éthique?

R.6 Les comités d’éthique devraient présenter des séminaires. Si on présente déjà des séminaires, on devrait en présenter davantage. Les présidents et présidentes de comités d’éthique devraient faire des exposés dans le milieu universitaire et le grand public. Étant donné que le travail au sein de comités d’éthique est très exigeant et prend beaucoup de temps, on devrait le reconnaître officiellement au moment d’accorder des promotions et lors de la titularisation. Les présidents et les doyens devraient insister pour que les CER examinent toutes les recherches faisant intervenir des questions d’éthique. Ce processus devrait commencer au niveau des départements.

En ce qui concerne l’Énoncé de politique, il est malheureux que ses versions antérieures aient indisposé et même offensé certains chercheurs dans le milieu universitaire. Bien que des versions plus récentes aient largement atténué cette situation, le climat créé par les premières versions rendra la mise en œuvre d’un document récent plus difficile. Il y avait un climat de secret, de non-partage au début. Bref, il n’y avait pas de communication.

L’énoncé de politique est trop long et cette longueur peut irriter ou même indisposer des gens. Chacun des trois conseils de recherche devrait préparer un résumé du document de travail et insister pour que sa lecture soit obligatoire. Les 10 commandements remplissent à peine une page et ont influencé le comportement en matière d’éthique d’une grande partie du monde civilisé depuis plusieurs millénaires.

Le document cherche peut-être à aborder un trop grand nombre de questions à la fois. Les gens aiment habituellement faire les choses de façon graduelle. Une mise en place graduelle de ces changements pourrait être meilleure. L’insistance sur un tel Énoncé de Politique des Trois Conseils complique les choses. Des sections complètes du document ont trait à un seul conseil. Leur inclusion rallonge le document. Un code unifié ne peut tenir compte de façon satisfaisante de trois domaines de recherche radicalement différents. Rien ne justifie la mise en œuvre d’un seul énoncé de politique. Il est tout aussi facile pour les conseils de contrôler la conformité aux politiques que de contrôler un code. Le fait de passer d’un Code à un Énoncé de politique permet d’apaiser passablement ceux qui se sont opposés au document. Quelles que soient les critiques qui ont été faites par le passé, les universités accepteront l’énoncé de politique révisé dans la mesure où il est court, simple et moins exigeant sur leurs ressources financières déjà minces.

Observations

Dr Last appuie avec vigueur les propos de Dr Brooke. Il fait remarquer que l’une des leçons les plus importantes qu’il a tirées en tant que rédacteur de livres et de magazines spécialisés en médecine est que la concision, la clarté et la lisibilité sont les mots clés. L’Énoncé de politique est beaucoup trop long et contient plusieurs chapitres qui n’ont absolument rien à voir avec les chercheurs œuvrant dans un domaine autre que le domaine biomédical, et peut même ne rien avoir à faire avec un grand nombre de ceux qui œuvrent dans ce domaine. Ces chapitres devraient être mis en annexe où ils pourraient s’adresser aux chercheurs concernés.


Mot de la fin

Dr Henry Dinsdale, Président, CNÉRH

Au nom du CNÉRH je remercie très sincèrement tous les conférenciers et invités. Les résultats de cette fin de semaine de réflexion ont dépassé nos attentes et nous ont donné l’occasion d’échanger d’un partage d’attitudes et d’opinions qui, nous l’espérions tous, allaient être communiquées aujourd’hui. Le CNÉRH publiera un document fondé sur les communications ainsi que les nombreux commentaires utiles et judicieux qui ont été faits. Les points qui suivent visent à résumer la fin de semaine de réflexion.

Paul Bernard a commencé par mettre l’accent sur la nécessité d’élargir la participation des CER dans le processus d’examen d’éthique et sur la nécessité de sensibiliser davantage les gens au sujet de l’éthique. Ce qu’il a dit au départ, et qui a été repris par la suite, c’est que l’éthique devrait véritablement faire partie de la recherche. Il a fait remarquer que la question de vulnérabilité différait souvent d’une discipline à l’autre. En outre, il estimait qu’il était très important de susciter l’engagement des gens au sein des CER et que les gens devraient obtenir le crédit pour le temps qu’ils consacrent à leur CER.

Daphne Maurer a insisté sur la primauté de la personne et a identifié quelques-unes des questions soulevées par la participation des étudiants. Elle a insisté sur l’importance de pouvoir communiquer notre expérience de travail dans un environnement où on cherche à faire participer les étudiants. Elle a mentionné le modèle du cheminement témoin de l’University of Toronto comme étant un bon exemple d’un recrutement d’étudiants conforme à l’éthique. Elle a par la suite mis l’accent sur la question de la duperie. La définition de la duperie comporte différents éléments. Un compte-rendu adéquat qui est donné après toute expérience devrait inclure une description de ces éléments.

L’exposé de Dorothy Counts était d’un grand intérêt pour ceux d’entre nous qui connaissent peu la recherche en anthropologie. La notion d’observation des participants, au cours de laquelle le chercheur devient un élément de la collectivité, fait de toute évidence partie de l’anthropologie. La recherche naturaliste, qui sous-entend le travail dans un contexte qui n’est pas conçu pour la recherche, est peu connue de l’expert clinique dans le domaine biomédical. Son plaidoyer pour de la souplesse en a fait sourciller quelques-uns. Les motifs qu’elle a invoqués pour changer un protocole de recherche approuvé par un CER, en raison d’une tournure imprévisible des événements, sont fort compréhensibles. Quoiqu’il en soit, elle a insisté pour dire qu’on doit considérer l’éthique comme faisant partie intrinsèque du programme d’études en anthropologie. Ce genre de problème et le problème de la recherche clandestine est de toute évidence une question transdisciplinaire qui mérite de plus amples discussions et un débat plus approfondi dans un contexte des CER.

L’exemple tout particulier donné par Chris Armstrong d’un courtier en valeurs immobilières comme sujet humain était fort intéressant. La discussion sur l’utilisation déontologique des renseignements et les répercussions sur le plan de l’éthique de certaines lois sur le droit d’auteur ont aidé à développer une sensibilisation et une sensibilité à ce qui constitue un sujet de recherche. Une bonne recherche historique ne s’arrête pas aux acteurs politiques, qui évidemment sont bien heureux de porter des masques. Compte tenu de ce contexte particulier, de quelle façon est-ce que les historiens devraient mener leurs entrevues pour qu’elles soient conformes aux lignes directrices en matière d’éthique? Les notions de dommage et de malaise comportent certainement une signification différente dans ces circonstances. La liberté de l’information est reliée aux lois sur la protection des renseignements personnels. Cette question soulève d’importantes implications.

Jeff Derevensky nous a appris que la recherche est un fait relativement récent dans le domaine de l’éducation. Il nous a également appris qu’un grand nombre de ses collègues supposent tout simplement que leur recherche se conforme au principe de non-malfaisance. Par conséquent, ils ne voient pas la nécessité d’un examen éthique. Le fait de composer avec des commissions scolaires peut entraîner des problèmes politiques qui compromettent la publication de résultats. Ce récent développement dans le domaine de l’éducation constitue une question particulière pour les CER. Il y a d’autres problèmes : est-ce que les enseignants peuvent être des chercheurs objectifs? Qu’en est-il de l’utilisation de bandes vidéo d’archives? Toutes ces questions sont importantes.

Cependant, la recherche pédagogique n’est pas la seule à ne pas tenir compte des questions d’éthique. Selon Terry Lituchi et James Jans, l’éthique préoccupe peu les chercheurs dans le domaine des affaires et de l’administration. En outre, ces derniers estiment que les CER ne comprennent pas leurs recherches. Cette situation soulève d’ailleurs le problème de la crédibilité des CER. Il y a beaucoup de travail à faire pour développer cette crédibilité. Il s’agit là d’un défi pour les CER. Il était intéressant de constater que le pouvoir décisionnel [la signature des formulaires de consentement] s’arrêtait à la porte des chefs de direction, ce qui soulève également quelques paradigmes intéressants pour la discussion.

La rétroaction de nos groupes cet après-midi a démontré que la mise en œuvre de l’énoncé de politique devra se faire à plusieurs niveaux. À cette fin, on devra faire participer plusieurs groupes :

  • les CER;

  • associations professionnelles;

  • conseils de recherche en partenariat avec les universités.

Malgré les réserves que nous avons entendues, le CNÉRH n’est pas le seul organisme chargé de promouvoir l’Énoncé de Politique des Trois Conseils. Les CER, les associations professionnelles et les conseils de recherche en partenariat avec les universités doivent également y participer. L’éducation est un aspect qui fait partie intégrante de la promotion. À cet égard, la responsabilité première du CNÉRH est de créer un éventail d’outils éducatifs. Ainsi, le CNÉRH  :

  • créera un site Web qui servira de base de ressources;

  • créera une page QFP (questions fréquemment posées et leurs réponses) sur le site Web;

  • créera un forum de discussion ciblé sur les CER;

  • effectuera des visites sur place;

  • publiera des documents.

En donnant l’exemple de la mort d’un sujet de recherche, Gordon Crelinsten nous a rappelé à quel point il était absolument essentiel d’établir des responsabilités dans le domaine biomédical. En même temps, il nous a mis en garde contre la folklorisation des répercussions sur le plan de l’éthique de la recherche dans d’autres types de recherche sur les humains. Son importante évaluation du processus d’examen des CER exécuté par le CNBRH a eu une incidence considérable sur la recherche sur les humains au Canada. Nous ne croyons pas qu’il y ait quoi que ce soit de ce genre qui ait été entrepris dans un autre pays. Nos visites sur place se sont très bien déroulées. Nous avons demandé la permission de visiter plusieurs universités et en fin de compte nous les avons toutes visitées. Étant donné que nos demandes ont été fructueuses, nous avons l’intention de contacter d’autres universités de la même façon respectueuse.

La recommandation du Dr Crelinsten qui veut que la supervision réglementaire des CER en milieu hospitalier soit mise en œuvre — compte tenu de l’incidence considérable de la recherche médicale sur des humains — représente un pas important vers l’intégration de l’éthique de la recherche sur les humains au Canada.

On a également énoncé clairement l’importance de réviser l’examinateur. Il était important de déterminer avec plus de précision ce que l’on entendait par ‘normes’. Les normes font simplement référence aux principes communs. Un processus normalisé est l’application formelle de ces principes communs. Cependant, on ne devrait pas en déduire qu’il s’agit d’un processus rigide. La structure souple permet de nombreuses applications de ces principes communs. Ainsi, les particularités de toutes les disciplines sont respectées.

La comparaison que faisait M. Crelinsten entre la recherche conforme à la déontologie et le statut des statistiques dans le domaine de la recherche il y a quelques années a été très utile. À cette époque, nous avons appris à nous servir d’un statisticien. Maintenant, cela fait partie de la recherche même et nous prévoyons que l’introduction de l’éthique dans la recherche suivra la même voie.

Ralph Brooke a analysé certaines des ramifications pratiques de cet Énoncé de politique et il a fait remarquer qu’il est important que nous nous en occupions au moment de mettre en place cet Énoncé partout au pays. Il nous a également sagement mis en garde quant à la nécessité de garder le processus simple. Cela devrait nous aider à résoudre un certain nombre de problèmes.

En terminant, j’aimerais remercier tous les participants à cette fin de semaine de réflexion. Il ne fait aucun doute que les exposés aideront le CNÉRH et les membres de ses comités au moment de planifier nos activités à venir. Nous sommes maintenant au courant d’un éventail de problèmes dont nous avons l’intention de tenir compte dans notre plan de travail. Par exemple, nous devons examiner attentivement de quelle façon nous réaliserons nos visites sur place. Dans un contexte politique, nous devons être prêts à faire face à l’imprévu. La prochaine année s’annonce donc intéressante pour nous.

Je tiens à féliciter le personnel du CNÉRH, Richard Carpentier, Marvel Sampson et Bernadette Misigaro pour leur esprit d’initiative. Sans leur aide, cette fin de semaine de réflexion n’aurait pas été possible. J’aimerais également remercier Abbyann Lynch d’avoir mentionné le Millcroft Inn comme site de cette fin de semaine. C’est un lieu de réunion magnifique.

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1 Cynthia Keppley Mahmoud, "Asylum, Violence, and the Limits of Advocacy", Human Organization, Vol. 55, no. 4, 1996, pp. 493-498.
2 In a book entitled How to Take the Fog out of Writing by Robert Gunning and Douglas Mueler, the authors suggest a fog index which can be applied to any writing sample, to determine the ease of understanding of what has been written. It is as mathematical formula based on the number of words in the sentences, the number of polysyllabic words and some other measures. The Wall Steet Journal for instance has a fog index of 11; the Atlantic Monthly, 12. These are average scores for this type of document. A score of 15 is considered hight: the Tri-Council Policy document has a score of 16.5.

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